Ice

Un bloc de glace pour se rafraîchir. Il fait très chaud en ce moment à Tokyo, 35 degrés environ. Peut être que fixer la glace pendant quelques instants permettra de se rafraîchir un peu, à moins qu’on ne soit obligé de rêver des montagnes enneigées d’Islande.

Je connaissais les photos d’architecture du photographe danois Kim Høltermand à l’époque où il utilisait Indexhibit. Si je me souviens bien, c’est d’ailleurs son site de l’époque qui m’avait incité à utiliser ce même système de galerie minimaliste pour mes photos de la série Made in Tokyo Series. Il utilise désormais un nouveau système plein écran pour ses photos, notamment une superbe série intitulée Icelands. Il donne un rendu particulier à ses photos, un noir et blanc légèrement orangé qui réchauffe un peu les surfaces enneigées. Son système de galerie n’étant pas des plus pratiques à la navigation, je vous conseille plutôt de visionner son portfolio sur Behance Network. On retrouve la série Icelands, des textures et de l’architecture jouant avec la lumière sur Horten, Black Diamond, Church of the Holy Cross, ou des objets insolites et spatiaux comme la Hyllie Water Tower. En découvrant sa série Seawater Lido, je suis d’ailleurs très supris de constater que Kim Høltermand est l’auteur de la photographie de couverture de l’album de Aufgang. J’avoue que cette couverture de disque m’avait amené à écouter l’album et j’avais beaucoup aimé ce mélange expérimental réussi de piano et de sons électroniques, le tout en pleine tension.

Une voilure et des ouvertures

Une voilure toute en courbe se lie à une colonne vertébrale centrale. Nous étions dans ce bâtiment grandiose pour un spectacle pour enfants et j’ai profité des entractes pour faire un petit tour avec Zoa et en même temps faire quelques photos, de la voilure, des détails des murs… Les yeux avisés auront peut être reconnu l’intérieur du grand gymnase Kokuritsu Yoyogi Kyōgi-jō de Kenzo Tange, le Gymnase Olympique de Yoyogi construit pour les Jeux d’été 1964 à Tokyo. En janvier 2009, j’avais exploré l’extérieur du grand stade sans voir l’intérieur qui était bien entendu fermé. Par contre, profitant d’un événement sportif, j’avais eu la chance de visiter l’intérieur superbe du petit stade. Il faisait sombre à l’intérieur du grand stade mais on pouvait tout de même appréhender la structure de la voilure et son raccord aux deux câbles centraux supportés par les piliers de béton aux deux extrémités du stade.

Sur quelques parois à proximité de l’entrée principale du stade, on peut apercevoir ces drôles d’ouverture sous la voilure. Il s’agit peut être de conduits d’aération. Le mur de béton est percé à plusieurs endroits pour laisser passer ces cylindres de métal qui pointent comme des canons. C’est un design assez radical pour des aérations. Ce stade relève définitivement plus de l’oeuvre d’art que de l’infrastructure sportive. J’avoue que j’aime beaucoup ce genre d’approche.

Pour terminer une vue sur l’entrée, placée dans le décalage des deux demi-cercles formant le stade. J’avais déjà photographié l’extérieur, voici donc l’intérieur. La voilure prend un plis de presque 90 degrés au niveau de l’entrée et du raccord avec les piliers noirs. J’aurais voulu prendre plus de temps pour observer tout ça, mais ce n’était pas non plus le but initial de la visite.

Speaker et altérations urbaines

Cette bouche d’aération d’un bâtiment administratif à Shibuya me fait penser à un haut parleur. Je prends assez peu de photos en ce moment. Peu d’occasions se sont présentées au mois de juin, ainsi qu’une petite perte récurrente de motivation. La saison des pluies qui bat son plein n’arrange rien, bien que l’année dernière, j’avais bien profité de cette saison pour prendre des photos pendant les périodes d’accalmies. C’est en général pendant ces périodes là que je me remets à réfléchir au style de mes photos en me posant des questions: faire de la straight photography comme la grande majorité des photographes amateurs de la blogosphère japon, ou continuer les travaux de montages et compositions photographiques qui construisent un peu plus certainement mon identité. Au final, la réflexion est toujours un peu vaine et je continue mon sillon sans changements majeures. Quand même, j’ai dans l’idée dernièrement de construire des entités, des groupes de quelques photos agencées pour former une entité. Je m’étais essayé avec la petite série Polaris.

En parlant de montages photographiques, on trouve parfois par hasard sur internet des merveilles. Le travail de composition du photographe belge Filip Dujardin est vraiment impressionnant. Il invente des nouveaux visages urbains en créant des buildings improbables, défiant parfois la gravité. Il juxtapose des surfaces et éléments de buildings pour créer des structures complexes, difficiles à comprendre. J’aime beaucoup ce travail d’altération du paysage urbain. Je le pratique aussi à ma façon, sans pour autant atteindre ce résultat. On se prend parfois à rêver que ces bâtiments existent pour le plaisir du photographe.

On reste dans l’irréel avec l’artiste Nicolas Moulin, tout en se déplaçant à Paris, un Paris sans signe de vie, déserté où le rez de chaussée et premier étage des immeubles sont fermés par des plaques de béton. Nicolas Moulin vide la ville et donne à voir un paysage urbain angoissant. On s’interroge également en regardant ces images, on se demande ce qui a pu se produire dans ces lieux, pourquoi tous ces bâtiments ont ils perdus leur fonctions. Est ce que Paris s’est transformée de ville musée en musée-ville? Est ce que l’on prépare la ville à une course automobile intra-muros? Cette série de photographies retouchées sur ordinateur est disponible dans un recueil intitulé Vider Paris. En transposant à Tokyo, on peut penser aux photographies de Masataka Nakano sur le fameux Tokyo Nobody. Sauf que sur ce dernier, la légende dit qu’il n’y a pas de retouches par ordinateur.

Toujours par le même artiste, je découvre d’autres créations encore plus radicales, comme ces formes de bunkers se jetant dans la mer et en extension d’un paysage naturel. Il construit également en images des structures industrielles impossibles. Tout comme les images de Paris, ces constructions sont inquiétantes et fascinantes. Son dossier en pdf nous donne un tour d’horizon de ses créations. Pour revenir aux blocs de béton disproportionnés de ces montages, j’avais cette même envie d’altération de la ville et du paysage en commençant ma modeste série d’immeubles disproportionnés. Mais, j’avoue être vraiment impressionné par la force qui se dégage de ces blocs de béton.

Légèrement oblique

Ce n’est pas facile à montrer en photo, ou plutôt cette photo ne le montre pas bien, mais ce bâtiment et son jumeau juste à côté à Daikanyama sont légèrement obliques. Cela donne un bloc de béton à la forme assez étrange, que l’on a un peu de mal à appréhender. Je ne connais pas l’architecte mais seulement la marque locataire GDC. Ce petit ensemble se trouve juste en face de l’ancien emplacement de la boutique Alexandre Herchcovitch par l’architecte Arthur Casas. Cette boîte à surface changeante (tantôt lames de rasoir, tantôt surface verte et jaune) a en effet disparu, remplacée par un bâtiment blanc quelconque. Espérons une vie un peu plus longue pour les cubes légèrement obliques de Daikanyama.

A Aoyama, la forme du bâtiment blanc ci-dessus me ferait penser à un paquebot sur le départ, si la verdure ne commençait pas à s’étendre et prendre prise pour rattacher le navire au port.

Je suis depuis quelques temps avec beaucoup d’intérêt les photographies d’architecture au Japon de Wakiiii. Son compte flickr commence à bien s’étoffer et ne se concentre pas seulement sur Tokyo. Il montre à travers des photos à la composition toujours assez classique ou formelle, beaucoup de bâtiments de toutes époques à travers le Japon. Et il y a beaucoup de choses intéressantes, que je n’aurais peut être jamais l’occasion de voir, à moins de faire un voyage architecturale à travers le Japon. Wakiiii nous montre notamment des bâtiments d’Antonin Raymond, architecte tchèque installé au Japon pendant de nombreuses années: Divine Word Seminary in Nanzan University à Nagoya ou encore le Gunma music center. Il y a un certain nombre de constructions plus anciennes comme la Villa impériale Katsura à Kyoto, que je souhaitais vivement visiter lors de notre passage à Kyoto il y a de cela quelques années. Malheureusement, il faut réserver longtemps à l’avance pour pouvoir visiter cette merveille. La pagode Aizu Sazaedo à Aizu Wakamatsu (également en photo ci-dessus à gauche) est vraiment particulière et unique avec ce colimaçon extérieur. L’architecture naturelle de Terunobu Fujimori est toute aussi particulière, en photos avec le Lamune Onsen ou la maison-cabanne Takasugi-an. Et il y a beaucoup d’autres belles choses sur les photos de Wakiiii, comme le Kagawa Prefecture Gynasium de Kenzo Tange (ci-dessus en haut), la pyramide renversée de Inter-University Seminar House par Takamasa Yoshizaka (ci-dessus en bas) ou encore le petit sanctuaire conçu par le photographe Hiroshi Sugimoto Go’o Shrine. A visiter en intégralité

Timberize Tokyo (en +)

En complément bref au billet présentant l’exposition Timberize Tokyo au Spiral, cette autre structure très intéressante en bois avec des charpentes qu’on imagine en carton renforcé à la manière de Shigeru Ban (je ne suis pas certain de la composition).

Au mois d’août de l’année dernière pour la série Made in Tokyo 8, j’avais découvert un peu par hasard à Aoyama ce bâtiment de verre et de plaquettes de bois verticales que j’avais trouvé dans le style de Kengo Kuma. En fait, je ne m’étais pas trompé (je suis assez content de moi, je l’avoue) car il s’agit bien d’une création de Kengo Kuma. Il s’agit de wood/berg, une maison individuelle de 1422m2, vraiment impressionnante. On voit quelques photos de l’intérieur sur le site de l’architecte (et deux ci-dessus).

Je suis d’un peu loin le blog BLDGBLOG en ce moment, mais j’ai été attiré par cette utopie aquatique Flooded London 2030, en imaginant ce que cela donnerait à Tokyo. Il s’agit d’un travail d’étudiant de Anthony Lau, imaginant une ville flottante sur la Tamise en 2030, en aménageant en habitations hybrides des anciennes plateformes pétrolières ou des anciens paquebots. Les éléments d’habitation s’interconnectent pour former un réseau au dessus de l’eau. Anthony Lau estime que l’expansion de l’urbanisation et les effets du réchauffement climatique sur la montée des eaux contraindra l’Homme à investir les espaces au dessus de l’eau. Il indique que cette stratégie serait également adaptée à des îles nations comme les Maldives menacés de disparition. Les photos des maquettes présentées sur le compte Flickr de Bldgblog sont particulièrement intéressantes et détaillées. Ce travail de recyclage extrême est à voir en format large, en imaginant un déplacement sur la baie de Tokyo… pourquoi pas.