from daido to the railways

Passage rapide dans le centre de Aoyama pour y apercevoir aux hasards des rues une affiche géante avec une photographie noir et blanc de Daido Moriyama. Il y aurait-il une exposition du photographe en ce moment? L’affiche donne quelques addresses et on comprend vite qu’il s’agit plutôt de boutiques d’une marque appelée Kolor que je ne connaissais pas. Cette appellation Kolor m’avait d’abord fait penser qu’il s’agissait d’une exposition de photographies couleurs de Moriyama. Il s’avère en fait qu’il a plutôt pris des photos pour la collection Automne/Hiver 2021 de cette marque pour un projet appelé 撮 qui veut dire photographier. On peut voir toutes les photographies sur le site web de la marque Kolor et j’imagine que ces photographies sont montrées dans les boutiques à Minami Aoyama, à Omotesando Hills, à Dover Street Market Ginza, au PARCO de Shibuya et de Shinsaibashi à Osaka. Je trouve les photos dans le plus pur style Moriyama très réussies dans l’ensemble, ceci étant dû en partie au physique plutôt atypique des deux modèles photographiés. Certaines photographies utilisent parfois un effet de superposition qui fonctionne bien je trouve. En continuant à marcher, je prends une nouvelle fois en photo des autocollants de rue. On trouve souvent un ou deux autocollants de la marque Supreme dans l’abondance de stickers amoncelés à certains endroits de la ville. C’est le cas sur le petit camion d’un vendeur ambulant sur la troisième photographie, si on y regarde de très près. Je ne suis pas spécialement amateur de la marque Supreme, mais j’avoue que ces trois planches de skateboard posées les unes à côté des autres ont tout de suite attiré mon regard. Je pense bien que personne aurait l’idée de faire du skateboard avec des planches pareilles et qu’elles doivent plutôt être destinées à être accrochées en décoration sur un mur dans un salon. Éventuellement, on pourrait l’utiliser comme support pour poser une guitare, comme le font très habilement certaines. En fait, si je devais accrocher une planche de skateboard dans le salon, ce que Mari ne me laisserait pas faire de toute façon, je préférerais celle décorée des points rouges de Kusama Yayoi, vendue au MoMA Store à l’intérieur du Loft de Shibuya. Les deux dernières photographies du billet nous font sortir du centre nerveux de Tokyo, en partant de la station Fukutoshin de Shibuya dessinée par Tadao Ando en direction des arrondissements périphériques au Nord à la frontière de Saitama. Ce que j’y découvrirais sera le sujet d’un prochain billet.

all the others stand still

Ces portraits d’inconnus sont actuellement affichés sur les palissades de protection métalliques entourant les vieux appartements de Kita-Aoyama voués à une destruction prochaine. Ces photographies ont été prises grâce à un dispositif de l’artiste français JR, connu pour son art de rue conçu à partir de collages de photographies en noir et blanc parfois géantes et agissant souvent en trompe-l’œil. Les portraits affichés ici font partie du projet d’art participatif Inside Out qui s’est développé dans le monde entier. A Tokyo, les photographies ont été prises près d’un bâtiment administratif de Shibuya pendant la période des Jeux Olympiques et se retrouvent maintenant affichées sur ces palissades. J’imagine que chacune des personnes dont on peut voir la photo a préalablement accepté une autorisation d’affichage de son visage. Je me suis moi-même posé la question de prendre ces affiches en photo et de les montrer ici, mais il s’agit de toute façon de photos montrées dans un espace public. Ce concept étant intéressant, je ne résiste pas à l’envie d’entre montrer quelques unes ici. J’y ai vu en photo au moins une personne que je crois reconnaitre. J’ai également aperçu d’autres portraits de personnes que je ne connaissais qu’à travers leurs comptes Instagram. Comme ils y avaient montré leurs portraits, je les ai reconnu une fois sur place (J’ai une très bonne mémoire visuelle). Utiliser les zones de constructions urbaines pour y montrer une expression artistique est devenu assez commun à Tokyo, et c’est une très bonne chose. A Shinjuku, on montrait des photographies de Daido Moriyama autour de la zone de construction d’une nouvelle grande tour de 48 étages de haut dans le quartier de Kabukichō, à l’emplacement de l’ancien théâtre Shinjuku Tokyu Milano. Le passant est en général le spectateur lorsqu’il regarde les photographies affichées sur ces palissades de zones de travaux, mais dans le cas du projet de JR à Kita-Aoyama, on a l’impression que c’est l’inverse qui se produit et qu’il s’agit plutôt du passant que est observé. Les palissades n’étaient pas complètement remplies d’affiches mais elles sont quand même très nombreuses. J’aime assez l’association entre ces affiches et les vieux appartements. C’est comme si on leur donnait un dernier souffle de vie avant une disparition prochaine.

Images extraites de deux vidéos sur YouTube du groupe Black Boboi: les deux premières images proviennent de la vidéo du morceau Ogre et le deux suivantes du morceau Red Mind. La première image montre de gauche à droite Ermhoi, Julia Shortreed et Utena Kobayashi. Sur la deuxième photo, il s’agit du visage blanchâtre du danseur Yuta Takahashi (髙橋優太).

Utena Kobayashi dont je parlais dans un de mes précédents billets fait également partie d’une formation appelée Black Boboi. Deux autres artistes, Julia Shortreed et Ermhoi, complètent le trio de cette formation. Je n’en suis pas complètement certain mais je pense que le chant sur les morceaux de Black Boboi sont interprétés alternativement par les trois membres du trio, mais on a du mal à vraiment distinguer les voix les unes des autres. Le groupe chante en anglais, ce qui est peut être dû au fait que Julia et Ermhoi sont toutes les deux moitié japonaises. Ceux qui suivent très attentivement ce blog jusque dans ses recoins auront déjà vu mentionné le nom d’Ermhoi, car elle est une des voix remarquables du groupe Millenium Parade mené par Daiki Tsuneta. Elle chante sur plusieurs morceaux de leur album éponyme. C’est intéressant de voir des liens que je ne connaissais pas se créer entre des artistes et des groupes que j’apprécie. A croire qu’il y a un dénominateur commun qui les réunis mais que je n’arrive pas à bien pointer du doigt. La musique de Black Boboi est sombre et hantée. Je n’ai pour l’instant écouté que deux morceaux, Ogre sur leur premier EP de 6 titres intitulé Agate et Red Mind sur un EP de 2 titres sorti quelques mois après Agate en 2019. Cette musique est publiée sur le label indépendant BINDIVIDUAL (pour Binding Individuals) créé par Utena. L’écoute de ces deux morceaux se vit comme une expérience sensorielle, notamment grâce aux vidéos pleines de mystères qui accompagnent les morceaux. On y retrouve une ambiance mystique comme sur la musique solo d’Utena Kobayashi, mais les voix du groupe possèdent une clarté franche assez différente de l’univers plus vaporeux d’Utena en solo. Dans la vidéo du morceau Ogre, les trois membres de Black Boboi sont vêtues de toges blanches avec un maquillage également blanchâtre et une marque noire sur les lèvres. On croirait assister à une procession ou à un rite. Un homme seul danse dans ce même décor blanchâtre. Il est également légèrement maquillé de blanc avec des points noirs sous les yeux et des traits près des yeux. Il danse avec des mouvements lents, se tord parfois comme s’il souffrait ou était possédé. Le danseur se nomme Yuta Takahashi (髙橋優太) et il fait partie d’une troupe appelée Engeki-Jikkenshitsu ◎ Ban’yū Inryoku (演劇実験室◎万有引力). Le nom de cette troupe théâtrale est assez étrange car il signifie Laboratoire expérimental de théâtre – Gravitation universelle et le nom de son directeur, Julius Arnest Caesar, est tout aussi étrange. Son vrai nom est Takaaki Terahara (寺原孝明) et il est compositeur de musique de théâtres et de films japonais. Il s’est fait connaitre pour avoir composé les musiques du film d’animation adapté du shōjo manga Utena, la fillette révolutionnaire (少女革命ウテナ) créé par Chiho Saito (さいとうちほ). Je ne connais pas du tout ce manga mais je trouve amusant le lien certainement sans rapport entre le prénom du personnage du manga et le prénom certes inhabituel d’Utena Kobayashi. Mais je m’égare une fois de plus. revenons plutôt vers la musique de Black Boboi et le deuxième morceau que j’ai écouté et beaucoup apprécié, Red Mind. Le morceau en lui-même et sa vidéo sont plus sombres. On y retrouve également une chorégraphie atypique. On devine une souffrance dans les mouvements saccadés de l’homme marchant à l’intérieur d’un tunnel mal éclairé dans cette vidéo. Il ressemble d’abord à un zombie ou à un fantôme mais ces mouvements deviennent de plus en plus rapides, comme s’ils se libéraient au fur et à mesure du morceau sous les incantations verbales répétées des membres du groupe. En plus de la qualité de la partition musicale, ce sont ces voix qui se mélangent et ressemblent à un rite qui deviennent fascinantes écoute à écoute.

dans le musée de Tarō Okamoto

Le numéro Taro & Aimyon (岡本太郎とあいみょん) du magazine Casa Brutus posé en permanence sur la table basse du salon me rappelle à chaque fois que je le vois qu’il faut que je découvre un peu plus les œuvres de Tarō Okamoto (岡本 太郎). Ce n’est pas chose aisée car elles sont éparpillées dans tout le Japon, mais je les découvre au moins en photo en parcourant régulièrement les pages du magazine. Le Tarō Okamoto Museum of Art n’est par contre pas très loin de Tokyo, car il se trouve dans le gigantesque parc de Ikuta Ryokuchi dans la banlieue de Kawasaki (Kawasaki est sa ville de naissance). Le musée montre beaucoup de peintures et de sculptures de Tarō Okamoto, ainsi qu’une exposition temporaire montrant des séries de photographies qu’il a pris au Japon. Le musée est beaucoup plus vaste que le Memorial Museum à Aoyama, que j’ai été voir seul récemment. Nous sommes allés en famille au musée de Kawasaki et je n’ai pas eu beaucoup de mal à convaincre tout le monde d’y aller. Les premières photographies du billet montrent l’imposante sculpture Tower of Mother (母の塔 – Haha no Tō) située à l’entrée du musée. On peut également prendre des photos à l’intérieur assez vaste du musée mais la luminosité me pousse à utiliser seulement l’iPhone.

Image extraite du documentaire sur Tarō Okamoto réalisé par Jean Rouch en 1973 et intitulé Hommage à Marcel Mauss.

Une partie du musée nous montre l’étendue des domaines artistiques dans lequel Tarō Okamoto intervenait. Une vidéo y est diffusée en français avec sous-titrés en japonais sur un petit écran. Je n’avais pas réalisé que Tarō Okamoto parlait français. Il parlait en fait un français presque parfait avec un léger accent. Il a en fait passé plusieurs années à Paris de 1929 jusqu’au début de la seconde Guerre Mondiale pour étudier l’ethnologie au Musée de l’Homme. Ce document vidéo réalisé par Jean Rouch en 1973 est un film de 17 minutes tourné en 16mm et il est également disponible en libre accès sur le site d’archives vidéo du CNRS. Le documentaire prend pour titre Hommage à Marcel Mauss, car il s’agissait du maître de Tarō Okamoto lorsqu’il étudiait l’ethnologie. Mais le vidéo aborde avant tout l’approche artistique de Tarō Okamoto, touchant à tout et ne se limitant pas dans ses domaines d’intervention. Il se déroule dans sa maison et atelier d’Aoyama qui est désormais le Tarō Okamoto Memorial Museum. Pendant cette interview, Tarō Okamoto nous présente et explique certaines oeuvres. On fait un tour de son jardin rempli à raz bord de sculptures ou plutôt de maquettes de sculptures exposées en grand format dans différents lieux, même apparemment à Paris au Bois de Vincennes. Il donne quelques explications sur la Tour du Soleil (太陽の塔 – Taiyō no Tō) de l’Expo de 70 à Osaka, qu’il nous dit être hors de l’esthétique occidentale et japonaise, car il voulait créer un art résolument nouveau qui n’a jamais été fait ailleurs. Il nous parle aussi de ses chaises qui refusent qu’on s’y assoit et de la Temple Bell-Rejoicing (歓喜の鐘), une cloche de bronze qu’il a réalisé en 1965 et qui se trouve dans le temple Kyūkokuji (久国寺) à Nagoya. Il nous explique la création de cette cloche aux 34 cornes qui évoque un mandala s’ouvrant sur l’univers. Sa forme correspond également très bien à une des citations connues de l’artiste: « L’art, c’est l’explosion » (芸術は爆発だ – Geijutsu ha bakuhatsu da). Selon ses dires, elle sonnerait mieux que n’importe quelle autre cloche de temple. Les visions de Tarō Okamoto peuvent être un peu extrêmes, notamment quand il nous parle de l’artiste comme un être solitaire qui ne doit vivre que pour créer. On entrevoit bien dans ce document vidéo le génie malicieux de l’artiste et son excentricité, ne serait ce que dans son regard.

On a passé un bon moment dans ce musée, qui me conforte dans mon appréciation de ces formes et ses couleurs. J’adorerais avoir à la maison une de ses chaises-tabouret de couleur vive sur lequel on ne peut pas s’asseoir. Elle ne sont bien pas à vendre, et je n’ose même pas imaginer qu’elle pourrait être le prix. On pense tout de même un peu de temps dans la boutique du musée. J’y trouve une tasse de café avec une impression de la tour du Soleil et du Black Sun. Elle accompagnera à partir de maintenant mon écriture sur ce blog les matins de week-end.

室町ウォーク❾

Ces photographies prises dans le quartier de Muromachi à Nihonbashi datent un peu, mais sont de nouveau d’actualité en raison du début des Jeux Paralympiques de Tokyo 2020. Ces installations d’art contemporain inspirées par Tokyo 2020 et mises en place à l’occasion des Jeux Olympiques sont celles, regroupées sous le nom Olympic Agora, que je mentionnais dans un précédent billet. Nous n’avions pas eu le temps de les voir lors de notre première visite. La première photo montre une grande structure conçue par Makoto Tojiki évoquant un passage de relai. Sur la troisième photo, les sculptures de Xavier Veilhan intitulées The Audience montre des spectateurs aux couleurs des anneaux olympiques. La quatrième photo montre des photographies de Rinko Kawauchi posées dans un couloir en sous-sol. Ces photographies évoquent le tremblement de terre et le tsunami de 2011 et l’association des Jeux Olympiques de Tokyo avec ces zones impactées tentant de contribuer à l’exercice de reconstruction. Dans les couloirs en sous-sol, il y avait d’autres installations temporaires créées par des anciens athlètes internationaux et inspirées par Tokyo. J’en montre quelques exemples sur les deux dernières photos du billet. A vrai dire, ces installations n’avaient rien de vraiment transcendant et ne m’ont pas laissé d’émotion particulière.

Je ne sais pas si c’est dû à la chaleur estivale mais j’ai beaucoup moins de motivation pour écrire sur ce blog en ce moment et je me force un peu. J’ai en fait beaucoup plus de photos à montrer que de textes à écrire et je comprends maintenant pourquoi j’avais fait une série photographique avec très peu de textes l’année dernière. Il y aurait pourtant des sujets sur lesquels écrire comme cette cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques, le jeu riche en émotions de la petite Yui Wago de 13 ans ou l’intervention improbable du guitariste Tomoyasu Hotei pendant une longue partie du spectacle, jouant l’air de Kill Bill, entre autres, à l’intérieur d’un camion Dekotora. Nous regardons pas mal d’épreuves paralympiques le soir, notamment le wheelchair basketball qui m’impressionne beaucoup et qui est très intéressant à suivre. Tout comme j’avais adoré voir les jeux de passes de Rui Machida dans l’équipe de basket féminine pendant les Jeux Olympiques, je suis maintenant impressionné par ceux de Renshi Chokai dans l’équipe masculine paralympique. Il y a même quelque chose d’artistique dans ses mouvements en chaise roulante.

Côté musique, je reviens vers Spool avec leur nouveau morceau Samenai (さめない) qu’on peut trouver sur Bandcamp (entre autres plateformes). Je me rends compte par la même occasion que je n’ai pas encore écouté leur deuxième album Cyan/Amber sorti en Décembre 2020, même si je connais déjà les singles dont j’avais déjà parlé il y a quelque temps. J’aime beaucoup ce nouveau morceau Samenai car il a une composition particulière et les premiers sons de voix ne nous laissent pas forcément présager de la manière dont il va se développer. On y retrouve cette même mélancolie dans la voix d’Ayumi Kobayashi mais sa manière de chanter nous laisse penser qu’elle le fait en souriant. Le riff de guitare final doit forcément être un clin d’oeil au morceau Today de Smashing Pumpkins sur Siamese Dream, tant il lui ressemble. Du coup, je me mets à réécouter les anciens albums des Smashing Pumpkins en particulier le monstre Mellon Collie and The Infinite Sadness de 1995, album trop long et excessif que j’avais pourtant énormément écouté quand j’étais adolescent. Je préfère quand même de très loin Siamese Dream, qui est un des chef-d’oeuvres absolus du rock alternatif américain des années 90.

dans l’atelier de Tarō Okamoto

Je suis passé très souvent devant le musée de Tarō Okamoto à Aoyama et j’ai très souvent eu l’idée d’y entrer mais l’opportunité ne s’est concrétisée que maintenant. Le Tarō Okamoto Memorial Museum était en fait la demeure de l’artiste. Tarō Okamoto (岡本 太郎) y a vécu de 1954 jusqu’à sa mort en 1996 à 84 ans, soit un peu plus de quarante ans. Il a développé ici les idées de toutes les œuvres qui ont fait sa renommée comme l’imposante Tour du Soleil (太陽の塔, Tower of the Sun) de l’exposition universelle d’Osaka en 1970. Cette maison faite de blocs de béton a été conçue par l’architecte Junzo Sakakura, connu pour être un des disciplines japonais de Le Corbusier. Le design du toit en formes convexes comme une lentille optique est très intéressant. En passant devant le bâtiment, j’ai toujours pensé y voir une aile d’avion découpée, qui me rappelle un peu le design de Paul Andreu pour les toitures des terminaux A et B de l’aéroport Charles de Gaulle. A l’intérieur, on peut visiter plusieurs pièces remplies des œuvres immédiatement reconnaissables de Tarō Okamoto. Certaines sont des modèles de sculptures que l’on retrouve à Tokyo, comme celle appelée L’Arbre des Enfants (こどもの樹) devant le hall Kokomo no Shiro (こどもの城), ou un peu partout dans le Japon. Au rez-de-chaussée, après une pièce ressemblant à un salon avec accès sur le jardin, on peut entrer dans une partie de l’atelier. L’espace semble être resté en l’état comme si Tarō Okamoto venait de quitter la pièce après avoir terminé une peinture. J’aime beaucoup voir ces espaces de travail et de création. Enfin, j’imagine que les structures colorées en forme de créatures fantastiques au milieu de la pièce ont été ajoutées et n’étaient pas à cet endroit au moment où il créait. Le musée est assez petit, sur deux étages mais les œuvres sont nombreuses et débordent même sur le jardin. Le jardin ressemble à une petite jungle impénétrable avec des plantes exotiques. Des statues sortent leur tête tout d’un coup à travers les feuillages. Et lorsqu’on lève les yeux pour admirer la structure de sa maison, une autre créature ressemblant à la tour du soleil nous observe gentiment les mains sur la balustrade.

J’ai un attachement plus particulier pour sa grande fresque murale intitulée Le Mythe de demain (明日の神話) que l’on trouve maintenant dans la gare de Shibuya, car nous l’avions vu exposée avant son déménagement dans la gare. Mais à part les sculptures et peintures vues dans Tokyo, je n’ai pas une vaste connaissance de son œuvre. En fait, le numéro de Juin 2021 du magazine Casa Brutus m’a donné l’idée d’aller voir sa maison à Aoyama. Le numéro s’intitule Taro & Aimyon (岡本太郎とあいみょん). La compositrice et interprète Aimyon nous montre à travers les pages du magazine un nombre important d’oeuvres de Tarō Okamoto à Osaka à l’intérieur de la Tour du Soleil qui fourmillent de créatures, dans la maison d’Aoyama que je viens de visiter et au musée de Kawasaki qui sera certainement ma prochaine visite. On peut y voir des photos de pièces de la maison à Aoyama, notamment le Living room, qui ne sont pas accessibles à la visite. Aimyon pose presque chaque fois sur les photos mais comme elle n’est pas modèle, je trouve que ça sonne particulièrement juste. Ces photographies prises par Takemi Yabuki sont, je trouve, très réussies car on y trouve un soupçon de fantaisie dans les postures d’Aimyon qui convient bien, sans en faire trop car il n’est de toute façon pas imaginable d’égaler la folie créative de Tarō Okamoto. Du coup, je me suis mis à écouter la musique d’Aimyon, le morceau Ai o shiru made ha (愛を知るまでは) en particulier. Sans forcément plonger plus en avant dans sa discographie pour l’instant, j’aime beaucoup la dynamique de son chant. Il y a quelque chose de particulier, d’atypique.

Les journées pluvieuses nous poussent à rester à l’intérieur. On dirait que nous sommes entrés dans une deuxième saison des pluies. Tokyo est ceci dit relativement épargné par rapport aux zones Ouest du Japon. J’étais de toute façon cloué au lit pendant une journée entière avec 38.5 de fièvre, suite à la deuxième piqûre du vaccin Moderna. C’était un mauvais moment à passer mais une bonne chose de faite. La fièvre m’a fatigué mais ne m’a pas empêché de regarder des films sur Netflix. Je me suis remis en tête de regarder des films japonais et j’en parlerais certainement dans un prochain numéro. Mais la pluie a quand même l’avantage de m’accorder un peu plus de temps que d’habitude pour écrire. Mais écrire pour qui, pour quoi? La question est peut-être écrire pour quand.