the streets #7

C’est assez reposant pour l’esprit de prendre des photos plus abstraites en se basant simplement sur l’impression que nous donne des formes ou des superpositions de matériaux. On saisit les choses qui nous interpellent sans besoin d’expliquer descriptivement ce que l’on a devant nous. Je pourrais certainement préciser le nom des architectes de certaines des architectures montrées ci-dessus mais je les ai déjà montré plusieurs fois sur Made in Tokyo. Les billets intitulés the streets, comme le précédent, ont tendance à partir dans des directions variées, sans avoir de cohérence très précise. Ces photographies parfois énigmatiques et ces textes qui partent dans tous les sens contribuent à cette image de forêt dense dans laquelle on se perdrait, que j’aime donner à ce blog. Quand j’imagine cette forêt dense, me reviennent en tête les photographies de Yoshihiko Ueda dans le recueil intitulé Quinault prenant pour thème la forêt profonde du parc de Quinault près de Seattle aux États Unis. Je parlais de ce livre dans un billet d’Avril 2011 intitulé Structure and Clouds, sur lequel je reviens régulièrement. Sur Made in Tokyo, certains billets sont plus structurant que d’autres, comme des troncs d’arbres dont la cime dépasserait les autres arbres tout autour. Il y a un certain nombre de billets qui ont pour moi une importance toute particulière et cette importance est souvent liée aux discussions qui suivent dans les commentaires qui m’ont amené vers des directions nouvelles ou conforté dans certaines voies.

Je suis allé voir le Samedi 31 Août 2024 la grande exposition dédiée à l’artiste Japonais Keiichi Tanaami (田名網敬一) au National Art Center Tokyo (NACT). Cette exposition intitulée Adventures in Memory (記憶の冒険) a démarré le 7 Août et fermera ses portes le 11 Novembre 2024. J’ai été très impressionné par le densité de ces œuvres, souvent basées sur des collages de multiples éléments tirés de magazines ou illustrés par lui-même. Cette exposition nous montre aussi ces peintures, un grand nombre de sculptures aux formes fantastiques et objets bizarres aux couleurs fortes. On peut également y voir quelques vidéos expérimentales. Keiichi Tanaami est un artiste qui touche à tout, mais son style reste immédiatement reconnaissable. Cette exposition est la première rétrospective majeure de son œuvre, et en soixante ans de carrière, il y a vraiment beaucoup de belles choses à montrer, certaines étant parfois un peu dérangeantes. L’artiste est mort à l’âge de 88 ans le 9 Août 2024, deux jours seulement après l’ouverture de cette grande exposition. Avec l’exposition CLAMP se déroulant en même temps dans d’autres salles, les propositions artistiques axées pop culture du musée NACT sont particulièrement intéressantes en ce moment.

J’adore retrouver la musique hyperpop d’4s4ki lorsqu’elle créé d’excellent morceaux comme celui intitulé ReEnd (再終焉) de son EP Collective Obsession (集合体大好病) sorti le 4 Octobre 2024. Il s’agit d’une collaboration avec le compositeur et DJ NUU$HI et Eijun Suganami (菅波栄純), guitariste du groupe THE BACK HORN. J’aime beaucoup quand le chant rappé légèrement modifié d’4s4ki s’entoure d’une ambiance musicale qui a de l’ampleur comme ici. L’autre morceau intitulé Ganbariyasan dakara ai shite (頑張り屋さんだから愛して) que j’écoute beaucoup est nettement plus détendu, peut-être parce qu’il s’agit d’une nouvelle collaboration avec Rinahamu qui n’est pas vraiment connue pour partir dans les tours. C’est peut-être parce que les voix d’4s4ki et de Rinahamu sont différentes qu’elles se complémentent bien. Leur autre duo était sur le morceau NEXUS sur l’album Your Dreamland d’4s4ki (2020), qui reste un de ceux que je préfère de cet album. Le EP Collective Obsession démarre par une collaboration avec Dé Dé Mouse intitulée Espa Shōgakusei (エスパー小学生) qui, je trouve, va un peu trop loin dans l’agressivité électronique pour vraiment m’accrocher.

Je n’écoute pas souvent la musique de Seiko Ōmori (大森靖子) mais je reste toujours attentif aux nouveaux albums qu’elle sort. Son dernier s’intitule, dans un anglais un peu approximatif, THIS IS JAPANESE GIRL et il est sorti le 18 Septembre 2024. En survolant les morceaux de l’album, je retiens le cinquième Momoiro Danchi (桃色団地). Mon oreille est certainement attirée par le fait qu’il s’agit d’un duo avec Shūtoku Mukai (向井秀徳) et par le son très appuyé de synthétiseur vintage démarrant le morceau. Il faut aimer la façon très maniérée de chanter de Seiko Ōmori, mais il faut dire que la voix de Shūtoku Mukai est également assez particulière et quand les deux chantent en même temps, on atteint une sorte d’harmonie inattendue. Cette collaboration m’a fait me demander si Seiko Ōmori avait déjà chanté en duo avec Kazunobu Mineta (峯田和伸) de Ging Nang Boyz, une autre figure du rock indé japonais. Je me suis rappelé du single Re: Re: Love, sorti en 2019 dont la vidéo était un véritable petit drama avec les joie, chagrin et dispute d’un couple. Il y a une densité émotionnelle, à chaque fois prête à éclater, dans les morceaux de Seiko Ōmori qui ne laisse pas indifférent, même si personnellement, je n’accroche vraiment que sur certains morceaux, comme les deux mentionnés ci-dessus ou l’album TOKYO BLACK HOLE dont j’avais déjà parlé sur Made in Tokyo et vers lequel je reviens régulièrement.

the streets #6

Je continue tranquillement ma série the streets, redémarrée récemment par les épisodes #4 et #5. La plupart des photographies de ce sixième épisode ont été prises avec mon objectif 40mm pendant une même journée légèrement pluvieuse dans la rue Cat Street, avant l’ouverture de la plupart des magasins. Cette rue quasiment piétonne est coupée en deux par la grande avenue d’Omotesando qui voyait ce jour là un défilé de policières percussionnistes. À part ce défilé, je montre peu de personnes dans les rues, à part celles qui décident soudainement de se dévoiler au détour d’un immeuble et celles de moi-même quand j’autorise mon image à se refléter contre les baies vitrées (ici avec mon magnifiquement simple t-shirt de Daoko acheté lors du concert de Shibuya).

Le premier étage de la Lurf Gallery à Daikanyama est à la fois utilisé comme café et comme espace d’exposition. J’y jette régulièrement un coup d’œil pour voir si on y montre des choses intéressantes. On y exposait cette fois-ci une série de 13 illustrations de l’artiste Masanori Ushiki intitulée « Easy Telepathy II ». Je découvre cet artiste, que je ne connaissais pas. Je suis attiré par les motifs parfois étranges mélangés aux couleurs fortes des personnages qu’il dessine, qui les rendent tout à fait unique.

Cö Shu Nie vient de sortir son nouvel album intitulé 7 Deadly Guilt le 4 Septembre 2024. Je connaissais déjà deux titres sorti en avance, Artificial Vampire et Burn The Fire, dont J’avais déjà parlé dans des billets précédents. Je continue mon écoute de ce nouvel album en choisissant les morceaux qui m’intéressent le plus. J’y découvre ceux intitulés Where I Belong et I want it all. On y retrouve toute l’instabilité mélodique caractéristique de Cö Shu Nie, notamment dans le chant fantastique de Miku Nakamura (中村未来) quand il ne s’accorde pas sur des compositions classiques. Elle a une vision tout à fait unique de l’harmonie et ces deux morceaux en sont de bons exemples. La composition rock qui accompagne Miku est comme d’habitude pleine d’inattendu et souvent proche du match rock. Le compositrice et chanteuse o.j.o est pour sûr à suivre de très près. J’avais parlé et été épaté par son premier single Bah! sorti il y a quelques mois. Elle sort son deuxième single intitulé PEOPLE DEMON qui est excellent. Il faut rappeler que la jeune tokyoïte o.j.o est vraiment très jeune car elle est collégienne et n’a que 13 ans (?!). C’est tout à fait étonnant vu la qualité de ses compositions musicales, qui n’ont rien de classique comme sur son précédent single. Elle a suivi des cours de piano et de danse dès le plus jeune âge, et sa manière non-conventionnelle de danser est également un des points intéressants de la vidéo accompagnant le morceau. On peut lui prédire que des bonnes choses à l’avenir, vu qu’elle vient déjà d’être repérée par la chaîne YouTube The First Take que lui a donné l’opportunité de chanter 60 secondes de ses deux morceaux Bah! et PEOPLE DEMON. On se demande quand même pourquoi The First Take ne diffuse pas l’intégralité de sa performance.

La sortie d’un nouveau single de Tricot est une bonne nouvelle. Si je ne me trompe pas, le groupe n’avait rien sorti de nouveau depuis leur album Fudeki (不出来) datant de Décembre 2022. Avec Tricot, on sait toujours à peu près à quoi s’attendre et je ne suis en général jamais déçu. Le nouveau single Call (おとずれ) est sorti le 5 Octobre 2024 et je me suis tout de suite précipité pour l’écouter. Les premiers accords de guitare de Motifour Kida (キダ モティフォ) et la voix d’Ikkyu Nakajima (中嶋イッキュウ) nous ramènent tout de suite vers l’ambiance rock de Tricot que j’aime tant. Retrouver les accords très précisément agencés de Kida et la puissance de la batterie de Yosuke Yoshida (吉田雄介) quand il se lance franchement au milieu du morceau est un vrai plaisir. Je trouve que le chant d’Ikkyu arrive toujours à garder cette fraicheur des premiers albums, dont on ne se lasse pas. Je ne sais pas si la bassiste Hiromi (ヒロミ・ヒロヒロ) a participé à ce nouveau single, car elle est censée être en congé maternité. Tricot continue pourtant a tourner avec un bassiste d’appoint. Un point intéressant est que Hitsuji Bungaku (羊文学) est depuis quelques mois sans batteur car Hiroa Fukuda (フクダヒロア) est en repos prolongé, mais le groupe continuant à tourner assez intensément dans divers festivals et pour leur tournée 2024, un batteur de support rejoint régulièrement le groupe. Pour l’émission télévisée CDTV de la chaîne TBS le lundi 30 Septembre 2024, Hitsuji Bungaku a fait appel à Yosuke Yoshida pour être batteur d’appoint. Sachant que Yoshida jouait sur la tournée récente de Daoko, je me dis qu’il contribue à créer des liens entre les formations musicales que j’aime et que j’ai vu en live. Je me dis aussi que Hitsuji Bungaku a fait un petit bout de chemin depuis que je les ai vu la dernière fois. Leur tournée 2024 soft soul, prickly eyes en treize dates dans tout le Japon terminait par deux concerts au Tokyo Garden Theater qui a une capacité de 8000 personnes. En comparaison, la tournée 2023 if i were an angel à laquelle j’ai assisté se terminait par deux dates au Zepp Haneda qui ne fait que 3000 places. Si les nouvelles sorties côté Tricot restent assez éparses, ce n’est pas le cas pour Ikkyu Nakajima qui sort déjà son deuxième EP en solo. Après DEAD sorti en Mai 2024, voici LOVE qui vient juste de sortir le 25 Septembre 2024. Kentarō Nakao (中尾憲太郎), le bassiste de NUMBER GIRL, produit et joue de la basse sur les deux morceaux que je préfère du EP: EFFECT et By my side. Kentarō Nakao avait déjà produit des morceaux de Tricot et même participé à l’émission spéciale de 24h non-stop du groupe, donc sa présence auprès d’Ikkyu ne m’étonne pas beaucoup. Je suis par contre moins familier du musicien Cwondo (近藤大彗) de No Buses qui contribue aux deux morceaux LOVE et Ana (あな). La guitariste de Tricot, Motifour Kida, joue sur le dernier morceau Minority (未成年) accompagnée d’Emi Nishino (西野恵未) au piano. Sur ce morceau, les sons du piano et de la guitare se mélangent avec un équilibre bancal par moment assez bizarre. Le EP contient de nombreuses petites irrégularités harmoniques de ce genre et les incursions électroniques sont également fréquentes. C’est un EP réussi, même si je le trouve inégal, qui part vers d’autres horizons, plus intimes certainement, que ce qu’on peut entendre chez Tricot.

椎名さんのお耳に届くなら一層頑張りたい

Dans une interview sur le site web musical Mikiki de Tower Records au sujet de son nouvel EP LOVE, Ikkyu nous fait part du fait que sa collaboration avec Sheena Ringo sur le morceau Chirinuru wo (ちりぬるを) de son dernier album Hōjōya (放生会) avait en quelque sorte eu une influence sur son nouvel EP. Sheena Ringo lui avait dit qu’elle avait écouté et apprécié son EP précédent DEAD. Ikkyu a donc créé son nouvel EP en imaginant que Ringo l’écouterait peut-être et elle nous dit que ça l’a en quelque sorte poussé à s’appliquer. Je retranscris ci-dessous la partie de l’interview provenant du site Mikiki évoquant ce point en particulier. Cela me donne l’occasion d’utiliser l’open AI ChatGpt pour voir comment l’outil a évolué au niveau de la traduction de textes. Je pense qu’il se débrouille plutôt bien même s’il faut toujours lire le résultat avec attention (par exemple, ChatGpt traduit « 放生会 » en « Hōjōkai » plutôt que le correct « Hōjōya »).


Cette transcription sur ChatGpt m’a poussé à utiliser un peu plus l’outil en lui posant des questions très précises. J’ai pris le thème de cette collaboration passée entre Sheena Ringo et Ikkyu Nakajima pour l’interroger un peu plus. Connaissant déjà les réponses, cela m’a permis de vérifier où l’outil en est en terme d’auto-apprentissage sur des sujets très spécifiques, mais largement couverts sur internet. Il s’avère que l’outil a une base de données plus actuelle qu’auparavant mais fait de très nombreuses erreurs, en les annonçant parfois avec un aplomb qui nous forcerait presqu’à le croire. Je montre ci-dessous des captures d’écrans de ChatGpt pour illustrer le niveau de justesse de l’outil, et il reste pour moi très peu fiable et je dirais même à éviter.






L’avantage de l’intelligence artificielle serait pour moi de répondre à des sujets spécifiques qui ne sont pas immédiatement disponibles sur un site internet. Je vois qu’on en est encore loin. Je me contenterais peut-être de l’outil pour des traductions, qui me semblent à priori meilleures que sur Google Traduction.

仏像の影に消えた

Nous sommes déjà dans la dernière partie de l’été et j’ai l’impression qu’il a passé très vite et que rien ne s’est vraiment passé. Il y a pourtant eu les Jeux Olympiques de Paris 2024 qui nous ont bien occupés avec des cérémonies d’ouverture et de fermeture mémorables et beaucoup de très beaux moments sportifs. On s’est bien entendu levé tôt pour regarder la cérémonie de fermeture. La présence de Tom Cruise, des groupes Phœnix et Air n’étaient pas vraiment une surprise car l’information avait fuité. La cérémonie a ressemblé par moments à un concert géant avec les prestations de Phœnix, Kavinsky et Air. Le morceau Nightcall de Kavinsky avec Angèle au chant a apparemment battu des records de recherche sur l’application Shazam, ce que je comprends très bien car ce passage était particulièrement marquant, tout comme le bain de foule de Thomas Mars de Phœnix. Je pense que c’était un imprévu tout comme le fait que la foule des sportifs ne descendent pas de la scène pour rester au plus près du groupe, alors qu’on leur a pourtant demandé plusieurs fois de descendre. Ces moments imprévus étaient particulièrement réussis et ces jeux dans leur ensemble ont été une bouffée de bonheur à regarder. C’est bon de se nourrir d’énergie positive. J’espère qu’elle restera en France pour un bon moment.

En photographies ci-dessus, je profite de quelques heures à Sakuragichō à Yokohama pour partir prendre quelques photos du Pacific Convention Plaza Yokohama également nommé Pacifico Yokohama (パシフィコ横浜). J’étais attiré par les motifs architecturaux en forme de voiles modernes posées sur le toit du centre d’exposition, mais je n’ai pas eu l’inspiration nécessaire pour en sortir des photos abstraites, ce qui était pourtant mon idée de départ. Je marche un peu plus pour aller voir les vagues immobiles du grand hôtel de luxe hawaïen The Kahala Hotel & Resort. Les vastes surfaces de verre viennent refléter le ciel nuageux. La courbure du bâtiment est impressionnante. Elle se découpe en trois volumes pour decomposer les mouvements d’une vague semblant idéale pour le surf de haut niveau. J’ai bien pris une bonne vingtaine de photographies du bâtiment et de ses nuages, qui auraient pu constituer un billet à part entière, mais je ne garde finalement qu’une seule photographie par pur souci de concision. En revenant ensuite vers la tour Landmark, je constate que le musée d’art de Yokohama est toujours fermé ce qui est bien dommage car j’aurais peut-être eu le temps de voir une exposition si elle était intéressante. La façade de ce musée m’intrigue toujours beaucoup, surtout la partie haute arrondie qui doit donner une très bonne vue sur la large allée desservant le musée. J’imagine toujours qu’une personne importante y a ses bureaux. Il y a quelque chose de l’ordre de la forteresse dans l’architecture très ordonnée et symétrique de ce musée. J’y ressens un certain mystère et ce sont peut-être les formes géométriques symboliques qui m’inspirent ce sentiment d’étrangeté. Le tigre à la crinière rouge feu devant le Department Store Markis est tout droit sorti de l’univers fantastique du jeu de rôle Dragon Quest V. Il s’appelle Borongo (ボロンゴ) en japonais et Saber en anglais. Je suis très peu familier de l’univers de Dragon Quest car je n’ai jamais eu l’occasion de jouer à un épisode et ce n’est pas maintenant que je vais m’y mettre, même si l’univers du jeu et de ses nombreux épisodes doivent être extrêmement riches. La popularité du jeu au Japon n’est plus à rappeler. D’autres personnages de l’univers de Dragon Quest étaient placés à l’intérieur du grand magasin. La photographie suivante nous fait revenir vers Tokyo, sur la grande avenue d’Aoyama. Je ne sais que très peu de choses sur la grande fresque murale temporaire que je montre sur cette cinquième photographie du billet. Sur cette grande illustration chaotique, comme un patchwork composé de multiples images assez difficilement lisibles, on devine tout de même certains visages de style manga.

Il fait en ce moment souvent trop chaud pour marcher alors je préfère le vélo. Une de mes promenades du week-end m’amène jusqu’à Shinjuku près du parc Shinjuku Gyoen. Je passe en fait volontairement devant le temple bouddhiste Taisōji (太宗寺) situé à Shinjuku 2 chōme pour revoir les formes blanches arrondies du bâtiment principal, mais je me rappelle soudainement de la statue de bronze d’un grand Jizo Bodhisattva assis (銅造地蔵菩薩坐像) placée à l’entrée. Ce lieu a été utilisé pour une scène du film de yakuza Sailor Suit and Machine Gun (セーラー服と機関銃) réalisé en 1981 par Shinji Sōmai (相米慎二), avec dans le rôle principal Hiroko Yakushimaru (薬師丸ひろ子) jouant Izumi Hoshi (星泉), héritière malgré elle du clan de yakuza de son père. J’ai déjà de nombreuses fois parlé de ce film, qui m’a, il faut croire, laissé une forte impression. Je me souviens en fait très bien de cette scène devant la grande statue du temple Taisōji. Cette scène m’avait marqué comme plusieurs autres dans le film, mais je ne me souviens plus exactement quelle occasion amène Izumi Hoshi à s’assoir sur les genoux de cette statue. J’y ai en tout cas vu un sentiment de liberté teinté d’une certaine insolence. Ce film ayant un statut de film culte, certains amateurs se sont bien entendu amusés à retrouver et noter tous les lieux où ont été tournées les scènes du film, ce qui m’a permis de facilement retrouver cette statue.

Mon chemin a déjà rencontré plusieurs fois les illustrations d’Aki Akane (秋赤音). La première fois était dans la librairie Komiyama Tokyo à Jimbocho, puis ensuite à l’espace d’exposition de la librairie Tsutaya de Daikanyama. J’avais vu le livre de l’illustratrice intitulé Nagori (余波-なごり-), mais j’avais hésité à me le procurer au Tsutaya de Daikanyama lors de mon premier passage. Je l’ai finalement acheté plusieurs mois plus tard en le feuilletant une nouvelle fois dans la même librairie Tsutaya. Le terme Nagori du titre fait référence à l’eau de mer et aux algues qui restent sur la plage et les rochers après le retrait des vagues. Le sens qu’Aki Akane veut y donner est un souhait que son univers graphique riche en couleurs reste imprimé dans le cœur et la mémoire des gens qui le regarde. Les illustrations ci-dessus sont extraites du livre. J’aime beaucoup son sens du détail notamment dans les vêtements très travaillés avec un brin de gothique, de mystique et à chaque fois un petit quelque chose de très japonais souvent lié aux traditions shintoïstes. Aki Akane dessine des portraits de jeunes garçons et filles, avec la plupart du temps une note fantastique. Les deux dernières illustrations ci-dessus font par exemple partie d’une série mélangeant des portraits avec des figures animales portées au rang de kami (le serpent blanc à gauche et le loup à droite). Il y a un grand nombre d’illustrations dans ce style, ce qui me plait vraiment beaucoup, au point d’utiliser une de ses illustrations comme écran de veille sur mon smartphone. Le livre grand format reprend également des illustrations utilisées à des fins commerciales ou pour des événements particuliers. Son style n’en est pas altéré pour autant. Je suis particulièrement surpris de voir une représentation en illustrations du duo électronique Justice, Gaspard Augé et Xavier de Rosnay. Je me demande bien quelle occasion a amené Aki Akane à collaborer avec le groupe français. En plus d’être illustratrice, Aki Akane est en fait également compositrice et interprète. Elle a même été invitée à la Japan Expo, il y a plus de dix ans. Je n’ai pas encore vraiment écouté sa musique, à part quelques morceaux piochés sur YouTube, mais je préfère à priori ses illustrations. J’ai tout de même sur mon iPod le morceau techno-pop Black Gänger sorti en 2014 sur son troisième album Square. Je ne pense pas qu’elle ait sorti d’autres albums depuis celui-ci.

この世に偶然なんてない、あるのは必然だけ

Le collectif de mangaka CLAMP (クランプ) évoque pour moi mes années d’adolescence en France pendant lesquelles je lisais régulièrement les mangas sortis à l’époque en traduction française aux éditions Tonkam, entre autres. Je n’ai pas tous les volumes, mais je me souviens très bien avoir été impressionné par les premiers mangas de CLAMP distribués en France, à savoir RG Veda et Tokyo Babylon. En plus des mangas, je m’étais également procuré des superbes art books de ces deux séries, qui comptent parmi les quelques petits trésors que je possède. Il y a celui intitulé Hiten Muma (非天夢魔) sorti en Juin 1991 lié à la série d’heroic fantasy RG Veda et Tokyo Babylon Photographs sorti en Avril 1996 lié comme son nom l’indique à la série Tokyo Babylon.

CLAMP est un collectif féminin se composant de quatre mangaka, à savoir Nanase Ōkawa (大川七瀬), scénariste et représentante du groupe, Mokona Apapa (あぱぱもこな), dessinatrice principale sur la plupart des séries, Tsubaki Nekoi (猫井椿), autre dessinatrice du groupe et Satsuki Igarashi (いがらし寒月), en charge des trames et du design des livres reliés. Les illustrations de Mokona sont absolument fascinantes, dans leurs détails et la délicate beauté des silhouettes fines et élancées des protagonistes qu’ils soient masculins ou féminins. Il faut rappeler que les mangas de CLAMP, comme RG Veda ou Tokyo Babylon, sont des shōjo manga, c’est à dire des mangas pour les filles, ce qui se remarque notamment dans l’aspect androgyne des personnages masculins. Cette distinction de genre n’a de toute façon que peu d’importance pour moi, tant que la qualité est au rendez-vous. Je n’ai pas vraiment suivi ensuite les nouvelles productions de CLAMP mais les séries que je connais m’ont laissé un souvenir indélébile. L’annonce d’une grande exposition de CLAMP au National Art Center Tokyo (NACT) m’a tout de suite donné envie de replonger de l’ambiance si distinctive de CLAMP. L’exposition a lieu du Samedi 3 Juillet jusqu’au Lundi 23 Septembre 2024, et l’envie irrésistible m’a pris d’essayer d’y aller dès le premier jour. Je me doutais bien qu’il y aurait foule le premier Samedi. J’y suis quand même allé mais un peu tard, vers 15h, et les places pour la journée étaient bien entendu déjà toutes vendues. J’ai donc fait un premier déplacement pour rien et comme pour me punir de ce manque de préparation évident, un très fort orage inattendu m’attendait sur le chemin du retour.

Je n’ai pas résisté à l’envie d’y retourner le lendemain en arrivant une dizaine de minutes avant l’heure d’ouverture à 10h. Je n’ai rencontré aucun problème pour acheter un billet, mais la longue file d’attente zigzaguant à l’intérieur du grand espace ouvert du hall du musée était particulièrement impressionnante. Il aura fallu environ une heure et demi d’attente avant de pouvoir pénétrer dans les salles de l’exposition. Cette attente me laisse assez de temps pour écrire le texte d’un billet de blog sur mon iPhone et observer la foule qui comprend à priori beaucoup d’Otaku qui doivent connaître par cœur les œuvres de CLAMP. Les tenues vestimentaires réfléchies de certaines et certains me laissent penser cela, mais les plus hardcores des Otaku sont peut-être tout simplement des gens comme moi. Les entrées dans les salles d’exposition étaient bien entendu régulées. C’est un mal pour un bien car on ne se marchait pas sur les pieds, bien qu’il y avait quand même un peu trop de monde pour apprécier de manière optimale les œuvres graphiques de CLAMP. L’exposition était très étendue, composée de plusieurs grandes salles déclinant cinq thèmes principaux reprenant les lettres du nom du collectif, à savoir « C » pour COLOR, « L » pour LOVE, « A » pour ADVENTURE, « M » pour MAGIC et finalement »P » pour PHRASE. La première section était ma préférée car elle couvrait RG VEDA et Tokyo Babylon, entre autres, avec des séries d’illustrations en couleur que je connaissais déjà pour la plupart, pour les avoir admiré de très nombreuses fois dans mes deux art books de CLAMP. Revoir ces illustrations en grand format permet d’apprécier tout la finesse du trait et le génie graphique de Mokona Apapa. Je les ai admiré avec une émotion certaine. On ne peut pas prendre de photos dans la section couleur de l’exposition qui se limite en fait à cette première salle. Les autres salles couvrent les nombreuses autres séries du collectif, dont certaines m’étaient complètement inconnues.

Revoir le look 80s très coloré de Tokyo Babylon m’a rappelé l’album Tokyo Babylon Image Soundtrack 2 (東京バビロンサウンドトラック2) sorti en 1994 que j’avais acheté quelques années après, dans un petit magasin de jeux vidéo de Nantes qui vendait des jeux en import japonais et qui avait étendu son offre aux manga et autres produits dérivés. J’avais acheté ce CD sans connaître les artistes qui y chantaient et j’avais été plutôt déstabilisé car mon champ musical à l’époque se limitait aux rock alternatif américain et au naissant Trip-Hop anglais. Il m’a fallu beaucoup de temps pour apprécier cet album, même si quelques morceaux se sont tout de suite imposés pour moi comme des classiques dont j’ai déjà plusieurs fois parlé sur ce blog: MOON de REBECCA, Blue Desert de Zelda et Solid Gold de Masahiro Takashima (髙嶋政宏). On y trouve des morceaux de groupes ou d’artistes très connus au Japon, que je connaissais pas à cette époque comme Chara et The Boom, mais je me souviens avoir eu beaucoup de mal à les apprécier. Cet album que j’ai dû écouter en 1996, au moment de la sortie du manga Tokyo Babylon chez Tonkam en France, m’a pourtant beaucoup marqué, très certainement car c’était en fait ma première découverte de la musique pop japonaise. Je réécoute cet album régulièrement avec le souvenir de cette époque là en tête. Après l’exposition, j’ai eu envie de me plonger dans le premier épisode de la bande originale de cette série, à savoir l’album Tokyo Babylon Image Soundtrack 1 (東京バビロンサウンドトラック1) sorti en 1992. Comme sur le deuxième épisode, le son est très marqué par la fin des années 80. On y retrouve REBECCA, Chara et un certain nombre de morceaux de groupes qui me sont absolument inconnus mélangeant musique électronique techno et rap (Subsonic Factor, More Deep). L’instrumentalisation est forcément assez datée (genre KLF sur le morceau 2 B in Love de Subsonic Factor), mais très imaginative et écouter cet album m’enthousiasme complètement. Ryuichi Sakamoto y apporte également un court morceau instrumental très atmosphérique au piano. Il y a quelques morceaux qui me plaisent énormément comme Sayonara, So Long de D-Project Nobody (Nobody beats me in the Night Club) de More Deep et Visions of Boys de Hideaki Matsuoka (松岡 英明) qui signera également plusieurs morceaux sur l’album Soundtrack 2. Je suis de toute façon dans une petite période estivale tournée vers les années 80, car je réécoute aussi beaucoup en ce moment Rhythm Nation 1814 de Janet Jackson.

Pour revenir à l’exposition de CLAMP au NACT, j’y découvre en images de nombreuses séries que je ne connaissais pas. Je n’ai jamais lu X mais ce manga fait partie des séries les plus emblématiques du collectif. Je découvre une série intitulée xxxHOLIC (ホリック), publiée au Japon au début des années 2000, qui m’intéresse tout de suite beaucoup visuellement. Ce manga suit le lycéen Kimihiro Watanuki (四月一日君尋) qui a l’étrange capacité de voir les esprits, qu’il semble attiré mais qui le harcèlent et dont il voudrait se débarrasser. L’histoire démarre alors qu’il est attiré dans l’étrange boutique de la sorcière Yūko Ichihara (壱原侑子), qui serait en mesure de le libérer de cet encombrant don. Elle est en mesure d’exaucer les vœux des gens qui viennent dans sa boutique mais à un prix proportionnel à ce qui est demandé. En échange de cette libération des esprits, Watanuki sera amené à aider la mystérieuse sorcière en travaillant dans sa boutique avec ses deux oisives assistantes Maru et Moro (マルダシ & モロダシ). On imagine les nombreuses histoires de chasse aux esprits qui découlent de cette nouvelle collaboration entre Watanuki (qui peut se transcrire en 1er Avril en kanji) et la sorcière Yūko. Le xxx du titre xxxHOLIC fait en fait référence aux nombreux mots en « holic » (alcoholic, workaholic…) faisant référence aux maux de ce monde, et des clients qui viennent cette boutique. L’exposition montre de très nombreuses planches de travail du manga en noir et blanc, et le style très travaillé et mystérieux du personnage de Yūko Ichihara, notamment sa chevelure, me plait tout de suite beaucoup. Cette série assez occulte évoque beaucoup les notions de destin, que rien n’est coïncidence et que tout est en fait inévitable. Cette notion d’inévitable « Hitsuzen » (必然) revient souvent dans l’histoire. Ce sujet de coïncidence et de conditionnement est un sujet qui m’intéresse beaucoup depuis longtemps et dont on parlait justement (coïncidence?) récemment dans les commentaires de mon billet sur le concert de DAOKO au sujet de sa robe dans l’émission télévisée With Music avec Sheena Ringo.

En faisant une recherche sur CLAMP sur Netflix après être revenu de l’exposition, je découvre qu’un film a en fait été réalisé sur l’univers de xxxHOLIC par la la réalisatrice Mika Ninagawa (蜷川実花), dont j’ai parlé plusieurs fois ici, notamment pour son film Sakuran dont les musiques sont composées par Sheena Ringo. J’aime beaucoup cette artiste, photographe et réalisatrice, mais il faut croire que je suis loin de connaître toute sa filmographie qui n’est pourtant pas très étendue. Le film xxxHOLIC sorti en 2022 est en fait le plus récent de ses six réalisations, en comptant la série FOLLOWERS (フォロワーズ) avec Miki Nakatani (中谷美紀) et Elaiza Ikeda (池田エライザ), dont je parlais justement il y a peu. Mika Ninagawa adapte ses conceptions florales aux couleurs saturées à l’univers de xxxHOLIC et c’est visuellement superbe. Le film démarre au début du manga avec la première rencontre de Watanuki avec Yūko Ichihara puis retrace quelques histoires d’exorcisme d’esprits magnifiquement représentés par des vagues mouvantes et enveloppantes appelées Ayakashi (アヤカシ), ressemblant à des pluies noires s’inscrivant sur les visages comme des kanji ou des essaims d’abeilles noires tournoyant autour des personnes. Kō Shibasaki (柴咲コウ) joue le rôle de Yūko Ichihara, ce qui lui va vraiment très bien dans les robes superbes proches des kimonos des Oiran de Sakuran. Elle est accompagnée par l’acteur Ryūnosuke Kamiki (神木隆之介) qui joue le rôle de Kimihiro Watanuki. Riho Yoshioka (吉岡里帆) joue tout en démesure le rôle de l’être maléfique Jōrogumo assistée dans ses méfaits par le charismatique Akagumo interprété par Hayato Isomura (磯村勇斗). Parmi les autres acteurs, on trouve l’amour secret de Watanuki, Himawari Kunogi, interprétée par l’actrice et modèle Tina Tamashiro (玉城ティナ), que je connaissais pour son interprétation au chant sur le morceau Radio de Towa Tei avec Yukihiro Takahashi (高橋幸宏). Hokuto Matsumura (松村北斗) du groupe SixTones joue Shizuka Dōmeki, qui est également camarade de classe de Watanuki et vit dans un temple. Alors qu’une grande partie de l’histoire semble se passer à Tokyo, notamment à Shibuya, le temple de Shizuka Dōmeki utilise le nom et les lieux de Ryūkōji (龍口寺) près d’Enoshima. J’étais assez surpris de voir ce lieu filmé dans xxxHOLIC car il s’agit d’un temple qu’on a souvent visité et que j’ai pris plusieurs fois en photo. L’autre grande surprise du film est de voir DAOKO y jouer. Elle interprète l’assistante Maru de la sorcière Yūko Ichihara, avec l’actrice et modèle Serena Motola (モトーラ世理奈) qui joue Moro. On la voit sur la photo ci-dessus à droite avec des longs cheveux de couleur bleu clair en tresse à pompon. Elle joue un rôle secondaire mais est tout de même très présente dans le film. Là encore, s’agit il d’une coïncidence ou d’un conditionnement, mais je suis en tout cas bluffé de retrouver, de manière tout à fait imprévue dans un film, DAOKO dont je parle régulièrement ces derniers temps. Cela me semble faire écho au thème principal du manga et film sur l’inévitabilité des choses. Il n’y a pas de coïncidences dans ce monde, seulement des inévitabilités (この世に偶然なんてない、あるのは必然だけ), comme l’annonce Yūko Ichihara. Ce qui est également intéressant est qu’un esprit en forme de papillon noir relie plusieurs scènes du film. Le papillon noir est également le symbole utilisé par DAOKO pour son agence Tefu Tefu (てふてふ). Les musiques du film sont remarquables, et ce dès les premières scènes du film. Elles accompagnent très bien la beauté esthétique à la fois sombre et colorée du film. En regardant le film sur Netflix, j’ai tout d’un coup eu le pressentiment que ces musiques étaient composées par Keiichirō Shibuya (渋谷慶一郎). Cette intuition qui m’est venu tout d’un coup est particulièrement étrange car je ne connais pas sa musique, bien que son nom m’est familier depuis longtemps pour l’avoir vu évoqué sur mon fil Twitter ou ailleurs sur Internet. Après vérification, Keiichirō Shibuya a bien composé les musiques de xxxHOLIC, ce qui m’a bluffé une deuxième fois. Quelle sorte de conditionnement m’a amené à penser que Keiichirō Shibuya était le compositeur des musiques de ce film?

Après quelques recherches sur YouTube, je me rends compte que Keiichirō Shibuya a composé la musique du très beau film publicitaire Kaguya pour Gucci (avec Hikari Mitsushima, Aoi Yamada et Eita Nagayama) que j’ai déjà évoqué plusieurs fois sur Made in Tokyo. Je découvre aussi sur son canal YouTube, un très beau concert expérimental intitulé Music of the Beginning joué à l’intérieur de la fabuleuse architecture ouverte du KAIT Plaza conçu par Junya Ishigami dans l’enceinte de l’université Kanagawa Institute of Technology. J’avais visité le KAIT Plaza en Décembre 2022, et cette architecture singulière compte parmi celles qui m’ont laissé une grande impression. Cet espace a déjà été utilisé par d’autres artistes dont BiSH et Hikari Mitsushima & Daichi Miura (満島ひかり & 三浦大知). Je ne suis donc pas surpris de le voir utilisé par Keiichiro Shibuya, sauf qu’ici l’association entre cet espace expérimental et la musique imaginée par Keiichirō Shibuya est remarquable. Ce concert a été enregistré le 26 Décembre 2021 et était apparemment limité à un public très restreint éparpillé sur la place couverte du KAIT. Il se compose de 8 morceaux dont certains sont des reprises et d’autres des compositions originales de Keiichirō Shibuya. Il y joue du piano et est accompagné par la chanteuse soprano Ayako Tanaka (田中彩子), basée à Vienne, et l’artiste du son Evala. Evala conçoit les nappes électroniques enveloppant la voix très puissante, et sublime il faut bien le dire, d’Ayako Tanaka et les mélodies parfois déstructurées de Shibuya. Evala sample en fait en temps réel la voix d’Ayako Tanaka et réintrodis ce sample dans le morceau en cours d’interprétation. Cet effet d’écho est assez saisissant. Parmi les reprises, le concert démarre par Overgrown de James Blake dont j’avais découvert l’album à la même période que ce concert, en Décembre 2021, à travers une recommandation que je mentionnais dans un billet. Le morceau original de James Blake est en fait tellement changé par la voix d’opéra d’Ayako Tanaka et par les manipulations sonores de Keiichirō Shibuya et d’Evala, qu’il est difficilement reconnaissable. Dans la setlist, on trouve également le morceau Chasing Pavements d’Adele présent sur son album 19 que l’on a beaucoup écouté en voiture il y a plus de 15 ans. Certaines compostions comme The Secret Police (tiré de l’opéra Le Grand Macabre) du compositeur autrichien György Ligeti sont beaucoup plus obscures et difficiles d’accès, d’autres plus évidentes comme le Clair de lune de Claude Debussy concluant le set. L’ensemble est très beau et le voir en vidéo apporte beaucoup à l’atmosphère particulière qui s’en dégage. Les tenues aux apparence futuristes d’Ayako Tanaka et des musiciens s’ajoutant au froid hivernal apparent des lieux et cette couleur bleutée contribuent à cette ambiance conceptuellement magnifique.

L’exposition de CLAMP me fait dériver vers de multiples choses. Elle se conclut sur une boutique dans laquelle il est seulement autorisé de rester 30 minutes. On y vend beaucoup de choses très certainement à la fois inutiles et indispensables. Je choisis trois cartes postales des univers qui m’ont le plus marqué. De gauche à droite, RG Veda, Tokyo Babylon et xxxHOLIC. Je trouve le graphisme influencé par l’art déco sur l’illustration de xxxHOLIC particulièrement réussi. Les deux illustrations de RG Veda et Tokyo Babylon me sont déjà connus car elles sont toutes les deux présentes dans les deux art books que je montre ci-dessus. Je me procure également un classeur de taille A4 reprenant le graphisme du flyer de l’exposition. Ce genre de classeur plastifié me permet de conserver les flyers de chacune des expositions que je vais voir, et ce depuis 2003. J’en suis maintenant au troisième classeur et il m’arrive parfois de garder des flyers de quelques expositions que j’ai malheureusement manqué. Le flyer aux illustrations débordant de l’alphabet du nom du collectif CLAMP a été conçu spécialement pour cette exposition. Je le trouve très réussi car il montre toute la richesse de l’univers de CLAMP, qu’il me faudra moi-même découvrir un peu plus.

don’t let go, do not let go, of the subtle fire that burns within you, your life

Quand je passe par le quartier de Jinbocho, je ne manque pas l’occasion de passer devant le fascinant Jimbocho Theater conçu par Nikken Sekkei. Il me donne à chaque fois l’impression d’avoir été déposé par erreur au milieu du quartier, d’autant plus qu’il est encastré entre des immeubles beaucoup plus anciens et dépareille complètement. Je n’étais pas venu à Jimbocho pour partir en exploration des nombreuses librairies à la recherche de vieux bouquins que j’aurais eu de toute façon un peu de mal à ranger à la maison. Tout comme pour mes CDs dans les tiroirs, les étagères dédiées aux livres sont déjà pleines à raz-bord. Je suis en fait venu jusqu’à Jimbocho pour voir une petite exposition dédiée au dernier album du groupe Hitsuji Bungaku (羊文学), dans une galerie située au rez-de-chaussée d’un immeuble récent à proximité du centre de Jimbocho.

L’exposition intitulée Secret Garden (ひみつの庭) qui se déroulait du 30 Mai au 23 Juin 2024 dans la petite galerie New Gallery à Jimbocho prenait pour thème l’album 12 hugs (like butterflies) d’Hitsuji Bungaku sorti l’année dernière. L’artiste haru.(HUG) qui a conçu cette exposition est en fait la directrice artistique habituelle des albums d’Hitsuji Bungaku. Elle a créé pour cette exposition différentes œuvres artistiques directement inspirées des douze morceaux de l’album, accompagnées par plusieurs photographies de Nico Perez. Nico Perez signe de nombreuses photographies récentes du groupe, dont celles du dernier album, et elles sont superbes, notamment celle en noir et blanc à la verticale utilisée comme affiche de la tournée de 2023 « if I were an angel » à laquelle j’avais assisté. J’avais du coup acheté un t-shirt avec cette photographie affichée en grand dans le dos. J’aime aussi beaucoup une photographie en triple exposition où les visages et silhouettes de chaque membre du groupe se superposent. On passe un bon moment dans l’espace assez compact de la galerie, reconstituant une cabane de bois. À l’intérieur, des feuilles de partitions, des morceaux de paroles, photographies, éléments de costumes et autres objets sont exposés. L’extérieur de la cabane donne sur un jardin reconstitué. Dans un coin de la galerie, une bande sonore diffuse une discussion entre Moeka Shiotsuka et Yurika Kasai. On a l’impression pendant quelques instants de rentrer dans leur univers.

Après un suspense intense, j’ai finalement reçu confirmation qu’une place pour le prochain concert de Sheena Ringo, Ringo Expo’24 (林檎博’24―景気の回復―), m’était gracieusement accordée. A travers le fan club Ringohan, j’avais tenté d’avoir une place pour chacune des trois dates au Saitama Super Arena (さいたまスーパーアリーナ) et le hasard de la loterie ne m’a finalement accordé qu’une seule place, le Jeudi 21 Novembre 2024. Il s’agissait en fait de mon troisième choix, comme quoi les places sont difficiles à obtenir même à travers le fan club. Maintenant, il faut attendre patiemment cinq mois avant le concert. J’ai également eu un peu de chance à la loterie pour obtenir des places pour une des deux dates de Tokyo de la tournée mondiale de Millennium Parade intitulée Who And How. Je ne pensais pas du tout pouvoir obtenir des places mais j’avais tenté le coup au cas où pour trois places pour y aller en famille, une fois n’est pas coutume. On a finalement eu des places pour le final au Tokyo Garden Theater le 20 Décembre 2024. Il me faudra dans ce cas là attendre six mois. Tous ces événements me paraissent bien lointains. Peut-être assisterais je à un autre concert entre temps. Ce sont dans les deux cas des grandes salles: 37,000 personnes pour Saitama Super Arena et 8,000 pour Tokyo Garden Theater. Vu le monde qu’il avait pour seulement suivre la voiture Plankton dans les rues de Tokyo, je pense qu’une salle de 8,000 personnes est un peu étroite pour Millennium Parade, d’autant plus que King Gnu remplit des domes. Je me pose pas mal de questions sur ces deux tournées. Je me demande si les invitées du dernier albums de Sheena Ringo seront également présentes lors de la série de concerts. Ça me parait plutôt difficile sur la totalité de la tournée et pour la totalité des artistes invitées, mais les concerts de type Expo accueillent en général des invités. Pour Millennium Parade, je me demande quels vont être les morceaux interprétés car la formation de Daiki Tsuneta n’a pas sorti d’album depuis un bon moment à part quelques singles comme Work avec Sheena Ringo. Le 20 Décembre, elle aura déjà terminé sa tournée nationale et ça me parait plutôt probable que Millennium Parade interprète le morceau Work qui a eu beaucoup de succès. Je doute tout de même qu’ils l’interprètent une nouvelle fois ensemble (après la version lors du concert de King Gnu au Tokyo Dome). En attendant, Millennium Parade fait du teasing en commençant à nous montrer des photographies des membres du groupe dans des accoutrements des plus étranges et en présentant des personnages qui seront peut-être en lien avec l’univers visuel de la formation.

Sur mon billet précédent montrant des photos du Flagship Store Fender d’Harajuku, certains visiteurs auront peut être été interpellés par cette fille portant deux guitares jaunes. C’était mon cas en tout cas. Il s’agit de la guitariste et chanteuse Rei, qui est désormais une des ambassadrices de la marque Fender au Japon. J’ai fait le curieux en recherchant dans sa discographie des morceaux qui me plairaient et je découvre celui intitulé Lazy Loser que j’aime beaucoup pour sa dynamique imparable. Son style pop rock est assez différent de ce que j’écoute d’habitude en rock japonais, mais ce morceau en particulier est particulièrement addictif, d’autant plus que son jeu de guitare est excellent. Dans les autres excellents guitaristes, je suis très impressionné par le morceau intitulé Burning de Corey Wong avec le Metropole Orkest. Corey Wong est un guitariste américain et le Metropole Orkest est un orchestre jazz et pop des Pays Bas. Je connais Corey Wong car il jouait brillamment sur l’excellent morceau Todome no Ichigeki (トドメの一撃) de Vaundy. J’ai d’abord découvert le morceau Burning car il passait récemment à la radio sur J-Wave suite à une courte interview de Corey Wong. J’adore l’intensité crescendo de l’orchestre et surtout le final, qui m’avait tout de suite interpellé lors de ma première écoute à la radio. Rei et Corey Wong ont également joué ensemble sur un morceau intitulé BPM, qui est agréable mais m’intéresse moins en comparaison des deux morceaux ci-dessus.