ヤエス出口から御徒町

La première photographie montrant le côté Yaesu (八重洲) de la grande gare de Tokyo a été prise depuis la tour récente Tokyo Mid-Town Yaesu que Mari et moi avons visité sommairement il y a quelques semaines, histoire de voir s’il y avait des choses intéressantes. Un des étages comprend un vaste espace ouvert semblable à un food court qui est plutôt agréable. Juste à côté de Yaesu Mid-Town, le Yanmar Tokyo Building conçu par Nikken Sekkei est particulièrement intéressant pour son alignement de tubes rouges recouvrant une partie du rez-de-chaussée donnant accès à l’entrée du building. Ça m’a donné l’image d’un découpage au sabre d’une partie du béton et du verre du rez-de-chaussée pour donner accès à l’entrée. Ceci étant dit, je doute quand même que ce rouge vif représente les entrailles du building, et j’imagine qu’il s’agit plutôt d’une correspondance à la forme et à la couleur du logo de la marque d’équipements agricoles (entre autres) Yanmar, qui donne son nom à ce building. La tour se compose principalement de bureaux avec quelques restaurants. Je ne l’ai malheureusement pas remarqué moi-même, mais certains étages laissent apparemment la végétation dépasser sur la façade.

Quelques semaines plus tard, j’étais assis avec mahl de l’autre côté de la grande station de Tokyo, côté Marunouchi, sur la terrasse d’étage du building KITTE. On regardait ces buildings tout un buvant un café et en discutant de diverses choses. C’était la première fois qu’on se rencontrait et c’est toujours étonnant de se voir finalement après de nombreuses années à avoir échangé par écrits interposés sur nos blogs. Nous parlons de musique japonaise bien sûr, du fait d’écrire sur un blog et de beaucoup d’autres choses. Il passait en coup de vent à Tokyo pour la journée pour repartir ensuite à Nagoya, et la rencontre pour le déjeuner a été bien rapide. Au plaisir d’une prochaine rencontre.

Les autres photographies du billet ont été prises depuis la gare d’Okachimachi (御徒町駅), juste avant Ueno. Elles datent de Septembre alors que je partais à la découverte du building Monospinal par l’architecte Makoto Yamaguchi, au pied de la station Asakusabashi (浅草橋駅). Devant la station d’Okachimachi, des idoles en devenir chantaient devant un public parsemé. Je ne sais pas exactement quel était l’occasion de ce rassemblement, mais l’estrade sur laquelle elles dansaient et chantaient ressemblait fortement à un ring de boxe ou de catch. Ce n’est pas la première fois que je vois ce genre de spectacle de rue sur la place devant la station d’Okachimachi.

C’était par contre la première fois que je visitais la petite galerie Mizuma Art située à Ichigaya Tamachi (市谷田町). J’apprécie beaucoup d’artistes présentant leurs œuvres dans cette galerie mais je n’avais jusqu’à maintenant jamais trouvé une occasion d’y aller. On y présente en ce moment, jusqu’au 11 Novembre, quelques œuvres de Yoshitaka Amano (天野喜孝展) dans une série bleue intitulée Blue Sky (青天). Comme beaucoup je pense, je connais et apprécie Yoshitaka Amano depuis la découverte de ses illustrations pour la série de jeux vidéos Final Fantasy. Cette exposition à la galerie Mizuma ne montre que quelques unes de ses œuvres sélectionnées pour l’utilisation de la couleur bleue. Elles sont très belles bien sûr mais on a vite fait le tour de la galerie. J’espère pouvoir apprécier un jour une grande rétrospective de son œuvre dans une galerie où un musée de plus grande taille. Je feuillette en attendant les deux livres, recueils de ses œuvres, placés sur le comptoir près de l’entrée de la galerie. Une photo dans un des livres montre son studio créatif qui se trouve dans un petit building dont je reconnais le design car je l’ai déjà pris en photo et montré sur ce blog. Je ne me souviens pas exactement dans quel quartier de Minato ou Shibuya il se trouve, et je ne pense pas être en mesure de retrouver cette photo parmi les 2320 billets qui composent Made in Tokyo. Je le retrouverais certainement par hasard aux détours d’une rue. La galerie Mizuma Art présentera à la fin du mois de Novembre un autre artiste que j’aime beaucoup, Tomiyuki Kaneko (金子富之). Ce sera à ne pas manquer.

Musicalement parlant, je continue à écouter l’album DEBUT de Kyrie (aka AiNA The End) et Takeshi Kobayashi accompagnant le film Kyrie no Uta (キリエのうた). J’y découvre au fur et à mesure quelques morceaux sublimes comme Niji Iro Kujira (虹色クジラ) et Zuruiyona (するいよな). Je trouve l’album inégal dans son ensemble mais il y a de nombreux morceaux particulièrement beaux et inspirés, comme ces deux là et ceux que je mentionnais dans mon précédent billet évoquant le film. J’ai l’impression que je n’avais pas écouté la musique de Vaundy depuis un petit moment mais je me rattrape avec son dernier single Todome no Ichigeki (トドメの一撃) accompagné par le guitariste Cory Wong. Je suis tout de suite happé par la dynamique pop qui se dégage du morceau. C’est le type de morceau que j’adore écouter en roulant en voiture, car il a un parfum de week-end et une énergie très communicative. La vidéo sur un bateau de croisière avec l’actrice Masami Nagasawa en rôle principal ajoute certainement à l’ambiance générale du morceau. Il est utilisé comme thème final de la saison 2 de Spy x Family, ce qui me rappelle que je n’ai pas encore terminé la première saison sur Netflix. Je m’y remets donc doucement avec beaucoup de plaisir. J’avais d’abord un avis assez mitigé sur le nouveau single SpecialZ de King Gnu, mais la vidéo réalisée par OSRIN de Perimetron (le collectif artistique de Daiki Tsuneta) est artistiquement assez exceptionnelle et m’a remis rapidement sur les rails. L’aspect chaotique de la vidéo accompagne et explique même d’une certaine manière la désorientation qu’on peut avoir à la première écoute du morceau. Cette image chaotique est très présente dans l’oeuvre musicale et visuelle de Daiki Tsuneta. Il s’agit également du thème principal du premier album de son autre groupe Millenium Parade. SpecialZ est le thème d’ouverture de l’anime Jujutsu Kaisen Shibuya Jihen (呪術廻戦 渋谷事変), tandis que le thème de fin est le dernier single de Hitsuji Bungaku (羊文学), More Than Words. King Gnu, tout comme Vaundy d’ailleurs, sortira bientôt un nouvel album qu’il faudra suivre avec attention. J’écoute aussi beaucoup quelques morceaux de Fujii Kaze (藤井風), en particulier Hana (花) et Workin’ Hard. Fujii Kaze m’a toujours un peu agacé, mais il faut quand même reconnaître qu’il y a beaucoup de talent. Il y a toujours une sorte d’évidence dans ses morceaux, comme si ça lui venait tout seul, sans efforts. C’est très certainement loin de la vérité mais cette impression reste pour moi très marquée. J’aime beaucoup le dernier single Hana, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’il manque un instrument en fond, un piano aux notes claires et flottantes comme des lumières de neons (bon, j’ai peut-être trop écouté Kirinji). Cette série musicale est, une fois n’est pas coutume, très « mainstream » mais je vais bientôt repartir vers des profondeurs plus sombres. Je reprends en quelque sorte ma respiration avant de plonger.

Toranomon Hills Station Tower par OMA

La nouvelle grande tour Toranomon Hills Station Tower vient d’ouvrir ses portes à Toranomon le 6 Octobre 2023. Elle a été conçue par OMA (Office for Metropolitan Architecture), l’agence internationale d’architecture fondée entre autres par Rem Koolhaas en 1975. Station Tower vient s’inscrire dans le re-développement du quartier de Toranomon par Mori Building qui avait commencé par la Toranomon Hills Mori Tower (ouverte en Mai 2014), suivie par la Business Tower (Janvier 2020) et la Residential Tower (Janvier 2022). Ce nouvel ensemble Toranomon Hills reste fidèle au modèle de mini-villes intégrées initié avec Ark Hills à Tameike-Sanno et Roppongi Hills. L’ensemble est un projet d’urbanisme extensif incluant des interconnections entre les buildings et une nouvelle avenue, la Shin-Tora, qui avait été créée au moment de la construction de la tour Initiale Mori Tower et qui vient compléter la route circulaire numéro 2 (Ring Road No.2, 環状二号線). Une station de bus a également été créée, ainsi qu’une nouvelle station de métro sur la ligne Hibiya. Toranomon Hills a même une mascotte appelée tout simplement Toranomon (トラのもん) ressemblant à un Doraemon peint en blanc, représentant un robot businessman en forme de chat (猫型ビジネスロボット). La tour Mori Tower et la nouvelle Station Tower sont reliées pour un pont piéton large de 20m nommé T-deck passant au dessus de l’avenue Sakurada-dori et traversant le Glass Rock, un petit building de verre et d’acier aux formes asymétriques. Le Glass Rock donne un accès à la station de métro de la ligne Hibiya mais n’est pas encore ouvert dans sa totalité. Un long tunnel souterrain que je montre sur la dernière photographie du billet connecté la station Toranomon Hills de la ligne Hibiya à la station Toranomon de la ligne Ginza. La Station Tower n’est pas non plus entièrement ouverte. Il y a encore des travaux en cours à l’extérieur et à l’intérieur. Certains étages sont toujours fermés. J’étais pourtant assez impatient de voir cette nouvelle tour de près et je me suis créé une occasion de la visiter en allant chez le coiffeur situé au septième étage de la tour. Je n’avais jamais été me faire couper les cheveux en ayant une telle vue sur la ville, celle que je montre sur la deuxième photo du billet.

Les premiers étages de la tour Station Tower sont des espaces ouverts reliés par des escalators, formant un atrium de 2,000m². On est tout de suite impressionné par la richesse des lieux, pas spécialement une richesse des matériaux mais une richesse visuelle certaine. Cet espace est dense et visuellement intéressant. Les murs et les plafonds sont par exemple pour la plupart recouverts de matériaux de formes géométriques angulaires donnant un aspect futuriste à l’ensemble. Les escalators orientés dans différentes directions ont des parois de protection composées de verres colorés remarquables. La tour fait 266 mètres de haut pour 49 étages et 4 sous-sols. En plus des classiques espaces de bureaux, espaces commerciaux et l’hôtellerie, elle intègre également un espace dit de communication interactive appelé TOKYO NODE, situé en haut de la tour mais accessible à partir du huitième étage. TOKYO NODE contient des halls d’exposition, des galeries, une piscine, des restaurants, entre autres. Cet espace est particulièrement intéressant car il laisse penser que de nouveaux types de spectacle pourront y être montrés. Depuis l’ouverture, on peut voir jusqu’au 12 Novembre 2023 un spectacle intitulé Syn: Unfolded Horizon of Bodily Senses (身体感覚の新たな地平) faisant collaborer Rhizomatiks avec ELEVENPLAY sous la direction artistique de la chorégraphe MIKIKO. ELEVENPLAY est un groupe de danseuses dirigées par MIKIKO dont j’ai déjà souvent parlé ici car elles ont souvent participé aux tournées de Sheena Ringo. Saya Shinohara (篠原さや), membre du groupe, a également joué dans plusieurs vidéos de Sheena Ringo, comme celle de la nouvelle version remixée de JL005 bin de (JL005便で ~Flight JL005~), ou celles de Nagaku Mijikai Matsuri (長く短い祭) et Kamisama, Hotokesama (神様、仏様). Le collectif créatif Rhizomatiks, créé par l’artiste et DJ Daito Manabe (真鍋大度), est spécialisé dans les effets spéciaux numériques. Rhizomatiks s’est fait connaître pour les effets visuels des performances du groupe Perfume (notamment Reframe en 2019, Time Warp en 2020 ou encore Polygon wave à la PIA Arena de Yokohama…) qui sont chorégraphiées par MIKIKO. En feuilletant un peu le site web de Rhizomatiks montrant leurs créations passées, je vois qu’il y a eu beaucoup de performances en collaboration avec ELEVENPLAY, mais j’y vois aussi quelques noms de musiciens étrangers comme Squarepusher pour les visuels de sa tournée japonaise de 2022 et UNDERWORLD avec SAKANACTION pour un live en Octobre 2022. Le prix d’entrée au spectacle du moment est certes un peu cher à 8,000 Yens par personne. On ne peut en voir qu’une courte vidéo, ce qui rend le tout très intriguant.

Je suis venu plusieurs fois voir cette tour grandir car sa construction a laissé rapidement apparaître des formes externes atypiques et une structure intérieure complexe, qui m’ont beaucoup intrigué. Je n’ai pas pris de photos à chacun de mes passages, mais j’ai au moins trouvé dans mes archives les deux ci-dessus prises de nuit le 25 Février 2022. Il y a quelque chose d’assez fantastique dans les constructions vues de nuit. Tout y est calme et seulement quelques lumières éclairent les enchevêtrements de poutres métalliques qui peuvent facilement devenir mystérieuses voire inquiétantes. Il faudrait que j’explore un peu plus ce type de photographies. Pour revenir au building dans sa forme actuelle, j’en montre quelques autres photos sur mon compte Instagram.

something in the air right above the palm tree

Idéalement placée en plein centre de Daikanyama près du palmier synthétique jaune et vert couvert de panneaux solaires, la nouvelle résidence conçue par Kengo Kuma semble être proche d’être terminée. Son design, utilisant le bois comme très souvent chez l’architecte, est élégant, du moins beaucoup plus que l’ancien centre commercial que cette résidence vient remplacer. Le palmier reste lui immuable et est devenu emblématique du quartier. En regardant de loin, on pourrait vaguement penser à un palmier au bord de mer dans une illustration de Hiroshi Nagai comme celle intitulée Shade of Palm Grove. Hiroshi Nagai est notamment connu pour la couverture de l’album City Pop A Long Vacation d’Eiichi Ohtaki, sorti en 1981. Je n’ai jamais été attiré par le style City Pop des années 1980 à part quelques morceaux découverts un peu par hasard sur Internet. Dans les rues de Daikanyama, je retrouve des autocollants de la fille au regard déterminé dessinée par Fuki Committee. Il est très actif à Shibuya et dans ses quartiers limitrophes. J’aurais voulu aller voir son exposition récente dans la petite galerie Night Out, mais le temps m’a malheureusement manqué. Je ne me souviens plus quel était l’objectif de cette marche. Il n’y avait sans doute pas d’objectif précis, à part celui de marcher en écoutant la musique que j’aime. J’ai à priori fait une boucle qui m’a ramené vers le centre de Shibuya, en passant devant Bunkamura. J’y prends en photo les affiches alignées car je reconnais l’ancien et photogénique Hôtel Belvédère construit en 1882 en Suisse qui doit apparemment apparaître dans un film de Wes Anderson. En fait non, il s’agit d’une exposition de photographies intitulée Accidentally Wes Anderson qui aura lieu du 25 Novembre au 28 Décembre 2023 dans le hall d’exposition du building Hikarie à Shibuya. Cette exposition semble très intéressante. À côté de cette affiche, il s’agit d’Élisabeth d’Autriche, surnommée Sissi, dans une pause singulière pour l’époque. Le film intitulé Corsage retrace la vie de Sissi pendant l’année 1878. Il est très peu probable que j’aille le voir, ceci étant dit, car l’affiche ne nous y invite pas vraiment.

Je parlais un peu plus haut de la galerie Night Out, que je voulais visiter depuis un bon petit moment sans pourtant trouver une bonne occasion. Les images des peintures de l’artiste Shigeki Matsuyama (松山しげき) pour son exposition Portrait of dazzle vues sur le compte Instagram de la galerie m’attirent tout de suite, et je me décide à aller les voir ce lundi, jour férié mais pluvieux. Je n’aime pas beaucoup marcher longtemps sous la pluie mais je ne voulais pas manquer de voir de près ces portraits tout à fait fascinants. La galerie se trouve dans une petite rue à quelques dizaines de mètres du musée Watarium. Elle est située au troisième étage d’un immeuble étroit et il faut sonner à l’interphone pour y entrer. La galerie se compose d’une seule grande salle rectangulaire composée de murs blancs et donnant sur une longue baie vitrée. L’espace est très lumineux et met d’autant plus en valeur les œuvres de Matsuyama posées sur chacun des murs. Sur ces portraits, le contraste entre les yeux très détaillés et expressifs et les formes des visages et des corps très simples et stylisées me fascinent. Il y a un mélange d’universalité et d’unicité dans ces représentations abstraites. C’est vraiment brillant car ces formes simples nous semblent familières sans forcément avoir une idée précise en tête de qui il pourrait bien s’agir. La plupart de ses figures sont féminines à part une seule posée à côté du comptoir de la galerie. Cette figure là semble masculine mais est en même temps androgyne. Je pense très vaguement à Grace Jones. En me voyant prendre de nombreuses photographies et m’attarder longtemps sur chaque œuvre, la personne tenant la galerie (je ne sais si elle est gérante ou seulement employée de la galerie) me demande si je connais personnellement l’artiste, ce qui n’est pas le cas. Étant seul dans la galerie, la conversation s’engage car cette personne est très sympathique. On parle des œuvres que l’on admire dans la galerie et j’en viens à expliquer les raisons pour lesquelles je connais cette galerie. Je l’avais découverte en faisant des recherches sur Internet après avoir pris en photo les autocollants de Fuki Committee comme celui montré ci-dessus. Elle me dit qu’elle en fera part à l’artiste Fuki-san qui sera certainement content d’apprendre le cheminement de cette découverte. Au passage, elle me donne des autocollants que je vais garder précieusement. J’ai très souvent pensé créer mes propres autocollants à partir de mes formes urbano-végétales pour ensuite aller les coller dans les rues de Tokyo, mais ça ne doit pas être autorisé. Je me retiens donc fortement.

Il y a un plusieurs semaines, j’ai entendu à la radio un nouveau morceau de Kirinji (キリンジ) intitulé Honomekashi (ほのめかし) qui m’a tout de suite attiré. Kirinji est depuis l’année 2020 le projet solo de Takaki Horigome (堀込高樹) et il était invité dans cette émission de radio (J-Wave, je pense) pour présenter son nouvel album Steppin’ Out, sorti le 6 Septembre 2023. Ce morceau Honomekashi est une collaboration avec un duo rock coréen appelé SE SO NEON (새소년). Ce n’est pas la première fois que j’entends Kirinji en duo avec un ou une artiste coréen. Le premier morceau que j’ai écouté de Kirinji était d’ailleurs le sublime Killer Tune Kills Me avec la coréenne YonYon. J’aime beaucoup Honomekashi car on s’y sent bien en l’écoutant, flottant loin au dessus de tout ce qui va mal dans ce monde. Avec Kirinji, j’aime quelques morceaux pris indépendamment mais je ne me suis jamais lancé dans l’écoute d’un album entier. Pourquoi ne pas essayer avec son dernier Steppin’ Out? Ça commence très bien avec le premier long morceau Runner’s High, que j’aime vraiment beaucoup, et ce dès les toutes premières notes électroniques cosmiques. J’aime aussi beaucoup la manière dont Takaki Horigome chante dans la deuxième partie du morceau tout en tension maîtrisée. Il y a clairement une ambiance City Pop, à laquelle je ne suis pas vraiment habitué. On qualifie de City Pop, toute la musique pop japonaise qu’on a envie d’écouter la nuit en ville en voiture en faisant durer le trajet pour pouvoir écouter l’album en entier (et optionellement le chanter en même temps). Enfin, c’est la définition que je donne et ça correspond parfaitement à ce morceau là de Kirinji. Le deuxième de l’album, nestling, est moins fort mais continue assez bien dans cette lignée City Pop. Kirinji a un sens très affuté de la mélodie. Malheureusement, les trois et quatrième morceaux me plaisent beaucoup moins et je décroche jusqu’au cinquième Honomekashi, qui m’interpelle à chaque fois. Le sixième morceau intitulé seven/four me plaît aussi énormément car il s’agit d’un instrumental jazz très atmosphérique. La suite m’intéresse de nouveau beaucoup moins. Au total, sur les neuf morceaux de l’album, j’en apprécie réellement que quatre. Je suis un peu déçu de ne pas pouvoir apprécier l’album en entier, d’autant plus que la couverture dessinée par l’illustrateur Naofumi Osawa “Miche” (みっちぇ) du studio Bōrei Kōbō (亡霊工房) est superbe. Ça sera peut être pour son prochain album. En entendant, ces quatre morceaux sélectionnés tournent très régulièrement dans ma playlist et je ne m’en lasse pas.

CAPSULE A906 et l’image d’un futur lointain

Je suis allé plusieurs fois voir de près la tour Nakagin Capsule Tower (中銀カプセルタワービル) de l’architecte Kisho Kurokawa (黒川紀章), œuvre architecturale emblématique du mouvement métaboliste japonais, avant sa destruction malheureuse. Je n’étais par contre jamais entré à l’intérieur d’une capsule. Pendant les dernières années avant sa destruction, certains tours opérateurs indépendants proposaient des visites de la tour Nakagin et d’une ou de plusieurs capsules in-situ, mais le timing ne m’avait jamais permis d’y aller. Je le regrette un peu maintenant, mais je me rattrape en quelque sorte cette fois-ci en visitant deux des capsules de la tour présentes dans la galerie SHUTL à Tsukiji, près d’Higashi-Ginza. Au moment de la destruction de la tour Nakagin, on sait que certaines capsules ont été extraites en vue d’une utilisation ultérieure. La finalité de la mise en place de deux capsules dans cette galerie n’est pas très claire. L’espace était ouvert aux visiteurs pendant seulement deux jours, le Samedi 7 et Dimanche 8 Octobre 2023. Je comprends que cette galerie deviendra ensuite un espace créatif, conservant les deux capsules en son enceinte. Il sera en fait possible de louer cet espace, comme une galerie d’art, pour des expositions, des lectures ou projections de films, des interviews, entre autres. La première exposition démarrant le 13 Octobre serait en lien avec les idées du mouvement des Métabolistes. J’ai eu vent de cette ouverture temporaire de deux jours grâce au compte Instagram de l’amatrice d’architecture et guide tokyoïte Haruka Soga, qui en parlait donc sur son compte. Vu l’importance de Nakagin pour l’histoire de l’architecture japonaise et l’espace que j’imaginais à raison très réduit des capsules et de la galerie, je me suis dis qu’il fallait mieux y aller en avance. L’espace ouvrant à 13h, je m’y suis donc rendu une heure avant, vers midi. Une vingtaine de personnes étaient déjà sur place à attendre à l’entrée de la galerie, mais les membres du staff ont rapidement décidé de donner des tickets d’entrée par heure pour éviter une longue file d’attente dans la rue de la galerie. Mon petit ticket en poche, j’en ai profité pour faire un tour du quartier en passant visiter une nouvelle fois l’intérieur du grand temple Tsukiji Honganji puis en passant devant le théâtre Kabukiza avant de m’enfoncer dans les rues d’Higashi-Ginza. L’heure a passé assez vite et me revoilà devant la galerie dix minutes avant l’ouverture.

Deux capsules étaient accessibles à la visite, une capsule originale appelée CAPSULE A – A906 et une autre nommée CAPSULE B – A1006 qui n’était en fait qu’un squelette de la capsule montrant sa structure métallique. La capsule originale est bien entendu la plus intéressante car elle a été restaurée comme à l’origine avec son large lit prenant pratiquement tout l’espace des 8.5 m2 habitables de la capsule. On retrouve donc devant le lit, l’emblématique large hublot avec son rideau à ouverture circulaire et l’équipement audio-vidéo d’un autre temps: le lecteur à bandes, la petite télévision cathodique et le vieux téléphone. La sobriété de l’espace de couleur blanchâtre et le design général évoque l’image d’un futur imaginée à une époque désormais bien lointaine. L’espace est tellement exiguë qu’on a un peu de mal à y tenir à deux personnes. Les toilettes et la salle de bain en un bloc sont plus communes, car on en trouve encore maintenant dans certains hôtels bon-marchés. J’imagine assez bien cet espace être utilisé pour des interviews d’artistes ou de personnalités. Le squelette de la capsule B est moins intéressant à la visite. On imagine qu’il va être utilisé pour y afficher des œuvres artistiques lors de futures expositions. J’aurais voulu passer un peu plus de temps à l’intérieur de la capsule originale, mais les visites sont chronométrées. Je me doute bien que visiter une capsule dans la tour Nakagin d’origine devait être beaucoup plus intéressant. Il s’agit en tout cas d’une petite consolation que j’ai tout de même beaucoup apprécié. Je montre quelques photos supplémentaires de cette visite sur mon compte Instagram.

Il y a quelques semaines, je suis allé voir l’exposition de l’artiste Minoru Nomata (野又穫) à la galerie d’art de Tokyo Opera City, près de Shinjuku. Cette exposition solo de Minoru Nomata s’intitulait Continuum et se déroulait du 6 Juillet au 24 Septembre 2023. J’en suis ressorti enchanté. Ces peintures montrent des structures architecturales mystérieuses, que l’on aurait du mal à dater comme si elles provenaient d’un futur déjà passé. Regarder ces peintures est ludique car on peut du regard marcher à l’intérieur, en emprunter les marches des escaliers et des échelles. On devine certaines propriétés aéronautiques à ces structures mais leurs fonctions et leur significations laissent interrogatifs. Quel est le sens de ces grandes voiles de bateaux posées sur un bâtiment accroché fermement au sol, ou ces ballons qui ne demanderaient qu’à s’envoler mais qui restent prisonniers attachés à un socle sur la terre ferme? Nomata nous montre également d’étranges sphères de taille gigantesque abritant dans leur centre un microcosme végétal, comme si elles voulaient protéger cette végétation d’un milieu extérieur hostile. Mais les peintures de Nomata mettent pourtant en scène des créations humaines dans leur contexte naturel dans une cohabitation paisible. Les structures délicates ne semblent pas êtres ébranlées par les éléments. La peinture intitulée Babel est l’une des plus impressionnantes par sa taille et son souci du détail. A quoi peut ressembler la vie dans une structure écrasante telle que celle-ci? Cette structure est pourtant très lumineuse. Il serait peut être même très agréable de marcher sur ces longs escaliers en hauteur rafraichit par un vent qui ne peut venir que de la mer. Des images nous viennent forcément en tête en regardant ces structures, et j’en viens même à souhaiter qu’un illustrateur de manga réutilise cet univers pour un film d’animation. Je pense rapidement à Tsutomu Nihei (弐瓶 勉) bien que son oeuvre soit beaucoup plus sombre.

いけないリボンロック

Lors de ma visite récente de l’exposition du What Museum à Toyosu, j’avais repéré le flyer d’une autre exposition, celle du photographe Itaru Hirama (平間至). Son exposition intitulée Photo Songs (写真のうた) se déroule du 8 Juillet au 23 Août 2023 dans le Hall B au neuvième étage de la tour Hikarie à Shibuya (渋谷ヒカリエ9F ヒカリエホール ホールB), dans un espace apparemment affilié à Bunkamura. La photographie du flyer montre le musicien rock Kiyoshiro Imawano (忌野清志郎) penché excessivement en avant sur son micro. La dynamique de cette photographie et l’accoutrement fantaisiste d’Imawano m’ont attiré. Il était leader du groupe RC Succession (RC voulant dire Remainders of the Clover, car Clover était le nom du premier groupe d’Imawano), mort d’un cancer en 2009. Je ne connais pas très bien ce groupe et ce musicien qui sont pourtant légendaires au Japon. Même sans connaître la musique du groupe RC Succession, à part peut-être quelques morceaux très renommés, je reconnais tout de même très facilement la voix tellement particulièrement de Kiyoshiro Imawano. En fait, je connais tout de même le morceau Ikenai Rouge Magic (い・け・な・いルージュマジック) qui est une collaboration de Kiyoshiro Imawano avec Ryuchi Sakamoto, et qui est repassée quelques fois à la radio à la mort de Ryuchi Sakamoto.

Itaru Hirama est principalement connu pour ses photographies de musiciens et de groupes japonais, particulièrement lorsqu’ils ont une tendance et un esprit rock. Il a hérité de son père le studio photo familial installé à Shiogama, dans la prefecture de Miyagi, mais les poses fixes de gens que l’on prend en général en photo dans ce genre de studio photo ne l’intéressait pas beaucoup et il s’est attaché à explorer la capture du mouvement dans ses photographies. Il entend opérer dans son approche photographique un rapprochement avec l’excitation et l’esprit de libération que l’on peut retrouver dans la musique punk rock. On ressent particulièrement bien ce rapprochement lorsqu’Itaru Hirama photographie des groupes comme The blue hearts, Ging Nang Boyz (銀杏BOYZ) et son leader Kazunobu Mineta (峯田和伸), Kenichi Asai (浅井健一) et Blankey Jet City, ou encore l’acteur Tadanobu Asano (浅野忠信) dont les cheveux longs hirsutes de l’époque lui donnait un look sauvage. Cette exposition était pour moi d’autant plus intéressante qu’elle aborde un sujet qui me tient à cœur, celui de la manière dont la musique vient s’infiltrer dans le style photographique. La relation musicale dans mes photographies est une idée que j’ai en tête depuis de très nombreuses années, à mon simple niveau amateur. Dans cette exposition, j’ai aussi énormément apprécié le fait qu’Itaru Hirama photographie de nombreux groupes et artistes que j’apprécie, avec parfois des associations étonnantes. Le groupe Clammbon (クラムボン) est par exemple pris en photo avec Ling toshite sigure (凛として時雨). Le groupe Ling toshite sigure apparaît également seul sur d’autres photographies, tout comme la chanteuse Ikuko Harada (原田郁子) de Clammbon. Un grand nombre des photographies montrées lors de l’exposition ont été réutilisées pour les campagnes publicitaires de Tower Records, No Music No Life, dont je parle assez régulièrement sur ce blog, mais également pour des magazines musicaux japonais et quelques fois pour le gratuit Kaze to Rock (風とロック) au sujet duquel j’avais été voir une exposition dernièrement dans la galerie du Department Store PARCO. Entre cette exposition récente à PARCO et celle du photographe Itaru Hirama, c’est intéressant de voir cet engouement récent à montrer ces années rock du début 2000. On ne pouvait pas prendre de photos à l’intérieur de la plupart des salles d’exposition, ce qui assez dommage. Je me contente donc de montrer certaines affiches pour Tower Records regroupées au début de l’exposition. Itaru Hirama a pris en photo à plusieurs reprises le groupes Yellow Magic Orchestra et ses trois illustres membres à savoir Haruomi Hosono (細野晴臣), Ryuichi Sakamoto (坂本龍一) et Yukihiro Takahashi (高橋幸宏). Après la disparition récente cette année de Ryuichi Sakamoto et de Yukihiro Takahashi, ces quelques photos, dont certaines assez humoristiques, prennent une valeur toute particulière. Je vois aussi que la photo, pour la campagne No Music No Life, montrant Jane Birkin avec le chanteur et compositeur Yōsui Inoue (井上陽水), dont je parlais très récemment, a été prise par Itaru Hirama. L’exposition nous montre une autre photo des deux artistes. J’aime aussi ces photos montrant Quruli et son leader Shigeru Kishida (岸田繁), Aimyon, les idoles de Speed et UA, entre autres. Itaru Hirama a également pris beaucoup de photographies de couvertures d’albums et de singles. Deux murs de l’exposition montraient des CDs. J’étais particulièrement attiré par celui montrant les singles en CD 8cm au format en long. Je vois notamment que le photographe a pris Rie Tomosaka (ともさかりえ) en photo pour le single Cappuccino (celui écrit et composé par Sheena RIngo). La dernière partie de l’exposition montre des photographies d’inconnus prises dans son studio. La mise en scène y est souvent intéressante mais je pense que les visiteurs étaient plutôt là pour voir des photographies d’artistes. Celle de Kiyoshiro Imawano reprise sur le poster de l’exposition reste une des plus réussies.

Comme je l’indiquais dans mon billet précédent, j’écoute maintenant le dernier album Akaboshi Aoboshi (赤星青星) de Kayoko Yoshizawa (吉澤嘉代子), sorti en 2021. J’évoquais déjà la photographie de couverture de l’album réalisée par le directeur artistique Hitoki Naruo (鳴尾仁希). Les morceaux de cet album s’accordent bien à la délicatesse de cette image qui n’est pourtant pas absente d’une certaine force. Le chant de Kayoko Yoshizawa est très maîtrisé et sa voix très complète. On a très souvent envie de revenir vers des morceaux de l’album pour certains effets de voix et certaines manières de chanter qu’elle utilise, comme par exemple sur le morceau Jelly no Koibito (ゼリーの恋人). L’ensemble de l’album est plutôt apaisé, même si les guitares pointent régulièrement leur cordes dans les détours. Elles sont particulièrement présentes sur le troisième morceau morceau intitulé Gumi (グミ), qui est également un de mes préférés. C’est un morceau très accrocheur tout comme celui intitulé Service Area (サービスエリア) qui le précède. Il y a un morceau aux ambiances rétro que j’ai tout de suite beaucoup aimé, le septième intitulé Redial (リダイヤル), d’autres plus pop comme celui intitulé Oni (鬼). Mes préférés restent ceux qui possèdent une délicatesse musicale certaine comme Ryūsei (流星). Cet album s’éloigne de la musique rock que j’écoutais ces derniers temps et ça fait du bien de divaguer vers d’autres horizons un peu plus inhabituelles.