Le parc autour du château de Sekiyado (関宿城) est vaste et sans délimitations très précises. A part le château et son musée, il y a très peu d’habitations autour, ce qui donne le sentiment d’un lieu un peu perdu de tout. Quelques personnes étaient venues comme nous admirer les fleurs de cerisiers se mélangeant au jaune des fleurs de colza, mais l’endroit restait paisible. On apprécie beaucoup plus les cerisiers en fleurs dans leur environnement naturel, plantés dans les hautes herbes. On s’y aventure un peu et on aimerait y rester pendant plusieurs heures mais le soleil commence déjà à se coucher doucement. Ce billet termine cette petite série de deux fois deux épisodes entre Chiba et Ibaraki.
Catégorie : Chiba
les sakura de Noda (1)
En regardant le château de la première photographie, on pourrait avoir l’impression d’être parti très loin de Tokyo, alors que nous ici à Chiba, de l’autre côté du grand fleuve Tonegawa par rapport à la petite ville de Sakai que je montrais dans les deux précédents billets. Le château de Sekiyado (関宿城) se trouve à Noda, à l’extrémité d’une étroite portion de terre située entre les fleuves Edogawa et Tonegawa. Cette bande de terre de Chiba est placée entre les préfectures d’Ibaraki lorsqu’on traverse le fleuve Tonegawa et de Saitama lorsqu’on traverse le fleuve Edogawa. On comprend tout à fait que cet endroit pouvait être autrefois stratégique, permettant le contrôle du traffic fluvial à la confluence de ces deux grands fleuves au Nord du Kantō, et qu’on y ait donc implanté un château. A la fin de la période Edo, le château de Sekiyado était le fief du clan Kuse, daimyo du domaine, mais il fut détruit et abandonné pendant la période de la restauration Meiji qui ordonna la destruction de toutes les fortifications de l’ancien Japon féodal. Le château actuel date de 1995 et est désormais l’annexe d’un musée. Nous n’avons pas visité le musée mais grandement profité du parc tout autour.
初詣2◯24
あけおめ
ことよろ
二◯二四
Une fois n’est pas coutume pour le premier jour de l’année, nous nous sommes levés très tôt pour aller observer le premier levé de soleil de l’année. Le soleil se levant à 6h50 du matin, nous avons dû tous nous lever vers 5h30, direction Odaiba, faute d’avoir le temps d’aller jusqu’aux bords de l’océan à Chiba, Oarai ou Enoshima. La vue en elle-même n’était pas magnifique mais nous avons pu voir le soleil se lever doucement, formant une boule de feu nous éblouissant de ses premières lumières de l’année pendant plusieurs minutes. Fort de cette énergie, nous avons ensuite pris la route pour Chiba et le grand sanctuaire de Katori que nous avions déjà visité. Nous y sommes arrivés vers 8h du matin. C’était une horaire idéale pour Hatsumōde (初詣), car ceux qui y sont venus après minuit sont déjà couchés et ceux qui viendront dans la matinée ne sont pas encore levés. Nous n’attendons pas beaucoup devant le sanctuaire, ce qui est vraiment appréciable. Il y a pourtant foule dans l’allée principale avec de nombreux stands vendant toutes sortes de choses, à manger ou à boire sur place. Je profite bien entendu de l’amazake avant de reprendre tranquillement la route. Dans l’après-midi, nous retournons au sanctuaire Hikawa (氷川神社) que nous avions visité le soir du réveillon juste après minuit et j’irais ensuite seul au sanctuatire Konnō Hachimangu (金王八幡宮). A pieds sur le chemin du retour, je n’ai pas ressenti les tremblements qui ont secoué l’Ouest du Japon à Ishikawa et Niigata, car ils restaient à un niveau relativement faible à Tokyo. Ce début d’année ne démarre pas sous les meilleurs augures pour la population affectée par ce grand tremblement de terre.
Le soir du réveillon, nous avons bien entendu regardé l’incontournable émission Kōhaku Uta Gassen sur NHK (NHK紅白歌合戦), mais je n’en garde pas un souvenir mémorable. Il y avait beaucoup de medley, même Sheena Ringo s’y est mis avec ㋚〜さすがに諸行無常篇〜 (MANGAPHONICS conscious) et c’était malheureusement assez peu convainquant. J’aurais tellement aimé la voir avec Daiki Tsuneta et Millenium Parade interpréter le morceau W●RK qui a quand même eu beaucoup de succès cette année. Il n’y avait pas pour moi beaucoup de moments mémorables à part les passages d’Ado qui interprétait son dernier single Show (唱) à Kyoto, celui de YOASOBI interprétant Idol entouré justement de la plupart des idoles féminines ou masculines présentes à l’émission, et Hiroko Yakushimaru (薬師丸ひろ子) chantant son morceau le plus connu tiré du film Sailor Fuku to Kikanjū (セーラー服と機関銃) que j’ai déjà évoqué plusieurs fois sur ce blog.
J’avais décidé avant le début de la nouvelle année que je la démarrerais avec l’album Surf Bungaku Kamakura (サーフ ブンガク カマクラ) d’Asian Kung-Fu Generation (AKFG ou Ajikan), qui a en effet été la première musique que j’ai écouté le premier jour de cette année. Je connais la musique d’Ajikan depuis presque vingt ans et c’est écouter le dernier single solo Stateless du chanteur et guitariste du groupe Masafumi « Gotch » Gotoh qui m’a donné envie de revenir vers le groupe dont je ne connais en fait que deux albums. Surf Bungaku Kamakura est le cinquième album du groupe sorti en 2008, mais Ajikan en a sorti une version augmentée en Juillet 2023. J’écoute pour le moment la version originale de 2008. L’album suit en fait un concept, celui d’utiliser des titres et un thème liés à la ligne de train Enoden qui parcourt une partie de Kamakura et de Fujisawa dans la longue région côtière du Shonan. Chacun des titres reprend le nom d’une station de la ligne Enoden, par exemple Shichirigahama Skywalk (七里ヶ浜スカイウォーク) pour la station de la plage Shichirigahama, avec toujours la même composition du nom de lieu en kanji accompagné d’un mot en katakana (ce qui me rappelle beaucoup les titres utilisés par Sheena Ringo). La ligne Enoden comprenant 15 stations, l’album de 2008 réutilise seulement les noms et lieux des stations les plus connus de la ligne Enoden, tandis que la nouvelle version Surf Bungaku Kamakura Complete de Juillet 2023 vient ajouter cinq morceaux pour compléter la ligne Enoden. Certains morceaux de cet album ont des sonorités de guitares qui me rappellent un peu le rock californien de Weezer, de l’époque de l’album bleu de 1994 que j’avais énormément écouté à l’époque. Ce son est peut-être volontaire pour comparer le Shonan à la Californie. Mais la voix de Gotch nous rappelle tout de suite qu’il s’agit clairement d’un album d’Ajikan.
Kurkku Fields
Nous voulions visiter Kurkku Fields (クルックフィールズ) depuis plusieurs années et nous nous sommes finalement décidés il y a quelques semaines le temps d’un dimanche après-midi ensoleillé. Kurkku Fields est un vaste espace naturel implanté à Chiba près de Kisarazu, comprenant une ferme biologique durable, des restaurants et café, un petit marché, des œuvres d’art en plein air et des jeux pour enfants. On y trouve même une bibliothèque et un hôtel pour y passer la nuit. L’endroit formant une petite vallée est vraiment très agréable. Depuis le centre de Tokyo, il faut compter environ une heure de route en voiture en traversant la baie de Tokyo par le tunnel et pont Aqualine. En me renseignant sur le lieu avant de prendre la route, je me suis rendu compte que le musicien et producteur Takeshi Kobayashi (小林武史) est en fait le fondateur de Kurkku Fields. C’est une étrange coïncidence de vouloir y aller maintenant après avoir récemment vu et apprécier Kyrie no Uta (キリエのうた) de Shunji Iwai (岩井俊二) dont Takeshi Kobayashi a écrit et composé les musiques. En fait, en y repensant, il me semble qu’un événement lié à ce film avait eu lieu à Kurkku Fields, et c’est certainement ce qui m’a donné l’idée de vouloir y aller. Il s’agissait en fait d’un concert du groupe YEN TOWN BAND ayant eu lieu de 21 Octobre 2023. Ce groupe au nom étrange a été créé à l’occasion du film Swallowtail Butterfly (スワロウテイル) de Shunji Uwai sorti en 1996 dans lequel la chanteuse Chara jouait le rôle principal. Dans le film, Glico (グリコ), interprétée par Chara, forme ce groupe appelé YEN TOWN BAND fondé en réalité par Takeshi Kobayashi qui écrit les musiques du film. Ces musiques sont réunies sur un album intitulé Montage et le morceau Ai no Uta (あいのうた) chanté par Chara lui donnera un énorme succès. Ce n’est pas le premier rôle de Chara dans un film de Shunji Iwai, car elle a également joué dans le film Picnic (1996), que je ne connais pas, avec l’acteur Tadanobu Asano (佐藤忠信) avec qui elle se mariera. Ce modèle de groupe musical fictif créé pour les besoins du film mais qui prend sa propre réalité est tout à fait similaire à ce que Shunji Iwai mettra en place plus tard pour les films All about Lily Chou-Chou (リリイ・シュシュのすべて) avec Salyu comme chanteuse et Kyrie no Uta (キリエのうた) avec AiNA The End (アイナ・ジ・エンド). Takeshi Kobayashi écrit à chaque fois les musiques de ces films et c’est intéressant de constater ces similitudes volontaires dans un concept se répétant de film en film. Le concert à Kurkku Fields incluait YEN TOWN BAND mais également Lily Chou-Chou (avec Salyu) et Kyrie (avec AiNA The End), pour en quelque sorte boucler la boucle de cette trilogie cinématographique dont les films n’ont pourtant aucun lien narratif les uns avec les autres. En regardant d’un peu plus près le nom des membres du YEN TOWN BAND, je constate la présence du guitariste Yukio Nagoshi (名越由貴夫) qui joue très régulièrement pour Sheena Ringo. Takeshi Kobayashi est un des fondateurs de l’organisme sans but lucratif AP Bank, dédié aux projets environnementaux et aux énergies renouvelables, avec le regretté Ryuichi Sakamoto (坂本龍一) et le leader du groupe Mr Children, Kazutoshi Sakurai (桜井和寿). Takeshi Kobayashi est en fait le producteur de Mr Children, ce qui s’explique cette association. AP Bank organise un festival de musique appelé tout simplement AP Bank Fes, et cela depuis 2005. Les éditions récentes se déroulent sans surprise à Kurkku Fields, car ce lieu est un des projets de AP Bank. Le super-groupe Bank Band créé par Kazutoshi Sakurai et Takeshi Kobayashi s’y produit à chaque fois. Et qui est à la basse dans ce groupe Bank Band? Un certain bassiste et producteur nommé Seiji Kameda (亀田誠治). Ça m’étonne vraiment que Sheena Ringo ou Tokyo Jihen n’aient jamais joué à Kurkku Fields, mais je prédis que ça devrait arriver un jour ou l’autre. J’avais beaucoup aimé le single to U de Bank Band avec Salyu à l’époque de sa sortie, et je comprends maintenant un peu mieux l’origine de cette association entre le groupe et la chanteuse, ainsi que l’origine du nom du groupe.
Mais revenons maintenant à Kurkku Fields que nous découvrons pour la premiere fois et qui a ouvert ses portes en 2019. Le plan d’ensemble de cette ferme durable, avec panneaux solaires placés sur des flancs de colline, a été conçu par l’architecte Teppei Fujiwara (藤原徹平), qui a également dessiné certains bâtiments comme celui de la première photographie où se trouve le restaurant où nous avons déjeuné. Une des raisons principales de notre venue était de voir les quelques œuvres d’art placées en extérieur, notamment celles immédiatement reconnaissables de Yayoi Kusama (草間彌生). Les champignons rouges à poids blancs de Yayoi Kusama sont magnifiques lorsqu’ils sont délicatement posés au dessus de l’eau fonctionnant comme un miroir. On trouve une deuxième installation de Yayoi Kusama. Il ‘agit d’un mystérieux cube entièrement couverts de miroirs. On peut entrer à l’intérieur par petits groupes, les uns après les autres. L’intérieur est également couvert de miroirs et de petites lampes multicolores qui s’y reflètent à l’infini comme pour former une galaxie. L’effet est assez saisissant mais est difficile à rendre correctement en photo. Il faut aller voir par soi-même. A quelques dizaines de mètres de là, on trouve une installation de l’artiste et directeur artistique Sebastian Masuda (増田セバスチャン). L’extérieur, ressemblant à une grande cheminée sombre, est d’une sobriété déconcertante. J’ai d’abord eu un peu de mal à imaginer qu’il s’agissait d’une création de l’artiste, figure d’Harajuku, à l’origine des décors et tenues de Kyary Pamyu Pamyu (きゃりーぱみゅぱみゅ) à ses débuts, sur PONPONPON par exemple ou sur le fabuleux Fashion Monster (ファッションモンスター). L’extravagance se trouve en fait à l’intérieur de la cheminée remplie de divers objets de toutes les couleurs ressemblant à des jouets. Parmi les autres œuvres d’art, on trouve une petite statue verte de l’artiste française Camille Henrot et des sculptures étranges me faisant penser à des pieuvres alien par le collectif japonais Chim↑Pom. Ces œuvres d’art sont placées au milieu des champs et vergers et on a parfois un peu de mal à les repérer. Je ne perçois par vraiment les liens entre ces artistes et le choix de ces œuvres en particulier m’intriguent assez. Sur les espaces ouverts, on trouve de grandes tentes et j’imagine que des concerts en plein air doivent se dérouler par ici. Nous ne passerons pas la nuit à l’hôtel, appelé Villa Cocoon, de Kurkku Fields, mais je m’imagine m’y réveiller tôt le matin et marcher dans la fraîcheur de ces espaces sous la lumière naissante. Ce sentiment m’accompagne pendant une bonne partie de notre marche sur les chemins de terre. Nous terminons notre visite par un bâtiment très particulier conçu par l’architecte Hiroshi Nakamura (中村拓志&NAP建築設計事務所). Il s’agit d’une bibliothèque souterraine nommée Library in the Earth contenant environ 3000 livres. L’entrée se révèle derrière des butes de verdure. Un espace circulaire délimite la bibliothèque par des baies vitrées qui semblent s’enfoncer dans la terre. Cette architecture est très intéressante et me fait penser aux bâtiments de la Collina Omihachiman dans la préfecture de Shiga par Terunobu Fujimori. De la même manière, cette architecture semble sortir de l’univers onirique du studio Ghibli.
sous la tente de Chiba
Cette vaste et élégante toiture angulaire est celle de la station routière
Michi no Eki Shōnan Tento (道の駅しょうなん てんと) située dans la ville de Kashiwa à Chiba (千葉県柏市) au bord du lac Teganuma. Cette station routière a ouvert ses portes le 16 Décembre 2021 et a reçu le fameux prix Good Design l’année suivante. On doit la conception de l’ensemble au groupe d’architectes du Studio NASCA. J’avais déjà mentionné NASCA car ce groupe a également travaillé sur une autre station routière où nous sommes allés dernièrement, celle de Hota qui a la particularité d’être basée sur une ancienne école primaire. La hauteur de plafond et l’aspect grandiose de la toiture sont assez impressionnants. J’aime aussi beaucoup le souci apporté aux détails, notamment dans le design des écritures placées à différents endroits de la grande tente métallique. Je voulais voir depuis longtemps cette station routière située à environ une heure de voiture du centre de Tokyo. Comme toujours dans ce genre d’endroits, on y trouve toutes sortes de produits de l’agriculture locale.
La vidéo du morceau de hip-hop Cho Fast se passe peut-être à Chiba? Je n’en sais en fait rien, mais cette possibilité ne m’étonnerait pas. Il s’agit d’un morceau récent d’un certain GOSHI, que je ne connais pas du tout car il s’agirait de sa première réalisation. Mais je reconnais certains des invités en featuring, à savoir Yurufuwa Gang (ゆるふわギャング) qui se compose de Nene et de Ryugo Ishida. J’ai déjà évoqué quelques fois ce duo hip-hop qui se fait remarquer pour son excentricité à la fois vocale et visuelle. La dernière fois était pour un morceau avec HIYADAM. Cette fois-ci, ils sont associés à un autre rappeur Ralph, qui m’est également inconnu. Je connais en fait assez peu cette communauté hip-hop japonaise, bien que le style m’intéresse surtout lorsqu’il s’éloigne des schémas classiques. Ralph a une voix plus sombre et un phrasé rapide qui fait son effet. J’aime beaucoup la liberté et la vitesse de bolide qui se dégage de ce morceau. Précisons quand même que je ne l’ai pas écouté en voiture en rentrant de Chiba.