浮雲のようにわたしを連れ去っていく

L’appel de l’océan se fait parfois sentir et on n’y résiste en général pas très longtemps en partant le week-end, soit vers les côtes du Shonan dans la préfecture de Kanagawa que nous connaissons très bien, soit du côté d’Ibaraki ou à Chiba. Nous nous dirigeons cette fois-ci vers les plages de Chiba au delà de Futtsu. Nous voulions en fait manger des poissons chinchards frits (アジフライ) en regardant la mer, mais le restaurant que nous connaissons près de la station de Takeoka était malheureusement fermé exceptionnellement. Nous filons donc en voiture un peu plus loin vers Kanaya pour trouver heureusement en cours de route un autre restaurant de poissons, reprenant le nom de cette station. Nous voulions ensuite remonter la montagne Nokogiri que nous avions visité il y a plusieurs années, mais il était déjà trop tard.

Notre deuxième étape improvisée a donc été de faire un petit tour voir la station routière (道の駅) Hota qui a la particularité d’être basée sur une ancienne école primaire. Les lieux ont été rénovés par l’atelier d’architecture NASCA. L’école a fermé ses portes après 126 années d’existence et a été reconvertie en un espace de marché de produits frais de la région. On y trouve également plusieurs restaurants et des chambres d’hôtel à l’étage. Le bâtiment existant de l’école a conservé ses salles d’études qui sont devenues en partie des chambres à l’étage. Le couloir central est également conservé mais un deuxième couloir ’engawa’ fonctionnant comme une terrasse longeant toute la longueur du bâtiment a été ajoutée. Elle est soutenue par une infrastructure métallique volontairement envahie par des plantes fleuries. Le marché est installé dans l’ancien gymnase de l’école qui a également vu sa façade rénovée. Une petite forêt de bambous a été installée devant ce marché et un jardin permet de manger à l’extérieur ce qui rend l’endroit très agréable. Cette station routière a d’ailleurs un certain succès, car on l’a déjà vu dans des émissions de télé, et une extension est même en cours de construction.

Nous décidons de rentrer avant le couché du soleil mais il est déjà 17h. Nous sommes Dimanche et prendre la route à cette heure là veut dire que le retour par autoroute sera encombré. On prolonge donc notre plaisir en empruntant plutôt les petites routes qui viennent longer la côte. Le ciel était nuageux toute la journée mais ces nuages flottants se dégagent soudainement pour laisser apparaître le Mont Fuji au loin. Cette vision soudaine demande un arrêt. Les trois dernières photographies ont été prises pendant cet arrêt, dans une zone de repos qui n’en ai pas une, donnant accès à la plage. Un jeune couple était assis à mi-chemin sur les marches descendant vers la plage pour regarder l’océan. Ils avaient l’air de connaître l’endroit.

J’avais brièvement évoqué le groupe Ging Nang Boyz (銀杏BOYZ) pour un album intitulé Kimi to Boku no Dai Sanji Sekai Taisen-teki Renai Kakumei (君と僕の第三次世界大戦的恋愛革命) car l’illustrateur Hisashi Eguchi, dont j’avais été voir l’exposition récemment, en a dessiné l’image de couverture. Plutôt que cet album, je m’oriente vers un autre album de Ging Nang Boyz (銀杏BOYZ) intitulé Ne- Minna Daisuki Dayo (ねえみんな大好きだよ), sorti le 21 Octobre 2020. Il s’agit de l’album le plus récent du groupe et j’ai préféré commencer par celui-là car j’aime vraiment beaucoup la photographie de couverture prise par Kotori Kawashima (川島小鳥). Il s’agit de l’actrice hongkongaise Angela Yuen (アンジェラユン, 袁澧林) qu’on retrouve d’ailleurs récemment comme protagoniste principale de la vidéo du morceau Tokimeki (ときめき) de Vaundy sorti en Mars 2023. Le photographe Kotori Kawashima est notamment connu pour ses photographies de la petite Mirai chan (未来ちゃん) réunies dans un photobook du même nom et il a déjà consacré un photobook entier à Angela Yuen, Violet Diary publié en 2019.

Ging Nang Boyz a été formé en 2003 par Kazunobu Mineta (峯田和伸) suite à la dissolution de son ancien groupe punk rock Going Steady. Mineta semble en fait être actuellement le seul membre permanent de Ging Nang Boyz. On retrouve dans cet album l’esprit punk de son ancien groupe mais principalement sur les deux premiers morceaux qui sont particulièrement bruitistes. Ces deux premiers morceaux DO YOU LIKE ME et SKOOL PILL ont d’ailleurs des débuts assez similaires, très agressifs pour nos oreilles, mais le ton change en cours de route pour revenir vers un chant rock plus structuré. Ce sont d’ailleurs les seuls morceaux punks car le reste de l’album revient vers des terrains rock plus chantant, parfois aux limites du pop rock mais toujours très riches en guitares. Sa manière de chanter doit accrocher les foules en concert, car on aurait envie de l’accompagner au chant. Le morceau Hone (骨) en est un bon exemple et c’est ce morceau qui m’a d’abord fait aimer cet album. Sa composition est simple mais directe, comme la vidéo où on le voit marcher dans une rue commerçante la nuit accompagnée par l’actrice Kumiko Asō (麻生久美子), comme un couple rencontré le soir même et qui vient de tomber amoureux. Ou peut-être est ce l’image d’un couple qui n’a pas perdu ses sentiments d’amour adolescent. Ce morceau avait en fait d’abord été écrit par Mineta pour la chanteuse et actrice Yuko Ando (安藤裕子) et il l’a repris sur son propre album. C’est une version bien différente.

L’album joue avec les ambiances et revient rapidement vers la puissance et le bruit des guitares comme sur le morceau Angel Baby (エンジェルベイビー), mais les sentiments qui s’en dégagent restent simples: l’amour et le rock. J’adore l’immédiateté du rock un peu rétro du morceau Koi ha Eien (恋は永遠) notamment car YUKI (de feu Judy and Mary, mais qui est depuis longtemps en solo) vient accompagner Mineta au chant en deuxième partie de morceau. Son intervention est parfaite car sa voix si particulière s’inscrit naturellement dans le morceau et lui donne soudainement une toute autre dimension. Certains morceaux sont plus atmosphériques comme celui intitulé Otona Zenmetsu (大人全滅). Il s’agit d’une auto-reprise d’un de ses morceaux de l’époque punk de Going Steady. Sa manière lente et pleine de douleur de prononcer les paroles du morceau contraste ensuite avec le reste ressemblant à un hymne qui fait chanter les foules, celui peut-être de l’anéantissement des adultes comme l’indique le titre. Ce qui me fait dire que la musique de Ging Nang Boyz est en fait par moments proche du Seishun Rock (青春ロック), rock abordant le thème de la jeunesse. Mais plus on avance dans l’album, plus on s’éloigne de l’ambiance punk du début. Le long morceau de 12 minutes Ikitai (生きたい) est par exemple un long morceau émotionnel accompagné à la guitare acoustique et au piano où il semble nous raconter l’histoire de sa vie. L’atmosphère de l’album devient tout d’un coup beaucoup plus adulte. La manière dont l’intensité monte au fur et à mesure des 12 minutes du morceau est particulièrement prenante. C’est un album qu’il faut écouter assez fort, comme si on était dans une petite salle de concert sombre de Shinjuku. Musicalement, ce morceau est vraiment réussi, comme la très grande majorité des morceaux de cet album d’ailleurs. L’avant dernier morceau intitulé God save the Wa-rudo (God save the わーるど) est très différent du reste de l’album. Il revient vers des sonorités atmosphériques mais vient introduire un son et un rythme électronique qui ne s’étaient pas manifestés jusqu’à maintenant. Il s’agit également d’un des excellents morceaux de l’album. Ne- Minna Daisuki Dayo ne correspondait à priori pas à mon style de rock de prédilection, mais je suis très content d’avoir fait cette découverte. Je dirais même que cet album prend maintenant une place incontestable dans ma petite discothèque rock japonais. A force de trouver ce genre de pépites, il m’est de plus en plus difficile d’imaginer retourner vers le rock occidental, s’il existe toujours. Le rock est en tout cas en très grande forme au Japon.

la vie est un long canal tranquille

Après notre visite du grand sanctuaire Katori Jingū, l’étape suivante de notre journée dominicale est de parcourir la petite ville de Sawara (佐原市) située à seulement quelques kilomètres du sanctuaire, dans la même préfecture de Chiba. Sawara conserve des rues et des bâtiments traditionnels le long d’un canal. Cette petite ville développée autour du sanctuaire Katori Jingū était autrefois un port, devenue un centre de commerce important pendant la période Heian. Les rues sont conservées mais il n’y a plus de commerce sur le canal depuis bien longtemps. La petite ville que nous traversons en voiture puis à pieds est extrêmement tranquille. Il y a peu de monde dans les rues pour une journée de week-end et ça nous surprend. On peut parcourir le canal en barque, ce que nous faisons juste avant la fermeture vers 16h30. C’était une bonne idée de faire ce parcours en barque à cette heure tardive. Le soleil n’est pas aussi agressif qu’en milieu de journée, ce qui permet d’enlever la toiture de la barque et nous faire apprécier d’autant plus le paysage pendant notre petite promenade. On se sent bien au bord de l’eau, tellement bien que Zoa a la bonne idée de s’allonger sur le dos sur le tatami de la barque pendant une partie du voyage. J’aurais également aimé le faire moi-même pendant quelques instants, mais je me suis retenu. C’est le privilège de l’insouciance adolescente que j’aimerais parfois retrouver. Nous sommes heureusement les seuls à avoir embarqué pour ce dernier départ de la journée donc s’allonger ne dérange de toute façon personne. La promenade sur le canal dure une bonne demi-heure aller et retour. Le groupe de personnes d’un certain âge ayant passé la journée à naviguer sur le canal avec des touristes finit leur journée de travail au moment où nous terminons notre promenade. On les voit se regrouper pour discuter tranquillement sur la barque restante, que nous venons juste de quitter. En voyant cette scène, je me dis que la vie de cette petite ville doit ressembler à celle d’un long canal tranquille. La réalité doit être autre. Le retour sur Tokyo se déroule étonnamment sans encombres, alors que je m’étais préparé mentalement à quelques heures d’embouteillage et de ralentissements. J’ai beaucoup de mal, encore maintenant, à prévoir les flux routiers de cette ville.

parcourir les chemins ombragés de Katori Jingū

La semaine avant le pic de chaleur, nous avons eu la bonne idée d’aller faire un petit tour dans la préfecture voisine de Chiba pour une visite du sanctuaire Katori Jingū (香取神宮). Nous avions déjà visité le grand sanctuaire Kashima Jingū (鹿島神宮), qui se trouve à proximité (à environ 17kms de distance). Tout comme Kashima Jingū, Katori Jingū fait partie du groupe de sanctuaires appelé chokusaisha, recevant la visite régulière d’un envoyé spécial de l’Empereur lors de festivités importantes, tout comme Meiji Jingū (明治神宮). On ne connaît pas la date exacte de la fondation du sanctuaire mais on parle de l’an 643 av. J.C. On sait par contre que la grande porte appelée Rōmon (sur les première et cinquième photographies) ainsi que le bâtiment principal du sanctuaire, le Honden (sur les quatrième, sixième et septième photographies) datent de l’an 1700. Le Honden suivait d’ailleurs la pratique appelée Sengū (式年遷宮) qui consistait à détruire et reconstruire ce bâtiment sacré tous les vingt ans. Alors que cette pratique est toujours en place pour le sanctuaire d’Ise Jingū, elle a été suspendue pour le sanctuaire Katori Jingū à l’époque de Sengoku. L’enceinte du sanctuaire est vaste et boisée. L’approche est délimitée par des rangées de lanternes de pierre et est presqu’entièrement recouverte d’arbres. Cette forêt n’est pas aussi grandiose que celle de Kashima Jingū qui a quelque chose de magique, mais on apprécie beaucoup parcourir ses chemins ombragés. A la sortie du sanctuaire, près du parking, un groupe de motos était stationné devant un café restaurant. J’ai d’abord cru à un groupe de bōsōzoku car certaines des motos étaient un peu trafiqués et elles étaient plutôt bruyantes à leur entrée sur le parking, mais en fait non. Il s’agissait d’un groupe de filles. Mais quand on regarde d’un peu plus près, on remarquera les plaques d’immatriculation un peu trop mises à l’horizontale, comme pour éviter les contrôles en cas de vitesse excessive.

Nous continuons également la collecte des sceaux goshuin. Celui de Katori Jingū est malheureusement un peu classique, dans l’esprit de celui de Meiji Jingū que j’avais volontairement choisi pour conclure mon premier goshuinchō (le jaune à gauche). J’avais trouvé ce goshuinchō au sanctuaire de Koami (小網神社) à Nihonbashi. Mon nouveau carnet goshuinchō (le noir à droite) vient du sanctuaire Togakushi (戸隠神社), situé dans les montagnes enneigées de Nagano, que nous avions visité pendant les petites vacances de printemps. Il contient déjà quelques goshuin comme celui du temple Zenkōji (善光寺). Je m’étais d’ailleurs demandé quel goshuin je pourrais accolé sur la page en face de celui de Zenkōji. Je ne me voyais pas y mettre celui d’un petit sanctuaire quelconque d’une banlieue tokyoïte. Finalement, le temple fleuri de Shiofune Kannon (塩船観音寺) près de la ville d’Ōme a pris cette place. Nous avons un rythme beaucoup moins soutenu qu’au début pour collecter ces fameux sceaux goshuin de sanctuaires et temples, mais nous emmenons très souvent le carnet avec nous. J’aime surtout quand ils sont écrits sur place plutôt que préparés à l’avance sur une feuille à part, qu’il faut ensuite coller sur le carnet, mais ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Ceux de Zenkōji et de Togakushi, tout comme celui de Katori Jingū, ont été écrits directement sur le carnet. Sur les deux photos ci-dessus, je montre d’abord mes deux carnets goshuinchō, puis les goshuin des temples Zenkōji à Nagano et de Shiofune Kannon à Ōme.

l’arbre à la pointe de l’épée

Cette étrange structure faite de plate-formes montées sur des piliers et reliées entre elles par de multiples escaliers se trouve à l’extrémité du cap Futtsu dans la préfecture de Chiba et donne une vue panoramique sur la baie de Tokyo. Cette structure étrange prenant le nom de Meiji Centenial Observatory (明治百年記念展望塔) ressemble aux feuilles d’un pin. Je n’avais jamais remarqué jusqu’à maintenant cette bande de terre qui pointe comme une épée sur la baie de Tokyo. Lorsqu’on est tout en haut de l’observatoire, on peut apercevoir le cap dans sa totalité. Le Mont Fuji était bien là devant nous mais couvert d’une fine brume qui ne nous laissait entrevoir que ses contours. L’objectif premier de notre venue à Chiba était d’aller manger des poissons frits アジフライ pour le déjeuner au bord de la baie. Nous avons trouver un excellent restaurant avec vue sur l’océan (魚屋の磯料理まるとし) à Takeoka (竹岡), à mi-chemin entre Futtsu et Minamiboso. Sur le chemin du retour, nous avons donc fait un détour vers le cap de Futtsu avant de reprendre l’autoroute traversant la baie et passant par Umihotaru.

sakura dans les parcs de Chiba [4]

Terminons cette journée dans les parcs de Chiba avec quelques photographies du grand temple Kōryūzan Tōkai-ji au bord du parc de Akebonoyama. Le temple se trouve lui même sur une petite colline et on y accède par un escalier de pierre. L’approche du hall principal est superbe car l’escalier est couvert en partie par un grand pin Matsu et les cerisiers en fleurs autour du grand hall se dévoilent petit à petit au fur et à mesure qu’on monte les marches. J’aime beaucoup l’endroit, en particulier l’impression qu’il donne de se trouver très loin de la ville. Cette visite achève notre journée à Chiba dans les cerisiers. Il est 5h dans la soirée et on croise les doigts pour qu’il n’y ait pas foule sur la route du retour. La route à l’aller nous a pris environ 1 heure. Il nous faudra presque 4h en voiture pour le retour en raison des embouteillages. Ce week-end là correspondait au pic de floraison des cerisiers et nous n’avons apparemment pas été les seuls à vouloir nous déplacer en voiture. Psychologiquement parlant, j’ai pris l’habitude de ces longs trajets retour même si on espère à chaque fois qu’on pourra y échapper.