dans les herbes folles

Ce petit bloc de maisons noires aux fenêtres triangulaires est sorti de terre récemment. Je n’en connais pas l’architecte mais je n’ai pas beaucoup cherché. Elles sont situées dans une zone à proximité du cimetière d’Aoyama, en contrebas d’un pont routier entrant dans le cimetière. On y trouvait jusqu’à récemment des anciennes maisons qui ne semblaient plus occupées. Des herbes folles occupent toujours certains espaces près des maisons noires aux fenêtres triangulaires. Cet autocollant montrant une image du film d’animation Paprika de Satoshi Kon, vu sur un poteau électrique, est intriguant. D’après le lettrage, je me demande si l’image fait référence à la marque de vêtements AFFA (エーエフエフエー, Anarchy Forever Forever Anarchy) créée en 1994 par Hiroshi Fujiwara (藤原ヒロシ) et Jun Takahashi (高橋盾) d’Undercover, auquel je trouve d’ailleurs un goût douteux. Ce n’est peut-être pas le cas car je ne trouve pas sur internet, mais ça n’a de toute façon que peu d’importance.

Après avoir vu le film All about Lily Chou-Chou (リリイ・シュシュのすべて) du réalisateur Shunji Iwai (岩井俊二) sorti en salles au Japon en 2001, on peut lire l’excellent article sur le site Sabukaru.online donnant beaucoup de clés pour le déchiffrer. Et on doit continuer l’expérience en écoutant les musiques du film réunies sur un album intitulé Breathe (呼吸) sous le nom d’artiste Lily Chou-Chou (リリイ・シュシュ). Lily Chou-Chou est en fait le nom d’un groupe créé par Shunji Iwai et Takeshi Kobayashi pour le besoin du film. Salyu chante dans ce groupe et commencera ensuite une carrière solo. Lily Chou-Chou n’a sorti que cet album suite au film, mais s’est réuni une fois dix ans plus tard sans Shunji Iwai mais avec Yukio Nagoshi (que je mentionne régulièrement sur ces pages) à la guitare. De tous les morceaux de l’album Breathe (呼吸), le premier intitulé Arabesque, qui ouvre également le film dans un champ vert dégagé d’Ashikaga, est de loin le plus marquant, même si le reste de l’album est excellent. Arabesque donne le sentiment d’une nostalgie de moments heureux qu’on ne retrouvera jamais car quelque chose d’irrémédiable nous empêche de les revivre. Une innocence perdue peut-être. Le morceau est chanté par Salyu en dialecte d’Okinawa, ce qui renforce cette impression d’insaisissable d’une émotion que l’on peut ressentir au fond de soi mais qu’on ne peut exprimer avec des mots d’une manière intelligible.

TRAIN-TRAIN

Le titre de ce billet m’est inspiré par le titre d’un morceau du groupe rock japonais The Blue Hearts. Ce titre me vient en tête alors que j’aperçois le Tokyo Monorail passer au dessus de ma tête et que je m’empresse de le prendre en photo avant qu’il ne disparaisse derrière les buildings comme un serpent s’échapperait derrière un rocher. Je n’ai que très peu d’intérêt pour la musique de The Blue Hearts bien que j’ai souvent chanté en groupe au karaoke le morceau Linda Linda (je parle souvent de karaoke ces derniers temps alors que je n’y suis pas allé depuis une éternité). Nous sommes ici dans le quartier gagné sur la mer de Shibaura. J’étais venu jusque là pour voir une ancienne maison rénovée il y a quelques années, et que j’ai déjà montré sur mon compte Instagram. J’en parlerais un peu plus tard dans un prochain billet. Je suis à pieds le canal Shinshiba (je ne savais pas que les nombreux canaux de Tokyo avaient des noms) sur quelques mètres avant de bifurquer sur la route 15 après la station de Tamachi. Marcher en direction de Sengakuji m’amène jusqu’à la station de Takanawa Gateway conçue par Kengo Kuma. Le rez-de-chaussée a l’air d’être en construction, ce qui est plutôt étrange vu que la station est très récente. Tout le quartier est en fait en plein redéveloppement sous le nom de projet de Tokyo Yard. La compagnie JR East a annoncé en Avril de cette année les grandes lignes du projet. Cinq buildings dont quatre tours (comme si on en manquait) pousseront sur ces espaces. Un des buildings sera dessiné par Kengo Kuma (décidément) et sera un centre culturel sous le nom de Cultural Creation Building. Les formes de ce bâtiment en particulier semblent très intéressantes.

Le titre de ce billet me revient aussi en tête car j’ai vu dernièrement sur Netflix un film japonais intitulé Alps Stand no Hashi no Kata (アルプススタンドのはしの方) dans lequel ce morceau était joué plusieurs fois par une fanfare de supporters lors d’un match de baseball de lycéens (Koshien), pour encourager le joueur vedette d’une des équipes. Il s’agit d’un film assez court de 1h15 réalisé par Hideo Jōjō (城定秀夫) et adapté d’une pièce de théâtre primée. Le film se passe dans un lieu unique, les stands d’un stade de baseball, dans lequel des lycéens viennent encourager leur équipe, un peu obligés d’ailleurs par le personnel du lycée. C’est le cas des deux protagonistes principales Yasuda (interprétée par Rina Ono) et Tamiya (Marin Nishimoto), membres du club de théâtre et plutôt néophytes quant aux règles du baseball. Un ancien membre de l’équipe de baseball, Fujino (Amon Hirai), vient s’asseoir à côté d’elles et une discussion se met en place, révélant les rapports parfois compliqués entre les élèves. L’histoire est simple et nous ramène aux émotions de la fin de l’adolescence. Tout l’interêt du film, qu’il serait difficile de vraiment résumer, vient du talent des jeunes actrices et acteur et du fait que le film ne nous laisse pas deviner le déroulement de l’histoire. On se laisse simplement entraîner dans ces discussions, dans ces moments de malaises parfois et dans ces petites histoires d’amour qui se révèlent ou qu’on imagine se révéleront peut-être un jour. Je ne connaissais pas le réalisateur ni les jeunes acteurs et actrices de ce film sorti en 2020, mais c’est une belle découverte.

J’ai aussi beaucoup apprécié le film Kazane (累) du réalisateur Yuichi Satō (佐藤祐市), inspiré d’un manga du même nom. Ce film sorti en 2018 est centré sur deux comédiennes jouées par Tao Tsuchiya et Kyokō Yoshine dont l’agent est interprété par Tadanobu Asano. L’histoire fait intervenir du fantastique. Kazane (interprétée par Kyokō Yoshine) est une excellente actrice mais a malheureusement le visage balafré d’une horrible cicatrice, tandis que Nina Tanzawa a la beauté pour elle mais se révèle être une actrice sans grande envergure. Un étrange rouge à lèvres légué peu avant sa mort par la mère de Kazane, également actrice exceptionnelle, a le pouvoir d’interchanger les apparences lorsque les personnes s’embrassent. Commence alors un jeu de manipulation, orchestré par l’agent (Tadanobu Asano), pour faire en sorte que le talent de Kazane s’additionne à la beauté de Nina dans le but de décrocher des rôles rappelant le prestige passé de la mère de Kazane. Ce jeu fonctionne un temps mais tout se complique forcément et rien ne se déroule comme prévu. Pour apprécier le film, il faut accepter le parti pris du fantastique qui peut surprendre aux premiers abords, mais les actrices Tao Tsuchiya et Kyokō Yoshine, ainsi que Tadanobu Asano, sont très convaincants dans leurs rôles respectifs. Je ne connaissais pas du tout l’actrice Kyokō Yoshine, par contre Tao Tsuchiya est plus souvent présente dans les médias, notamment dans des publicités. Je ne soupçonnais pas qu’elle avait cette capacité de jeu. Quand à Tadanobu Asano, c’est un acteur reconnu et je me souviens très bien de son rôle de tueur dans le film complètement cinglé Koroshiya 1 (殺し屋1) de Takashi Miike (三池崇史), dont j’avais déjà parlé sur ce blog.

Le film suivant, Hoshi no Ko (星の子), était également une agréable surprise. Le film sorti en 2020 est réalisé par Tatsushi Ōmori (大森立嗣) et fait intervenir la jeune actrice Mana Ashida. Elle est célèbre au Japon depuis son plus jeune âge suite à une chanson pour enfants qui a eu beaucoup de succès et qu’elle chantait en dansant avec le petit garçon Fuku Suzuki. Elle a fait du chemin depuis et je la trouve très convaincante dans ce rôle. A vrai dire, je ne l’avais d’abord pas vraiment reconnue même si son visage m’était tout de suite familier. Elle interprète Chihiro, une collégienne un peu rêveuse prise d’un amour platonique pour son jeune professeur. Mais l’histoire ne se passe pas principalement là. Lorsqu’elle était bébé, Chihiro avait une maladie qui ressemble beaucoup à l’écran à de l’eczéma. Les parents, très inquiets et aimants, se voient conseillés par un collègue du bureau du père d’appliquer une eau aux vertus miraculeuses. Les parents se retrouvent embarqués dans une secte religieuse, fournissant cette fameuse eau qui guérit. La croyance qui leur accapare l’esprit les incitent à s’imbiber en permanence de cette eau, qu’ils pensent capable de leur éviter toutes maladies, en portant une serviette mouillée sur la tête. La soeur de Chihiro (interprétée par Aju Makita) ne supporte plus cette situation et quitte rapidement le foyer familial. Chihiro se trouve seule devant un dilemme alors qu’elle réalise petit à petit la situation de ses parents. Elle n’est pas dupe et est consciente de ce qui se passe, mais n’entend pas pour autant abandonner ses parents à leur sort, même s’ils ne semblent pas malheureux du tout. Le problème des sectes et du lavage de cerveaux qui en découle, abordé dans ce film, est bien réel au Japon et revient même sur le devant de la scène avec l’actualité récente. Cette histoire est touchante car elle ne surjoue pas le pathos. Le jeu de Mana Ashida est d’ailleurs en ce sens très subtil.

Le dernier film japonais que j’ai vu dernièrement ne joue pas, par contre, dans la finesse. Il s’agit du film Real Onigokko (リアル鬼ごっこ) du réalisateur Shion Sono (園子温). Je ne sais pas vraiment pour quelle raison je reviens sans cesse vers les films de ce réalisateur. J’avais en fait beaucoup aimé le film Himizu (ヒミズ) avec Fumi Nikaido, et je ne désespère pas de trouver un autre film avec des émotions aussi fortes que je pourrais également apprécier. Le problème de Shion Sono est qu’il tombe rapidement dans l’excès malgré des idées de départ intéressantes. C’était le cas du film Love Exposure, et c’est aussi le cas de ce film là sorti en 2015. Il est par contre relativement court (1h25), par rapport à des films comme Love Exposure, ce qui est de meilleure augure. J’étais en fait intrigué de voir l’actrice Reina Torindoru joué le rôle principal de cette histoire car son image de talento à la télévision japonaise ne correspond pas du tout à celle des films de Shion Sono. Comme le titre nous l’apprend, l’histoire du film prend la forme d’une course effrénée contre des démons qui viennent poursuivre inlassablement trois lycéennes: Mitsuko (interprétée par Reina Torindoru), Keiko (Mariko Shinoda) et Izumi (Erina Mano). Pour donner une idée de l’ambiance du film, la première scène prend place dans un bus scolaire amenant les lycéennes pour ce qu’on imagine être un voyage scolaire. Un des démons du titre prend la forme d’un vent soudain et puissant qui vient découper en deux le bus et par conséquent toutes les personnes qui y étaient assises, sauf Mitsuko qui a eu le bonheur de se pencher à ce moment précis pour ramasser son stylo. Effrayée par cette scène dans laquelle toutes ses amies sont découpées en deux, elle s’enfuit continuellement, poursuivie par ce vent mystérieux. Elle finit par rejoindre son école où se trouvent toutes ses amies, comme s’il s’agissait d’un mauvais rêve. La course poursuite continue ensuite et n’hésite pas à faire intervenir le mauvais goût que l’on trouve régulièrement chez ce réalisateur. On reste cependant intrigué par cette histoire des plus étranges. J’ai failli arrêter en route mais ma curiosité a été plus forte. Ce n’est pas une film que je conseillerais aux âmes sensibles. Il y a des idées intéressantes, comme souvent chez Sono, si seulement il arrivait à mieux les canaliser pour éviter de tomber dans l’excès. Le film n’a cependant rien d’irregardable, malgré la scène du bus mentionnée au début car on se trouve d’entrée de jeu dans le domaine du fantastique.

yoyogi & nakano

Il devait y avoir un événement particulier dans le gymnase national de Yoyogi car une foule s’y était regroupée. Une petite voiture décorée par un otaku m’indique qu’il s’agissait d’un événement lié au groupe Sakurazaka46 (桜坂46), un concert peut-être. Je n’ai pas d’intérêt ou de connaissance particulière sur cette formation à part de savoir qu’elle remplace celle appelée Keyakizaka46, qui devait être une version plus passionnée de Nogizaka46. Mais comme pour la plupart des billets sur ce blog, je ne peux m’empêcher de faire des recherches. Je cherche donc ici à savoir le nom des deux membres de Sakurazaka46, dessinées sur la voiture. Il s’agit donc de Rina Inoue (井上梨名) et de Rei Ozono (大園玲). Me voilà bien avancé. Au delà de montrer des photos et écrire des textes, je me demande si le but premier de ce blog n’est pas de faire des recherches sur diverses choses, avec comme objectif de voir comment ces diverses choses se lient entre elles. En pensant à Sakurazaka46, vient tout de suite à mon esprit Asuka Saito de Nogizaka46 qui chantait deux très beaux morceaux sur deux albums du projet Mondo Grosso de Shinichi Osawa. En me promenant hier près de la station de Yoyogi-Hachiman, j’ai d’ailleurs aperçu Shinichi Osawa debout près d’une Porsche Targa noire avant qu’il ne monte à l’intérieur et reparte en direction du parc de Yoyogi. Il a dû remarquer que le fixais pendant une trop longue demi-seconde. Et un peu plus tard pendant cette même journée, j’aperçois la Rolls-Royce Phantom Oribe de Yusaku Maezawa stationnée au bord de la route. Sa couleur verte et ses bandes basses beiges sont immédiatement reconnaissables. Voilà quelqu’un qui ne veut pas passer inaperçu. Mais revenons à Yoyogi. Je recherchais un nouveau bâtiment de l’architecte Ken Yokogawa que je ne trouverais que quelques semaines plus tard, comme je le montre sur mon compte Instagram. Cette même journée mais dans la soirée, je pars pour Nakano Broadway, situé à la sortie Nord de la gare de Nakano, car je n’y suis pas allé depuis longtemps. Je n’ai pas de but particulier mais aller dans ce temple de la culture Otaku est intéressant et intriguant. On y croise toutes sortes de personnes, certaines émerveillées par les jouets robots vintage entassés derrière les vitrines. On y voit des Ultraman, des Godzilla et pleins d’autres monstres que je ne reconnais pas. La café décoré par Takashi Murakami a apparemment fermé ces portes, tout comme de nombreux autres magasins. Je pense que beaucoup n’ont pas réussi à traverser la crise sanitaire et se sont fait avaler par Mandarake que j’ai trouvé omniprésent sur les quelques étages de Nakano Broadway. C’était peut-être déjà la cas auparavant mais ça m’a particulièrement frappé cette fois-ci. Il existe également un magasin Mandarake dans le centre de Shibuya. Il faudrait que j’aille y faire un tour par curiosité.

Voir des Ultraman dans les vitrines de Nakano Broadway m’a donné envie d’aller voir au cinéma le film Shin Ultraman (シン・ウルトラマン). Comme déjà évoqué sur ce blog, je garde un bon souvenir du film Shin Godzilla (シン・ゴジラ) et ce Shin Ultraman est du même réalisateur Shinji Higuchi. Pour être précis, Shin Godzilla a été réalisé à deux mains par Shinji Higuchi et Hideaki Anno (le créateur de Neon Genesis Evangelion, qu’on ne présente plus), qui en était également le scénariste, tandis que Shin Ultraman a été réalisé par Shinji Higuchi mais toujours avec Hideaki Anno au scénario et, cette fois-ci, à la production. J’avais apprécié Shin Godzilla sans avoir vu les nombreux films qui le précédaient, et je pensais que l’effet serait le même pour Shin Ultraman. J’ai été malheureusement déçu. Visuellement, c’est très beau mais pas assez pour intéresser le néophyte que je suis. Mari a tout de suite compris pourquoi je n’ai pas aimé. Ce film s’adresse avant tout aux fans, dont je ne fais pas partie. Pour les autres, le ridicule de certaines situations finit par l’emporter. Voir l’actrice Masami Nagasawa en version géante dans les rues de Tokyo peut certes paraître amusant, mais on se demande aussi à ce moment là vers où se dirige le film. Certains parlent de l’originalité, emprunté à Hideaki Anno, des cadrages caméra mais le réalisateur en abuse tellement que ça en devient grossier. En fait, j’avais aimé dans Shin Godzilla la précision des lieux que l’on reconnaissait très bien à l’écran. Voir des monstres Kaiju évoluer avec leurs grosses pattes dans des lieux connus avait quelque chose de très ‘réjouissant’. Les deux premiers Kaiju dans Shin Ultraman sont intéressants à voir, mais mon attention a ensuite décroché assez vite. Les scènes bavardes se déroulant dans un même bureau gris de Kasumigaseki étant nombreuses, ça ne m’a pas beaucoup aidé à rester concentré sur le fil de l’histoire. La question se pose maintenant si j’irais voir le prochain film de la série des « Shin », à savoir Shin Kamen Rider (シン・仮面ライダー), qui sortira l’année prochaine en Mars 2023. Peut-être me laisserais-je convaincre par Minami Hamabe qui joue un des rôles principaux. Mais comme pour Shin Godzilla et Shin Ultraman, je ne sais absolument rien de Kamen Rider.

GTW (Green Train to Wakabayashi)

Ma destination était la station de Wakabayashi (若林) dans l’arrondissement de Setagaya, mais je m’arrête à la station suivante Shōin-Jinjamae (松陰神社前) pour profiter pendant quelques minutes supplémentaires du petit train de la ligne Tōkyū Setagaya (東急世田谷線) reliant Sangenjaya (三軒茶屋) à Shimo-Takaido (下高井戸). Je voulais également passer voir le sanctuaire Shōin car il avait l’air d’avoir une taille assez importante sur Google Map. Je me rends compte beaucoup plus tard en écrivant ce billet que j’y suis déjà passé il y a longtemps avec Mari. On avait encore vingt ans lors de cette visite des quartiers au delà de Sangenjaya. Je ne me souvenais plus d’abord visité ce sanctuaire, mais je garde tout de même un souvenir précieux de cet après-midi et début de soirée. J’avais pris quelques photographies analogiques en noir et blanc que j’avais montré dans un billet de Novembre 2004.

Je suis venu pour redécouvrir ce quartier et l’ancienne petite ligne ferroviaire datant de 1969, mais également pour partir à la recherche d’une maison brute de béton que Joël m’avait, une fois encore, indiqué par e-mail en m’envoyant une photo. Je ne connaissais ni le nom ni l’architecte de cette maison, mais montrer les quelques photos que j’avais pris ce jour-là sur mon compte Instagram m’a permis de le découvrir. Un de mes Followers sur Instagram, JapanPropertyCentral, connaissait sans surprise le nom de l’architecte de cette maison et a eu la gentillesse de me l’indiquer en commentaire. Cette maison particulière de béton s’appelle donc WKB et a été conçue par Niizeki Studio (Kenichiro Niizeki 新関謙一郎). Ces formes en blocs de béton sont posées les unes au dessus des autres sans qu’on arrive à bien comprendre l’organisation et le nombre d’étages de cette maison. Un site d’architecture m’apprend qu’il y a 4 étages et montre quelques photos de l’intérieur. WKB date de 2014 mais paraît plus ancienne car le béton semble déjà imprimé par le temps, ce qui renforce l’effet brutaliste de l’ensemble. Ce que j’aime aussi beaucoup dans cette maison, c’est le mélange du béton avec la végétation qui envahit les murs. Je pense que cette nature qui déborde sur l’architecture, comme on le commentait sur cette photo sur Instagram, fait partie du concept initial de fondre la maison dans son environnement, car elle est située au bord d’une rue piétonne bordée d’arbres. De Niizeki Studio, je connaissais en fait déjà une maison aperçue il y a plusieurs années à Yoyogi-Uehara. Cette maison nommée House in Yoyogi-Uehara est également très particulière car on n’en aperçoit de l’extérieur qu’un immense mur de béton bordant une grande porte noire.

En continuant ma marche dans Setagaya en direction de Shimo-Kitazawa, je passe près de la station de Setagaya-Daita et découvre aux hasards des coins de rues une petite maison entourée d’arbres digne de l’univers de Hayao Miyazaki. Une pâtisserie se trouve au rez-de-chaussée et est spécialisée dans les choux à la crème à l’effigie de Totoro. A l’intérieur de la pâtisserie, on trouve de nombreux posters et objets Ghibli. Cette pâtisserie s’appelle Shiro-Hige Cream Puff Factory (白髭のシュークリーム工房). Je ne résiste pas à l’envie de ramener quelques Totoro avec moi. Ils m’accompagneront sur le chemin et seront délicieux.

Le troisième vaccin m’a mis par terre pendant tout le week-end, mais ça m’a donné le temps et l’occasion de regarder des films sur Netflix. Je me décide sans raison très particulière à regarder un film datant de 2021 du réalisateur Rikiya Imaizumi (今泉力哉) intitulé Over The Town (街の上で). En fait, je ne voulais pas m’embarquer dans un film à l’action débordante ou au suspense haletant qui me fatiguerait plus que nécessaire. Je me suis donc dirigé vers ce film qui me semblait être une histoire de romance entre jeunes gens. Je ne pensais pas aimer autant ce film. Il s’agit en effet d’une histoire d’amour qui ne se passe pas comme le protagoniste principal le voudrait, mais l’important et l’intéressant dans le film ne vient pas de l’histoire principale mais plutôt des multiples petites histoires et apartés qui viennent perturber sa vie. Le protagoniste du film est un jeune homme de 27 ans appelé Ao Arakawa (Ryuya Wakaba) prenant la vie comme elle vient, travaillant dans une petite boutique de fringues d’occasion à Shimokitazawa. Sa petite amie Yuki Kawase (Moeka Hoshi) le quitte pour un autre mais il ne perd pas vraiment espoir et s’accroche à son souvenir. Il vit sa vie tranquillement en lisant des livres achetés dans la petite librairie d’à côté tenue par une jeune vendeuse appelée Fuyuko Tanabe (Kotone Furukawa) qui semble également l’attirer (sans que ça soit vraiment très clair), en attendant les clients dans sa petite boutique. Il va le soir au comptoir du même bar tenu par un ami et au même café le midi. Sa vie change un peu d’horizon lorsqu’une étudiante en cinéma, Machiko Takahashi (Minori Hagiwara) lui demande de jouer un personnage secondaire dans le film qu’elle prépare. Ao y rencontrera la costumière du film Iha Jojo (Seina Nakata) avec qui il devient ami. L’interêt du film vient dans les dialogues. Ao a un don pour poser les mauvaises questions au mauvais moment et le film joue beaucoup sur ces situations de gêne et d’incompréhension. Ça en devient particulièrement intéressant car la direction des conversations reste imprévisible. Le film n’hésite pas à introduire des personnages bizarres ou étonnants, comme un policier arrêtant Ao et Yuki à des moments différents du film pour leur raconter la même histoire improbable de son amour secret inavouable. Les personnages se croisent et leurs histoires se rejoignent, comme si ils évoluaient tous dans un petit microcosme, celui de ce quartier de Shimokitazawa. J’aime aussi beaucoup ce film car je connais bien le quartier. J’ai par exemple été plusieurs fois dans la petite librairie, située juste à côté du Disk Union, où Ao va acheter ses livres. Les quatre personnages féminins mènent les histoires du film et Ao, n’ayant pas de but très précis dans sa vie, se laisse emmener par les histoires qui se créent devant lui. Mais comme c’est un personnage sympathique, il devient attachant. Il me rappelle un peu les personnages d’Haruki Murakami qui passent leur temps à lire, vivant dans leur monde en n’ayant besoin de personne, et qui n’agissent que passivement quand la situation le demande. Le monde bouge autour de lui et il s’adapte en fonction. Le film tourne beaucoup autour de l’amour non dit ou qui prend du temps à se déclarer. Voir ce film m’a aussitôt donner envie d’en voir d’autre du même réalisateur.

Je continue donc avec un film sorti l’année d’avant en 2020 intitulé Mellow. Le personnage principal, Seiichi Natsume (Kei Tanaka), est floriste dans une petite boutique dont il est propriétaire. Il est célibataire et voit régulièrement la visite de la fille de sa sœur Saho (Tamaki Shiratori) quand celle-ci fait des siennes et ne veut pas aller à l’école. Natsume est une personne sensible qui ne laisse pas indifférent les gens qui l’entourent. Sa vie est paisible et sans encombre. Il semble lui aussi la prendre comme elle vient, sans forcer les choses. Il se rend tous le jours dans le même restaurant de ramen tenu par une jeune femme, Kiho Furukawa (Sae Okazaki). Le restaurant était tenu par le père de Kiho mais elle a été contrainte à prendre la suite après sa mort, laissant de côté temporairement ses rêves. On devine une proximité se créer entre Natsume et Kiho mais elle prend du temps à se déclarer. Le film nous amène plutôt vers des histoires secondaires qu’on prend plaisir à suivre. Dans ce film aussi, les personnages féminins sont nombreux autour du protagoniste principal et mènent à chaque fois l’intrigue. Et encore une fois, ce sont les situations et l’atmosphère générale du film qui m’intéressent beaucoup. Une des séquences particulièrement réussies fait intervenir le personnage de Mariko Aoki, interprété par Rie Tomosaka. Pour les références, je ne peux m’empêcher de noter que Sheena Ringo est une grande copine de Rie Tomosaka depuis ses débuts, et qu’elle a écrit pour elle quelques morceaux comme Shojō Robot et Cappucino (fin de la parenthèse). Natsume vient régulièrement décorer l’entrée de la maison des Aoki et Mariko apprécie tellement sa venue à chaque fois qu’elle finit par éprouver des sentiments pour lui. La situation pourrait être relativement classique mais Mariko préfère avouer ce sentiment franchement à son mari. Parce qu’il veut avant tout le bonheur de sa femme, le mari insiste pour que les trois personnes se rencontrent pour clarifier les sentiments de chacun. Cette situation est particulièrement gênante et inhabituelle, et en même temps savoureuse à l’écran. On imagine bien le malaise et l’envie de s’enfuir que doit procurer ce genre de situation improbable. Le film évoque beaucoup le thème de la confession d’un amour et la temporalité nécessaire pour franchir le pas. Observer les réactions des personnages face à ces confessions est particulièrement intéressant, comme si on était amené à analyser un comportement humain. Ces amours sont parfois, et même souvent, platoniques, mais la beauté du film vient du fait qu’il se concentre sur ces moments là, plein de délicatesse. Il n’y a rien de vraiment original dans ces histoires, mais c’est l’atmosphère et les interactions des personnages qui me plaisent beaucoup.

Et du même réalisateur, je regarde maintenant un autre film de 2018 intitulé Just Only Love (愛がなんだ?), se déroulant dans certains quartiers de Setagaya-Daita dont je parlais un peu plus haut. En parlant de ces deux films, je ne pense pas dévoiler beaucoup de l’intrigue, mais je suis en même temps persuadé que peu suivront mes conseils cinématographiques et s’aventureront vers ces films. Bon, ils ne sont pas forcément faciles d’accès car seulement en japonais et sur Netflix. Mais, en ce qui le concerne, ces deux ou trois films ont sauvé mon week-end.

mass repetita

Les murs monolithiques de béton de l’annexe de la galerie The Mass à Jingumae viennent refléter une forêt dense qui n’existe pas ici. Cette forêt, c’est celle de Yoyogi. L’envie m’est venu soudainement d’utiliser cette surface de béton comme un écran de cinéma retransmettant les images mouvantes d’un monde imaginaire. Ce n’est pas la première fois que je laisse mon empreinte virtuelle sur le paysage urbain tokyoïte mais je pratique malheureusement beaucoup moins ce genre d’expérimentations ces derniers mois. Je suis convaincu qu’il faudrait que je me laisse aller à construire plus souvent ce genre d’images, qui viendraient briser la monotonie des photos de ville qui s’entassent sans discontinuité dans les billets du blog. J’ai souvent eu ce dilemme sur ce blog entre représenter une version réaliste de Tokyo fidèle à ce que je vois (‘straight photography’), ou une version plus fantaisiste fidèle à ce que je ressens. Mon choix a toujours été de ne pas faire de choix et de montrer les deux styles en alternance. La première photographie de ce billet n’est par contre pas une photo composite. Ces nuages tourmentés reflètent l’ambiance de certains films de la sélection qui va suivre.

Silent Tokyo (サイレント・トーキョー)
Je me suis mis en tête ces derniers jours de regarder un peu plus de films japonais en cherchant ce qui est disponible sur Netflix. Mes choix ne sont pas aléatoires sauf peut-être pour ce premier film intitulé Silent Tokyo (サイレント・トーキョー) que j’ai choisi car il est récent (sorti en 2020) et parce qu’il se trouvait dans le classement journalier des 10 films les plus regardés sur Netflix Japon. Silent Tokyo est un film policier de Takafumi Hatano basé sur un roman intitulé And so this is Xmas de Takehito Hata. L’histoire est celle d’un terroriste menaçant de faire exploser des bombes dans Tokyo le soir de Noël s’il n’obtient pas un entretien avec le Premier Ministre. Dans le film, on entend le Premier Ministre japonais faire des déclarations sur la décision prise de donner au pays le pouvoir de faire la guerre, déclaration qui vient prendre écho avec des déclarations réelles du Premier Ministre japonais en 2016. On comprend assez vite que l’ultimatum du terroriste est lié à ces déclarations. La scène principale tourne autour du centre de Shibuya qui voit une explosion particulièrement bien représentée. A noter que ces scènes ne sont pas tournées dans le centre de Shibuya mais dans des studios à Tochigi contenant une reproduction du grand carrefour et des bâtiments tout autour (Cette même reproduction était utilisée pour la série Alice in Borderland de Shinsuke Sato). Le déroulement du film est plein de mystère car il ne révèle que peu de choses sur les intentions des protagonistes. On comprend assez rapidement que certains sont manipulés pour agir en fonction de ce que le terroriste dicte. Il faut attendre les scènes finales pour comprendre un peu plus clairement. Le personnage le plus mystérieux est joué par Tomoya Nakamura. Il parle peu, filme la scène de l’explosion mais n’a pas l’air d’être directement impliqué. L’inspecteur de police chargé de l’affaire est joué par Hidetoshi Nishijima. Il semble un peu dépassé par les événements mais a une intuition qui semble parfois proche de la télépathie. La scène avant l’explosion à Shibuya est particulièrement intéressante car, même s’ils sont prévenus de la possibilité d’un attentat, la jeunesse de Shibuya vient quand même se précipiter près d’Hachiko en pensant que rien ne peut leur arriver, qu’il s’agit certainement d’une fausse alerte et que la police est de toute façon là sur les lieux pour les protéger. On voit même des jeunes faire un décompte avant 6h du soir, heure annoncée de l’explosion, comme on pourrait le voir pour le countdown au passage à la nouvelle année. J’étais d’ailleurs amusé de voir Ano parmi la foule de Shibuya. On dirait qu’elle joue son propre rôle car son apparition rapide est fidèle à sa personnalité excentrique. Elle fait un selfie devant Hachiko juste avant de se faire pulvériser par l’impact de l’explosion. Pendant toutes ces scènes, je me suis posé la question de si c’était plausible que la jeunesse tokyoïte soit aussi peu disciplinée. Le film se veut réaliste, sans aucune fantaisie, mais je me suis plusieurs fois posé la question de la plausibilité du déroulement de l’histoire. Certains personnages et éléments de l’histoire se raccordent trop bien pour être réaliste à mon avis. Le contraste avec les films policiers américains est qu’il n’y a pas ou peu d’humour. L’attitude froide du personnage joué par Tomoya Nakamura, par exemple, en deviendrait même un cliché. Le film est dans l’ensemble bien foutu et intéressant mais j’aurais aimé y voir un petit brin de fantaisie. Je serais plus que servi sur les films qui vont suivre. Il y avait bien l’apparition d’Ano qui m’a amusé et rappelé en même temps d’écouter son nouveau single F Wonderful World.

Shimotsuma Monogatari (下妻物語)
Je voulais voir le film Shimotsuma Monogatari (下妻物語) du réalisateur Tetsuya Nakashima depuis quelque temps déjà, tout en hésitant un peu car je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre. Je me doutais qu’il y aurait de l’exagération à tous les étages, pensant que le film était tiré d’un manga. En fait, le film est tiré d’un roman de Novala Takemoto qui a également été adapté en manga, la même année que la sortie du film en 2004. Comme le titre l’annonce, l’histoire se passe dans la campagne de Shimotsuma dans la préfecture d’Ibaraki. Les deux personnages principaux sont Momoko Ryugasaki interprétée par Kyoko Fukada et Ichigo « Ichiko » Shirayuki interprétée par Anna Tsuchiya. Momoko s’habille à la mode Lolita dans le style Rococo français fait de robes à froufrou et de petits bonnets brodés, style qui contraste forcément beaucoup avec la mode vestimentaire d’Ibaraki où tout le monde semble acheter ses vêtements dans la chaîne de supermarchés Jusco (du groupe Aeon). Momoko fait la rencontre de Ichiko alors qu’elle essaie de revendre les faux vêtements Versace (appelé Versach) que son père (interprété par Hiroyuki Miyasako), petit mafieux sans envergure, avait essayé de vendre sur les marchés avant de se faire prendre. Ichiko est une ‘Yankie’ faisant partie d’un gang appelé Pony Tail. Ce type de gang est équivalent aux bōsōzoku pour les hommes, mais s’appelle plutôt ‘Ladies’ pour les filles. Les tenues et la violence sont par contre relativement similaires. Le style innocent de Momoko vient entrer en choc avec celui d’Ichiko, mais un attachement d’abord non réciproque se crée rapidement. Momoko vit une vie solitaire et n’a besoin de personne, même pas de sa mère (interprétée par Ryoko Shinohara) qui de toute façon a quitté le domicile pour refaire sa vie. Momoko reste avec son père et sa grand mère interprétée par Kirin Kiki. Comme pratiquement tous les personnages de ce film, la grand mère est très particulière et a des réactions hors du commun. Ce genre de personnages atypiques apportent un intérêt certain au film, car on se demande à tout moment la manière dont ils vont réagir et bousculer le rythme de l’histoire. Parmi tous les personnages du film, j’aime beaucoup Momoko. Momoko est loin d’être idiote et ce sont ses réflexions et ses remarques sans filtres à l’égard du monde qui l’entoure qui sont particulièrement amusantes et croustillantes. Elle rêve d’un autre monde mais n’est pas pour autant désabusée ou déprimée. Elle vit juste sa vie à son rythme sans rien demander à personne. Une jeune Momoko de moins de 10 ans intervient également pendant l’histoire. Malgré son jeune âge, elle semble déjà bien connaitre le fonctionnement des choses de la vie et vient même orienter la suite de l’histoire. La fantaisie colorée ambiante qui se dégage du film rend ce Shimotsuma Monogatari très attrayant. Il y a des longueurs mais aussi beaucoup de passages où on ne peut pas se retenir de sourire. Un autre intérêt que j’y vois est de pouvoir revoir les rues de Daikanyama du début des années 2000. La marque unique Baby, The Stars Shine Bright (marque qui existe réellement), où Momoko trouve ses robes rococo, a son magasin à Daikanyama et un voyage jusque là est à chaque fois une véritable expédition. Le film tient beaucoup au jeu des deux actrices. Je savais a quoi m’attendre pour Anna Tsuchiya car je l’avais déjà vu dans le film Sakuran de Mika Ninagawa, mais je suis beaucoup plus surpris par Kyoko Fukada que je n’avais vu jusqu’à présent que dans de nombreuses publicités. A noter finalement que ce film s’appelle Kamikaze Girls pour sa distribution internationale, titre trompeur et mal choisi qui n’a strictement rien à voir avec l’histoire du film.

Tonde Saitama (翔んで埼玉)
Juste après avoir regardé Shimotsuma Monogatari, je me suis dis que j’allais continuer dans ce style d’humour se moquant gentiment des préfectures autour de Tokyo. Tonde Saitama (翔んで埼玉) est un film de 2019 réalisé par Hideki Takeuchi avec comme têtes d’affiche le chanteur aux airs gothiques Gakt et l’actrice Fumi Nikaidō. J’avoue qu’une des raisons pour lesquelles je voulais voir ce film était pour admirer la coupe de cheveux blonde au carré légèrement ondulée de Fumi Nikaidō. L’histoire est tout à fait improbable et on nous dit ironiquement qu’il s’agit d’un monde imaginaire n’ayant rien à voir avec la réalité. Dans ce monde, les gens des autres préfectures, notamment de Saitama, ne peuvent pas entrer dans Tokyo à part sous certaines conditions car ils n’en sont pas dignes. Une milice est même en place pour détecter les intrus et les neutraliser. On fait assez vite la connaissance de Rei Asami, personnage aux airs aristocratiques interprété sans trop d’efforts par Gakt, alors qu’il vient intégrer une grande école de Tokyo après avoir passé une partie de sa vie aux Etats Unis. Momomi Dannoura, interprétée par Fumi Nikaidō, est la fille du tout puissant gouverneur de Tokyo et règne d’une main de fer sur cette école. On comprend vite que Rei Asami est un espion à la solde de Saitama, et qu’il a pour dessein de libérer sa contrée de l’ignoble emprise et des règles de la capitale. Les relations entre Rei et Momomi sont d’abord difficiles, mais elle tombera malgré elle sous son charme mystérieux (comme toutes les autres filles de l’école) et se joindra, non sans mal, à la cause de Saitama. L’histoire se complique quand l’homme de main du gouverneur de Tokyo, Sho Akutsu (interprété par Yusuke Iseya), également grande ponte de la préfecture de Chiba vient essayer de barrer la route de Rei Asami. La bataille se transforme même en un conflit entre Saitama et Chiba. L’histoire tout à fait absurde tient la route car elle est racontée comme un drama écouté à la radio dans la voiture par un couple et sa fille alors qu’il se rendent à un mariage. Le film oscille donc entre les scènes réelles dans la voiture et les scènes de l’histoire racontée à la radio. Le principal intérêt du film est dans les représentations très moqueuses faites des préfectures autour de Tokyo. Saitama est montrée comme une contrée arriérée, restée bloquée au moyen-âge. Gunma, un peu plus haut sur la carte, est montré comme étant encore à l’âge de la Préhistoire, dans une jungle imprenable dans laquelle vivent des yétis. Cet humour omniprésent est en fait assez difficile à décrire et il faut assez bien connaître les spécialités de chaque préfecture pour comprendre l’humour. Par exemple, comme supplice pour faire parler Rei Asami alors qu’il est prisonnier des mains de Chiba, Akutsu utilise des cacahouètes qu’il lui met vicieusement sous le nez, les cacahouètes étant une spécialité de Chiba. Ou encore, pour prouver qu’il n’est pas originaire de Saitama, la milice de Tokyo demande pressement à Rei Asami d’écraser du pied un senbei avec un logo de pigeon symbole de Saitama, ce qu’il n’arrivera pas à faire. Je reconnais certains des aprioris énoncés sur Saitama (et notamment le jeu de mot Dasai-tama), mais comme la belle famille est de Kanagawa, je n’ai jamais trop pratiqué cet humour. En fait, Kanagawa est plutôt vu d’une manière positive du fait de la présence des plages de Shonan mais il ne faut pas oublier que c’est aussi le pays des Yankis. Le fait qu’il n’ait pas d’accès à la mer à Saitama est d’ailleurs mentionné plusieurs fois dans le film comme un point très négatif par rapport à d’autres préfectures comme Chiba qui est sa concurrente directe. Pour pallier à cela, l’histoire nous raconte même que Saitama aurait tenter de faire un long tunnel à travers Chiba pour amener la mer jusqu’aux territoires de Saitama. Ces petites querelles bénignes entre les préfectures sont forcément exagérées dans le film, mais partent tout de même d’une pointe de vérité. Bon, il y a beaucoup de subtilités qui ont dû m’échapper en cours de route pendant le film, mais je suis resté jusqu’au bout pour Momomi. Du coup, je me suis mis en recherche d’autres films où jouait Fumi Nikaidō. J’avais déjà dit avant que Fumi Nikaidō est fan de Sheena Ringo, mais ce n’est pas la raison pour laquelle j’aime son jeu d’actrice (enfin je pense). A noter finalement que Tonde Saitama a eu beaucoup de succès et qu’une suite est annoncée.

Himizu (ヒミズ)
Après avoir vu Forest of Love de Sion Sono, film qui m’avait traumatisé, je ne pensais pas revoir de si tôt un autre film de ce réalisateur. C’est en fait l’actrice Fumi Nikaidō qui me pousse vers le film Himizu (ヒミズ) sorti en 2011. Je me suis dis que si elle jouait dans ce film, c’est qu’il devait être regardable voire même appréciable. En fait, je suis déjà convaincu que Sion Sono crée des œuvres fortes mais il a pour moi une tendance systématique à aller (beaucoup) trop loin dans l’outrance. Il y a de l’outrance et de l’exagération dans Himizu qui fait ressembler le film à une fable, mais la qualité première du film vient des deux acteurs Shōta Sometani et Fumi Nikaidō. Ça faisait longtemps que je n’avais pas été aussi impressionné par un jeu d’acteur et d’actrice. La force de leurs interprétations d’écorchés vifs nous prend au cœur. Comme toujours chez Sion Sono, les protagonistes sont confrontés au pire que l’on puisse trouver dans le genre humain, dans un monde où la violence physique et verbale est quasi omniprésente. Yuichi Sumida interprété par Shōta Sometani a un père petit mafieux en manque d’argent qui le bat et le renie même. Sa mère n’est elle jamais à la maison. Il est obligé de prendre en charge le petit parc de barques de plaisance de sa mère, perdu au milieu de nulle part, aidé par trois ou quatre exclus de la société vivant sous des tentes juste à côté. Le film est entrecoupé de scènes post-tsunami de 2011, ce qui nous laisse penser que ces personnes vivant sous des tentes sont des rescapés du tsunami ayant tout perdu. Parmi eux, il y a Shozo, un vieil homme généreux mais un peu simplet interprété par Tetsu Watanabe que l’on a déjà vu dans les films de yakuza de Takeshi Kitano comme Sonatine et Hanabi. Les rôles secondaires sont également excellents, même Megumi Kagurazaka (épouse de Sion Sono) qui ne parle jamais mais est toujours là souriante et n’ayant l’air d’avoir besoin de rien sous sa tente. Il y a même une mini-apparition de Yuriko Yoshitaka dans le rôle de la copine d’un voleur de rue. Je me demande toujours comment ces actrices ne prennent pas peur de jouer dans des films de Sion Sono (je pense à Hikari Mitsushima dans Love Exposure par exemple), mais en même temps, ce type de rôle est une opportunité de partir dans les extrêmes, comme un test personnel. Les extrêmes sont nombreux dans Himizu et il faut partir dans le film avec cette idée en tête. Par exemple, Keiko Shazawa, brillamment interprétée par Fumi Nikaidō, semble vivre dans une maison typique de banlieue. Mais on comprend vite qu’il n’y a rien de normal dans cette maison quand on voit que sa mère et son père préparent avec beaucoup d’attention une corde de pendu, avec un cadre de bois entouré de guirlandes dans le salon, pour leur fille. Il n’y a aucun moment de répit dans le film car les emmerdes s’enchaînent pour Sumida qui a du mal à s’accrocher à la vie. Shazawa joue le rôle d’ange gardien, malgré le fait que Sumida la repousse sans cesse. Sion Sono met volontairement ses personnages dans des situations extrêmes pour voir comment ils vont réagir. Ce film ressemble parfois à une expérience de vie dans un monde hostile qu’on ne préférait pas connaître. Himizu n’est clairement pas à mettre devant tous les yeux, mais il m’a personnellement beaucoup impressionné, au point de changer un peu d’avis sur le réalisateur. En fait, les acteurs et actrices ont toujours été excellents dans les films de Sono, il faudrait juste qu’il n’aille pas trop loin. A noter finalement que le film était présenté en compétition à la Mostra de Venise en 2011 et que Shōta Sometani et Fumi Nikaidō ont tous les deux reçus le Prix Marcello-Mastroianni du meilleur jeune interprète.

Ryū to Sobakasu no Hime (竜とそばかすの姫)
Pour terminer cette sélection cinéma plutôt éclectique, je passe maintenant à un film d’animation. Je ne vais pas souvent au cinéma et d’autant moins en ces temps de crise sanitaire, mais je ne voulais pas manquer le nouveau film d’animation de Mamoru Hosoda, Ryu to Sobakasu no Hime (竜とそばかすの姫), sorti le 16 Juillet. Un peu comme Summer Wars du même réalisateur, l’histoire oscille entre le mode réel et un monde virtuel digital (le réseau social U) dans lequel évoluent des milliards d’avatars, parmi lesquels Belle, une représentation de l’adolescente Suzu. Le mot japonais suzu veut dire clochette, qui se traduit également en Bell en anglais d’où le nom de son avatar. Suzu se bat tant bien que mal contre ses tourments et ses peurs, et se trouve la mission dans le monde virtuel U de venir en aide à un autre avatar, la bête Ryū, une représentation digitale d’un autre jeune être en souffrance. A travers son personnage de Belle, Suzu se découvre une capacité à chanter qui devient même un pouvoir pour guérir les âmes souffrantes. En plus de la beauté visuelle (Belle chantant sur une baleine volante portant des milliers de haut-parleurs), ce film d’animation est chargé d’émotion et m’a donné les larmes aux yeux lors de certaines scènes finales. La musique est très présente et est justement un des vecteurs qui nous poussent vers cette émotion. Le morceau titre intitulé U est d’ailleurs composé par Daiki Tsuneta sous la formation Millenium Parade avec Kaho Nakamura au chant. J’en parlais dans les commentaires d’un billet précédent, mais j’aime beaucoup ce morceau notamment la voix de Kaho Nakamura. Elle donne également sa voix au personnage de Suzu et c’est une véritable révélation de ce film d’animation. En petit détail à noter, Shōta Sometani (du film dont je parlais juste avant) interprète la voix d’un des personnages du film d’animation, l’unique membre du club de canoë de l’école, également responsable d’un des petits moments comiques du film pour sa timide déclaration d’amour au milieu d’une gare de campagne. Toujours pour les voix, la meilleure amie de Suzu est quant à elle interprétée par Ikura du groupe électro-pop Yoasobi. Le monde virtuel de Ryu to Sobakasu no Hime me fait un peu penser à celui de Paprika de Satoshi Kon, car on y trouve un foisonnement similaire bien que les histoires soient très différentes. Le réalisme graphique n’atteint pas les niveaux des films de Makoto Shinkai, mais j’aime beaucoup le style Hosoda. Comme sur son film précédent Mirai no Mirai (未来のミライ), il met l’accent sur les comportements des personnages que je trouve très réalistes. Du coup , il va falloir que je découvre les films de Mamoru Hosoda que je n’ai pas encore vu comme Bakemono no Ko (バケモノの子 – Le Garçon et la Bête). Il y a encore de nombreuses lacunes que je dois combler dans ma connaissance des films d’animation japonais.