mass repetita

Les murs monolithiques de béton de l’annexe de la galerie The Mass à Jingumae viennent refléter une forêt dense qui n’existe pas ici. Cette forêt, c’est celle de Yoyogi. L’envie m’est venu soudainement d’utiliser cette surface de béton comme un écran de cinéma retransmettant les images mouvantes d’un monde imaginaire. Ce n’est pas la première fois que je laisse mon empreinte virtuelle sur le paysage urbain tokyoïte mais je pratique malheureusement beaucoup moins ce genre d’expérimentations ces derniers mois. Je suis convaincu qu’il faudrait que je me laisse aller à construire plus souvent ce genre d’images, qui viendraient briser la monotonie des photos de ville qui s’entassent sans discontinuité dans les billets du blog. J’ai souvent eu ce dilemme sur ce blog entre représenter une version réaliste de Tokyo fidèle à ce que je vois (‘straight photography’), ou une version plus fantaisiste fidèle à ce que je ressens. Mon choix a toujours été de ne pas faire de choix et de montrer les deux styles en alternance. La première photographie de ce billet n’est par contre pas une photo composite. Ces nuages tourmentés reflètent l’ambiance de certains films de la sélection qui va suivre.

Silent Tokyo (サイレント・トーキョー)
Je me suis mis en tête ces derniers jours de regarder un peu plus de films japonais en cherchant ce qui est disponible sur Netflix. Mes choix ne sont pas aléatoires sauf peut-être pour ce premier film intitulé Silent Tokyo (サイレント・トーキョー) que j’ai choisi car il est récent (sorti en 2020) et parce qu’il se trouvait dans le classement journalier des 10 films les plus regardés sur Netflix Japon. Silent Tokyo est un film policier de Takafumi Hatano basé sur un roman intitulé And so this is Xmas de Takehito Hata. L’histoire est celle d’un terroriste menaçant de faire exploser des bombes dans Tokyo le soir de Noël s’il n’obtient pas un entretien avec le Premier Ministre. Dans le film, on entend le Premier Ministre japonais faire des déclarations sur la décision prise de donner au pays le pouvoir de faire la guerre, déclaration qui vient prendre écho avec des déclarations réelles du Premier Ministre japonais en 2016. On comprend assez vite que l’ultimatum du terroriste est lié à ces déclarations. La scène principale tourne autour du centre de Shibuya qui voit une explosion particulièrement bien représentée. A noter que ces scènes ne sont pas tournées dans le centre de Shibuya mais dans des studios à Tochigi contenant une reproduction du grand carrefour et des bâtiments tout autour (Cette même reproduction était utilisée pour la série Alice in Borderland de Shinsuke Sato). Le déroulement du film est plein de mystère car il ne révèle que peu de choses sur les intentions des protagonistes. On comprend assez rapidement que certains sont manipulés pour agir en fonction de ce que le terroriste dicte. Il faut attendre les scènes finales pour comprendre un peu plus clairement. Le personnage le plus mystérieux est joué par Tomoya Nakamura. Il parle peu, filme la scène de l’explosion mais n’a pas l’air d’être directement impliqué. L’inspecteur de police chargé de l’affaire est joué par Hidetoshi Nishijima. Il semble un peu dépassé par les événements mais a une intuition qui semble parfois proche de la télépathie. La scène avant l’explosion à Shibuya est particulièrement intéressante car, même s’ils sont prévenus de la possibilité d’un attentat, la jeunesse de Shibuya vient quand même se précipiter près d’Hachiko en pensant que rien ne peut leur arriver, qu’il s’agit certainement d’une fausse alerte et que la police est de toute façon là sur les lieux pour les protéger. On voit même des jeunes faire un décompte avant 6h du soir, heure annoncée de l’explosion, comme on pourrait le voir pour le countdown au passage à la nouvelle année. J’étais d’ailleurs amusé de voir Ano parmi la foule de Shibuya. On dirait qu’elle joue son propre rôle car son apparition rapide est fidèle à sa personnalité excentrique. Elle fait un selfie devant Hachiko juste avant de se faire pulvériser par l’impact de l’explosion. Pendant toutes ces scènes, je me suis posé la question de si c’était plausible que la jeunesse tokyoïte soit aussi peu disciplinée. Le film se veut réaliste, sans aucune fantaisie, mais je me suis plusieurs fois posé la question de la plausibilité du déroulement de l’histoire. Certains personnages et éléments de l’histoire se raccordent trop bien pour être réaliste à mon avis. Le contraste avec les films policiers américains est qu’il n’y a pas ou peu d’humour. L’attitude froide du personnage joué par Tomoya Nakamura, par exemple, en deviendrait même un cliché. Le film est dans l’ensemble bien foutu et intéressant mais j’aurais aimé y voir un petit brin de fantaisie. Je serais plus que servi sur les films qui vont suivre. Il y avait bien l’apparition d’Ano qui m’a amusé et rappelé en même temps d’écouter son nouveau single F Wonderful World.

Shimotsuma Monogatari (下妻物語)
Je voulais voir le film Shimotsuma Monogatari (下妻物語) du réalisateur Tetsuya Nakashima depuis quelque temps déjà, tout en hésitant un peu car je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre. Je me doutais qu’il y aurait de l’exagération à tous les étages, pensant que le film était tiré d’un manga. En fait, le film est tiré d’un roman de Novala Takemoto qui a également été adapté en manga, la même année que la sortie du film en 2004. Comme le titre l’annonce, l’histoire se passe dans la campagne de Shimotsuma dans la préfecture d’Ibaraki. Les deux personnages principaux sont Momoko Ryugasaki interprétée par Kyoko Fukada et Ichigo « Ichiko » Shirayuki interprétée par Anna Tsuchiya. Momoko s’habille à la mode Lolita dans le style Rococo français fait de robes à froufrou et de petits bonnets brodés, style qui contraste forcément beaucoup avec la mode vestimentaire d’Ibaraki où tout le monde semble acheter ses vêtements dans la chaîne de supermarchés Jusco (du groupe Aeon). Momoko fait la rencontre de Ichiko alors qu’elle essaie de revendre les faux vêtements Versace (appelé Versach) que son père (interprété par Hiroyuki Miyasako), petit mafieux sans envergure, avait essayé de vendre sur les marchés avant de se faire prendre. Ichiko est une ‘Yankie’ faisant partie d’un gang appelé Pony Tail. Ce type de gang est équivalent aux bōsōzoku pour les hommes, mais s’appelle plutôt ‘Ladies’ pour les filles. Les tenues et la violence sont par contre relativement similaires. Le style innocent de Momoko vient entrer en choc avec celui d’Ichiko, mais un attachement d’abord non réciproque se crée rapidement. Momoko vit une vie solitaire et n’a besoin de personne, même pas de sa mère (interprétée par Ryoko Shinohara) qui de toute façon a quitté le domicile pour refaire sa vie. Momoko reste avec son père et sa grand mère interprétée par Kirin Kiki. Comme pratiquement tous les personnages de ce film, la grand mère est très particulière et a des réactions hors du commun. Ce genre de personnages atypiques apportent un intérêt certain au film, car on se demande à tout moment la manière dont ils vont réagir et bousculer le rythme de l’histoire. Parmi tous les personnages du film, j’aime beaucoup Momoko. Momoko est loin d’être idiote et ce sont ses réflexions et ses remarques sans filtres à l’égard du monde qui l’entoure qui sont particulièrement amusantes et croustillantes. Elle rêve d’un autre monde mais n’est pas pour autant désabusée ou déprimée. Elle vit juste sa vie à son rythme sans rien demander à personne. Une jeune Momoko de moins de 10 ans intervient également pendant l’histoire. Malgré son jeune âge, elle semble déjà bien connaitre le fonctionnement des choses de la vie et vient même orienter la suite de l’histoire. La fantaisie colorée ambiante qui se dégage du film rend ce Shimotsuma Monogatari très attrayant. Il y a des longueurs mais aussi beaucoup de passages où on ne peut pas se retenir de sourire. Un autre intérêt que j’y vois est de pouvoir revoir les rues de Daikanyama du début des années 2000. La marque unique Baby, The Stars Shine Bright (marque qui existe réellement), où Momoko trouve ses robes rococo, a son magasin à Daikanyama et un voyage jusque là est à chaque fois une véritable expédition. Le film tient beaucoup au jeu des deux actrices. Je savais a quoi m’attendre pour Anna Tsuchiya car je l’avais déjà vu dans le film Sakuran de Mika Ninagawa, mais je suis beaucoup plus surpris par Kyoko Fukada que je n’avais vu jusqu’à présent que dans de nombreuses publicités. A noter finalement que ce film s’appelle Kamikaze Girls pour sa distribution internationale, titre trompeur et mal choisi qui n’a strictement rien à voir avec l’histoire du film.

Tonde Saitama (翔んで埼玉)
Juste après avoir regardé Shimotsuma Monogatari, je me suis dis que j’allais continuer dans ce style d’humour se moquant gentiment des préfectures autour de Tokyo. Tonde Saitama (翔んで埼玉) est un film de 2019 réalisé par Hideki Takeuchi avec comme têtes d’affiche le chanteur aux airs gothiques Gakt et l’actrice Fumi Nikaidō. J’avoue qu’une des raisons pour lesquelles je voulais voir ce film était pour admirer la coupe de cheveux blonde au carré légèrement ondulée de Fumi Nikaidō. L’histoire est tout à fait improbable et on nous dit ironiquement qu’il s’agit d’un monde imaginaire n’ayant rien à voir avec la réalité. Dans ce monde, les gens des autres préfectures, notamment de Saitama, ne peuvent pas entrer dans Tokyo à part sous certaines conditions car ils n’en sont pas dignes. Une milice est même en place pour détecter les intrus et les neutraliser. On fait assez vite la connaissance de Rei Asami, personnage aux airs aristocratiques interprété sans trop d’efforts par Gakt, alors qu’il vient intégrer une grande école de Tokyo après avoir passé une partie de sa vie aux Etats Unis. Momomi Dannoura, interprétée par Fumi Nikaidō, est la fille du tout puissant gouverneur de Tokyo et règne d’une main de fer sur cette école. On comprend vite que Rei Asami est un espion à la solde de Saitama, et qu’il a pour dessein de libérer sa contrée de l’ignoble emprise et des règles de la capitale. Les relations entre Rei et Momomi sont d’abord difficiles, mais elle tombera malgré elle sous son charme mystérieux (comme toutes les autres filles de l’école) et se joindra, non sans mal, à la cause de Saitama. L’histoire se complique quand l’homme de main du gouverneur de Tokyo, Sho Akutsu (interprété par Yusuke Iseya), également grande ponte de la préfecture de Chiba vient essayer de barrer la route de Rei Asami. La bataille se transforme même en un conflit entre Saitama et Chiba. L’histoire tout à fait absurde tient la route car elle est racontée comme un drama écouté à la radio dans la voiture par un couple et sa fille alors qu’il se rendent à un mariage. Le film oscille donc entre les scènes réelles dans la voiture et les scènes de l’histoire racontée à la radio. Le principal intérêt du film est dans les représentations très moqueuses faites des préfectures autour de Tokyo. Saitama est montrée comme une contrée arriérée, restée bloquée au moyen-âge. Gunma, un peu plus haut sur la carte, est montré comme étant encore à l’âge de la Préhistoire, dans une jungle imprenable dans laquelle vivent des yétis. Cet humour omniprésent est en fait assez difficile à décrire et il faut assez bien connaître les spécialités de chaque préfecture pour comprendre l’humour. Par exemple, comme supplice pour faire parler Rei Asami alors qu’il est prisonnier des mains de Chiba, Akutsu utilise des cacahouètes qu’il lui met vicieusement sous le nez, les cacahouètes étant une spécialité de Chiba. Ou encore, pour prouver qu’il n’est pas originaire de Saitama, la milice de Tokyo demande pressement à Rei Asami d’écraser du pied un senbei avec un logo de pigeon symbole de Saitama, ce qu’il n’arrivera pas à faire. Je reconnais certains des aprioris énoncés sur Saitama (et notamment le jeu de mot Dasai-tama), mais comme la belle famille est de Kanagawa, je n’ai jamais trop pratiqué cet humour. En fait, Kanagawa est plutôt vu d’une manière positive du fait de la présence des plages de Shonan mais il ne faut pas oublier que c’est aussi le pays des Yankis. Le fait qu’il n’ait pas d’accès à la mer à Saitama est d’ailleurs mentionné plusieurs fois dans le film comme un point très négatif par rapport à d’autres préfectures comme Chiba qui est sa concurrente directe. Pour pallier à cela, l’histoire nous raconte même que Saitama aurait tenter de faire un long tunnel à travers Chiba pour amener la mer jusqu’aux territoires de Saitama. Ces petites querelles bénignes entre les préfectures sont forcément exagérées dans le film, mais partent tout de même d’une pointe de vérité. Bon, il y a beaucoup de subtilités qui ont dû m’échapper en cours de route pendant le film, mais je suis resté jusqu’au bout pour Momomi. Du coup, je me suis mis en recherche d’autres films où jouait Fumi Nikaidō. J’avais déjà dit avant que Fumi Nikaidō est fan de Sheena Ringo, mais ce n’est pas la raison pour laquelle j’aime son jeu d’actrice (enfin je pense). A noter finalement que Tonde Saitama a eu beaucoup de succès et qu’une suite est annoncée.

Himizu (ヒミズ)
Après avoir vu Forest of Love de Sion Sono, film qui m’avait traumatisé, je ne pensais pas revoir de si tôt un autre film de ce réalisateur. C’est en fait l’actrice Fumi Nikaidō qui me pousse vers le film Himizu (ヒミズ) sorti en 2011. Je me suis dis que si elle jouait dans ce film, c’est qu’il devait être regardable voire même appréciable. En fait, je suis déjà convaincu que Sion Sono crée des œuvres fortes mais il a pour moi une tendance systématique à aller (beaucoup) trop loin dans l’outrance. Il y a de l’outrance et de l’exagération dans Himizu qui fait ressembler le film à une fable, mais la qualité première du film vient des deux acteurs Shōta Sometani et Fumi Nikaidō. Ça faisait longtemps que je n’avais pas été aussi impressionné par un jeu d’acteur et d’actrice. La force de leurs interprétations d’écorchés vifs nous prend au cœur. Comme toujours chez Sion Sono, les protagonistes sont confrontés au pire que l’on puisse trouver dans le genre humain, dans un monde où la violence physique et verbale est quasi omniprésente. Yuichi Sumida interprété par Shōta Sometani a un père petit mafieux en manque d’argent qui le bat et le renie même. Sa mère n’est elle jamais à la maison. Il est obligé de prendre en charge le petit parc de barques de plaisance de sa mère, perdu au milieu de nulle part, aidé par trois ou quatre exclus de la société vivant sous des tentes juste à côté. Le film est entrecoupé de scènes post-tsunami de 2011, ce qui nous laisse penser que ces personnes vivant sous des tentes sont des rescapés du tsunami ayant tout perdu. Parmi eux, il y a Shozo, un vieil homme généreux mais un peu simplet interprété par Tetsu Watanabe que l’on a déjà vu dans les films de yakuza de Takeshi Kitano comme Sonatine et Hanabi. Les rôles secondaires sont également excellents, même Megumi Kagurazaka (épouse de Sion Sono) qui ne parle jamais mais est toujours là souriante et n’ayant l’air d’avoir besoin de rien sous sa tente. Il y a même une mini-apparition de Yuriko Yoshitaka dans le rôle de la copine d’un voleur de rue. Je me demande toujours comment ces actrices ne prennent pas peur de jouer dans des films de Sion Sono (je pense à Hikari Mitsushima dans Love Exposure par exemple), mais en même temps, ce type de rôle est une opportunité de partir dans les extrêmes, comme un test personnel. Les extrêmes sont nombreux dans Himizu et il faut partir dans le film avec cette idée en tête. Par exemple, Keiko Shazawa, brillamment interprétée par Fumi Nikaidō, semble vivre dans une maison typique de banlieue. Mais on comprend vite qu’il n’y a rien de normal dans cette maison quand on voit que sa mère et son père préparent avec beaucoup d’attention une corde de pendu, avec un cadre de bois entouré de guirlandes dans le salon, pour leur fille. Il n’y a aucun moment de répit dans le film car les emmerdes s’enchaînent pour Sumida qui a du mal à s’accrocher à la vie. Shazawa joue le rôle d’ange gardien, malgré le fait que Sumida la repousse sans cesse. Sion Sono met volontairement ses personnages dans des situations extrêmes pour voir comment ils vont réagir. Ce film ressemble parfois à une expérience de vie dans un monde hostile qu’on ne préférait pas connaître. Himizu n’est clairement pas à mettre devant tous les yeux, mais il m’a personnellement beaucoup impressionné, au point de changer un peu d’avis sur le réalisateur. En fait, les acteurs et actrices ont toujours été excellents dans les films de Sono, il faudrait juste qu’il n’aille pas trop loin. A noter finalement que le film était présenté en compétition à la Mostra de Venise en 2011 et que Shōta Sometani et Fumi Nikaidō ont tous les deux reçus le Prix Marcello-Mastroianni du meilleur jeune interprète.

Ryū to Sobakasu no Hime (竜とそばかすの姫)
Pour terminer cette sélection cinéma plutôt éclectique, je passe maintenant à un film d’animation. Je ne vais pas souvent au cinéma et d’autant moins en ces temps de crise sanitaire, mais je ne voulais pas manquer le nouveau film d’animation de Mamoru Hosoda, Ryu to Sobakasu no Hime (竜とそばかすの姫), sorti le 16 Juillet. Un peu comme Summer Wars du même réalisateur, l’histoire oscille entre le mode réel et un monde virtuel digital (le réseau social U) dans lequel évoluent des milliards d’avatars, parmi lesquels Belle, une représentation de l’adolescente Suzu. Le mot japonais suzu veut dire clochette, qui se traduit également en Bell en anglais d’où le nom de son avatar. Suzu se bat tant bien que mal contre ses tourments et ses peurs, et se trouve la mission dans le monde virtuel U de venir en aide à un autre avatar, la bête Ryū, une représentation digitale d’un autre jeune être en souffrance. A travers son personnage de Belle, Suzu se découvre une capacité à chanter qui devient même un pouvoir pour guérir les âmes souffrantes. En plus de la beauté visuelle (Belle chantant sur une baleine volante portant des milliers de haut-parleurs), ce film d’animation est chargé d’émotion et m’a donné les larmes aux yeux lors de certaines scènes finales. La musique est très présente et est justement un des vecteurs qui nous poussent vers cette émotion. Le morceau titre intitulé U est d’ailleurs composé par Daiki Tsuneta sous la formation Millenium Parade avec Kaho Nakamura au chant. J’en parlais dans les commentaires d’un billet précédent, mais j’aime beaucoup ce morceau notamment la voix de Kaho Nakamura. Elle donne également sa voix au personnage de Suzu et c’est une véritable révélation de ce film d’animation. En petit détail à noter, Shōta Sometani (du film dont je parlais juste avant) interprète la voix d’un des personnages du film d’animation, l’unique membre du club de canoë de l’école, également responsable d’un des petits moments comiques du film pour sa timide déclaration d’amour au milieu d’une gare de campagne. Toujours pour les voix, la meilleure amie de Suzu est quant à elle interprétée par Ikura du groupe électro-pop Yoasobi. Le monde virtuel de Ryu to Sobakasu no Hime me fait un peu penser à celui de Paprika de Satoshi Kon, car on y trouve un foisonnement similaire bien que les histoires soient très différentes. Le réalisme graphique n’atteint pas les niveaux des films de Makoto Shinkai, mais j’aime beaucoup le style Hosoda. Comme sur son film précédent Mirai no Mirai (未来のミライ), il met l’accent sur les comportements des personnages que je trouve très réalistes. Du coup , il va falloir que je découvre les films de Mamoru Hosoda que je n’ai pas encore vu comme Bakemono no Ko (バケモノの子 – Le Garçon et la Bête). Il y a encore de nombreuses lacunes que je dois combler dans ma connaissance des films d’animation japonais.

閏年エンディング ~其ノ四~

Je reste à Jingumae pour quelques autres photographies qui ne sont pourtant pas toutes prises la même journée. On commence par Ura-Harajuku, une des petites rues à l’arrière de Harajuku, où s’aligne une série d’affiches pour Beams à l’arrière d’un building. Cette couleur rouge avec des personnes en chutes libre s’accorde bien avec le mouvement du cycliste qui passait à ce moment là. J’aime beaucoup cette photographie car je suis toujours attiré par les couleurs rouges dans le décor urbain, qui sont en général assez rares. Je continue ensuite vers la petite rue Cat Street, attiré par un nouveau petit bâtiment monolithique de béton. ll s’agit d’une annexe à la galerie The Mass située juste à côté et qui s’appelle StandBy. Le bâtiment est ouvert sur la rue, sans fenêtres. On y montrait deux installations étranges contenant chacune un bonsai en croissance controlée, chaque réceptacle conservant une température et une humidité adéquates. Il s’agit d’une installation visible jusqu’à fin Janvier 2021 intitulée “Paludarium Tachiko & Yasutoshi” par le collectif artistique AMKK créé par l’artiste floral Makoto Azuma. A noter que les blocs hermétiques de conservation des deux bonsai nommés Yasutoshi et Tachiko possèdent également un petit module stéréo pour y diffuser de la musique. J’aime beaucoup cette idée d’intégrer la musique comme un élément indispensable de la conservation de ces plantes. Comme l’artiste nous l’explique sur son site web, ce concept de conservation n’est pas nouveau, mais sa mise en place dans un bunker de béton ouvert sur l’extérieur a quelque chose de futuriste. Quant à ce petit bâtiment en béton sur l’avant dernière photo, il est bien mystérieux avec sa forme de flèche semblant nous indiquer une direction.

Je suis abonné à NetFlix depuis quelques années, mais je ne l’utilise très certainement pas autant que je devrais. Je suis souvent face à une multitude de choses à voir que je mets dans mes favoris mais je peine toujours à trouver le temps de regarder ce que j’ai sélectionné. Je me laisse quand même attiré par la série japonaise en 8 épisodes Alice in Borderland (今際の国のアリス) tirée du manga du même nom par Haro Aso, que je ne connaissais pas. La série exclusive à NetFlix est réalisée par Shinsuke Sato, dont j’avais déjà vu le film de science fiction Gantz avec Kazunari Ninomiya, Kenichi Matsuyama et Natsuna entre autres. En fait, dès le premier épisode de Alice in Borderland, j’avais tout de suite noté quelques ressemblances avec l’univers de Gantz. On se trouve dans une sorte de monde parallèle où les protagonistes doivent accomplir des missions pour survivre. Certains épisodes me rappellent aussi par moment Battle Royale. La série est assez violente, mais visuellement très belle. La totalité des scènes de la série est prise dans un Tokyo vidé de sa population, par des effets spéciaux. Je connaissais déjà Tokyo vide dans les livres photographiques de Masataka Nakano, mais ces scènes notamment dans des quartiers de Shibuya que je connais bien ont de quoi surprendre. Je m’arrêterais là sur mon émerveillement à voir en images un Tokyo vide. Les acteurs principaux, Kenta Yamazaki dans le rôle de Ryōhei Arisu et Tao Tsuchiya dans le rôle de Yuzuha Usagi, sont plutôt convaincants et l’histoire est très accrocheuse, même si elle n’est pas forcément très originale. Chaque mission est dirigée par un groupe mystérieux dont on ne sait que peu de choses et qui identifie chacune des missions par les signes d’un jeu de cartes. Le titre de la série ainsi que ces symboles de cartes à jouer nous font bien entendu penser au monde d’Alice au pays des Merveilles, d’autant plus que les personnages principaux s’appellent Arisu (pour Alice) et Usagi (évoquant le lapin d’Alice). Je me demande s’il y aura des liens qui vont s’établir entre l’intrigue de cette série et le monde d’Alice in Wonderland.

たった一度の人生ゲームさ

Alors que je mentionnais dans mon dernier billet mon intention de ne pas me concentrer sur le Tokyo insolite, je m’enfonce forcément, mais volontairement, dans la brèche avec quelques unes des photographies ci-dessus pour m’auto-contredire. Il m’arrive souvent sur ce blog d’avoir envie de faire le contraire de ce que je viens d’écrire, tout simplement parce que j’ai la liberté de le faire. Dernièrement, j’avais aussi abordé ce ‘Tokyo insolite’ en montrant ici et sur Twitter des photographies des toilettes publiques transparentes conçues par Shigeru Ban, pour deux petits parcs près de Yoyogi. Je me suis rendu compte que les deux photographies mises sur Twitter ont été reprises sur le site de Cnews le 18 Août, et par ricochet sur quelques sites parfois en anglais ou espagnol. Ça m’amuse d’ailleurs de voir comment le site de news propage des informations inexactes. Le site nous dit par exemple qu’il y a déjà cinq toilettes transparentes à Shibuya et qu’il y en aura bientôt 17, alors qu’il n’y en a que deux et que les autres toilettes ne sont/seront pas transparentes et ont des styles complètement différents (par des architectes différents d’ailleurs). L’article laisse aussi penser que ce projet couvre tout Tokyo, alors qu’il s’agit seulement de Shibuya.

Mais revenons aux photographies sur ce billet. Je connaissais ce King Kong en haut d’un bâtiment rose pour l’avoir déjà vu en photo quelque part mais je ne me souviens plus où exactement. On le découvre par hasard alors que nous partons à la recherche du sanctuaire Taishido Hachiman dans les zones résidentielles de Sangenjaya. Le gorille se trouve dans la rue commerçante principale de Sangenjaya, perpendiculaire à la longue route 246 qui passe à Shibuya et nous amènerait jusqu’à Numazu dans la préfecture de Shizuoka si on la suivait tout le long de ses 122.7kms. Le Maneki Neko et le lapin rose, tous deux gonflables, se trouvent à l’intérieur du sanctuaire Taishido Hachiman. On est surpris par la présence de ces objets insolites qu’on a, il faut bien le dire, peu l’habitude de voir à l’intérieur des sanctuaires, mais dont on ne peut ignorer la présence une fois qu’on les a aperçu. Il doit s’agir de la préparation d’un matsuri pour les enfants, car on voyait également un petit stand en cours d’arrangement juste à côté. Il y a un enclos avec un lapin à l’entrée du sanctuaire. Il est peut être involontairement le symbole de ce lieu. Il n’y avait personne dans le sanctuaire, à part la dame qui nous a donné le sceau Goshuin que nous étions venu chercher et dont je parlais précédemment. Le fait qu’il n’y avait personne dans ces lieux renforçait l’impression d’être observé par toutes choses, notamment par les 21 petits renards Inari (je ne prends pas en compte celui qui regarde à côté) qui sont en charge symbolique de garder l’enceinte du sanctuaire. Un peu plus loin sur la rue commerçante où se trouve le gorille sur le toit, on trouve un bâtiment rouge écarlate placé sur un espace triangulaire minuscule, qu’on pourrait sans aucun doute trouver dans le bouquin Pet Architecture de l’Atelier Bow Wow. Ce petit bâtiment, en plus d’utiliser l’espace de manière optimale, à la particularité d’avoir beaucoup d’ouvertures. Lorsqu’on le voit depuis la rue commerçante, notre regard traverse les parois pour voir l’autre rue en Y bordant le bâtiment. J’imaginerais bien pousser le concept, à la manière de Ryue Nishizawa ou Kazuyo Sejima de SANAA, en rendant ce petit bâtiment complètement transparent, en le couvrant entièrement de vitrages. La dernière photographie ci-dessus est également prise dans une rue à côté du gorille et il s’agit d’un restaurant de soba. La vitrine semble par contre refléter les intérêts cinématographiques du propriétaire avec ces figurines d’Ultraman, Kamen Rider ou encore Godzilla.

Ceci me rappelle que j’ai vu pour la première fois de ma vie un film de la série Godzilla, en regardant sur Netflix le Shin-Godzilla datant de 2016. En réfléchissant un peu, j’ai quand même eu le malheur de voir au cinéma en France la version américaine de Godzilla par Roland Emmerich datant de 1998, avec Jean Reno me semble-t-il. J’ai beaucoup aimé ce Shin-Godzilla, notamment pour son réalisme. Pas le réalisme du monstre bien entendu, mais celui des lieux. Tous les endroits empruntés et détruits au passage par Godzilla sont cités très précisément, de Kanagawa jusqu’à Tokyo. Godzilla arrive par les mers et entre d’abord sur les terres depuis la baie de Tokyo. On le voit évoluer dans sa première forme dans les eaux de la rivière Nomigawa près de Kamata et il déambule ensuite dans les rues de l’arrondissement de Ota que je commence à bien connaître. Il réapparaît ensuite un peu plus tard près de Kamakura juste à côté de Inamuragasaki (que je connais assez bien aussi). Tout en regardant le film, je prie pour qu’il ne remonte pas jusqu’au sanctuaire de Tsurugaoka Hachimangu où nous nous sommes mariés. Il se dirige ‘heureusement’ vers Tokyo jusqu’au centre, près de la gare historique. Je regarde le film en espérant qu’il ne démolisse pas trop de bâtiments en cours de route car je pense tout de suite au travail énorme de reconstruction qui sera nécessaire, mais c’est peine perdue vue la taille du monstre. De toute manière, à partir du moment où il commence à cracher du feu et à émettre des rayons lasers radioactifs de son dos ou de sa gueule, on comprend vite que la ville est entièrement perdue. La déconstruction de Tokyo est un thème récurent du cinéma fantastique japonais, depuis le grand tremblement de terre de Septembre 1923 qui avait presque complètement détruit la ville (par exemple, les destructions et reconstructions de Tokyo en Neo Tokyo dans Akira et en Tokyo-3 dans Evangelion). Un des intérêts du film est la manière dont il se concentre au début sur la gestion de la crise par les organismes gouvernementaux tout en insistant sur la lourdeur administrative de la prise de décision. On arrive assez bien à imaginer cette complexité administrative quand il s’agit par exemple de décider de quel organisme gouvernemental ce type de crise est le ressort, la gestion de crise engendrée par un monstre surdimensionné ne tombant pas dans les schémas classiques déjà préparés et testés d’un tremblement de terre par exemple. Le film ne manque pas d’un certain humour un peu piquant dans ces moments là, ou lorsqu’il aborde la nécessaire invocation de l’aide américaine qui veut bien sûr prendre le sujet en mains d’une manière un peu trop radicale. On a par contre un peu de mal à croire au personnage d’experte japano-américaine interprétée par Satomi Ishihara, dont l’accent américain forcé est à la limite du ridicule. Ses interventions me font quand même penser qu’il s’agit de second degré. Reste à voir maintenant si je tente la version originale de Ishirō Honda datant de 1954, qui semble être disponible sur Amazon Prime (mais pas sur Netflix).

A l’arrière du Department Store PARCO à Shibuya, on pouvait voir affichés sur un des murs les portraits des membres de tous les groupes de l’agence Wack. On peut dire que les idoles alternatives de l’agence occupent le terrain à Shibuya ces derniers temps. La devanture du Tower Records affichent également en ce moment des grands posters des groupes BiS et PEDRO ainsi qu’une double affiche de BiSH et EMPiRE. À côté de ces multiples portraits parfois grimaçants et étrangement habillés de la même manière, une autre affiche nous explique qu’il s’agit d’un événement appelé School of Wack qui se déroulait au PARCO Museum sur un peu plus d’une semaine jusqu’au 31 Août. Sans vraiment comprendre de quoi il s’agit, j’ai l’impression que chaque membre des groupes passe du temps dans une petite salle fermée et bariolée comme une salle de classe vandalisée, pour y faire des jeux ou des gages devant un public très restreint derrière une vitre (à cause du corona virus). Je n’ai pas l’impression que des morceaux soient interprétés, donc cette organisation m’intrigue assez. Indépendamment de cette affiche et de cet événement, j’écoute pas mal de morceaux de groupes Wack en ce moment car je suis happé par leur énergie, mélangeant un certain esprit rock et un côté poussif pop qui m’attire malgré une répulsion initiale. C’est le cas du morceau にんげん (Ningen) de Carry Loose par exemple. Il me paraissait trop typé comme un morceau d’idole à première écoute, mais je tente tout de même une deuxième écoute en entier et me laisse prendre par l’urgence non-stop avec laquelle les quatre filles de Carry Loose mènent la marche. La voix de YUiNA EMPiRE (transfuge temporaire d’EMPiRE) est une épreuve au début, mais un peu comme pour AYUNi D sur BiSH, elle finit par apporter un contraste vocal qui donne de l’intérêt à l’ensemble et à la progression du morceau. En parlant d’EMPiRE, qui est à mon avis en phase ascendante, maintenant que BiSH est pratiquement devenu mainstream, j’ai appris à apprécier leurs morceaux que j’écoute beaucoup en ce moment. Je n’écoute pas leurs albums ou EPs en entier mais j’ai plutôt fait une sélection des morceaux qui m’intéressaient. Ma playlist se compose de quelques morceaux de leur premier album THE EMPiRE STRiKES START!!: FOR EXAMPLE??, Buttocks beat! beat!, コノ世界ノ片隅デ (KONOSEKAiNOKATASUMiDE) et アカルイミライ (Akarui Mirai), suivi de quelques morceaux du EP EMPiRE originals: EMPiRE originals, Dope et SO i YA, tout en écoutant quelques autres morceaux de leur dernier EP en date, notamment le morceau ORDiNARY. Les voix des membres d’EMPiRE sont dans l’ensemble plus uniformes que celles de BiSH, mais j’aime toujours quand il y a quelques dissonances (par exemple la voix de Mikina à la marque 2:20 sur FOR EXAMPLE??). Certains morceaux sont assez proches de ce qu’on connait de BiSH surtout quand ils prennent des sonorités rock, comme par exemple Buttocks beat! beat!. Les membres de BiSH font d’ailleurs des apparitions dans la vidéo tournée à Shibuya (comme souvent) faisant un clin d’oeil à la couverture de l’album FAKE METAL JACKET. Cette vidéo donne d’ailleurs une bonne idée du côté disruptif de cette musique, plutôt que le kawaii qui est en général associé à l’univers des idoles. Le kawaii ne m’intéresse pas beaucoup. Un des morceaux que je préfère du groupe est celui intitulé Dope, avec une manière vraiment particulière de chanter, comme une voix de fantôme sortie d’un ukiyo-e. Ce morceau avec I don’t cry anymore dont je parlais dans un billet précédent, m’a donné envie de fouiller un peu plus dans la discographie d’EMPiRE. Dans ma playlist, j’inclus également le dernier single intitulé 浪漫 (Roman) de PEDRO, le groupe de Ayuni accompagné de Hisako Tabuchi de Number Girl à la guitare. Je ne suis pas certain d’écouter son deuxième album en entier mais j’aime beaucoup ce morceau car elle ne pousse pas trop dans les aiguës. Mais, j’aime bien en général quand elle pousse la voix par passages dans les derniers morceaux de BiSH, notamment sur スーパーヒーローミュージック (Super Hero Music) ou TOMORROW. Ces deux morceaux sont extraits du dernier album LETTERS que je finis par apprécier même si les morceaux que j’ai écouté pour l’instant ne renouvellent pas vraiment le style de ce qu’on a déjà entendu du groupe. La dynamique rend cependant ces morceaux addictifs après quelques écoutes.

Quand je dis mainstream au sujet de BiSH, je veux dire que le groupe est désormais connu du grand public du fait de leurs nombreux passages à la télévision ces derniers temps, même sur la NHK samedi dernier dans l’émission Songs of Tokyo (épisode 13 disponible en ligne jusqu’au 28 Octobre 2020 avec sous-titres en anglais). Je pressens qu’elles seront cette année à l’affiche de l’émission musicale du réveillon, Kōhaku. C’est un pronostic, à moins que la NHK reste frileuse du fait du profil d’électron libre du producteur Junnosuke Watanabe, qui pourrait très bien contrarier l’image bon enfant du spectacle familial que représente Kōhaku. On se souvient du 57ème Kōhaku le 31 Décembre 2006 où OZMA (alias Show Ayanocozey, leader du groupe Kishidan) était accompagné d’une troupe de danseuses ou danseurs portant des t-shirts avec des seins nus dessinés dessus. Une partie du public télévisuel avait été choqué pensant qu’il s’agissait de personnes réellement nues sur scène et cette séquence a eu pour conséquence de radier à vie l’artiste de l’émission. Connaissant la popularité continuelle de Kishidan, il doit s’en mordre les doigts. Il faut dire que passer à Kōhaku au réveillon est vu encore maintenant comme une consécration pour les artistes japonais, au point où on n’existe pas vraiment aux yeux du grand public tant qu’on n’est pas passé dans cette émission. Ajouter un peu d’imprévu dépoussiérait quand même un peu l’émission. Le présentateur habituel, Teruyoshi Uchimura, essaie de temps de se moquer de la rigueur de la chaîne mais ça reste très contrôlé tout en faisant sourire. Je ne critique pas trop NHK car nous la regardons quand même assez régulièrement.

Il y a très souvent des émissions intéressantes sur NHK, comme celle que nous avons vu il y a quelques semaines, à la mi-Août, sur l’Art Brut. L’émission intitulé ‘no art, no life´ présentait le travail de plusieurs artistes avec handicap à travers des petits films de 5 mins, en les montrant en plein processus de création et parmi leur entourage (parents ou établissement spécialisé d’accompagnement pour certains). L’émission était très bien faite car elle ne s’encombrait pas de commentaires superflus. L’émission nous avait tellement plus que nous avions réservé dans la foulée une visite pour le lendemain à la galerie attachée à l’école des Beaux-arts de Tokyo où étaient exposées quelques unes des œuvres de ces artistes d’Art Brut. L’exposition s’intitule ‘Art As It Is: Expressions from the Obscure’. Il se dégage une grande force de ces œuvres, qui surprennent et fascinent. Le détail des œuvres exposées résultant d’un immense dévouement à l’acte de créer, un besoin vital certainement, est à chaque fois impressionnant. L’illustration grand format ultra détaillée sur la photo de gauche est de Makoto Fukui et la sculpture de petit monstre est de Shinichi Sawada. Ce sont deux des artistes que j’ai préféré avec les illustrations de Marie Suzuki.

お化けが見えないけど (2)

Un des regrets de ma petite traversée du quartier de Yanaka est qu’il n’y avait pas un chat. Le quartier est réputé pour les chats qui y vivent et dorment, dans les temples ou les cimetières mais ils se sont tous cachés à mon passage. Outre les temples, je voulais absolument voir le gigantesque cèdre d’Himalaya que je montre sur la première photographie du billet. Je ne pense pas avoir réussi à vraiment montrer sur cette photo l’immensité du tronc et des branchages, mais il apparaît en tout cas comme une présence symbolique dans le quartier. On dit qu’il a été planté il y a 90 ans par le propriétaire de la petite échoppe placée juste derrière. Cet arbre a failli être coupé il y a plusieurs années, ce qui peut paraître incroyable, mais les actions d’un comité local du quartier ont permis de le protéger. Il se situe à l’embranchement de deux rues et est entouré de plusieurs temples, notamment Enjuji Nikkadō, datant de 1656, dédié à la protection des marcheurs et promeneurs. En passant devant ce temple, je me souhaite à moi-même de pouvoir continuer encore longtemps à marcher dans les rues de Tokyo. Mon étape suivante est le temple Daienji, situé de l’autre côté de Yanaka, en direction de la rue marchande Yanaka Ginza. En route, je m’aventure volontairement au hasard des allées et je regrette un peu d’avoir pris l’automatisme de regarder Google Maps sur mon smartphone lorsque j’ai l’impression d’avoir perdu mon chemin. J’aurais aimé prendre un peu plus mon temps, mais la matinée passe trop vite lorsque l’on marche dans ces rues. De retour à la maison, je lirais que ce temple Daienji est réputé pour une pierre gravée racontant l’histoire de Kasamori Osen (笠森お仙) qui était une belle jeune femme travaillant dans une maison de thé appelée Kagiya se trouvant à proximité du temple. Elle a été représentée sur des impressions Ukyo-e par plusieurs artistes de l’époque Edo, notamment Suzuki Harunobu (鈴木春信) qui était un artiste renommé dans les années 1760s. Elle était apparemment désignée comme une des trois plus belles femmes d’Edo et sera même le personnage d’une pièce kabuki. Elle disparaîtra soudainement de la maison de thé et du public, après son mariage et vivra une vie recluse.

Le compte Twitter de l’Ambassade du Japon en France donne un lien vers une série d’émissions de courtes durées sur Arte intitulée Tokyo Paranormal, pour que les frissons nous rafraîchissent un peu pendant l’été. Je suis tout de suite intrigué car l’image utilisée en présentation montre le visage de Sari du groupe Necronomidol. Elle a déjà quitté le groupe donc j’imagine que cette série date d’il y a quelques années. La série se compose de dix épisodes courts, de 5 ou 6 minutes, qui se regardent donc les uns à la suite des autres sans qu’on s’en rende compte. On y aborde les légendes urbaines, les esprits représentés dans les Manga comme ceux de Kazuo Umezu (le Mangaka vivant dans une maison bariolée de rouge et de blanc près du parc Inokashira), dans le kabuki, le butō, l’estampe… Ces reportages donnent une part assez importante au paranormal représenté au cinéma dans des films de la toute fin des années 90 et début des années 2000 comme Ring de Hideo Nakata ou Ju-on de Takashi Shimizu. On y voit également une scène du film Audition de Takashi Miike, qui m’a fait froid dans le dos en la revoyant pendant quelques secondes. De ces trois films, je n’ai pas vu Ju-on et j’hésite encore à le regarder maintenant, alors qu’une série appelée Ju-on: Origins vient de sortir sur Netflix. Un des épisodes aborde le sujet de la tristement fameuse forêt Aokigahara, au pied du Mont Fuji dans la préfecture de Yamanashi. Necronomidol intervient dans cet épisode car la vidéo de Psychopomp sur l’album VOIDHYMN y a été tournée, et également car l’image du groupe correspond bien à l’esprit de ce documentaire. Le seul point qui me gêne dans l’ensemble de la série est qu’on n’arrive pas à bien cerner si elle se positionne dans le registre du documentaire ou de la fiction. La voix du narrateur essaie de nous faire croire que Tokyo est une ville peuplée d’esprits et de fantômes, qui se cacheraient à tous les coins de rues. L’aspect documentaire de la quasi totalité des épisodes de la série nous laisserait penser que les commentaires en voix Off du narrateur sont aussi représentatifs d’une réalité. Quelque part, ce type de documentaire construit de nouvelles légendes à partir de légendes existantes. En écrivant ces lignes, je me rends compte que je fais exactement la même chose avec les billets de ce blog qui passent d’un aspect quasiment documentaire sur certains textes et images à des fantaisies irréelles volontaires. Pourtant, c’est plus intéressant de montrer Tokyo par des images irréelles, dans la mesure où elles se basent sur une certaine réalité. Il faut seulement éviter de tomber dans le piège de donner l’impression qu’il s’agit d’une généralité. Je ne pense pas que ça soit le cas de cette série sur Arte, mais, lorsqu’on habite ici, notre esprit est formé à penser que toutes images données de Tokyo et du Japon par des médias étrangers ne peuvent qu’être une tentative à donner une image définitive et généralisante de ce qu’est la totalité de ce pays.

J’avais justement en tête depuis quelques semaines de parler ici du nouveau morceau de Necronomidol, intitulé TUPILAQ, sorti au début du mois de Juin cette année. Ce morceau naît après quelques turbulences dans le groupe car plusieurs membres l’ont quitté soudainement dont Risaki Kakizaki. Depuis le départ de Sari, qui était avec son visage maquillé une figure immédiatement reconnaissable du groupe, j’ai l’impression que le groupe a eu du mal à se trouver un équilibre. Du groupe actuel composé de 4 membres, je ne connais que Himari Tsukishiro qui est une des rescapées de la formation et en deviendrait même le symbole. J’imagine d’ailleurs que la pochette dessinée par l’illustrateur Ichiba Daisuke est inspirée par l’image d’Himari. Ce n’est qu’une supposition car je ne connais pas du tout l’univers d’Ichiba Daisuke, dont je n’ouvre volontairement pas la porte (pour l’instant). Enfin, l’image de la pochette donne une bonne idée de ce qu’on peut y entrevoir. Je suis très agréablement surpris par la qualité de ce nouveau morceau TUPILAQ, qui démarre comme si on descendait dans les bas fonds jusqu’à ce que la puissance des guitares et de la batterie prennent le relais. Le morceau est très solide tout comme les voix qui ne perdent pas le dessus sur les guitares pourtant très présentes. Le groupe semble désormais plus mûr dans son chant groupé, et c’est peut être dû à cette nouvelle composition. Musicalement, l’esprit métal est toujours très présent. Je ne suis pas adepte du métal mais j’aime quand ce son là vient contraster avec les voix féminines du groupe. Sari, de son côté, a continué son chemin musical loin des noirceurs gothiques, en se tournant plutôt vers les sons électroniques. Elle a sorti un EP au mois de Mars et un autre morceau en Mai 2020, sari no shitaku, que j’écoute très régulièrement. La musique faite de sursauts est composée par Kei Toriki, nom que j’avais déjà vu associé au groupe Ray si mes souvenirs sont bons. Le morceau est intéressant car il n’a pas vraiment de refrain et se compose d’une progression continue. Ces deux morceaux sont disponibles sur Bandcamp, qui devient petit à petit une des meilleures plateformes musicales, à mon avis.

what was the last thing you said

Certaines revues du film « Simon Werner a disparu », le film de Fabrice Gobert dont je parlais dans un précédent billet, mentionnent les influences possibles du film américain Elephant de Gus Van Sant sorti quelques années auparavant en 2003. J’y vois assez peu de ressemblances si ce n’est le fait que l’histoire se passe en grande partie dans un lycée et qu’elle est narrée sous plusieurs points de vues. Je regarde du coup une nouvelle fois Elephant, que je n’avais pas revu depuis longtemps. Le titre fait référence à l’expression « un éléphant dans la pièce », « elephant in the room » en anglais, qui veut signifier qu’un événement est tellement gros et latent qu’on ne l’aperçoit même pas. Il s’agit dans le film de la tragédie du lycée de Colombine en Avril 1999 dans une ville du Colorado. Le film ne donne pas d’explications sur ce terrible événement. Les personnages à l’écran sont souvent filmer de dos et on passe notre temps à les suivre, en silence car le film contient peu de musique, d’une manière un peu détachée comme des fantômes. Le manque de musique accompagnant les scènes contribue d’ailleurs à rendre ces scènes pesantes. Il n’y a que cette scène au piano où un des lycéens joue La lettre à Élise de Beethoven et où on voit l’éléphant dessiné dans la pièce, juste avant que la tragédie ne démarre. J’avais oublié que ce film avait été récompensé à Cannes. Je devrais peut être revoir Last Days du même réalisateur qui s’inspirait de l’histoire de Kurt Cobain et que je n’avais malheureusement pas vraiment apprécié à l’époque.