たった一度の人生ゲームさ

Alors que je mentionnais dans mon dernier billet mon intention de ne pas me concentrer sur le Tokyo insolite, je m’enfonce forcément, mais volontairement, dans la brèche avec quelques unes des photographies ci-dessus pour m’auto-contredire. Il m’arrive souvent sur ce blog d’avoir envie de faire le contraire de ce que je viens d’écrire, tout simplement parce que j’ai la liberté de le faire. Dernièrement, j’avais aussi abordé ce ‘Tokyo insolite’ en montrant ici et sur Twitter des photographies des toilettes publiques transparentes conçues par Shigeru Ban, pour deux petits parcs près de Yoyogi. Je me suis rendu compte que les deux photographies mises sur Twitter ont été reprises sur le site de Cnews le 18 Août, et par ricochet sur quelques sites parfois en anglais ou espagnol. Ça m’amuse d’ailleurs de voir comment le site de news propage des informations inexactes. Le site nous dit par exemple qu’il y a déjà cinq toilettes transparentes à Shibuya et qu’il y en aura bientôt 17, alors qu’il n’y en a que deux et que les autres toilettes ne sont/seront pas transparentes et ont des styles complètement différents (par des architectes différents d’ailleurs). L’article laisse aussi penser que ce projet couvre tout Tokyo, alors qu’il s’agit seulement de Shibuya.

Mais revenons aux photographies sur ce billet. Je connaissais ce King Kong en haut d’un bâtiment rose pour l’avoir déjà vu en photo quelque part mais je ne me souviens plus où exactement. On le découvre par hasard alors que nous partons à la recherche du sanctuaire Taishido Hachiman dans les zones résidentielles de Sangenjaya. Le gorille se trouve dans la rue commerçante principale de Sangenjaya, perpendiculaire à la longue route 246 qui passe à Shibuya et nous amènerait jusqu’à Numazu dans la préfecture de Shizuoka si on la suivait tout le long de ses 122.7kms. Le Maneki Neko et le lapin rose, tous deux gonflables, se trouvent à l’intérieur du sanctuaire Taishido Hachiman. On est surpris par la présence de ces objets insolites qu’on a, il faut bien le dire, peu l’habitude de voir à l’intérieur des sanctuaires, mais dont on ne peut ignorer la présence une fois qu’on les a aperçu. Il doit s’agir de la préparation d’un matsuri pour les enfants, car on voyait également un petit stand en cours d’arrangement juste à côté. Il y a un enclos avec un lapin à l’entrée du sanctuaire. Il est peut être involontairement le symbole de ce lieu. Il n’y avait personne dans le sanctuaire, à part la dame qui nous a donné le sceau Goshuin que nous étions venu chercher et dont je parlais précédemment. Le fait qu’il n’y avait personne dans ces lieux renforçait l’impression d’être observé par toutes choses, notamment par les 21 petits renards Inari (je ne prends pas en compte celui qui regarde à côté) qui sont en charge symbolique de garder l’enceinte du sanctuaire. Un peu plus loin sur la rue commerçante où se trouve le gorille sur le toit, on trouve un bâtiment rouge écarlate placé sur un espace triangulaire minuscule, qu’on pourrait sans aucun doute trouver dans le bouquin Pet Architecture de l’Atelier Bow Wow. Ce petit bâtiment, en plus d’utiliser l’espace de manière optimale, à la particularité d’avoir beaucoup d’ouvertures. Lorsqu’on le voit depuis la rue commerçante, notre regard traverse les parois pour voir l’autre rue en Y bordant le bâtiment. J’imaginerais bien pousser le concept, à la manière de Ryue Nishizawa ou Kazuyo Sejima de SANAA, en rendant ce petit bâtiment complètement transparent, en le couvrant entièrement de vitrages. La dernière photographie ci-dessus est également prise dans une rue à côté du gorille et il s’agit d’un restaurant de soba. La vitrine semble par contre refléter les intérêts cinématographiques du propriétaire avec ces figurines d’Ultraman, Kamen Rider ou encore Godzilla.

Ceci me rappelle que j’ai vu pour la première fois de ma vie un film de la série Godzilla, en regardant sur Netflix le Shin-Godzilla datant de 2016. En réfléchissant un peu, j’ai quand même eu le malheur de voir au cinéma en France la version américaine de Godzilla par Roland Emmerich datant de 1998, avec Jean Reno me semble-t-il. J’ai beaucoup aimé ce Shin-Godzilla, notamment pour son réalisme. Pas le réalisme du monstre bien entendu, mais celui des lieux. Tous les endroits empruntés et détruits au passage par Godzilla sont cités très précisément, de Kanagawa jusqu’à Tokyo. Godzilla arrive par les mers et entre d’abord sur les terres depuis la baie de Tokyo. On le voit évoluer dans sa première forme dans les eaux de la rivière Nomigawa près de Kamata et il déambule ensuite dans les rues de l’arrondissement de Ota que je commence à bien connaître. Il réapparaît ensuite un peu plus tard près de Kamakura juste à côté de Inamuragasaki (que je connais assez bien aussi). Tout en regardant le film, je prie pour qu’il ne remonte pas jusqu’au sanctuaire de Tsurugaoka Hachimangu où nous nous sommes mariés. Il se dirige ‘heureusement’ vers Tokyo jusqu’au centre, près de la gare historique. Je regarde le film en espérant qu’il ne démolisse pas trop de bâtiments en cours de route car je pense tout de suite au travail énorme de reconstruction qui sera nécessaire, mais c’est peine perdue vue la taille du monstre. De toute manière, à partir du moment où il commence à cracher du feu et à émettre des rayons lasers radioactifs de son dos ou de sa gueule, on comprend vite que la ville est entièrement perdue. La déconstruction de Tokyo est un thème récurent du cinéma fantastique japonais, depuis le grand tremblement de terre de Septembre 1923 qui avait presque complètement détruit la ville (par exemple, les destructions et reconstructions de Tokyo en Neo Tokyo dans Akira et en Tokyo-3 dans Evangelion). Un des intérêts du film est la manière dont il se concentre au début sur la gestion de la crise par les organismes gouvernementaux tout en insistant sur la lourdeur administrative de la prise de décision. On arrive assez bien à imaginer cette complexité administrative quand il s’agit par exemple de décider de quel organisme gouvernemental ce type de crise est le ressort, la gestion de crise engendrée par un monstre surdimensionné ne tombant pas dans les schémas classiques déjà préparés et testés d’un tremblement de terre par exemple. Le film ne manque pas d’un certain humour un peu piquant dans ces moments là, ou lorsqu’il aborde la nécessaire invocation de l’aide américaine qui veut bien sûr prendre le sujet en mains d’une manière un peu trop radicale. On a par contre un peu de mal à croire au personnage d’experte japano-américaine interprétée par Satomi Ishihara, dont l’accent américain forcé est à la limite du ridicule. Ses interventions me font quand même penser qu’il s’agit de second degré. Reste à voir maintenant si je tente la version originale de Ishirō Honda datant de 1954, qui semble être disponible sur Amazon Prime (mais pas sur Netflix).

A l’arrière du Department Store PARCO à Shibuya, on pouvait voir affichés sur un des murs les portraits des membres de tous les groupes de l’agence Wack. On peut dire que les idoles alternatives de l’agence occupent le terrain à Shibuya ces derniers temps. La devanture du Tower Records affichent également en ce moment des grands posters des groupes BiS et PEDRO ainsi qu’une double affiche de BiSH et EMPiRE. À côté de ces multiples portraits parfois grimaçants et étrangement habillés de la même manière, une autre affiche nous explique qu’il s’agit d’un événement appelé School of Wack qui se déroulait au PARCO Museum sur un peu plus d’une semaine jusqu’au 31 Août. Sans vraiment comprendre de quoi il s’agit, j’ai l’impression que chaque membre des groupes passe du temps dans une petite salle fermée et bariolée comme une salle de classe vandalisée, pour y faire des jeux ou des gages devant un public très restreint derrière une vitre (à cause du corona virus). Je n’ai pas l’impression que des morceaux soient interprétés, donc cette organisation m’intrigue assez. Indépendamment de cette affiche et de cet événement, j’écoute pas mal de morceaux de groupes Wack en ce moment car je suis happé par leur énergie, mélangeant un certain esprit rock et un côté poussif pop qui m’attire malgré une répulsion initiale. C’est le cas du morceau にんげん (Ningen) de Carry Loose par exemple. Il me paraissait trop typé comme un morceau d’idole à première écoute, mais je tente tout de même une deuxième écoute en entier et me laisse prendre par l’urgence non-stop avec laquelle les quatre filles de Carry Loose mènent la marche. La voix de YUiNA EMPiRE (transfuge temporaire d’EMPiRE) est une épreuve au début, mais un peu comme pour AYUNi D sur BiSH, elle finit par apporter un contraste vocal qui donne de l’intérêt à l’ensemble et à la progression du morceau. En parlant d’EMPiRE, qui est à mon avis en phase ascendante, maintenant que BiSH est pratiquement devenu mainstream, j’ai appris à apprécier leurs morceaux que j’écoute beaucoup en ce moment. Je n’écoute pas leurs albums ou EPs en entier mais j’ai plutôt fait une sélection des morceaux qui m’intéressaient. Ma playlist se compose de quelques morceaux de leur premier album THE EMPiRE STRiKES START!!: FOR EXAMPLE??, Buttocks beat! beat!, コノ世界ノ片隅デ (KONOSEKAiNOKATASUMiDE) et アカルイミライ (Akarui Mirai), suivi de quelques morceaux du EP EMPiRE originals: EMPiRE originals, Dope et SO i YA, tout en écoutant quelques autres morceaux de leur dernier EP en date, notamment le morceau ORDiNARY. Les voix des membres d’EMPiRE sont dans l’ensemble plus uniformes que celles de BiSH, mais j’aime toujours quand il y a quelques dissonances (par exemple la voix de Mikina à la marque 2:20 sur FOR EXAMPLE??). Certains morceaux sont assez proches de ce qu’on connait de BiSH surtout quand ils prennent des sonorités rock, comme par exemple Buttocks beat! beat!. Les membres de BiSH font d’ailleurs des apparitions dans la vidéo tournée à Shibuya (comme souvent) faisant un clin d’oeil à la couverture de l’album FAKE METAL JACKET. Cette vidéo donne d’ailleurs une bonne idée du côté disruptif de cette musique, plutôt que le kawaii qui est en général associé à l’univers des idoles. Le kawaii ne m’intéresse pas beaucoup. Un des morceaux que je préfère du groupe est celui intitulé Dope, avec une manière vraiment particulière de chanter, comme une voix de fantôme sortie d’un ukiyo-e. Ce morceau avec I don’t cry anymore dont je parlais dans un billet précédent, m’a donné envie de fouiller un peu plus dans la discographie d’EMPiRE. Dans ma playlist, j’inclus également le dernier single intitulé 浪漫 (Roman) de PEDRO, le groupe de Ayuni accompagné de Hisako Tabuchi de Number Girl à la guitare. Je ne suis pas certain d’écouter son deuxième album en entier mais j’aime beaucoup ce morceau car elle ne pousse pas trop dans les aiguës. Mais, j’aime bien en général quand elle pousse la voix par passages dans les derniers morceaux de BiSH, notamment sur スーパーヒーローミュージック (Super Hero Music) ou TOMORROW. Ces deux morceaux sont extraits du dernier album LETTERS que je finis par apprécier même si les morceaux que j’ai écouté pour l’instant ne renouvellent pas vraiment le style de ce qu’on a déjà entendu du groupe. La dynamique rend cependant ces morceaux addictifs après quelques écoutes.

Quand je dis mainstream au sujet de BiSH, je veux dire que le groupe est désormais connu du grand public du fait de leurs nombreux passages à la télévision ces derniers temps, même sur la NHK samedi dernier dans l’émission Songs of Tokyo (épisode 13 disponible en ligne jusqu’au 28 Octobre 2020 avec sous-titres en anglais). Je pressens qu’elles seront cette année à l’affiche de l’émission musicale du réveillon, Kōhaku. C’est un pronostic, à moins que la NHK reste frileuse du fait du profil d’électron libre du producteur Junnosuke Watanabe, qui pourrait très bien contrarier l’image bon enfant du spectacle familial que représente Kōhaku. On se souvient du 57ème Kōhaku le 31 Décembre 2006 où OZMA (alias Show Ayanocozey, leader du groupe Kishidan) était accompagné d’une troupe de danseuses ou danseurs portant des t-shirts avec des seins nus dessinés dessus. Une partie du public télévisuel avait été choqué pensant qu’il s’agissait de personnes réellement nues sur scène et cette séquence a eu pour conséquence de radier à vie l’artiste de l’émission. Connaissant la popularité continuelle de Kishidan, il doit s’en mordre les doigts. Il faut dire que passer à Kōhaku au réveillon est vu encore maintenant comme une consécration pour les artistes japonais, au point où on n’existe pas vraiment aux yeux du grand public tant qu’on n’est pas passé dans cette émission. Ajouter un peu d’imprévu dépoussiérait quand même un peu l’émission. Le présentateur habituel, Teruyoshi Uchimura, essaie de temps de se moquer de la rigueur de la chaîne mais ça reste très contrôlé tout en faisant sourire. Je ne critique pas trop NHK car nous la regardons quand même assez régulièrement.

Il y a très souvent des émissions intéressantes sur NHK, comme celle que nous avons vu il y a quelques semaines, à la mi-Août, sur l’Art Brut. L’émission intitulé ‘no art, no life´ présentait le travail de plusieurs artistes avec handicap à travers des petits films de 5 mins, en les montrant en plein processus de création et parmi leur entourage (parents ou établissement spécialisé d’accompagnement pour certains). L’émission était très bien faite car elle ne s’encombrait pas de commentaires superflus. L’émission nous avait tellement plus que nous avions réservé dans la foulée une visite pour le lendemain à la galerie attachée à l’école des Beaux-arts de Tokyo où étaient exposées quelques unes des œuvres de ces artistes d’Art Brut. L’exposition s’intitule ‘Art As It Is: Expressions from the Obscure’. Il se dégage une grande force de ces œuvres, qui surprennent et fascinent. Le détail des œuvres exposées résultant d’un immense dévouement à l’acte de créer, un besoin vital certainement, est à chaque fois impressionnant. L’illustration grand format ultra détaillée sur la photo de gauche est de Makoto Fukui et la sculpture de petit monstre est de Shinichi Sawada. Ce sont deux des artistes que j’ai préféré avec les illustrations de Marie Suzuki.

お化けが見えないけど (2)

Un des regrets de ma petite traversée du quartier de Yanaka est qu’il n’y avait pas un chat. Le quartier est réputé pour les chats qui y vivent et dorment, dans les temples ou les cimetières mais ils se sont tous cachés à mon passage. Outre les temples, je voulais absolument voir le gigantesque cèdre d’Himalaya que je montre sur la première photographie du billet. Je ne pense pas avoir réussi à vraiment montrer sur cette photo l’immensité du tronc et des branchages, mais il apparaît en tout cas comme une présence symbolique dans le quartier. On dit qu’il a été planté il y a 90 ans par le propriétaire de la petite échoppe placée juste derrière. Cet arbre a failli être coupé il y a plusieurs années, ce qui peut paraître incroyable, mais les actions d’un comité local du quartier ont permis de le protéger. Il se situe à l’embranchement de deux rues et est entouré de plusieurs temples, notamment Enjuji Nikkadō, datant de 1656, dédié à la protection des marcheurs et promeneurs. En passant devant ce temple, je me souhaite à moi-même de pouvoir continuer encore longtemps à marcher dans les rues de Tokyo. Mon étape suivante est le temple Daienji, situé de l’autre côté de Yanaka, en direction de la rue marchande Yanaka Ginza. En route, je m’aventure volontairement au hasard des allées et je regrette un peu d’avoir pris l’automatisme de regarder Google Maps sur mon smartphone lorsque j’ai l’impression d’avoir perdu mon chemin. J’aurais aimé prendre un peu plus mon temps, mais la matinée passe trop vite lorsque l’on marche dans ces rues. De retour à la maison, je lirais que ce temple Daienji est réputé pour une pierre gravée racontant l’histoire de Kasamori Osen (笠森お仙) qui était une belle jeune femme travaillant dans une maison de thé appelée Kagiya se trouvant à proximité du temple. Elle a été représentée sur des impressions Ukyo-e par plusieurs artistes de l’époque Edo, notamment Suzuki Harunobu (鈴木春信) qui était un artiste renommé dans les années 1760s. Elle était apparemment désignée comme une des trois plus belles femmes d’Edo et sera même le personnage d’une pièce kabuki. Elle disparaîtra soudainement de la maison de thé et du public, après son mariage et vivra une vie recluse.

Le compte Twitter de l’Ambassade du Japon en France donne un lien vers une série d’émissions de courtes durées sur Arte intitulée Tokyo Paranormal, pour que les frissons nous rafraîchissent un peu pendant l’été. Je suis tout de suite intrigué car l’image utilisée en présentation montre le visage de Sari du groupe Necronomidol. Elle a déjà quitté le groupe donc j’imagine que cette série date d’il y a quelques années. La série se compose de dix épisodes courts, de 5 ou 6 minutes, qui se regardent donc les uns à la suite des autres sans qu’on s’en rende compte. On y aborde les légendes urbaines, les esprits représentés dans les Manga comme ceux de Kazuo Umezu (le Mangaka vivant dans une maison bariolée de rouge et de blanc près du parc Inokashira), dans le kabuki, le butō, l’estampe… Ces reportages donnent une part assez importante au paranormal représenté au cinéma dans des films de la toute fin des années 90 et début des années 2000 comme Ring de Hideo Nakata ou Ju-on de Takashi Shimizu. On y voit également une scène du film Audition de Takashi Miike, qui m’a fait froid dans le dos en la revoyant pendant quelques secondes. De ces trois films, je n’ai pas vu Ju-on et j’hésite encore à le regarder maintenant, alors qu’une série appelée Ju-on: Origins vient de sortir sur Netflix. Un des épisodes aborde le sujet de la tristement fameuse forêt Aokigahara, au pied du Mont Fuji dans la préfecture de Yamanashi. Necronomidol intervient dans cet épisode car la vidéo de Psychopomp sur l’album VOIDHYMN y a été tournée, et également car l’image du groupe correspond bien à l’esprit de ce documentaire. Le seul point qui me gêne dans l’ensemble de la série est qu’on n’arrive pas à bien cerner si elle se positionne dans le registre du documentaire ou de la fiction. La voix du narrateur essaie de nous faire croire que Tokyo est une ville peuplée d’esprits et de fantômes, qui se cacheraient à tous les coins de rues. L’aspect documentaire de la quasi totalité des épisodes de la série nous laisserait penser que les commentaires en voix Off du narrateur sont aussi représentatifs d’une réalité. Quelque part, ce type de documentaire construit de nouvelles légendes à partir de légendes existantes. En écrivant ces lignes, je me rends compte que je fais exactement la même chose avec les billets de ce blog qui passent d’un aspect quasiment documentaire sur certains textes et images à des fantaisies irréelles volontaires. Pourtant, c’est plus intéressant de montrer Tokyo par des images irréelles, dans la mesure où elles se basent sur une certaine réalité. Il faut seulement éviter de tomber dans le piège de donner l’impression qu’il s’agit d’une généralité. Je ne pense pas que ça soit le cas de cette série sur Arte, mais, lorsqu’on habite ici, notre esprit est formé à penser que toutes images données de Tokyo et du Japon par des médias étrangers ne peuvent qu’être une tentative à donner une image définitive et généralisante de ce qu’est la totalité de ce pays.

J’avais justement en tête depuis quelques semaines de parler ici du nouveau morceau de Necronomidol, intitulé TUPILAQ, sorti au début du mois de Juin cette année. Ce morceau naît après quelques turbulences dans le groupe car plusieurs membres l’ont quitté soudainement dont Risaki Kakizaki. Depuis le départ de Sari, qui était avec son visage maquillé une figure immédiatement reconnaissable du groupe, j’ai l’impression que le groupe a eu du mal à se trouver un équilibre. Du groupe actuel composé de 4 membres, je ne connais que Himari Tsukishiro qui est une des rescapées de la formation et en deviendrait même le symbole. J’imagine d’ailleurs que la pochette dessinée par l’illustrateur Ichiba Daisuke est inspirée par l’image d’Himari. Ce n’est qu’une supposition car je ne connais pas du tout l’univers d’Ichiba Daisuke, dont je n’ouvre volontairement pas la porte (pour l’instant). Enfin, l’image de la pochette donne une bonne idée de ce qu’on peut y entrevoir. Je suis très agréablement surpris par la qualité de ce nouveau morceau TUPILAQ, qui démarre comme si on descendait dans les bas fonds jusqu’à ce que la puissance des guitares et de la batterie prennent le relais. Le morceau est très solide tout comme les voix qui ne perdent pas le dessus sur les guitares pourtant très présentes. Le groupe semble désormais plus mûr dans son chant groupé, et c’est peut être dû à cette nouvelle composition. Musicalement, l’esprit métal est toujours très présent. Je ne suis pas adepte du métal mais j’aime quand ce son là vient contraster avec les voix féminines du groupe. Sari, de son côté, a continué son chemin musical loin des noirceurs gothiques, en se tournant plutôt vers les sons électroniques. Elle a sorti un EP au mois de Mars et un autre morceau en Mai 2020, sari no shitaku, que j’écoute très régulièrement. La musique faite de sursauts est composée par Kei Toriki, nom que j’avais déjà vu associé au groupe Ray si mes souvenirs sont bons. Le morceau est intéressant car il n’a pas vraiment de refrain et se compose d’une progression continue. Ces deux morceaux sont disponibles sur Bandcamp, qui devient petit à petit une des meilleures plateformes musicales, à mon avis.

what was the last thing you said

Certaines revues du film « Simon Werner a disparu », le film de Fabrice Gobert dont je parlais dans un précédent billet, mentionnent les influences possibles du film américain Elephant de Gus Van Sant sorti quelques années auparavant en 2003. J’y vois assez peu de ressemblances si ce n’est le fait que l’histoire se passe en grande partie dans un lycée et qu’elle est narrée sous plusieurs points de vues. Je regarde du coup une nouvelle fois Elephant, que je n’avais pas revu depuis longtemps. Le titre fait référence à l’expression « un éléphant dans la pièce », « elephant in the room » en anglais, qui veut signifier qu’un événement est tellement gros et latent qu’on ne l’aperçoit même pas. Il s’agit dans le film de la tragédie du lycée de Colombine en Avril 1999 dans une ville du Colorado. Le film ne donne pas d’explications sur ce terrible événement. Les personnages à l’écran sont souvent filmer de dos et on passe notre temps à les suivre, en silence car le film contient peu de musique, d’une manière un peu détachée comme des fantômes. Le manque de musique accompagnant les scènes contribue d’ailleurs à rendre ces scènes pesantes. Il n’y a que cette scène au piano où un des lycéens joue La lettre à Élise de Beethoven et où on voit l’éléphant dessiné dans la pièce, juste avant que la tragédie ne démarre. J’avais oublié que ce film avait été récompensé à Cannes. Je devrais peut être revoir Last Days du même réalisateur qui s’inspirait de l’histoire de Kurt Cobain et que je n’avais malheureusement pas vraiment apprécié à l’époque.

when was the last time you disappeared

Sonic Youth publie soudainement sur Bandcamp leurs disques expérimentaux du label SYR (Sonic Youth Recordings) en version CD et notamment le neuvième volume SYR9 qui se trouve être la bande originale du film Simon Werner a disparu de Fabrice Gobert, sorti en 2010, que je me décide à revoir encore. J’aime beaucoup cette histoire de disparition vue sous plusieurs perspectives par des lycéens de terminale. L’histoire se passe en 1992 et cette ambiance de lycée m’est familière sauf que j’étais quelques années plus jeune par rapport aux lycéens de l’histoire. Le réalisateur du film avait également 18 ans en 1992 comme les personnages de son film et peut être écoutait-il Sonic Youth à cette époque, comme c’était le cas pour moi. La musique de Sonic Youth s’accorde bien avec le mystère et l’angoisse montante du film. Le groupe a composé cette bande originale dans leur studio de Hoboken à New York après avoir vu les rushs du film. SYR9 est complètement instrumental et à part quelques intrusions de piano sur certains morceaux, on retrouve le son de Sonic Youth que l’on reconnaitrait même les oreilles bouchées. Il y a en fait quelque chose de très beau et sensible dans ces partitions de guitares qui ne haussent pas la voix. On n’y trouve pas de furies de guitares ni les voix de Kim Gordon, Thurston Moore ou Lee Ranaldo. Le film en lui-même contient quelques autres morceaux comme Schizophrenia sur l’album Sister, le morceau Love Like Blood de Killing Joke que l’on entend à plusieurs reprises lors d’un fête étudiante.

回り続けて

Si je ne devais conserver que deux photographies sur ce billet, je garderais la deuxième et la troisième car elles s’accordent bien ensemble, bien qu’elles ne soient pas du tout prises au même endroit. Mais je ne peux m’empêcher d’y ajouter d’autres choses, car un billet de cinq ou six photographies me semble être un bon équilibre. C’est aussi parce que j’écris mes billets en fonction des photographies que j’ai à montrer et non l’inverse, et j’ai beaucoup de photographies qui me restent à montrer. J’ai une quinzaine de billets composés de cinq ou six photographies chacun en attente d’écriture. C’est une situation assez rare et qui m’interpelle d’ailleurs un peu. Est ce que je prends trop de photos de tout et de rien? Même si je connais un endroit par cœur pour l’avoir emprunté maintes fois, j’y trouve souvent un nouvel intérêt photographique qui me pousse à prendre une photo. Le renouvellement urbain continuel de Tokyo aide certainement à maintenir cette inspiration. Je prends bien plusieurs fois la même photographie comme cette rue agrémentée de petits triangles de couleur, ou la fermeture éclair qui tourne en rond sans s’arrêter comme la ligne Yamanote dessinée sur le long mur du tunnel dessous le musée NACT à Nogizaka. Le tunnel de métal de la dernière photographie n’en est pas non plus à sa première apparition ici. La question de la sélectivité des photographies se pose aussi. Ce que je montre sur le blog correspond à environ 20% de ce que je prends en photo lors d’une marche urbaine. Peut être devrais-je être plus sélectif et ne montrer qu’une seule ou deux photographies plutôt que six par billet. L’impact final serait peut être le même ou serait peut être même renforcé. Une fleur saturant ses couleurs jaunes contre un mur de béton en nuances de gris, cela représente plutôt bien ce que j’aime dans cette ville.

En écrivant le billet précédent sur House A de Ryue Nishizawa, j’écoutais en boucle l’album Lavender Edition de Ai Aso. La sérénité qui se dégage des morceaux de cet album me semblait parfaitement convenir à l’ambiance que j’imaginais à l’intérieur de House A. Elle chante doucement, en chuchotant presque, en plusieurs langues (allemand, anglais, japonais) sur une partition acoustique folk. L’électricité apparaît également sur certains morceaux mais reste maîtrisé car c’est la voix de Ai Aso qui prédomine, mais sans forcer le trait. Plusieurs morceaux se ressemblent ou se répondent plutôt les uns aux autres, et construisent cette ambiance intime qui évolue doucement, en prenant son temps. L’ambiance musicale de Lavender Edition me rappelle celle de l’album Ruins de Grouper. En regardant des photos d’architecture, les miennes ou celles que l’on peut voir de l’intérieur des maisons individuelles dans les magazines d’architecture, je me pose souvent la question du style de musique qu’on y écoute. Quelle musique conviendrait à la rudesse du béton de Tadao Ando lorsqu’il se trouve en contact avec les couleurs vertes denses du jardin que l’on aperçoit à travers les ouvertures? Quel morceau de musique conviendrait le mieux à l’architecture aux apparences légères et fragiles de Ryue Nishizawa? Dans House A, on doit certainement y écouter une musique apaisante, comme celle de Ai Aso, qui s’harmonise avec les lumières naissantes du matin ou mourantes du soir. Je découvre Lavender Edition en entier sur YouTube et je n’ai malheureusement pas trouvé de version téléchargeable sur iTunes ou Bandcamp, ce qui est bien dommage. L’album, datant de 2004, n’est pourtant pas si ancien que cela.

Je découvre en fait cette artiste, dont je n’avais jamais entendu parler auparavant, sur le forum Discord dédié à Sheena Ringo et Tokyo Jihen. Le style musical de Ai Aso n’a absolument rien de similaire avec celui de Sheena Ringo, mais ce forum Discord possède une section à part où les membres mentionnent de temps en temps leurs découvertes musicales. Je ne vais d’ailleurs sur cette page qu’assez rarement sans y participer activement, car l’attitude de certains membres y est tellement critique envers Sheena Ringo qu’on se demande même pour quelle raison ils peuvent bien participer à ce forum. Au final, on y parle plus d’autres artistes (et beaucoup trop de Seiko Ōmori à mon humble avis) que de Sheena Ringo ou Tokyo Jihen. Beaucoup de fans ont fait un blocage sur la période Kalk Samen Kuri no Hana et disqualifie tout ce qui est sorti après. Mais l’intérêt de ce forum est d’y découvrir de temps à autres de belles choses comme cet album de Ai Aso.

C’était une belle surprise que de découvrir la disponibilité de la série de courts métrages Tokyo! (2008) en visionnage gratuit sur le site Trois Couleurs en association avec mk2. Chaque semaine, une sélection de film est proposée gratuitement en streaming dans un épisode sous le nom mk2 Curiosity. L’épisode 12 contient le film Tokyo! ainsi que d’autres documentaires notamment d’Agnes Varda sur les Black Panthers. Je n’ai pas l’impression que l’on puisse regarder les épisodes précédents, ce qui voudrait dire que le film n’est disponible en streaming que pendant une petite semaine. Ça faisait longtemps que je voulais voir ces courts métrages. J’étais notamment intrigué par la présence du capsule hôtel Nakagin de Kisho Kurokawa sur l’affiche du film. Chacun des trois courts métrages d’une trentaine de minutes est dirigé par un réalisateur différent dont deux français Michel Gondry et Leos Carax, ainsi que le coréen Bong Joon-Ho qui s’est fait connaître et reconnaître internationalement avec son dernier film Parasite (2019). Ces courts métrages sont indépendants dans le sens où il n’y aucun lien entre les histoires qu’ils racontent. Les seuls points communs sont l’unité de lieu, la ville de Tokyo, ainsi qu’une bonne dose de surréalisme et de poésie urbaine. Les situations et les personnages des histoires qu’on nous y raconte basculent plus ou moins rapidement dans des situations irréelles. Le court métrage de Michel Gondry s’intitule Interior Design et doit être mon préféré des trois. Un jeune couple, Hiroko et Akira, débarque dans Tokyo pour y trouver du travail, lui veut être réalisateur de film, elle est plutôt indécise sur son avenir. Ils logent dans le petit appartement d’une amie d’enfance, Akemi, tout en cherchant une location. Ils visiteront une des capsules du Nakagin qui ne retiendra pas vraiment leur attention. Petit à petit, une distance se forme dans le jeune couple et Hiroko finit par se perdre dans cette nouvelle vie. C’est à partir de là que l’irréel prend le dessus. Leos Carax intitule son court-métrage Merde, le nom du personnage principal joué par son acteur fétiche Denis Lavant. C’est un personnage étrange sortant des égouts de Tokyo et venant hanté les rues et y créer le désordre. Son langage et ses gestes sont étranges et imprévisibles. Une partie du film montre son procès médiatisé après sa capture. Le court-métrage est tellement étrange q’on y reste accroché pour essayer de comprendre la finalité de cette histoire, mais j’ai personnellement un peu de mal à apprécier l’esthétique générale et le sens de cette histoire m’échappe un peu. Le dernier court-métrage Shaking Tokyo est réalisé par Bong Joon-Ho. L’histoire se concentre sur la vie d’un hikikomori, une personne qui reste chez-soi et ne sort absolument jamais. Ce personnage qui n’est jamais sorti depuis 10 ans est interprété par Teruyuki Kagawa. Toutes les semaines, il commande une pizza et une des livreuses, interprétée par Yu Aoi va bouleverser sa vie. Leur rencontre provoque un tremblement de terre et il se rendra ensuite compte que cette fille n’est pas tout à fait normale. Il y a, ici encore comme dans l’ensemble de cette oeuvre, une poésie urbaine qui me plait beaucoup.