豊かな森がドアの後ろに隠れている

On se demande ce que cache cette grande porte boisée derrière une forêt de verdure posée sur les murs tout autour d’elle. Peut être que cette porte cache une forêt luxuriante à l’intérieur. Je retrouve le petit immeuble longiligne de la première photographie et il n’a pas perdu de sa blancheur. Sa construction est étonnante, notamment la terrasse ouverte sur l’extérieur s’étendant sur le vide et l’escalier de métal mis en avant sur la façade. On a en général l’habitude de voir ce genre d’escalier de secours caché à l’arrière des immeubles, mais il est ici un composant entier du style architectural du bâtiment. Il faudra que je cherche qui en est l’architecte.

Je m’abonne, me désabonne et me réabonne à Netflix, car je n’arrive jamais à trouver des films qui m’intéressent vraiment mais j’y reviens sans cesse dans l’espoir de trouver un film qui vaille le détour. Je commence très souvent à regarder des séries que j’arrête en cours de route, par manque d’intérêt par rapport au peu de temps que j’ai à y consacrer. C’était le cas par exemple de la série japonaise se passant dans les années 80, The Naked Director, qui n’a pas réussi à beaucoup me captiver après avoir regardé les premiers épisodes. Ce n’est pas que la série soit mauvaise mais elle est tout à fait dispensable au point où je me suis demandé s’il était vraiment nécessaire que je passe du temps à la regarder. J’ai eu le même sentiment en regardant la série adolescente 13 reasons why, même si j’ai quand même au final regardé toute la première saison, en me forçant un peu vers la fin. Sur Netflix, j’ai bien regardé des films que je connaissais déjà ou des valeurs sûres comme l’intégralité de la série Friends que je revoyais pour la dixième fois au moins, et découvert quelques très bonnes séries originales comme Mindhunter. J’ai en fait rédémarré mon abonnement à Netflix depuis la sortie de la saison 3 de Stranger Things, mais je n’ai pour l’instant pas découvert de très bons films. J’ai, ceci étant dit, des gros espoirs pour le prochain Scorsese, The Irishman.

Earthquake Bird (L’Oiseau-tempête en français) du réalisateur Wash Westmoreland est le dernier film que j’ai vu sur Netflix. Ce n’est pas un grand film, mais j’ai beaucoup aimé son ambiance dans le Japon de 1989 et le jeu des actrices, notamment le personnage de Lucy Fly (interprété par Alicia Vikander), une suédoise bien intégrée dans son environnement japonais. En fait, j’aime beaucoup comment est représentée dans son jeu la solitude omniprésente d’être étranger au Japon, même quand elle est entourée d’amis. C’est un sentiment très authentique je trouve, que j’ai connu aussi parfois pendant les premières années ici. La confrontation avec une autre personne étrangère qui vient d’arriver (Lily Bridges, interprétée par Riley Keough, la fille de Lisa Marie Presley) et qu’elle est obligée d’accompagner dans sa découverte du pays, est également une situation familière. On sent même dans certains passages son besoin de se différencier et de prouver même son intégration. Ce n’est pas le sujet du film, qui parle plutôt d’un trauma mélangé à une histoire d’amour avec un grand (par la taille) photographe, trop beau pour l’emploi d’ailleurs. L’acteur est Naoki Kobayashi, connu comme danseur du groupe Sandaime J Soul Brothers, affilié à l’agence Exile. On n’est pas vraiment impressionné par son jeu d’acteur mais plutôt par ses mouvements de danse dans une boîte de nuit dans une des scènes du film. Les images du film sont très belles, les scènes dans Tokyo ne sur-jouant pas les années 80, tout comme les images de l’île de Sado, que je ne connais pas mais que j’aimerais découvrir un jour. Le film est un thriller psychologique qui prend son temps mais il y une tension qui maintient toujours l’accroche.

Je me décide enfin à regarder le fameux film One cut of the Dead (カメラを止めるな!) du réalisateur Shinichirô Ueda, qui a eu tant de succès à sa sortie en 2017. Avant de regarder le film, je me disais que ce succès devait sûrement était démesuré pour un film de zombies qui m’avait l’air d’être tourné avec un petit budget, genre série Z. Le début du film ressemble beaucoup à un film de série Z d’ailleurs, mais les choses intéressantes commencent dans la deuxième partie du film. En fait, sans raconter l’histoire, on se laisse prendre au jeu et au final j’ai beaucoup apprécié. Ce n’est pas le film de l’année non plus, mais il vaut vraiment le détour. C’est en fait assez difficile d’en parler sans dévoiler l’histoire, donc je m’abstiendrais. C’est un film à la construction originale qui n’a finalement pas grand chose à voir avec un film d’horreur.

Je n’aime pas beaucoup les films d’horreur. Je ne sais pour quelle raison, je me suis encore laissé embarquer à regarder un film de Sion Sono. J’avais vu le très long Love Exposure il y a quelques années et malgré des idées intéressantes dans la première partie du film, il avait finit par m’épuiser. C’est exactement la même chose pour son dernier film, The Forest of Love. Le film commence assez bien, très sombre et décalé, avec le personnage de Joe Murata (interprété par Kippei Shiina) en escroc beau parleur qui arrive à manipuler les gens autour de lui pour leur subtiliser habilement tous leurs biens. Je m’étais en fait décidé à regarder le film car je savais qu’il y avait une scène avec un morceau de Jun Togawa, Mushi no Onna, le dernier morceau de son premier album de 1984, Tamahime Sama. Mais le film part dans des excès horribles et grotesques, voire même risibles sur certaines scènes, que j’ai eu beaucoup de mal à regarder. Du coup, le film m’a dégouté, ce qui est bien dommage car si le réalisateur n’était pas tombé dans l’excès inutile, il y avait matière à faire un film intéressant. Je ne nie pas qu’il y a un style Sion Sono, subversif donc, mais pourquoi aller aussi loin dans l’insoutenable des images. Mais plus que les images, c’est psychologiquement que le film est dur à regarder, voire malsain. C’est à priori l’objectif du réalisateur que de troubler et choquer les spectateurs, mais, en ce qui me concerne, c’est un film que j’aurais préféré ne pas avoir vu. En comparaison, le film Audition (オーディション) de Takashi Miike, basé sur un roman de Ryu Murakami, me paraissait plus regardable.

how to repeat Tokyo endlessly (η)

Alors que j’écris ces lignes, je suis bien loin du centre de Shibuya où les photographies ci-dessus ont été prises. Malgré ce que je disais dans le billet précédent, il n’y a pas toujours de correspondance directe entre les textes que j’écris et les images que je montre dans un billet. Je suis assis dans les tribunes presque vide du stade olympique de Komazawa, car le fiston y fait des courses depuis le matin et pour une bonne partie de l’après-midi avec le club de son école. Pendant les temps morts le matin, je pars faire un tour dans le parc de Komazawa autour des infrastructures olympiques construites dans les années 60, pour les Jeux Olympiques de Tokyo en 1964. J’adore l’architecture que l’on voit dans ce parc et je l’ai souvent montré, mais j’y reviendrais encore une fois avec des nouvelles photographies dans un prochain billet. Après la vague de chaleur qui a suivi le typhon numéro 15, les températures se sont bien rafraîchies depuis samedi. C’est très agréable d’être assis là dans les gradins presque vide, à ne rien faire ou presque, enfin observer ce qui se passe en rêvant un peu sans oublier de soutenir le fiston quand il court. Et écrire ces quelques lignes et profiter du temps disponible.

Mais revenons quand même un peu sur les quelques photographies du billet prise en fin de journée. En haut de la petite pente Spain-zaka, on arrive en face du Department Store PARCO toujours en construction. En face de l’ancien Cinéma Rise, une petite galerie, que je ne connaissais pas, éclaire la rue. Cette galerie nommée Shibuya SR6 montrait lors de mon passage des effusions de couleurs pop, celles de personnages manga créés par l’illustratrice Mika Pikazo. Elle est apparemment reconnue pour la création du personnage de virtual YouTuber Kaguya Luna (輝夜 月). C’est un monde qui m’est totalement opaque mais j’aime bien faire le curieux lorsqu’une affiche géante pleine de couleurs attire le regard.

Je me rends compte en passant devant le Cinéma Rise que je n’y ai jamais vu de films. Je vais très peu au cinéma à Tokyo alors que j’y allais au moins une fois par semaine, souvent deux, quand j’étais étudiant dans les années 90. La page d’archives du Cinéma Rise, agrémentée de photographies de Mika Ninagawa et Nobuyoshi Araki, donne une liste des films, principalement d’art et d’essai, montrés dans ce cinéma pendant ses trente années d’opération. Cette liste me rappelle la multitude de bons films que j’ai pu voir à cette époque, en France dans les années 90, comme Fallen Angels de Wong Kar-Wai et Cyclo de Trần Anh Hùng. Je pense avoir entendu pour la première fois le morceau Creep de Radiohead dans Cyclo, ce qui a certainement contribué un peu pour moi à l’aura de ce film. Le morceau était sorti sur le premier album du groupe Pablo Honey depuis quelques années déjà mais ne s’est fait connaître que plus tard en France. Je me souviens que Pablo Honey était vendu avec l’album suivant The bends à sa sortie en 1995, comme un double CD. Le podcast de France Inter Pop & Co de Rebecca Manzoni, que je découvre grâce à un tweet de la journaliste Karyn Nishimura, parle justement de Creep dans un numéro assez récent. Depuis ce tweet, je suis assez assidûment ce podcast qui décortique des morceaux emblématiques. Parmi les films qui sont pour moi cultes, Cinéma Rise passait également Fargo des frères Coen en 1997. Et en 1999, The Big Lebowski des mêmes frères Coen. A cette époque, j’arrivais au Japon et je remplaçais mon appétit de cinéma des salles obscures par l’achat de DVDs toutes les semaines au HMV de Shibuya. The Big Lebowski était un de ces achats du week-end et je l’ai regardé des dizaines de fois.

street clouds everywhere

Je n’avais pas pris de photographies de foule depuis longtemps et je m’y remets avec cette petite série de cinq photographies superposant les images. Je ne parviens cependant pas à égaler la série que j’avais créé au même endroit à Shibuya en août et septembre 2010, série que je considère comme la plus réussie selon mes propres critères créatifs dé-constructifs. Ce n’est pas forcément l’envie qui me manque de prendre en photo les foules, mais ce n’est clairement pas ma zone de confort, ni ma zone d’intérêt principal. L’envie de saisir la vie en mouvement me prend de temps en temps, mais pour ensuite mieux transformer ces images et les rendre moins évidentes. Je me suis placé ici au grand carrefour de Shibuya et j’ai saisi le mouvement comme il se présente sans forcément pointer sur des personnes ou des visages particuliers. Au développement des photographies sur l’iMac, des visages se détachent soudainement parmi le flou des mouvements. C’est intéressant parce qu’il est difficile de deviner le résultat final au moment de la prise de vue. On voit le résultat que plus tard et il est très possible que rien d’intéressant ne se profile au final sur les images.

Trois images extraites de la video du morceau intitulé 鶏と蛇と豚 (Niwatori to Hebi to Buta – Gate of Living) disponible sur Youtube, en ouverture de l’album Sandokushi de Sheena Ringo.

Depuis quelques jours, j’écoute les disques de Sheena Ringo 椎名林檎 les uns après les autres sans forcément suivre l’ordre chronologique. C’est en quelque sorte une manière de se préparer à la sortie du nouvel album Sandokushi (三毒史) lundi prochain. La sortie de ce nouvel album me donne un sentiment un peu bizarre entre l’excitation de pouvoir écouter un nouvel album original studio après cinq ans et la conviction qu’il ne s’agira certainement pas d’un grand cru comme les trois premiers albums. Ceci étant dit, pris séparément, beaucoup de morceaux des albums récents de Sheena Ringo sont très bons et très reconnaissables malgré les changements de styles musicaux. Il manque juste une cohérence d’ensemble dans les derniers albums et j’ai un peu peur que ça soit la même chose dans le dernier album, malgré le nombre de bons morceaux, pris indépendamment, que l’on connaît déjà et qui composeront le nouvel album.

Pour rassurer un peu, la vidéo du morceau d’introduction de l’album Niwatori to Hebi to Buta (鶏と蛇と豚) est vraiment très belle esthétiquement. La vidéo est tout juste disponible sur YouTube. Elle est dirigée, comme souvent, par le mari de Sheena Ringo, Yuichi Kodama 児玉裕一, dans une ambiance nocturne et urbaine emprunte de fantastique, notamment par la présence du personnage de cheval ailé que s’est donné Sheena Ringo sur la pochette de Sandokushi. La ville est parcourue par un immense char illuminé de matsuri représentant des serpents, un immense cochon comme une montgolfière survole la ville, une parade colorée comme des oiseaux marche en dansant dans les rues… La danseuse Aya Sato ⁂▼Åγ∂ S∂†Ο▼⁂ interprète d’une manière imagée les trois animaux du titre du morceau, à savoir le poulet, le serpent et le cochon qui représentent les trois poisons du terme bouddhiste ‘Sandoku’ (utilisé dans le titre de l’album): l’ignorance, l’avidité et la colère. Après une vue sur la tour de Tokyo, les premières images se passent à Nishi-Shinjuku devant la structure murale de verre de l’Oeil de Shinjuku (新宿の目), qui semble jouer ici le rôle d’une porte empruntée par le personnage de Sheena Ringo. Un peu plus loin dans une rue déserte, un moine fait des incantations qui font apparaître les trois personnages imagées d’animaux interprétés par Aya Sato à différents endroits de Tokyo (on reconnaît Shinbashi), tandis que le cheval ailé de Sheena Ringo observe la scène du haut de la tour Wako dans le centre de Ginza. Comme je le disais auparavant, le morceau termine assez vite et donne vraiment l’impression d’être une introduction à ce qui va suivre dans le reste de l’album. D’ailleurs à la toute fin de la vidéo, alors que l’on revient vers l’Oeil de Shinjuku, on voit des images très rapides (il faut faire des arrêts sur images) correspondant à d’autres vidéos de morceaux déjà sortis sur le futur album, notamment une image du tunnel provenant de Kemono Yuku Hosomichi (獣ゆく細道), une image de danse dans un club du morceau Nagaku Mijikai Matsuri (長く短い祭), un personnage en costume blanchâtre qui pourrait être Tortoise Matsumoto sur Menukidori (目抜き通り) et une image d’une femme en kimono blanc rayé de dos sur Kamisama, Hotokesama (神様、仏様). Certaines images, les lieux notamment comme la tour de Tokyo et la tour Wako à Ginza, des vidéos de Menukidori et Kamisama, Hotokesama apparaissent également de manière très similaire sur le nouveau morceau Niwatori to Hebi to Buta. Tout ceci laisse penser qu’il y a des liens très étroits entre les morceaux et peut être une histoire qui se construit à travers les différents morceaux pour former un tout. Le nouvel album semble être d’une construction très réfléchie et c’est passionnant.

Cinq images extraites du court métrage intitulé 百色眼鏡 (Hyaku Iro Megane): 1) la femme en kimono rouge se révélant la nuit, 2) l’actrice Kaede Katsuragi (Koyuki), 3) la clochette au pied de la femme au kimono rouge, 4) Amagi (Kentarō Kobayashi) en promenade avec Kaede Katsuragi pour tenter de percer son secret, 5) une personnalité double, celle de Sheena Ringo.

Mahl me faisait remarquer en commentaire dans un billet précédent l’existence d’un court métrage intitulé Hyaku Iro Megane (百色眼鏡), se basant sur certains morceaux du troisième album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花), écrit communément KSK, de Sheena Ringo. Je me souviens avoir aperçu ce disque dans les rayons du Disk Union de Shinjuku ou de Shimo-Kitazawa mais je n’avais pas remarqué qu’il s’agissait d’un film au format DVD. Je pensais plutôt qu’il s’agissait d’un EP du morceau Stem (茎). Je n’avais pas regardé attentivement. Je rattrape le coup un soir de la semaine dernière en allant acheter le DVD de Hyaku Iro Megane au Tower Records de Shibuya (avec au passage une fiche plastique « clear file » offerte avec photo et logo à l’occasion de ses 20 ans de carrière). Je suis un peu surpris de le trouver facilement car il date de 2003. Je suis aussi surpris de remarquer que le DVD est en fait sorti un mois avant KSK.

Hyaku Iro Megane est un court métrage de 40 minutes dont l’histoire est bien mystérieuse et ressemble à un rêve. Il s’agit de l’histoire de Amagi, un jeune homme interprété par Kentarō Kobayashi chargé par une autre personne de découvrir l’identité réelle de l’actrice Kaede Katsuragi, interprétée par Koyuki, vivant seule dans une splendide demeure. Dans son travail de détective à la recherche du vrai nom de l’actrice, il finit par s’en approcher au point de devenir amis. On ne sait si c’est un rêve ou une réalité, mais il revient le soir espionné la demeure à travers un petit trou de la palissade en bois. Il y découvrira une autre personnalité de l’actrice, habillée d’un kimono rouge et interprétée par Sheena Ringo, et semblant seulement se réveiller la nuit. L’histoire reste très mystérieuse car on ne comprend que difficilement le lien entre le personnage de Koyuki et de Sheena Ringo et la part de rêve et de réalité. Amagi se réveille d’ailleurs toujours brusquement après sa séance d’espionnage devant la palissade de Katsuragi. Un peu comme chez Haruki Murakami, une part de fantastique vient s’introduire dans le réel. Je suis d’ailleurs en train de lire le Meurtre du Commandeur en ce moment. Dans le livre, un objet d’invocation du surréel se présente sous la forme d’une petite clochette ‘suzu’. J’étais amusé de trouver également cette petite clochette au pied du personnage au kimono rouge, comme si cet objet était d’une même manière destiné à faire le lien entre le personnage réel de Kaede Katsuragi et l’imaginaire se révélant seulement la nuit. Le réel et l’imaginaire se mélangent dans ce petit film et les frontières sont très floues, comme les images pleines de couleurs à certains moments. Cela rend le film très beau et délicat. Les décors et kimonos des années 40/50 apportent aussi beaucoup à l’ambiance, la beauté classique et mystérieuse de Koyuki dans ce rôle également. Ça faisait longtemps que je ne l’avais pas vu dans un film ou à la télévision, mais je ne suis pas non plus précisément sa carrière. C’est presque inutile de le préciser, mais la musique basée sur KSK et notamment le morceau Stem ponctuant l’histoire est bien évidemment un des éléments majeurs du film. Le film ne ressemble heureusement pas à un clip vidéo pour KSK et n’est pas non plus une curiosité. C’est plutôt une extension visuelle du monde de KSK et en ce sens, cela aurait été dommage de manquer ce court métrage dans ma collection de l’oeuvre de Sheena Ringo.

Trois illustrations par Shohei Otomo visible sur son site web: Konnichiwa World! (2017), 夜露死苦 -Yoroshiku (2017) et The Spectre (2018).

Tous ces kimonos en images chez Sheena Ringo me rappellent soudainement un dessin à l’encre noire de l’artiste Shohei Otomo, fils de Katsuhiro, montrant une chanteuse un peu extravagante en kimono. Cette chanteuse ne ressemble pas spécialement à Sheena Ringo, mais je vois quand même un rapprochement dans le fait que Sheena Ringo se met souvent en scène habillée d’un kimono dans des scènes traditionnelles mises au goût du jour. L’image dessinée par Otomo joue sur l’excès. On y voit toute sorte d’accessoires accrochés à la tenue et dans les cheveux du personnage. Le kimono en lui même est également très particulier pour ses motifs iconoclastes. J’adore ce sens du détail et le noir et blanc au stylo bille joue pour beaucoup sur l’impact visuel que provoque l’image. Shohei Otomo dessine beaucoup de personnages décalés ou à contre emploi. L’image au dessus à gauche représente le chanteur du groupe Kishidan, Show Ayanocozey, en tenue de scène coiffé d’une banane surdimensionnée et d’une autre époque, mais montré comme un écolier. Shohei Otomo dessine également des représentants des forces de l’ordre dans des postures que l’on n’a pas l’habitude de voir et qui sont même parfois répréhensibles. C’est certain qu’il donne une image décalée bien différente de l’image que l’on a du pays. Des trois images ci-dessus, le spectre en costume est la plus récente. L’auteur nous montre cette image en détail sur son compte Instagram. C’est une illustration mystérieuse qui glace le sang.

rouge et toxique

Un ciel et des nuages rouges envahissent les rues de Shinjuku, rouges comme les yeux des insectes géants Omus dans Nausicaä lorsqu’ils sont pris d’une fureur inarrêtable. J’aime cette couleur rouge car elle donne beaucoup de force aux images mais je me limite volontairement à l’employer. De temps en temps, l’envie me prend de teinter mes photographies. La dernière fois que j’ai utilisé et mis en avant volontairement le rouge, c’était sur une série intitulée sometimes en février de cette année. J’avais beaucoup hésité avant de montrer cette série, et c’est très souvent le cas quand je tente des expérimentations d’images. Mes expérimentations sont très souvent basées sur la destruction d’images et qui dit destruction dit intervention d’une certaine forme de violence visuelle. L’emploi de la couleur rouge va dans ce sens, mais je porte également attention à ne pas forcer le trait inutilement, d’où mes restrictions naturelles. Un autre dilemme se pose à moi régulièrement, c’est la perte d’homogénéité engendrée par le mélange de photographies ‘classiques’ de lieux visités et d’architecture avec ces photographies plus expérimentales. Parfois, j’aurais envie de les séparer plus clairement mais je me dis aussi que ce mélange fait aussi l’intérêt de ces pages basées uniquement sur l’émotion que veut transmettre son auteur sans soucis de s’harmoniser avec des standards établis par d’autres. Cette liberté n’est en fait que très limitée car l’empêchement que je m’impose à moi-même me maintient dans des limites bien définies.

En ce moment, j’écoute beaucoup l’album électronique Feed Forward du collectif Sandwell District, sorti en 2010. Je connais quelques morceaux depuis longtemps comme le superbe Falling the same way, morceau de 9:40 minutes grandiose pour sa spatialité. Lorsqu’on écoute ce morceau, on est tout de suite absorbé par l’ambiance créée par ces nappes musicales jusqu’à ce que démarre ensuite un rythme inarrêtable formant la colonne vertébrale du morceau. J’ai écouté ce morceau pour la première fois il y a sept ans et j’y reviens très régulièrement, comme une référence électronique, lorsque je suis à court d’idées sur les prochains morceaux a découvrir. Sur cet album, je m’étais inconsciemment limité à ce morceau sans écouter le reste de l’album parce que j’avais l’impression que le reste de l’album ne pourrait de toute façon pas atteindre ce sommet. C’est d’une manière assez vrai car Falling the same way fait de l’ombre à tout le reste de l’album. En écoutant l’album Feed Forward maintenant, je découvre cependant beaucoup de beaux morceaux comme le triptyque Immolare qui nous fait entrer dans un monde sombre, dans une ambiance post-industrielle qui semble avoir été noyée dans une mer toxique. L’ambiance est à la limite angoissante, avec des sons qu’on croirait venir d’insectes, comme ceux peuplant la fukaï, la forêt toxique en pleine extension de Nausicaä. La pochette grise de l’album avec cet être portant un scaphandre correspond bien à cette idée d’un univers hostile non habitable. Les morceaux suivants Grey cut out et Hunting lodge maintiennent cette ambiance post apocalyptique, mais Haunting lodge va un peu plus loin dans la puissance martelante du son électronique, jusqu’à développer une addiction. Ce morceau nous entraine dans des bas-fonds tandis que Falling the same way, qui suit juste après, nous ramène vers la lumière, celle qui perce à travers l’obscurité et envahit soudainement tout l’espace de sa clarté. Dans cette ambiance aux vents tourmentés, on attend que la machine se révèle petit à petit. Elle martèle d’un son clair jusqu’à l’infini, du moins on aimerait que ce son ne s’arrête jamais. Les quelques morceaux beaucoup plus minimalistes qui suivent ont un peu de mal à rivaliser en intensité avec Falling the same way. N’oublions pas que cet album est construit par un collectif, et que les ambiances résultantes varient suivant les influences de chaque membre.

Je parle un peu soudainement de Nausicaä dans le texte ci-dessus car je viens de le revoir pour la première fois depuis plus de 15 ans. L’émission radio « Les chemins de la philosophie » animée par Adèle Van Reeth sur France Culture diffusait à la fin avril et début mai quatre épisodes intitulés « Philosopher avec Miyazaki ». Les émissions faisaient intervenir des spécialistes et abordaient quatre films d’animation de Hayao Miyazaki et du studio Ghibli à savoir Ponyo sur la falaise, Porco Rosso, Princesse Mononoke et Nausicaä de la vallée du vent. Les émissions étaient toutes très intéressantes pour les amateurs de l’univers de Miyazaki. Elles s’efforçaient à déchiffrer les principaux thèmes de son œuvre. La cohabitation entre la nature, l’humain et la technologie est un des thèmes récurrents, tout comme le parcours initiatique du Héros. Ces éléments composent d’ailleurs le cœur du film d’animation Nausicaä de la vallée du vent, sorti en 1984. J’ai eu très envie de le revoir après avoir écouté les émissions et j’essaierais très certainement de lire le manga du même Hayao Miyazaki dont le film est tiré. Je ne reviendrais pas sur l’histoire du film car d’autres l’expliquent très bien, notamment cette analyse très intéressante de Guillaume Lasvigne sur le site Courte-Focale. Après l’avoir regardé, je ne soupçonnais pas être touché à ce point, par l’atmosphère du film, par la qualité de ce monde et de ses protagonistes dont on sait peu de choses (Miyazaki nous suggère plutôt que nous explique), par la volonté intouchable du personnage de Nausicaä, par l’émotion qui se dégage dans son désir de voir cohabiter des êtres bien différents et a priori hostiles les uns envers les autres. La musique toujours très juste de Joe Hisaishi contribue beaucoup à l’émotion qui se dégage de ces images. Je pense que Ghibli doit beaucoup à Hisaishi pour transporter le spectateur. Juste après voir vu le film, je télécharge sur iTunes quelques morceaux de la bande sonore du film, notamment le thème d’ouverture et un autre morceau très sensible Fukaï nite composé de notes de musique légères comme des gouttes de lumières, ou des petits flocons de pollen envahissant le ciel, comme ceux sur l’image ci-dessus qui retombent sur le corps de Nausicaä, alors qu’elle s’allonge sur le dos bombé d’un Omu dans la forêt toxique fukaï, protégée par un masque à oxygène. L’émotion qui se dégage de cette musique, en se remémorant certains passages du film, est magnifique. Une musique d’exception lorsqu’elle se marie bien avec les images transforme pour moi un bon film en un moment d’émotion pure qui nous dégage de toute notion temporelle, pendant le temps où on est plongé profondément dans ces images et ces sons. Dans un style complètement différent, les images de la route défilant dans la nuit sous le morceau « I’m deranged » de David Bowie dans le film Lost Highway de David Lynch est aussi un moment d’exception. Je me souviens encore très clairement du moment où j’ai vu le film pour la première fois au cinéma lorsque j’étais étudiant. Dès les toutes premières images sous la voix de Bowie, j’étais convaincu de la qualité du film. David Lynch a très bien compris que ce rapport émotionnel est indispensable.

ハタチ

Depuis le 1er Février 2019, cela fait exactement vingt ans que je vis au Japon. Il y a vingt ans, j’étais dans l’avion qui m’amenait de Paris Charles de Gaulle à Tokyo Narita. Hier, j’étais dans l’avion qui me ramenait d’une semaine à Hong Kong vers Tokyo Haneda. Les sensations à mon arrivée à l’aéroport de Tokyo hier et il y a vingt ans sont certes bien différentes. J’y pense un peu hier, assis dans l’avion, entre deux films. A l’allée et au retour, j’ai vu deux très bons films japonais, de styles très différents mais qui m’ont tous les deux donné la larme à l’oeil par moments, car on y parle de relations enfants parents. A l’allée, sur le petit écran du fauteuil de l’avion, j’ai vu Une affaire de Famille, en japonais Manbiki kazoku 万引き家族, le film de Hirokazu Kore-Eda 是枝 裕和 ayant reçu la palme d’or à Cannes l’année dernière. C’est l’histoire d’une famille recomposée dont les liens sont assez flous, pauvre et vivant de débrouilles et de vols à l’étalage dans les petits supermarchés. L’histoire commence alors qu’ils recueillent une petite fille, Yuri battue par ses parents et délaissée à l’extérieur de l’appartement familial dans le froid. Au fur et à mesure que l’histoire se déroule, on découvre un peu plus précisément les liens entre les personnes partageant le toit d’une vielle baraque autour de la grand mère dont il profite de la pension. Le jeu des acteurs et actrices est excellent comme toujours dans les films de Kore-eda. C’est d’ailleurs là que se trouve toute la force de ses films. L’histoire est différente mais me rappelle beaucoup un autre film plus ancien de Kore-Eda, Nobody Knows 誰も知らない sorti en 2004. On y trouve la même force émotionnelle. Les enfants sont toujours au centre de l’histoire. Dans un style très différent, c’est aussi le cas du film d’animation Mirai, en japonais Mirai no Mirai 未来のミライ de Mamoru Hosoda. L’histoire du petit Kun, voyant arriver sa petit soeur Mirai dans la maison familiale, mélange les visions fantastiques qui viendront l’aider dans les épreuves de sa vie d’enfant. Parmi ces visions, celle de sa petite soeur mais plus âgée et semblant venir du futur. D’autres personnages du passé de la famille interviennent ensuite dans cette histoire très originale et bien construite. Il y a beaucoup de moments émouvants, que l’on est amené à ressentir en tant que parent. C’est un des très bons films d’animation que j’ai pu voir dernièrement.