le ciel au dessus de moi s’ensoleillera maintes fois

私の上にある空は、何度でも晴れる。Le ciel au dessus de moi s’ensoleillera maintes fois.


Je viens de revoir Millenium Mambo du taïwanais Hou Hsiao Hsien, l’histoire de Vicky perdue dans sa vie et son histoire d’amour faite de répulsions, d’alcool et de cigarettes. Le film démarre dans un tunnel piéton sous la musique envoûtante de Lim Giong. Dans un style complètement différent, je trouve une similitude entre cette scène et la séquence d’ouverture de Lost Highway de David Lynch avec la musique de Bowie. Dès que commence le morceau « I’m deranged » de David Bowie, on est comme hypnotisé par ses images associées à cette musique. On est mis sur un rail émotionnel qui ne nous lâchera pas jusqu’à la fin du film. Le même effet se produit pour moi en regardant cette première scène de Millenium Mambo. Vicky, interprétée par l’actrice Shu Qi, marche de dos sous cette musique de Lim Giong. Elle se retourne parfois avec un sourire vers la caméra. Une voix off nous explique son histoire. On comprend vite que Vicky n’est pas aussi heureuse que son sourire pourrait le faire croire. Son histoire n’est pas tragique non plus, elle est simplement faite d’un lâcher prise sur sa vie, sans boulot sérieux et liée à un entourage douteux. Elle reprendra pourtant prise par moments avec ses amis mi-taïwanais mi-japonais, les frères Takeuchi, qui l’amènent à Yubari à Hokkaido, dans un paysage complètement enneigé, un paysage éphémère de « joie triste », un paysage apaisant par rapport aux nuits dans les clubs de Taipei.

J’ai également ressenti cette « joie triste » quelques fois mais il y a longtemps, un certain sentiment de solitude quand on marche dans les rues de Tokyo, mélangé à une joie certaine d’y être. Je ne pense pas qu’on puisse avoir ce sentiment lorsque l’on vient en touriste, pressé par les visites à faire et les lieux à voir, mais quand on y vient comme habitant au début. Je retrouve également ce sentiment dans Lost in translation quand Charlotte se trouve seule à marcher dans les rues de Tokyo et Kyoto. D’une manière un peu différente, je retrouve une émotion similaire en regardant sur l’écran le paysage sous la neige de Yubari la nuit, sans personne sauf les corbeaux. A cette tristesse des lieux, se superposent les rires de Vicky et des frères Takeuchi. Il doit y avoir quelque chose du mono no aware dans cette scène. Je revois régulièrement Millenium Mambo ou Lost in translation pour retrouver cette émotion, que je ressentais parfois il y a longtemps, mais qui a disparu de ma vie actuelle.

Le film de Hou Hsiao Hsien évolue lentement. On observe beaucoup Shu Qi dans ses mouvements répétitifs et dans ses attitudes, superbe de justesse. Après avoir revu le film, samedi tôt le matin alors que Mari dort encore et que Zoa joue sur sa console Switch en silence sur un coin du sofa, je ressens le silence des lieux. Je me sens même saisi, pendant quelques minutes seulement, par le bruit des choses du quotidien qui émerge de ce silence: la bouilloire qui siffle, la tasse que l’on pose sur la table de bois, l’eau chaude que l’on verse doucement. C’était un étrange sentiment.

初夢を覚えていますか?

L’année 2018 vient juste de démarrer et nous sommes déjà au milieu du mois de janvier. Il en faudrait de peu pour que j’oublie de publier un billet ici avant la fin du mois pour souhaiter aux quelques visiteurs qui me suivent et ceux qui se sont égarés par ici, une bonne et heureuse année 2018. Les congés de fin et de début d’année se sont passés d’une manière des plus classiques en ce qui nous concerne, et je pourrais même reprendre le billet du début d’année 2017 et reprendre une bonne partie du contenu sans qu’on s’en rende compte.

C’est en quelque sorte un rituel de fin d’année. Tous les ans pour le dernier jour de l’année, le dernier soir, nous regardons l’émission de la NHK Kōhaku Uta Gassen. C’était la 68ème édition cette année. Nous regardons l’émission qui dure plus de 4 heures d’un air distrait certes, mais nous ne la manquons sous aucun prétexte, du début à la fin. C’est comme une obligation tous les ans, et je pense que c’est la même chose dans beaucoup de foyers japonais. J’aime cette petite tradition que l’on applique l’air de rien. On retrouve un peu toujours les mêmes chanteurs, chanteuses et groupes tous les ans. J’écoute avec un peu plus d’attention quand Sheena Ringo interprète un morceau avec Tortoise Matsumoto (du groupe Ulfuls), ou que Yoshiki de X Japan se remet à la batterie pour un morceau, après de longues périodes de réhabilitation. En raison de faiblesses au niveau du cou dû au rythme trop percutant qu’il assène à sa batterie, il porte une prothèse et semble bien épuisé après la fin du morceau. L’événement de Kōhaku cette année était la présence de Namie Amuro qui a annoncé sa retraite musicale en 2018. Comme d’habitude, la présentation de la soirée par les hôtes Kasumi Arimura, Kazunari Ninomiya et Teruyoshi Uchimura était très convenue et préparée, mais l’exercise veut cela. Je me souviens que l’émission de l’année dernière m’avait donné envie de redécouvrir les disques de Sheena Ringo et de partir à la découverte de ceux de X Japan, mais je n’ai pas vraiment fait de découvertes cette fois-ci. A vrai dire, le morceau de Sheena Ringo de cette année intitulé « The Main Street » 目抜き通り (Menukidoori) n’était pas des plus intéressants. Je pensais qu’elle aurait plutôt interprété le morceau « Jinsei wa Yume Darake » 人生は夢だらけ (sous-titré « Ma vie, mes rêves » en français – je ne sais pas pourquoi elle sous-titre des morceaux en français) de son nouvel album « Reimport vol.2 Civil Aviation Bureau » 逆輸入 〜航空局〜 (Gyakuyunyū: Kōkūkyoku) sorti à la fin 2017. Cet album, comme le volume 1 sorti en 2014, reprend des morceaux que Sheena Ringo a écrit pour d’autres artistes mais qu’elle re-interprète elle-même ici sur cet album. Le morceau « Jinsei wa Yume Darake » était initialement interprété par Mitsuki Takahata sur une publicité de compagnie d’assurance vie. C’est d’ailleurs un peu le problème de la création musicale de Sheena Ringo ces dernières années. Elle semble concentrer son activité sur des morceaux qui seront utilisés à des fins publicitaires, ou en génériques de drama japonais, et qui finissent par se répéter dans la forme. D’ailleurs, le morceau « The Main Street » a été créé pour le lancement de l’énorme Department Store Ginza Six (à Ginza donc).

A part ça, l’émission Kōhaku mélange beaucoup de genres, mais il y a quand même beaucoup de chansons de style Enka. C’est assez surprenant d’ailleurs de voir comme ce style d’une autre époque se perpétue avec une nouvelle génération de chanteurs et chanteuses, sans que pourtant le genre se renouvelle. La construction d’une chanson Enka me semble invariable d’un morceau à l’autre. Les groupes d’idoles, masculins ou féminins, sont également très présents dans le programme de l’émission qui reflète d’une certaine manière les ventes de l’année et ce qui a été populaire dans l’année. On ne pourra donc pas éviter les groupes de garçons de l’agence Johnny’s Entertainment, qui domine sans partage le marché depuis de très nombreuses années. On se demande d’ailleurs quel genre de lobbying est en place entre cette agence et toutes les chaines de télévision, car il y a très peu de place pour les autres agences de groupes masculins (à part Exile qui joue sur un angle différent). Côté féminin, ce sont les groupes créés par le producteur Yasushi Akimoto qui dominent le marché depuis quelques années, après les AKB48, c’est maintenant les groupes en « 46 » qui prennent la relèvent, les Keyakizaka 46 et Nogizaka 46. Et ce n’est pas le sourire de Mai Shiraishi qui nous fera oublier la pauvreté de cet univers musical qui se copie-colle d’un groupe à l’autre, même s’il y a certainement de subtiles différences que je ne saurais pas remarquer.

L’émission se termine un peu avant minuit et on nous montre ensuite des images de sanctuaires aux quatre coins du pays, en commençant par Shirakawa-go sous la neige, ou Kawasaki Daishi un peu plus près de Tokyo. La foule commence à se réunir dans chaque sanctuaire pour la première prière de l’année. Dès les premières minutes de l’année 2018, nous affrontons également le froid pour aller au sanctuaire de Aoki, dans un des quartiers de Ofuna près de Kamakura. Nous n’y restons pas très longtemps car il fait très froid, le temps de boire un verre de amazake en observant la foule autour du feu de bois ou attendant leur tour pour la prière devant le sanctuaire. En cette période de nouvelle année, on trouve souvent des vendeurs de amazake dans les sanctuaires, parfois il est même offert comme à Aoki. J’aime prendre le temps de boire cette boisson chaude non-alcoolisée debout dans le froid tout en observant tout autour de moi.

Le matin du 1er Janvier, c’est difficile de sortir du futon. En général, je me lève toujours à 6h du matin, que ça soit les jours de semaine ou le week-end. C’est devenu mon rythme biologique, mais j’ai dormi quelques heures de plus ce matin là. Une des raisons est qu’on fait un unique repas le midi, sans petit déjeuner, donc il est inutile de se lever trop tôt. Les plats traditionnels du nouvel an s’appellent osechi. Nous les avions commandé cette fois-ci à un petit restaurant d’une rue piétonne de Hiroo. Les journées du nouvel an sont tranquilles et on pourrait se laisser aller à ne rien faire, mais il nous faut quand même aller au sanctuaire (shintoïste) ou au temple (bouddhiste). Nous repassons d’abord par le sanctuaire du quartier, celui de Aoki, et marchons ensuite pendant une petite heure jusqu’à Kamakura et le grand temple Engakuji, dont proviennent les six premières photographies de ce billet.

Nous sommes allés de nombreuses fois au temple Engakuji et nous le connaissons donc assez bien. Mais, nous n’y étions jamais allés le premier jour de l’an. La bonne surprise est que certaines zones habituellement fermées au public en temps normal sont ouvertes au public. L’accès à l’intérieur des dépendances du temple ne sont pas autorisés mais on peut apercevoir l’intérieur lorsque les portes coulissantes sont entre-ouvertes. Certaines parties du temple sont accolées à la forêt et au pied d’une montagne abrupte. On a l’impression que le temple est entouré de remparts de verdure. Ce mur de végétation est impressionnant, on dirait que l’espace du temple a été creusé dans cette forêt de montagne. Prendre en photographie cet espace ne rend malheureusement pas bien l’impression que l’on ressent dans ces lieux. Je me suis donc abstenu.

L’année dernière j’avais ouvert un compte Netflix après le mois d’essai dans l’espoir de pouvoir facilement regarder un peu plus de films et de séries. J’ai certes pu y voir la deuxième saison de la série Stranger Things que j’adore pour son ambiance fantastique et années 80, et quelques bons films signés Netflix comme Okja du Sud coréen Bong Joon-ho, ou des films un peu plus anciens comme Ennemy de Denis Villeneuve, qui est un vrai petit chef d’oeuvre comme le plus récent film de science fiction Arrival, ou Premier Contact en français (je n’ai pas encore vu Blade Runner 2049, mais ça ne saurait tarder). Mais, dans l’ensemble, je me suis souvent trouvé dans la situation où les films que je voulais voir n’étaient tout simplement pas disponible dans la vidéothèque du Netflix japonais. J’ai finalement annuler mon abonnement Netflix en me rappelant que l’on a accès aux vidéos sur Amazon Prime. Vu que les films mis en avant sur l’interface de l’application iPad de Amazon Prime Vidéo sont pratiquement tous japonais, cela m’a quelque part motivé à en regarder quelques uns. Pendant les congés de fin d’année, j’ai regardé plusieurs films de Hirokazu Kore—eda dont celui primé à Cannes, Soshite chichi ni naru そして父になる (Tel père, tel fils) avec Masaharu Fukuyama, Lily Franky et les actrices Machiko Ono et Yôko Maki racontant l’histoire d’un échange d’enfant à la naissance par erreur. C’est un très beau film, une réflexion dur la paternité, qui prend son temps, ce qui semble être une constante chez le réalisateur comme pour cet autre film que j’ai vu intitulé Umimachi diary 海街ダイアリー (Ma petite sœur). Ce deuxième film est certainement moins fort que Soshite chichi ni naru et il n’y a pas vraiment d’histoire à part celle de montrer des tranches de vie de trois sœurs accueillant dans leur maison de Kamakura une petite sœur issue du deuxième mariage de leur défunt père. Le film tient par le jeu des actrices Haruka Ayase, Masami Nagasawa, Kaho et la petite sœur Suzu Hirose que l’on apprécie tout simplement voir partager cette vie ensemble dans l’ambiance tranquille d’une vieille maison de Kamakura. Mon avis est peut être influencé par le fait que je reconnais certains endroits, la vieille ligne de train Enoden et la station Gokurakuji où les quatre sœurs semblent habiter. Le troisième film de Hirokazu Kore-eda que j’ai regardé s’intitule Kiseki 奇跡 (Miracle). Il s’agit ici encore d’une histoire de famille, l’histoire de deux petits garçons séparés par un divorce, le plus jeune vivant avec son père musicien à Fukuoka tandis que le plus âgé vit avec sa mère dans la partie Sud du Kyushu, à Kagoshima. Le miracle pour un des deux garçons serait que le volcan Sakurajima, toujours actif et crachant de la poussière de temps à autre, se mette soudain en éruption pour les pousser à quitter la ville et à rejoindre son frère et son père dans le Nord du Kyushu à Fukuoka. L’histoire se concentre sur les deux enfants confrontés au monde adulte et prêts à tout pour se retrouver, en espérant que le futur train Shinkansen qui connectera bientôt les villes du Kyushu viendra leur exhausser leurs vœux et leurs rêves. Mais Amazon Prime Vidéo m’entraîne aussi vers des comédies populaires qui se laissent volontiers regarder comme Biri Gyaru ビリギャル (Flying colors), l’histoire d’une jeune fille (Kasumi Arimura, qui présentait également Kōhaku dont je parlais plus haut) en échec scolaire qui sous la bonne influence d’un professeur de Juku, de cours du soir, se lancera dans le rêve, qui semble impossible, de réussir le concours d’entrée de la grande université Keio. Je découvre également la comédie Shōnen Merikensaku 少年メリケンサック avec Aoi Miyazaki en représentante d’une maison de disque à la recherche de nouveau groupe. Par erreur et malgré de nombreux obstacles, elle s’obstine à se lancer dans la réhabilitation et la remise en scène d’un groupe de punk qui n’a plus fait de musique ni de scène depuis plusieurs dizaines années. Sous les aspects de comédies légères qu’elles sont complètement, ces deux comédies mettent en scène la volonté d’essayer durement sans abandonner même si la tâche peut paraître impossible. C’est ce que traduit exactement le mot Ganbarimasu 頑張ります qui revient très souvent dans le language japonais et que j’ai souvent du mal à traduire en français.

Il y a une constante dans nos visites de temples et sanctuaires au tout début de l’année, c’est notre passage depuis quelques années au sanctuaire de Enoshima sur l’île du même nom. On peut s’y rendre depuis la station de Ofuna en monorail, un train assez atypique car le rail se trouve au dessus des wagons, qui y sont donc suspendus. Il serpente dans les collines boisées de Kamakurayama à une vitesse folle et ça peut surprendre au début. D’ailleurs, un touriste coréen assis à côté de nous semblait se trouver mal à l’aise au démarrage du train. On s’habitue assez vite ceci dit et le spectacle du Mont Fuji apparaissant derrière les collines nous fait oublier les éventuels désagréments du voyage. On verra également le Mont Fuji un peu plus tard au couché du soleil, sur le pont reliant l’île. Depuis la station de monorail de Enoshima, il faut marcher un peu pour atteindre ce pont et l’entrée du sanctuaire. La foule est bien présente comme tous les ans sur le pont menant à l’île et dans l’allée principale étroite menant au sanctuaire. Cette année est la dernière année de ma période Yakudoshi, trois années de suite différentes pour les hommes et les femmes qui sont à priori néfastes. Pour les hommes, il y a trois périodes de trois ans, et en ce qui me concerne, il s’agit de la dernière période correspondant au début de la quarantaine. Pour la troisième et dernière année de cette période, nous assistons à une cérémonie particulière à l’intérieur du sanctuaire pour exorciser en quelque sorte le mauvais sort. Un des avantages d’assister à cette cérémonie est que l’on peut accéder rapidement au sanctuaire par un chemin dédié sans avoir à patienter une heure dans la file d’attente. Il y a bien entendu un prix (ou plutôt plusieurs niveaux de prix), mais en échange on reçoit une petite plaquette de bois avec l’inscription du sanctuaire qui viendra nous protéger de tous les démons qui nous entourent. On aurait tord de se priver de cette magie protectrice. Pendant la cérémonie dans le sanctuaire, nous sommes assis en rangée avec une trentaine d’autres personnes à écouter une musique traditionnelle accompagnée de quelques phrases récitées en japonais ancien par le moine shintô et de gestes venant purifier les personnes assises la tête inclinée. Vers la fin de la cérémonie, les noms, prénoms et adresses de chacune des personnes présentes sont exprimés à voix haute pour bien indiquer notre présence à la divinité des lieux.

Une autre activité récurrente du début d’année est de regarder la course Hakone Ekiken à la télévision. Il s’agit d’une course de relai en dix étapes sur deux jours faisant s’affronter des universités de Tokyo, depuis les environs de la gare de Tokyo jusqu’aux montagnes de Hakone et de retour ensuite à Tokyo. Comme tous les ans, nous supportons l’équipe de Aoyama Gakuin Daigaku qui a déjà remporté le titre trois années de suite. Cette année, Aoyama Gakuin Daigaku a été malmené sur la première partie de la course remportée par Toyo Daigaku, équipe championne il y a quelques années, mais reprendra la main sur la route du retour de Hakone vers Tokyo pour finir finalement en première position pour la quatrième fois. Le trajet de la course est toujours le même tous les ans, celui de la route nationale 1. Comme la course passe pas très loin de Ofuna, nous allons systématiquement au bord de la route pour apporter un peu de force aux coureurs avec nos modestes cris d’encouragement. Il S’agissait en 2018 de la 94ème édition de la course Hakone Ekiden.

Les 4 et 5 janvier ne sont pas fériés mais je fais un long pont jusqu’au week-end. Nous passerons deux jours et une nuit à Hakone, au Prince Hôtel Ashinoko, qui comme son nom l’indique se trouve au bord du lac Ashinoko. Nous y allons en voiture et l’arrivée vers l’hôtel sera longue et pénible en raison des embouteillages au alentour du sanctuaire de Hakone. Nous ne pensions pas qu’il y aurait autant de monde pour aller au sanctuaire pendant un jour travaillé. Après deux heures à rouler au pas, nous arrivons finalement près de l’hôtel. Au Japon, en voiture, il faut savoir prendre son mal en patience et ne pas s’énerver. Nous arriverons tout de même à temps pour prendre le téléphérique qui nous amènera en haut du Mont Komagatake. Tout en haut sur cette montagne, à 1357m, on y trouve un sanctuaire, le Mototsumiya Jinja. Cela paraît totalement improbable de trouver un sanctuaire de cette taille au sommet d’une montagne sans rien aux alentours à part des roches.

Mais cette montagne est sacrée et je dirais même magique pour la vue que l’on peut avoir de la haut. À vrai dire, je ne soupçonnais pas l’existence de cet endroit. Je connaissais bien sûr le téléphérique qui nous amène jusqu’à Owakudani où le sol volcanique est fumant, mais pas cette montagne Komagatake, un peu en dehors du circuit touristique habituel. Depuis la montagne, on peut apercevoir le Mont Fuji mais il se cachait malheureusement derrière les nuages. Étrangement, son sommet ne semblait pas très enneigé pour la saison, tandis que les tempêtes de neige sont annoncées dans une bonne partie du pays. Depuis les hauteurs de Komagatake, et dans un froid glacial, nous gravissons les escaliers qui nous mènent au sanctuaire sous un soleil déclinant. Il est déjà 4h30 de l’après-midi et le soleil se couche officiellement dans quelques dizaines de minutes. Tout en bas de la montagne, le lac Ashinoko prend de nouvelles couleurs. L’océan au loin se laisse découvrir et notre regard se perd dans l‘infini. Les derniers rayons de soleil viennent éclairer le sanctuaire sous un ciel de plus en plus nuageux et menaçant. Le contraste est magnifique. Le téléphérique fait sa dernière descente à 4h50 et il faut presser le pas par ne pas louper le dernier service.

J’aime associer une musique aux lieux où nous allons, sans que ça soit volontaire. Par exemple, j’associe très clairement dans ma mémoire un morceau de l’américain Benoit Pioulard, RTO sur l’album Lasted, à la végétation luxuriante de Nasu-Shiobara. Il n’y a pas de lien particulier entre ce lieu et ce morceau, mais j’ai un souvenir très clair d’être assis dans fauteuil à regarder avec attention les arbres dans la pénombre en écoutant ce morceau. Le réécouter maintenant me remet en tête cette sensation paisible. Je me dis parfois que je devrais noter toutes ces associations entre lieux et musiques pour ne pas les oublier. Je me demande s’il peut y avoir un morceau orphelin d’espace. Mais il y a des espaces orphelins de musiques. Étonnement, je n’ai aucun souvenir musical de notre très court séjour à Hakone. La fatigue des embouteillages de l’après-midi m’a peut être empêché de prendre le temps nécessaire pour créer cette capsule musicale mémorielle. Pourtant, j’aurais adoré associer un morceau comme An ending (Ascent) de Brian Eno au paysage lisse de la surface du lac Ashinoko, vu à travers les arbres depuis la fenêtre de l’hôtel au petit matin.

Mon désir inarrêtable de découverte musicale s’était un peu tari pendant la période de fin d’année. Avant cela, j’ecoutais presqu’exclusivement les albums de Beck. Je ne connaissais que son album Mellow Gold des années 90, celui avec le morceau Loser qui avait fait un carton planétaire. Je ne me souvenais pas que cet album était aussi intéressant et expérimental. À vrai dire, je ne pense pas l’avoir beaucoup apprécié et écouté à l’époque où je me l’étais procuré, donc je le redécouvre maintenant et je me mets ensuite à découvrir et écouter tous les autres albums de Beck avec les nombreux changements de style qu’il opère sur sa musique. Odelay, dans la lignée de Mellow Gold, est certainement un des meilleurs albums de Beck, mais j’aime aussi beaucoup les plus classiques Sea Change ou Morning Phase. Le dernier album de Beck, Colors, est beaucoup plus Pop, mais se laisse apprécier volontiers. C’est un disque que je passe souvent pour les longs trajets en voiture. J’écoutais beaucoup la musique de Beck pendant mes promenades urbaines au mois de décembre, notamment près de Shinagawa ou vers Roppongi ou Nishi-Azabu, que l’on peut voir dans la petite série de deux billets « avant la fin de l’année (1 & 2) ». Certains morceaux comme Round The Bend sur l’album Sea Change s’associe maintenant dans ma mémoire a un lieu et un type d’espace, en l’occurence dans cet exemple du morceau de Sea Change, je repense aux espaces vides de population de Gotemyama près de Shinagawa, espaces ouverts près de la voie ferrée sur une route fermée à la circulation des voitures. Le soleil d’hiver ébloui un peu et il fait juste assez froid pour saisir le visage. Il n’y a personne dans les rues de ce quartier qui semble résidentiel, aucun train sur la voie ferrée. Pendant la durée de ce morceau écouté au casque, je marche lentement et observe les lieux et les matières. Pendant 5 minutes 15 secondes de pleinitude, cet espace temporel est le mien. Dans 20 ou 30 ans, je repenserais peut être à ce moment, il sera idéalisé et magnifique.

Le matin du 5 janvier, il fait froid sur Hakone, -1 ou 0 degré. Le onsen rattaché à l’hôtel où nous avons passé la nuit est le bienvenu. Il y a un espace de bain à l’extérieur mais la vue n’est pas dégagée, il faudrait se lever les pieds dans le bain pour apercevoir le lac. Nous marcherons ensuite après le petit déjeuner vers le sanctuaire Kuzuryu dans une forêt aménagée au bord du lac Ashinoko. Le ciel est très couvert et il commence à neiger, comme des petits grains de pluie gelée. Le chemin qui nous mène au sanctuaire longe le lac. Un torii rouge les pieds dans l’eau annonce l’entrée du sanctuaire. Dans le parc boisé entourant le sanctuaire, une biche nous regarde au loin. Elle n’a pas l’air de s’inquiéter de notre présence. Elle doit certainement être la propriétaire des lieux, une divinité des forêts qui aurait pris forme animale certainement. Mais le dragon blanc est également présent dans ces lieux, ou du moins le petit sanctuaire portant ce nom au tout début du chemin nous menant vers Kuzuryu. Devant le sanctuaire du dragon blanc, des plaquettes avec divers vœux et remerciements écrits à la mains sont accrochés sur trois ou quatre rangées. Un des messages, que l’on penserait avoir été mis en évidence, remercie le dragon blanc pour avoir gagné au Takarakuji, ou autre loto japonais, la coquette somme de 600 millions de yens. Zoa n’en revient pas. Je pense à une entourloupe pour démontrer les pouvoirs extraordinaires du dragon blanc. Pensez à acheter 10 billets de takarakuji de retour à Tokyo, on ne sait jamais. Nous arriverons après quelques minutes au sanctuaire Kuzuryu alors que la neige devient plus forte. Une journée par mois, on peut accéder au sanctuaire par barque. Il y a une passerelle et un point d’amarrage. Le sanctuaire est tout petit mais il s’agit d’un des « power spot » que nous avions prévu de visiter pendant notre court séjour à Hakone. Plus que le sanctuaire en lui même, c’est l’environnement naturel tout autour, la forêt sous la neige et la proximité du lac qui donnent à cet endroit quelque chose de magique.

Le Prince Hôtel Ashinoko où nous avons passé une nuit est un chef d’œuvre architectural de Togo Murano, composé de deux bâtiments cylindriques comportant les chambres, reliés par un couloir. Il a été construit au pied du lac Ashinoko en préservant les arbres. Lorsque l’on prend le bateau sur le lac, on peut l’apercevoir. Je l’avais d’ailleurs aperçu pour la première fois en novembre 2007 lorsque j’avais pris ce bateau du lac Ashinoko avec ma sœur Emilie et Karim pendant leur visite au Japon. Depuis cela, j’ai toujours gardé en tête l’idee d’approcher cet hôtel de plus près pour le prendre en photo. Le hall principal est un long couloir dont les murs sont en pierres apparentes et le plafond couvert de boiseries recourbées. Nous sortons dans le jardin pour apprécier toute la rondeur des cylindres de l’hôtel. Il n’y a que deux étages de chambres et elles n’ont pas toutes une vue sur le lac. Nous n’avions initialement pas réservé une chambre avec vue, mais un concours de circonstance nous a permis d’en bénéficier. Se réveiller le matin avec cette vue paisible sur le lac est vraiment agréable et inspirant.

J’avais amené mon matériel de dessin à Ofuna pour le nouvel an, en espérant trouver un peu de temps pour terminer un des dessins format A3 que j’avais commencé. Je savais d’avance que je ne trouverais pas le temps de m’y mettre mais amener ce matériel de dessin me rassure d’une certaine manière. Plus que de dessiner, je voulais m’assurer la possibilité de pouvoir dessiner à tout moment si j’en ai l’envie. C’est un peu la même chose avec mon petit carnet de notes et le stylo plume que j’amène toujours avec moi dans mon sac. Rare sont les fois où j’ai sorti ce carnet pour me mettre à écrire, car ces situations ne se présentent qu’assez peu finalement. L’avoir avec moi me satisfait, mais je n’arrive pas vraiment à en comprendre la raison. Tout comme je n’arrive pas à comprendre ce qui me pousse à dessiner ces formes organiques et futuristes. Il s’agit peut être de la possibilité de se mettre en parenthèse du monde pendant quelques minutes ou quelques heures, de s’extraire pendant quelques instants de l’agitation et des obligations quotidiennes. Je pensais en avoir terminé avec ces dessins FuturOrga et avec mon utilisation de Instagram mais j’ai encore changé d’avis. On dit bien qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis et je ne pense pas être un imbécile. J’ai donc changé d’avis. Je montre mes deux dernières créations sur Instagram en attendant de les scanner et de les montrer proprement sur ce site. J’ai décidé, un peu à contre cœur, de me remettre à Instagram car Instagram m’apporte ce que je ne trouve plus ici sur ce blog, le feed-back des visiteurs. Il est possible que j’écrive moins souvent sur Made in Tokyo, mais on verra bien. J’ai de toute façon besoin d’écrire ici, c’est mon complément mémoriel. J’ai créé un petit book de 36 pages sur Blurb.com composé pratiquement uniquement de dessins scannés. Les personnes intéressées pourront jeter un œil sur la page blurb.com. Il s’agit des dessins montrées sur ma page FuturOrga.

Après notre visite du sanctuaire de Kuzuryu, nous terminons notre petit voyage à Hakone par le sanctuaire principal de Hakone, le Hakone Jinja. Plus que le sanctuaire en lui-même, c’est la encore l’environnement qui laisse une forte impression. L’allée piétonne en escalier de pierre est bordée d’arbres géants. Elle démarre depuis le lac Ashinoko, où se trouve un grand torii rouge les pieds dans l’eau et remonte sur quelques dizaines de mètres vers le bâtiment principal du sanctuaire. A mi-trajet, il y a un feu de bois autour duquel des petits groupes viennent se réchauffer en buvant un gobelet de amazake. Je prendrais mon verre un peu plus tard, au retour du sanctuaire. Comme je le disais un peu plus haut, j’aime prendre ce moment à boire un verre de amazake chaud tout en regardant la foule dans les sanctuaires. Et il y a foule à Hakone Jinja aujourd’hui, mais certainement moins qu’hier, le premier jour travaillé de l’année. Il faut tout de même attendre une petite demi-heure en file d’attente pour accéder à l’intérieur et faire part de nos vœux pour que cette nouvelle année soit heureuse et prospère.

Nous prenons le chemin du retour en passant par Miyanoshita. On s’arrêtera très rapidement devant l’hôtel Fujiya, que nous avions déjà visité il y a 12 ans en 2006. Je me souviens de cette visite guidée nous montrant de nombreuses pièces de ce vieil hôtel, notamment la Suite Chrysanthème où ont séjourné John lennon et Yoko Ono. J’écoute d’ailleurs beaucoup les Beatles en ce moment, plus précisément Sgt. Pepper. L’envie de réécouter cet album me vient après la lecture de quelques articles du magazine Les Inrockuptibles, le numéro de Juin 2017 que m’avait gentiment offert mon cousin Mickael avec quelques autres numéros du magazine. Nous ne visiterons pas l‘intérieur cette fois-ci, manque de temps, bien que ça m’aurait bien tenté d’y refaire un tour. Nous prendrons notre déjeuner un peu plus loin, près de la gare Touzan de Miyanoshita, dans une vieille maison de bois reconvertie en café avec galerie d’artistes.

Comme cadeau de Noël, le petit qui vient d’avoir 10 ans avait commandé une Nintendo Switch. La situation s’est peut-être améliorée depuis, mais au moment où nous l’avions commandé, la console était toujours en rupture de stock et il fallait attendre plus d’un mois avant d’avoir une confirmation qu’on puisse la recevoir pour Noël. Cet un choix de cadeau du petit qui n’est pas pour me déplaire, car j’ai tendance à ne pas pouvoir résister quand un nouveau système Nintendo est disponible, d’autant plus avec un nouveau jeu de la lignée des Super Mario Bros. Cette fois, il s’agit du Super Mario Odissey qui sévit sur la Switch, et c’est un très bon jeu. La Switch permet le multi-language, ce qui est très appréciable. Zoa et moi comparons nos progrès dans le jeu et nos découvertes. Le prochain jeu dans notre vidéothèque sera certainement le Zelda Breath of the Wild. Je garde toujours en tête l’epique Zelda 3 sur la Super Nintendo, qui reste pour moi le meilleur jeu de tous les temps toutes plateformes confondues. Mais ce nouveau Zelda me semble aussi fabuleux, du moins c’est ce que les nombreuses critiques laissent comprendre et plaçant régulièrement ce jeu en première place des meilleurs jeux vidéo de l’année 2017. J’ai revendu pour presque rien malheureusement la PS2 et les quelques jeux que je possédais pour faire un peu de place à la maison, mais je garde toujours dans un coin les Game Cube et Wii U achetées ici. Je regrette toujours d’avoir revendu la Sega Dreamcast, que j’avais tant apprécié à l’époque. Du moins dans mes souvenirs sûrement très idéalisés.

Nous terminons nos petites vacances de la nouvelle année avec une cérémonie du thé sur le tatami de la maison de Ofuna. Zoa participe à la préparation du thé. On apprécie le thé tout en dégustant un gâteau japonais en forme de Mont Fuji. Il aura décidément été très présents pendant ces journées de congés. En souhaitant une nouvelle fois aux visiteurs de Made in Tokyo une excellente année 2018.

courir et sauter de la mer jusqu’aux montagnes

Depuis les hauteurs de Shichirigahama 七里ヶ浜, on peut voir l’océan. Une route en pente nous y amène tout droit et semble même y plonger. Si on prend assez d’élan, on peut courir jusqu’au bout de la route et sauter jusqu’à la mer. Et si on y met un peu plus d’effort, on peut atteindre l’île de Enoshima. En temps normal, on empruntera plutôt le pont routier et piéton, mais il est très souvent encombré.

En France, outre un numéro des Inrockuptibles, je jette toujours un oeil sur le magazine Première. Ce numéro d’été a tout de suite attiré l’oeil car on y parle du Blade Runner 2049 qui sortira en octobre cette année en France. Pour le Japon, je ne sais pas exactement. C’est pour sûr un film que je courais voir en salle à sa sortie, notamment parce que ce nouveau Blade Runner est dirigé par le réalisateur canadien Denis Villeneuve. J’ai énormément apprécié les quelques films que j’ai pu voir de ce réalisateur, comme le film de science fiction Premier Contact (Arrival) et le thriller psychologique Enemy, des films très différents mais tous les deux « habités ». On peut anticiper une adaptation très personnelle de l’univers de Blade Runner. Du coup, ça me donne envie de revoir l’original de Ridley Scott et ces images dans les airs d’une ville sombre et verticale. Je ne me souvenais plus qu’il y avait autant d’inscriptions en japonais sur les panneaux électriques lumineux de la ville basse. Par contre, je me souvenais très bien de ces grands panneaux télévisés japonisants, qui sont une marque de fabrique d’un Los Angeles en 2019 sous influence tokyoïte. Rappelons que Blade Runner est sorti en 1982, il y a 35 ans. En 35 ans, le monde n’a pas évolué aussi vite que le prévoyait Ridley Scott, et c’est tant mieux, mais les dangers de l’intelligence artificielle semblent de plus en plus envisageables.

Sautons de la mer vers la montagne. Un saut de puce, car la montagne de Kamakurayama 鎌倉山 est proche du bord de mer de Shichirigahama. Nous passerons le reste de cette après-midi de dimanche à Kamakurayama. Il faut s’y déplacer en voiture et j’aime beaucoup cette route sinueuse entourée d’arbres et de résidences qui nous fait traverser les montagnes de Kamakura. On s’arrête dans un café appelé « Le Milieu », à peu près à mi-chemin des cette route. Depuis le café, on a une vue superbe sur les collines boisées de Kamakurayama et au fond, on peu distinguer l’océan de la baie de Sagami, se mélangeant avec le ciel. Pas très loin du café, sur cette même route sinueuse, je ne résiste pas à l’envie d’aller prendre en photo deux maisons individuelles remarquables, prises en photo auparavant: Wood Deck House par Tezuka Architects, et la maison en blocs qui semble en équilibre sur un flanc de montagne, Kamakurayama no ie, par Kimitsugu Sugihara. Depuis la terrasse du café, on se trouve véritablement devant des vagues de verdure. Une maison semble flotter sur les vagues vertes d’une mer déchainée.

結び

Je fais un tour rapide des photographies de l’année dernière que je n’ai pas encore publié sur ce blog et j’en trouve quelques unes prises un soir d’octobre dans le quartier des livres de Jimbocho. Je connais assez peu ce quartier et je n’avais ce jour là qu’une petite heure devant moi pour faire un tour. Ce soir là, il y avait un marché aux livres dans une des rues mais je regarde plutôt les librairies pour en trouver une qui attirerait mon regard. Je décide d’explorer Komiyama Shoten 小宮山書店, attiré par les grandes affiches de photographes japonais sur les murs. Il y a beaucoup de livres photographiques et une galerie à un des étages. Il y a peine assez de place dans les étages étroits pour y entasser tous les livres offerts à la vente. Cette librairie établie en 1939 a beaucoup de charme, j’y reviendrais certainement, pour explorer d’autres lieux également, quand j’aurais un peu plus de temps devant moi.

A la fin du mois de décembre, nous sommes allés au Tokyo Metropolitan Teien Art Museum, près de Shirogane. Nous accompagnons l’amie de Mari, Yo et sa fille, pour aller voir l’exposition de Christian Boltanski intitulée « Animitas – Les âmes qui murmurent« , composée de 3 ou 4 grandes installations (vidéos, sonores ou autres). J’étais en fait plus intéressé par la visite du musée lui-même, dont de nombreuses pièces sont du style Art Deco, par le designer français Henri Rapin. On peut visiter de nombreuses pièces de ce qui était l’ancienne demeure du Prince Asaka. On est impressionné par la richesse du design et la beauté des matériaux. Nous avions déjà visité ce musée il y a une dizaine d’années, mais il avait fermé pour rénovation dernièrement. Une annexe moderne a été construite à l’arrière de la demeure et les deux bâtiments sont reliés par un couloir avec une paroi de verre. Comme on peut le voir sur la photographie ci-dessus, la lumière traversant la paroi de verre et se reflétant sur le mur donne une texture intéressante, comme des coussins d’un sofa, qui intrigue beaucoup les passants.

君の名は。(Kimi no na ha – Your Name), on parle beaucoup de ce film d’animation de Makoto Shinkai depuis plusieurs mois et le succès ne semble pas s’estomper. En profitant d’un peu de temps libre en ce long week end, je me décide à aller voir ce film dont on parle tant, en ne savant pas trop à quoi m’attendre. Je n’ai absolument rien lu en avance sur le sujet de ce film d’animation et j’en sais peu de choses à part à travers les images superbes et réalistes que j’ai pu voir dans les bandes annonces. On n’est en effet pas déçu par la beauté du dessin et du rendu des décors, que ce soit le réalisme très poussé des paysages urbains de Tokyo ou ceux des montagnes de Takayama avec sanctuaire perché autour d’un lac circulaire. L’histoire, elle, va au delà du réel et mélange rêves et sensations extra-humaines. Je me garderais d’expliquer l’histoire ici, mais ça serait de toute façon assez compliqué. En fond, le film parle de liens entre les êtres, du lien invisible entre un lycéen Taki et une lycéenne Mitsuha habitant dans des lieux très éloignés mais qui sont destinés à se sauver l’un l’autre. A tout moment, on oscille entre rêve et réalité. Les deux personnages principaux s’échangent leur vies par un grand mystère, mais qui révèlent des destins liés. Cette relation me rappelle un peu les liens entre les personnages de 1Q84 de Haruki Murakami, Aomame et Tengo. Bien que l’histoire soit complètement différente, on y retrouve des atmosphères irréels et cette forme de lien qu’on l’appelle musubi (結び). J’ai beaucoup aimé ce film et je suis assez satisfait de constater que le public nombreux et que la critique excellente ne s’y trompent pas. On parle de Makoto Shinkai comme du nouveau Hayao Miyazaki.

nouveau moment

Une nouvelle année s’ouvre derrière les rideaux des temples et sanctuaires. Comme tous les ans, nous avons passé les premiers jours de la nouvelle année à Ofuna, près de Kamakura, d’une manière assez classique en regardant d’abord l’émission musicale « Kōhaku Uta Gassen NHK紅白歌合戦 » sur NHK le soir du réveillon jusqu’à un peu avant minuit. Regarder Kōhaku, c’est une tradition à laquelle on n’échappe pas. J’aime de toute façon regarder cette émission, car elle donne une bonne rétrospective de ce qui s’est passé musicalement au Japon pendant l’année écoulée. Il y a évidemment beaucoup et principalement de la musique populaire et commerciale mélangée avec des chansons plus anciennes dans le style Enka, pour plaire à tous les publics. Cela reste une chaîne publique, les écarts sont rarement permis, mais on peut y voir et étendre des choses intéressantes.

Je suis toujours avec une certaine attention le parcours de Sheena Ringo 椎名林檎 au cas elle sortirait des morceaux comme A Life Supreme 至上の人生, qui était vraiment excellent, ou dans le style rock des premiers albums. Elle chante maintenant régulièrement dans cette émission de la NHK depuis quelques années. Cette fois-ci, elle ne chantait pas dans les studios de la NHK, mais à l’extérieur dans le froid devant la mairie de Tokyo à Nishi Shinjuku, un morceau intitulé « Seishun no Mabataki 青春の瞬き » avec comme sous-titre « FROM NEO TOKYO 2016 ». Je suis assez intrigué par ce sous-titre qui me ferait plutôt penser au Neo-Tokyo de 2020 dans Akira. Dans Akira, 2020 était l’année prévue pour les Jeux Olympiques de Tokyo et Sheena Ringo a déjà composé dans le passé un morceau pour un événement sportif intitulé NIPPON et elle a participé aux musiques du passage de baton entre Rio et Tokyo à la cérémonie de cloture des Jeux de 2016. Cette association d’idées nous indique peut être qu’elle écrira ou interprétera le thème des futurs jeux de Tokyo. A suivre. Cette chanson interprétée à Kōhaku s’appelle également avec un nom en français (allez savoir pourquoi): Le Moment, sorti en 2014 sur l’album Reimport: Ports and Harbours Bureau 逆輸入 ~港湾局~. Ce morceau fut initialement écrit par Sheena Ringo pour Chiaki Kuriyama (également actrice, elle était Takako Chigusa dans Battle Royale et Gogo Yubari dans Kill Bill vol.1). A la fin de l’émission, Utada Hikaru chantait également pour la première fois dans cette émission. J’espérais qu’elle interpréterait avec Sheena Ringo le morceau 二時間だけのバカンス (des vacances de deux heures seulement), mais ce n’était pas le cas malheureusement. Cela aurait été assez compliqué à organiser de toute façon vu que Utada Hikaru habite à Londres depuis des années et qu’elle interprétait en duplex. Il s’agissait d’un autre morceau, moins intéressant que les autres morceaux de son dernier album Fantôme (un titre en français, encore une fois), que l’on écoute beaucoup à la maison (ou dans la voiture plutôt).

Il y avait une curiosité quand même dans cette 67ème édition de Kōhaku, c’était le duo entre la star pop Seiko Matsuda (54 ans mais qui étonnamment ne vieillit plus depuis plusieurs années) et Yoshiki, le leader de X Japan, également batteur et pianiste du groupe de rock mythique japonais. Après ce morceau au piano que l’on oubliera vite, le groupe X Japan au complet jouera un ancien single intitulé « Kurenai » de l’album « Blue Blood » sorti en 1989. A vrai dire, je ne trouvais pas d’intérêt particulier pour X Japan, sachant qu’il s’agit de rock plutôt old school oscillant entre le speed métal et le rock progressif. C’est par contre un groupe culte au Japon et les fans sont nombreux. On dit qu’il y a un avant et après X Japan dans l’histoire du rock japonais et qu’ils ont lancé le style Visual Kei (mélange de glam gothique post-punk alternatif), qui sera ensuite repris par beaucoup d’autres groupes à cette époque des années 90. Dans ce style de rock, je m’étais plus attaché à Luna Sea, groupe rock mené par Ryuchi Kawamura, se rapprochant du Visual Kei, mais avec un rock plus alternatif et « contemporain » que X Japan. J’ai toujours questionné la part d’authenticité de la démarche Visual Kei, notamment les contraintes commerciales qui gangrènent la créativité rock alternative au Japon me semble t’il. Un article sorti récemment sur Pitchfork viendra bousculer mes à priori sur X Japan et attisé mon intérêt. On peut tout d’abord se demander pourquoi on parle d’un groupe de rock japonais sur un site comme Pitchfork et j’en étais agréablement surpris. La raison est qu’un documentaire américain intitulé « We Are X » par Stephen Kijak est sorti en 2016 et présenté au festival du film de Sundance. Je n’ai pas vu le documentaire mais les explications sur la page Pitchfork et ce que j’ai pu lire sur wikipedia nous parle d’un groupe au destin tragique (plusieurs morts chez les membres dont Hide, toujours membre à titre posthume, lavage de cerveau du chanteur par une secte conduisant le groupe à faire une longue trêve depuis 1997) et d’un leader fascinant, tête pensante du groupe, maîtrisant aussi bien la batterie que le piano, et acharné jusqu’à en perdre contrôle. Bref, rien à voir avec les groupes fabriqués de toutes pièces par les studios de production.

Ma curiosité m’amène donc vers un album du groupe, le 4ème intitulé « Art of Life ». La particularité de cet album est qu’il n’est composé que d’un seul morceau long de 29 minutes, mélangeant guitares rapides, orchestrations et passage au piano, avec une mélodie chantée qui revient comme un refrain sous plusieurs formes. Il faut passé le cap de la voix de Toshi et je suis assez peu habitué à ce style de rock progressif. Mais le morceau fascine et s’enchaine avec beaucoup de maîtrise. Je me surprends à vouloir écouter encore et encore ce long morceau, sans que le temps paraisse long tant il se renouvelle sans cesse. Je vous invite à en lire plus sur un article revue du morceau de sputnik music. Je continue maintenant à défricher un peu plus les albums du groupe avec d’abord « Jealousy » et « Blue Blood ».

Mon premier point d’attache avec la musique rock japonaise était Luna Sea, que je découvrais alors que j’étais encore en France à la fin des années 1990 (peu être grâce au feu magazine-fanzine Tsunami). Alors que l’on parle de Visual Kei et de rock lourd en guitares, me reviennent en tête des morceaux de Luna Sea, notamment sur leur meilleur album « Mother », sorti en 1994. Je me remets à écouter leur discographie complète, enfin plutôt les premiers albums. Là encore, il faut une certaine période d’adaptation au style de chant emprunt de romantisme, mais les qualités de la voix du chanteur, la technique et l’inventivité musicale, ainsi que la personnalité singulière des morceaux sont accrocheurs.

Mais revenons à cette soirée de la nouvelle année. Quelques dizaines de minutes avant le passage au nouvel an, NHK nous montre en direct en images le hatsumōde (初詣), la première visite au sanctuaire Shintō, dans un sanctuaire quelque part au Japon. J’aime quand ils choisissent un sanctuaire enneigé entouré de forêts ou de montagnes, mais ça ne sera pas le cas cette année. Un peu avant minuit, les foules se déplacent vers les sanctuaires et depuis quelques années, nous faisons de même au sanctuaire Aoki, dans un des quartiers de Ofuna. C’est un petit sanctuaire en haut d’une colline. Il faut monter un escalier étroit de 100 marches environ pour y accéder. Et il y a foule à minuit. On résiste au froid autour du feu devant le sanctuaire et avec un verre de amazake chaud à la mains. J’aime beaucoup cette boisson non-alcolisé (malgré ce que le nom pourrait laisser penser) qui réchauffe dans les allées froides des sanctuaires. En revenant à la maison et après le bain chaud, on se cache sous le futon jusqu’au petit matin. On n’aura pas le courage de se réveiller pour voir le premier levé de soleil (comme on l’avait fait à Atami, il y a quelques jours, j’y reviendrais). Le matin, je me réveille toujours avant tout le monde dans la maison. J’aime ce moment alors que tout le monde dort encore. Ce matin là, je reste un peu plus longtemps sous le futon pour écouter un peu de musique sur l’ipod, l’album « In colour » de Jamie xx, sorti en 2015. Je découvre cet album sur le tard alors que The xx, dont fait partie Jamie xx (on pouvait deviner), sort un nouveau morceau « On-hold » que j’écoute beaucoup en ce moment, et qui sera sur la track list de leur futur album « I see you ». Il y a d’ailleurs un long article sur Pitchfork. Après l’écoute de « In colour », je reconnais d’ailleurs une influence plus forte de Jamie xx sur le nouveau morceau de The xx, dans la composition, par rapport au style plus minimaliste de leur premier album (je ne connais pas le deuxième album de The xx). J’aime beaucoup « In colour » pour son inventivité et par le rythme des morceaux électroniques. C’est aussi assez intéressant de retrouver les voix de Romy et de Oliver Sim, les deux collègues de The xx, sur certains morceaux de « In colour ». L’album forme un ensemble continu qui se tient bien.

Toujours sous le futon et après avoir fini l’écoute de « In colour », personne n’est encore réveillé dans la maison. Je me mets dans l’idée de revoir l’épisode 4 de Star Wars, « A New Hope« , le premier épisode de la série de Georges Lucas. J’avais revu tous les épisodes l’année dernière après avoir vu l’épisode 7 « The Force Awakens » au cinéma. Je suis en fait aller voir Rogue One la dernière semaine de l’année 2016 au Toho de Roppongi Hills. Cet épisode indépendant de la trame Skywalker a reçu de bonnes critiques dans l’ensemble et je ne vais pas dépareiller. je me demande d’ailleurs si je ne préfère pas cet épisode à l’épisode 7, un peu trop teinté de nostalgie et d’analogie avec « A New Hope ». Certaines critiques nous disent que l’action et le rythme de Rogue One apporte un contraste trop fort avec l’épisode 4 qui le suit directement dans la chronologie Star Wars, mais on ne peut pas reprocher à ce nouvel épisode d’utiliser les techniques modernes de son temps. On apprécie en tout cas une histoire originale, même si on connaît le scénario depuis longtemps car annoncé dans le générique en défilement de l’épisode 4. L’environnement de cet épisode est très travaillé, notamment la ville forteresse de Jedha. On apprécie de se replonger dans cet univers extraordinaire et je ne résiste pas, comme pour « The Force Awakens » à me procurer le livre « The Art of Rogue One » qui nous montre les illustrations de préparation du film par l’équipe d’illustrateurs et designers de Lucasfilm, menés par les deux co-production designers Doug Chiang et Neil Lamont ainsi que par le réalisateur de cet épisode Gareth Edwards. On y découvre beaucoup de prototypes et de d’essais de personnages qui ne verront finalement pas le jour dans le film final. J’ai quand même très hâte de découvrir l’épisode 8 de la série à la fin de l’année (avec les dernières images posthumes de la princesse Princess Leia Organa / Carrie Fisher).

Alors que tout le monde se réveille enfin dans la maison, il est temps de commencer les Osechi avec un ou plusieurs verres de sake. Pour le nouvel an, nous avons pris l’habitude de commander du sake Kokuryu, provenant des montagnes de Fukui. La premier journée de l’année est en général très calme. Après un passage au sanctuaire Aoki juste à côté, nous décidons pour une fois d’aller rendre visite à la grande statue Kannon près de la station de Ofuna. La statue blanche est gigantesque et on ne peut pas la manquer. On trouve un temple bouddhiste au pied de la statue construite dans les années 1960. A l’intérieur, il y a un espace de prière où quatre moines commencent des chants. Je suis surpris par la puissance des voix des moines. On s’assoit quelques instants sur les bancs pour écouter. Dans une petite pièce à côté, des centaines de statues miniatures sont alignées. Elles sont certainement faites mains car elles sont toutes différentes.

Le 2 Janvier, nous allons comme tous les ans au sanctuaire de Enoshima. Nous le savions très bien mais il y a foule pour grimper jusqu’au sanctuaire par la rue étroite bordée d’échoppes. On avance doucement avec en point de mire la porte du sanctuaire, où il faut ensuite prendre son mal en patience dans les escaliers. En ce qui nous concerne, comme je suis dans mes années de yakudoshi, nous avons participé à la cérémonie de purification yakubarai, qui nous permet par la même occasion de passer par une file rapide. Après cette étape de rituel très commune au Japon, précisons-le, espérons que cette nouvelle année se présente sous de beaux jours.

Quand la nuit tombe sur Enoshima, à partir de 5h en hiver, les jardins s’illuminent. Les palmiers verts illuminés ont un petit air de Californie. Aux portes du sanctuaire, les lampes s’allument également et il est temps de rentrer, de reprendre le monorail suspendu qui nous ramènera vers Ofuna. Le soir, il faut terminer les Osechi qui restaient du 1er janvier.

Les 2 et 3 janvier, se déroule la course Hakone Ekiden entre Tokyo et Hakone. Nous la regardons avec beaucoup d’attention depuis 6 ans car l’école de Zoa, Aoyama Gakuin, y participe, du moins l’université de l’école. Aogaku a remporté la première place de cette course allé-retour deux fois de suite (en 2016 et 2015) et est en bonne place pour terminer premier cette année également. Comme tous les ans, nous nous postons aux bords de la route nationale 1 qui verra passer les coureurs, munis de petits drapeaux aux couleurs de l’école. Aogaku a dominé pratiquement toute la course et les coureurs défileront même dans Shibuya dans quelques jours pour fêter cette victoire ininterrompue. On aurait presque souhaité un peu plus de suspense, mais on ne va pas s’en plaindre.

Pour cette dernière journée des congés de nouvel an, nous reprenons la voiture pour la côte du Shonan. Nous apercevons Enoshima, toujours, au loin alors que l’on mange en terrasse sous le soleil hivernal. Il faisait étonnement doux pour ces premières journées de l’année. Nous terminerons nos visites de temples et sanctuaires par le temple Ryukoji à L’entrée de Enoshima, dans les terres. Le train Enoden, en photographie ci-dessus, passe aux portes du temple, mais nous ne l’emprunterons pas cette fois-ci.

Pour terminer ce long billet par une note sur le blog, contrairement à l’année dernière à la même époque, je ne ressens pas l’envie de faire une pause de blog. D’année en année, le nombre de billets publiés sur Made in Tokyo est en constante diminution (35 billets en 2016 contre 44 en 2015 et 55 en 2014), mais l’envie de continuer pour une quatorzième année est toujours présente. En souhaitant une bonne et heureuse année aux visiteurs de Made in Tokyo.