Dragon+

Je me remets aux compositions photographiques, ça faisait longtemps. Sur la première composition, on peut voir une montagne urbaine se dégageant de Aoyama sous un temps neigeux (tiens il a neigé hier soir sur Tokyo), et sur la deuxième composition, une multiplication de temples enfouis dans les nuages comme s’ils se trouvaient en altitude.

Sur la droite, vous aurez peut être remarqué quelques liens supplémentaires notamment vers Tumblr. Je ne pense pas l’avoir jamais mentionné sur ce blog, mais je tiens une page Tumblr depuis quelques années, depuis Mai 2008 pour être précis. Tumblr me sert d’aide mémoire. J’y poste des liens vers des sites, images, vidéos… Je ne suis pas très régulier dans mes updates, mais je m’y suis remis dernièrement. Depuis Autechre, je ne parle plus beaucoup de musique ici, mais je poste plutôt sur Tumblr quelques liens vidéos intéressants que je découvre sur Youtube.

Slowly boiling

En photos modifiées ci-dessus, nous sommes d’abord à Kamakura devant le Performing Arts Centre, ensuite à Sendagaya devant le Tokyo Metropolitan Gymnasium par Fumihiko Maki et finalement au croisement de Shibuya. Je prends aussi régulièrement en photo le bâtiment près de la gare de Shibuya, le nouveau landmark Hikarie de Tokyu. Je traque ainsi les évolutions de cet énorme building. Sur la dernière image, nous sommes à Yokohama sur le toit du Bay Quarter.

Musicalement, sans surprise, l’emprise d’Autechre sur mon environnement musical ne se relâche pas. Je ne lâche pas prise car il y a encore beaucoup de morceaux à découvrir et je découvre toujours des petites perles, ce qui me fait continuer dans ce voyage musical en écouteurs. Je n’avais pas encore écouté le premier album d’Autechre, Incunabula, car je le pensais moins abouti que les albums suivants, mais en découvrant quelques morceaux, j’aime beaucoup, notamment Basscadet. Quand on pense que cet album date de 1993, bientôt 20 ans… L’ambiance ne diffère pas vraiment des autres albums mais le traitement est plus atmosphérique qu’expérimental. Je repars ensuite sur quelques eps. Le morceau Cap.IV sur le ep Gantz Graf est encore une exception musicale, une sorte d’aliénation musicale qui s’adoucit parfois avec une mélodie qui apparait mais dont le final est un emballement électronique incontrôlable. Ce qui est intéressant c’est que même à travers ces moments de bruits assez extrêmes il faut bien l’avouer, se dégage un rythme voire une mélodie. J’écoute aussi Maphive 6.1 sur EP7. Le morceau démarre avec une ambiance un petit peu heroic fantasy. Je n’aime pas tellement faire ce genre de comparaisons, car le morceau étant polymorphe, il change d’atmosphère assez rapidement. Mais ce morceau dans son ensemble a tout de même une ambiance cinématographique. J’aime les sons de Etchogon-S sur Move of Ten, l’album le plus récent d’Autechre, et surtout la façon dont ils s’additionnent et se font échos. C’est un morceau que j’apprécie autant pour sa construction que pour la texture de chaque unité sonore. Et ensuite, il y a des gros morceaux. On les trouve sur Untilted notamment, des morceaux polymorphes également qui s’étalent sur plus de 10 minutes. LCC par exemple commence de manière assez agressive mais le son se transforme et s’enrichit petit à petit jusqu’à ce qu’une mélodie en fond prenne le relais et s’empare du focus du morceau. Les morceaux d’autechre jouent la plupart du temps sur plusieurs niveaux qui prennent le focus alternativement. Sublimit également sur Untilted tend parfois vers le minimalisme. J’ai l’impression que cet album est peut être un des plus difficiles d’approche mais contient la substance la plus essentielle et la plus dépouillée de la musique d’Autechre. Une musique qui a beaucoup d’élégance et qui ne tombe jamais dans la facilité. Les albums suivants, Quaristice ou Oversteps reviennent vers une approche plus étoffée et même à la limite de l’électronique mainstream. Sur d-sho sub sur Oversteps par exemple, on est surpris d’entendre des enchainements de notes si « évidentes ». Enfin, bien sûr, ça ne dure pas très longtemps et ce brin musical pop est vite perturbé par toute sorte de larsens électroniques. On entend le même style de perturbations mais de nature différente sur known(1) où ce sont des filets de musique aiguës passés en vitesse accélérée. J’aime bien le ep Envane et plus particulièrement depuis que je sais que la pochette représente Falling Water de Frank Lloyd Wright (voir les commentaires d’un billet précédent pour les photos comparées). Il faut croire que cette maison Falling Water me poursuit car même mon dentiste possède un bouquin sur l’histoire de la construction de cette maison. Je l’ai feuilleté dans la salle d’attente. Sur Goz Quarter que je découvre cette fois-ci sur cet ep, j’aime surtout la mélodie hésitante, le scratch des premières influences d’Autechre et la mélodie lente et mélancolique qui prend tranquillement le dessus. On retrouve souvent une ambiance mélancolique, sur le morceau Nil sur Amber également, un morceau très beau et calme. Second Scepe sur la compilation EPS 1991-2002 a la particularité de contenir des samples de voix, ce qui est assez rare. La musique d’Autechre, étant électronique, n’en est pas moins très humaine, car elle ne fonctionne pas comme un machine pré-programmée, mais est pleine de sursauts et d’imprévues, pleine de sentiments également. Beaucoup rapprochent cette musique à un monde robotique, mais je n’ai personnellement pas cette impression. On termine cette épisode Autechre par le morceau Cichli sur Chiastic Slide, qui complète un peu plus ma collection (jusqu’au prochain épisode). Je suis conscient que tout ce monologue ne va peut être intéresser qu’une ou deux personnes, mais que voulez vous, je me sens le besoin d’écrire tout ça (et au point où j’en suis sur la fréquentation du blog).

Je n’écoute pas qu’Autechre, mais si on reste dans l’électronique compliquée, j’aime le morceau Itsuko de Richard Devine, le rythme rapide et industrielle de Atlas de Monolake (Robert Henke) (j’ai d’abord été attiré par la pochette avec une superbe photo de turbine d’avion). Atlas par exemple est un bon morceau, mais beaucoup plus mécanique et systématique qu’un morceau d’Autechre. Dans un style un peu différent, j’écoute aussi l’instrumental électrique Feathers de Andrew Weatherall dont le début me rappelle un petit peu Mildred Pierce de Sonic Youth sur Goo. J’ai d’abord écouté ce morceau pour son titre après avoir fait mon tour quotidien sur le très beau blog de C et M Crying Feather. Et finalement, j’écoute aussi Björk . Je jette toujours une oreille sur sa musique mais j’avais vraiment décroché ces dernières années. Elle partait dans un style qui ne parlait pas du tout. Les premiers morceaux du nouvel album Biophilia sont plus proches de ce qu’elle a pu faire auparavant et j’aime beaucoup Crystalline et Cosmogony.

Et pour revenir sur le titre qui fait allusion à de l’eau bouillante. Elle m’a servi comme couche(s) de superpositions sur ces photos de Shibuya, Kamakura et Yokohama,

(temporary title)

Quelques compositions photographiques d’une réalité distordue comme peut l’être la musique d’Autechre. Je me suis pris de passion depuis une semaine pour la musique électronique de ce groupe. A vrai dire, je n’ai jamais entendu une musique aussi intéressante et novatrice que celle-ci. Comme ils ont une discographie assez vaste, ça permet de se laisser aller à la découverte. Je cherche les avis sur les forums, sur iTunes et sur youtube et j’alterne les morceaux dans ma playlist entre les premiers albums plutôt « conventionnels » du groupe et ceux du début des années 2000 où l’expérimentation a pris le devant. C’est intéressant de lire les avis tranchés sur ce groupe et sa musique. Confield est un point de rupture et également l’album le plus controversé par sa difficulté d’accès. L’approche est tellement radicale que certains peuvent ce demander s’il s’agit de musique. Le morceau Pen Expers notamment est particulièrement représentatif par ses rythmes secs et apparemment désordonnés. Il faut un peu de temps et quelques écoutes pour comprendre la logique du morceau qui se révèle petit à petit, jusqu’aux nappes mélodiques tremblotantes du milieu du morceau. Ce morceau est vraiment brillant quand on commence à le comprendre et possède un grand pouvoir d’addiction, et peu comme les morceaux V-Proc ou Gantz Graf dont je parlais auparavant. Il est bon d’intercaler avec des morceaux plus mélodiques comme Clipper sur Tri-Repetae pour ensuite revenir sur des morceaux plus mouvementés comme Plyphon sur Quaristice. On devine des mouvements dans ce morceau et les images de cette video amateur aiguillent par sa synchronisation parfaite avec le son. Certains y verront des formes et sons alien ou robotiques, mais j’y devine plutôt des formes vivantes qui se composent et se recomposent, dialoguent comme sur Piezo sur Amber. Les morceaux se décomposent souvent en cours de route pour former un autre rythme, comme sur Reniform Puls sur Draft 7.30. C’est souvent un exercice cérébral de détecter les moments où le rythme se defait et se reconstruit, parfois d’une manière pas tout à fait évidente et à la limite de la perte de contrôle des compositeurs sur leurs machines. Il y a une espèce d’alchimie chez Autechre qui fait qu’on s’accroche aux morceaux alors qu’ils sont à priori inhospitaliers. Foil sur Amber est également un très beau morceau, plus classique car plus ancien. Il est tout en réverbérations et en montée et descente d’intensité. Laughing Quarter sur Envane est assez immédiatement abordable, un peu comme le plus récent Yuop sur Oversteps, bien qu’assez vite les notes s’embrouillent …

Structure and clouds

Une structure florale et un champ de nuages sur un visage. Il s’agit de deux images assez anciennes et modifiées. L’architecture florale a vécu chez nous pendant quelques semaines avant de partir vers d’autres horizons. Le visage dans les nuages fait écho à une composition du photobook in Shadows en page 137 (ou page 69 sur la version web).

Je n’avais pas beaucoup parlé de recueils photographiques ces derniers mois pourtant je me suis procuré quelques très beaux livres. Comme d’habitude je tourne autour d’un bouquin pendant des mois avant de l’acheter, je le découvre et re-découvre plusieurs fois en librairie. A commencer par un recueil de Hiroshi Sugimoto que j’avais pu découvrir il y a 5 ans en exposition à Roppongi Hills. J’avais aimé son interprétation de la photographie d’architecture, mais avais été à l’époque plus attiré par les photos d’intérieur de théâtres en longue exposition ou les horizons océaniques. J’avais vu par hasard il y a environ 4 ans un livre consacré à ses photos d’architecture à la librairie Libro de Shibuya. Ces images me sont depuis restées en tête jusqu’à ce que je retrouve un exemplaire au Kinokuniya de Shinjuku. Architecture est un très beau livre de 160 pages édité par le musée d’art contemporain de Chicago. Sugimoto nous montre 100 ans d’architecture à travers des photographies volontairement hors focus. Il s’agit pour beaucoup de bâtiments d’architecture moderne et d’architectes renommés. On y voit certaines oeuvres clés de Le Corbusier, Tadao Ando, Zumthor, Mies van der Rohe… Malgré le niveau très accentué de flou, ces bâtiments sont immédiatement reconnaissables. Cette représentation efface tous détails et touche à l’essentiel des formes architecturales. Sugimoto aime travailler sur la durée, la notion de temps qui s’écoule. Ces photos sont comme une empreinte dans la mémoire, une image qui nous reviendrait en mémoire après de nombreuses années. Notre mémoire ne se souvient peut être pas de tous les détails mais de l’essentiel des formes.

Plus récemment, je me suis procuré un livre magnifique de profondeur de Yoshihiko Ueda: Quinault. Là encore, je l’ai bien feuilleté des dizaines de fois en librairie avant de me le procurer. Quinault est un parc forestier aux Etats Unis près de Seattle. Les photos de ce recueil datent du début des années 1990. On est saisi par les couleurs et la profondeur de cette forêt, qui semble sombre et impénétrable. Je pensais initialement que ces photos avaient été prises à Yakushima car on y sent la même humidité et le côté à la limite du fantastique sur certaines images. L’impression grand format de superbe qualité joue beaucoup sur la force d’attraction qu’exerce ces photographies. J’aime l’ouvrir régulièrement pour regarder quelques photos et me perdre dans les fougères.

Dans un autre style mais également un livre que je connais depuis longtemps, Skin of the Nation est publié par le musée d’art moderne de San Francisco à l’occasion de l’exposition du même nom du photographe Shomei Tomatsu. J’avais en fait découvert cette exposition et photos de Tomatsu à travers un billet de Izo il y a 5 ans alors que l’exposition itinérante démarrait à Nagoya, la ville où Tomatsu est né en 1930. Il s’agit d’une rétrospective du travail de Shomei Tomatsu: l’après guerre et ses blessures, la présence américaine, les vies souterraines pour terminer vers les terres et mer du sud du Japon à Okinawa. Il y a beaucoup de photographies fortes et marquantes.

Pour terminer en s’éloignant de la photographie, je découvre Basara de Tenmyouya Hisashi, distribué par la Galerie d’art Mizuma qui propose beaucoup de belles choses. Ce livre fait un tour de revue de l’exposition du même nom qui était une sorte d’ode à la contre culture, celle du bandit, à l’opposé du Cool Japan et de la culture manga de masse. Les artistes de cette exposition sont à la recherche d’une certaine flamboyance jusqu’à l’excès qui tape à l’oeil. C’est une contre culture contemporaine que Tenmyouya Hisashi rapproche de celle de l’imagerie yakuza et en général de l’image du mauvais garçon, entre moto de bosozoku et tatouage de yakuza. Il nous montre également les sources de cette culture depuis l’ère Jomon et à travers les époques. Tenmyouya Hisashi mélange également des symboles de la culture ancienne traditionnelle et des sensibilités beaucoup plus contemporaines. En feuilletant ce livre, je retrouve beaucoup de choses que j’ai aimé ou qui m’ont tapé dans l’oeil par le passé ou plus récemment. Dans le désordre, j’avais été déjà très surpris par ces mélanges d’imageries traditionnelles et contemporaines de Tenmyouya Hisashi (l’avion de guerre ci-dessous mélangé à une calandre de moto de bosozoku sur panneau doré), tout comme ceux de Akira Yamaguchi. Le livre nous montre également des panneaux dorés de Tohaku Hasegawa vus à Kyoto, l’armure de samouraï avec le signe de l’amour vue à Uesugi jinja à Yonezawa, la statue gigantesque Magokoro zo de Gengen Sato ou la grande porte du temple Toshogu de Nikko. Le rapprochement qui est fait entre le Toshogu et les camions décorés Decotora est intéressante. Ces camions customisés semblent prendre leur inspiration dans les formes brillantes et grandiose des ornements du Toshogu. On y parle aussi de gens que nous connaissons comme Hisashi Narita ou le chanteur de Kishidan. Mari était d’ailleurs aux Beaux Arts de Tokyo pendant la même période que Manabu Ikeda, que je découvre moi plus récemment.

Je découvre Manabu Ikeda à travers un livret de quelques pages acheté également sur le site de la galerie Mizuma. Il décrit souvent d’une manière très minutieuse des villes désordonnées se mélangeant avec la nature pour donner des formes organiques fantastiques. C’est vraiment impressionnant sur le papier, mais ça doit donner un tout autre effet vu en grand dans une salle d’exposition.