Les quelques images composées ci-dessus sont issues de l’inspiration musicale qui va suivre. En l’écoutant devant l’écran de mon ordinateur, cette musique m’inspire des images nuageuses dans lesquelles viennent se fondre des personnages fantomatiques, comme le filet d’une voix douce pourrait se laisser noyer dans des vapeurs musicales.
La musique que je découvre cette fois-ci est extrêmement délicate. C’est celle de l’album Beautiful case de l’artiste Cuushe sur le label japonais Flau. Le premier morceau Sort of light installe tout de suite le style et l’atmosphère qui va se prolonger tout le long des 10 morceaux de l’album. Il s’agit de dream pop électronique mêlant atmosphère musicale hypnotique à une voix vaporeuse, celle de la compositrice Mayuko Hitotsuyanagi. Certains morceaux prennent des accents plus pop et rythmés, ou lancent parfois des boucles musicales avec des répétitions de paroles à l’infini ou presque, qui nous poussent au rêve. Un article du Japan Times présentant le label Flau et l’artiste Cuushe par la même occasion évoquait certains liens de style avec Cocteau Twin ou Beach House, mais j’ai un peu de mal à y voir une ressemblance ou une influence. Ceci dit, je ne connais pas tous les albums de ces deux groupes. En fait, en écoutant cet album de Cuushe, me vient plutôt en tête la musique féérique des islandais de Múm. La musique de Beautiful case m’inspire l’image de la beauté confinée d’un espace intérieur à l’abri du bruit extérieur de la ville. Ce petit espace musical protégé se présente comme un rêve à l’écart de toute chose. Cette impression de confinement, je la reproduis en quelque sorte à ma façon en écoutant ces morceaux sous écouteurs dans le paysage urbain tokyoïte, en ignorant sa violence sonore.
Image provenant de la vidéo disponible sur YouTube du morceau I Dreamt About Silence de l’album Beautiful case de Cuushe.
En écoutant cette musique, je réalise qu’il y a vraiment beaucoup de belles choses dans le paysage musical japonais, mais il faut aller ailleurs que dans le mainstream pour les trouver. Le Japon musical mainstream est très doué pour répéter des formules jusqu’à l’écœurement ou pour aplanir tout ce qui dépasse pour ne garder à la surface que ce qui peut être réutilisé à des fins commerciales, que ça soit pour illustrer des publicités ou des séries télévisées dramatiques (aux deux sens du terme). Certains artistes désormais mainstream comme Sheena Ringo en ont abusé ces derniers temps, au point qu’on ne sait plus si le morceau est une commande pure d’une agence publicitaire avec placement produit ou une véritable œuvre artistique. J’aime beaucoup Suiyoubi no Campanella (Wednesday Campanella), mais un des morceaux assez récents intitulé Gala promouvant une marque d’alcool pétillant m’a fait douter de l’authenticité artistique du groupe au point où je n’ai plus eu du tout l’envie de m’investir dans l’écoute de leur dernier album Galapagos. Et pourtant, j’avais beaucoup aimé et ai beaucoup écouté tous les albums précédents. Wednesday Campanella a en quelque sorte perdu son pétillant (son « spark ») depuis ce morceau là. Même la collaboration internationale avec Chvrches sur le morceau Out of my head me paraît sans envergure, sans l’originalité qu’on connaissait de Wednesday Campanella. Je ne déteste pas le côté ultra-pop de Chvrches, mais pour ce morceau, c’est malheureusement sans aucune originalité sonore et la vidéo façon manga est d’un convenu des plus ennuyeux. Je me tourne désormais de plus en plus vers la musique indépendante qui m’offre beaucoup plus de satisfaction sonore.
Tokyo se distord de manière énigmatique, comme pour ajouter à la complexité des enchevêtrements urbains existants. Je n’avais pas pratiqué ce type de trituration de l’espace depuis quelques temps, mais j’aime m’y remettre de temps en temps. C’est en quelque sorte ma façon de représenter la dualité amour et haine pour cette ville (phase III), la plupart du flot de photographies de ce blog appartenant au premier aspect tandis que ces deconstructions de l’espace prennent le pendant inverse et agissent en quelque sorte comme une soupape d’échappement.
J’ai tout de suite été attiré par le nom de cette exposition au 21_21 Design Sight de Tokyo Mid Town intitulée Audio Architecture, en imaginant la manière dont l’exposition viendrait mettre en relation la musique et l’architecture. Le thème de l’exposition était un peu différent de ce que j’imaginais car il s’agissait plutôt d’architecture musicale. Le directeur d’exposition Yugo Nakamura avait pour ambition de construire un espace inspiré d’un morceau de musique créé spécialement pour cette occasion par Keigo Oyamada aka Cornelius. Cet espace est conçu par le designer d’intérieur Masamichi Katayama, le graphisme par Masakazu Kitayama et le morceau de musique de Cornelius est illustré par les vidéos de 8 artistes, montrées dans un espace tout en longueur. Le spectateur s’assoit à même la scène ou à l’arrière sur des escaliers dans le noir le long du grand écran de projection. Les 8 vidéos sont projetés en continu les unes après les autres sur ce grand écran. Comme on est assis sur la scène, l’effet d’immersion est assez saisissant. Toutes les vidéos accompagnent un seul et unique morceau qui se répète sans cesse, et c’est un peu dommage car après la quatrième ou cinquième vidéo, on finit par saturer un peu de cette musique qui se répète. Ou alors, il faut être fan de Cornelius, ce qui n’est pas tout à fait mon cas. Le musicien a une certaine notoriété et une communauté de fans, certainement depuis son précédent groupe appartenant à la mouvance Shibuya-Kei. En ce qui me concerne, la voix de Oyamada et cette musique, certes très technique et travaillée, m’ont toujours laissé un peu froid et ne provoque pas en moi d’émotion particulière. Les vidéos sont de qualité et d’intérêt variables. J’aime beaucoup la première vidéo, celle de Keita Onishi avec ces formes simples en trois dimensions, car elle remplit bien le cahier des charges en interagissant de manière synchronisée avec la musique ou avec les paroles du morceau. Les paroles sont d’ailleurs assez basiques, composées de doublets aux sens opposés (« Light / Shadow », « Chaos / Order », « Sound / Silence »…). Alors que je m’attendais à ce que toutes les autres vidéos interagissent d’une manière similaire mais à leur façon avec le rythme du morceau et ses mots, ce n’était pas tout à fait le cas. J’avais même l’impression que plus on avançait dans les vidéos, plus elles se désolidarisaient de la musique, au point où je ne voyais plus vraiment la relation entre la vidéo et la musique, qui est sensée être le support de la vidéo. Sur les 8 vidéos présentées, j’aime beaucoup les quatre premières, notamment une vidéo avec des lignes de lumières filantes par Hiroaki Umeda, une autre avec des formes rondes brouillonnes de couleur rougeâtre qui se mélangent devant nous (Kazumasa Teshigawara) ou encore la vidéo par Ryo Orikasa montrant des formes géométriques fluorescentes flottant dans l’espace noir. Une autre salle de l’exposition, la première salle en fait, nous montrait une version live du morceau dans un studio d’enregistrement.
Extraits des vidéos par Keita Onishi et Kazumasa Teshigawara disponibles sur ma page Youtube – les enregistrements d’une quinzaine de secondes étaient autorisées.
Au final, je garde un avis assez mitigé sur cette exposition. J’aurais aimé y voir une interaction plus évidente et poignante entre musique et vidéo qui créerait un ensemble indissociable. Le morceau de Cornelius n’est pas désagréable à l’écoute et à la limite expérimental par moment (coupure au milieu du morceau, et cacophonie bruitiste à un moment du morceau), ce qui n’est pas pour me déplaire, mais j’aurais aimé pouvoir écouter d’autres morceaux, par d’autres musiciens invités pour varier les plaisirs et ne pas tomber dans l’ennui en se forçant un peu à rester jusqu’à la fin des 8 vidéos.
Photographies extraites des videos des morceaux Gantz Graf par Autechre et T69 Collapse par Aphex Twin, disponibles sur Youtube.
Quand on parle d’architecture musicale, Autechre me vient tout de suite en tête car leur musique est une construction complexe d’éléments sonores et de couches de sonorités. Je dirais d’ailleurs qu’Autechre est proche du style architectural deconstructiviste et si je devais les comparer à un architecte, je penserais tout de suite à Frank Gehry. L’approche architecturale de la musique d’Autechre et même d’Aphex Twin est beaucoup plus puissante que ce que j’ai pu écouter pendant l’exposition Audio Architecture. Également, la manière dont les éléments graphiques interagissent avec la musique dans la vidéo Gantz Graf d’Autechre est tout simplement impressionnante. Je suis comme hypnotisé à chaque fois que je regarde cette vidéo, par la précision des mouvements calqués sur la musique et la beauté organique de cette machine froide qui semble pourtant bien vivante et même luttant pour survivre. D’une même manière, la vidéo non officielle créée par un fan du morceau plyPhon des mêmes Autechre est également d’un excellent niveau en terme de synchronisation entre images et musique. L’assemblage de formes architecturales qui se construisent petit à petit y est percutant. Le tout nouveau morceau d’aphex Twin intitulé T69 Collapse joue aussi beaucoup avec l’architecture. Les formes se distordent au rythme des sons électroniques et c’est du plus bel effet. On a même un peu de mal à suivre le rythme des images, tant ça bouge. Quel plaisir de retrouver Aphex Twin! Syro, sorti en 2014, reste pour moi un des meilleurs albums de musique électronique. Aphex Twin est un véritable architecte sonore. En fait, avant d’aller voir cette exposition Audio Architecture, j’avais ces images fortes en tête des vidéos d’Autechre et d’Aphex Twin, et j’attendais peut être trop d’une exposition avec un titre pareil. J’aurais tant voulu y voir une installation vidéo musicale qui m’inspire et m’enthousiasme mais la musique de Cornelius n’était malheureusement pas à même de créer un choc émotionnel, et les logistiques d’espaces par Katayama étaient certainement trop fonctionnelles et pas assez artistiques à mon avis.
En parlant de Frank Gehry, la dernière fois que je suis venu dans cette galerie d’exposition 21_21 Design Sight, c’était en Novembre 2015 pour l’exposition Gehry has an idea. J’aime revoir cette architecture biseautée et pratiquement souterraine de Tadao Ando. Après l’exposition, je m’attarde quelques minutes dans le hall au sous-sol pour observer le béton, notamment cet escalier qui semble en lévitation et la lumière qui pénètre depuis les hauteurs dans l’enceinte du hall par de grandes baies vitrées. Je trouve que le graphisme « Audio Architecture » dessiné par Masakazu Kitayama fonctionne bien dans la pénombre de la partie intérieure du hall de la galerie. Une fois à l’extérieur, je constate que le bâtiment reste impeccable. Le béton et la toiture biseautée en pente sont inaltérés par le temps et les intempéries.
Dans la même journée, je suis passé voir l’exposition de Hiroto Ikeuchi au dernier étage du Department Store Seibu à Shibuya. Je connaissais déjà les masques cyberpunk créés par Ikeuchi, pour les avoir vu il a plus d’un an en exposition au même endroit. Je suis d’ailleurs attentivement les évolutions de son travail à travers Twitter. Il utilise divers objets électroniques qu’il assemble de manière à créer des genres de masques ou de casques tout droit sortis d’un film d’anticipation. La beauté et le « réalisme » de ces objets de science fiction sont saisissants. Sur Twitter, il montre régulièrement les objets qu’il crée portés par des modèles souvent féminins. J’aime beaucoup l’esthétique futuriste de ces objets. それだけで十分だった。
Marcher sur les fissures des plaques tectoniques. Contrer les bourrasques de vent des typhons. Les typhons s’enchaînent sans répit. Le numéro 21 s’appelait Lan et celui qui nous a frappé le week-end passé s’appelait Saola. Dans ces cas là, on reste à l’intérieur en attendant que ça passe.
La musique électronique de Clark sur cet album Death Peak que je mentionnais dans un billet précédent continue à m’inspirer visuellement avec ces trois compositions de photographies. La musique de Death Peak, comme souvent chez Clark, est parfois volontairement dissonante (« Butterfly Prowler »), mais d’une manière assez subtile. Elle peut également mélanger dans un même morceau des voix fragiles avec un son brut comme de la tôle qui se froisse (« Hoova », « Un U.K. »). On ressent comme une sensation de beauté fragile dans un monde hostile, surtout quand le rythme s’accélère soudainement. En écoutant la musique de Clark, l’envie me vient régulièrement de réécouter le morceau « Future Daniel » sur l’album plus ancien Totems Flare, surtout la deuxième partie lorsque le rythme est saisi d’une urgence qui conduit la machine à dérailler au final. Cette musique m’inspire la deconstruction de l’image comme sur les trois compositions ci-dessus.
Notre route part vers l’infini. Chaque pas nous éloigne un peu plus. Le monde disparaît sous nos pieds. S’arrêter nous ferait disparaître. L’étrangeté de ce son nous attire. Il envahit les méandres du cerveau. L’écouter nous entraine dans une boucle à l’écart du monde et du temps. Il nous faut pourtant reprendre la route. Inlassablement. Inexorablement.
La boucle cette fois-ci est celle d’Aphex Twin sur le long album de plus de 2 heures intitulé Selected Ambient Works Volume II. Je peux difficilement m’accorder deux heures d’affilée dans une journée le soir pour écouter l’album en entier tout en développant ce qui apparaîtra sur Made in Tokyo. Mais quand je l’écoute, les morceaux de cet album qui rebouchent sans cesse sur eux même se font en même temps oublier et omniprésents.
De Burial, je ne connaissais que le morceau « Archangel », et deux autres morceaux du EP Street Halo, mais un article sur Pitchfork me rappelle qu’il faut que j’explore un peu plus cette musique dubstep. L’atmosphère de l’album Untrue est sombre et inquiétante. Les voix semblent sortir d’un espace vaporeux et fantomatique. C’est une musique faite pour la nuit. Elle ressemble à la traversée d’une cité post-industrielle. On la traverserait en voiture, doucement en transperçant des nappes nuageuses. Samedi soir dernier, alors que je suis seul dans la voiture, j’écoute cet album en montant le son un peu plus haut que d’habitude, pour l’ambiance. Mais il n’y a pas d’atmosphère nuageuse sur Shibuya ce soir là, plutôt une pluie intense dans les rues. En me noyant quelques instants seulement dans la foule de Shibuya au croisement, j’en retire ces deux photographies ci-dessus à l’atmosphère fantômatique.
Alors que je m’étais décidé à terminer ma série de megastructures en créant une page dédiée appelée Megastruktur en en-tête du blog, l’envie me revient de créer une nouvelle composition dans ce style. J’ai créé cette structure flottante faite de surfaces de buildings depuis quelques temps, plusieurs années peut être, mais je ne l’avais pas encore placée dans son environnement tokyoïte. Ici, la structure se trouve au dessus du centre de Shinjuku. Bien que j’en avais pas l’intention initialement, il est fort possible que j’ajoute de temps en temps de nouvelles megastructures au dessus de Tokyo dans ma série.
Un billet de mahl sur son blog m’interpelle car il nous parle de son exercice régulier d’écriture sur des carnets – papier, comme une alternative à l’écriture sur un blog – électronique. Je ressens également ce besoin d’écrire régulièrement et jusqu’à récemment je le faisais uniquement sur Made in Tokyo. J’ai commencé à tenir un journal papier il y a plus de deux ans. A défaut de l’appeller journal intime, je l’appelais plutôt journal de bord. Il me servait d’abord à écrire des textes personnels que je ne pouvais pas écrire sur un blog, car trop personnel justement. Les périodes les plus difficiles étaient propices à l’écriture. Ce journal de bord est petit à petit devenu un carnet de préparation des billets que je publierais ensuite sur Made in Tokyo en les recopiant et en ajustant au passage certains mots et phrases. Depuis plus d’un an, pratiquement tous les billets de Made in Tokyo passent donc d’abord par cette préparation sur papier. Je me suis rendu compte que d’écrire sur papier me permettait une plus grande concentration par rapport à l’écriture directe sur un écran d’ordinateur. Ces carnets me permettent également d’y conserver des images, des tickets de musée, des essais de dessins, des mots clés de sujets qui m’interessent en vue d’une recherche ultérieure sur internet… Et puis, je prends un plaisir certain à reprendre l’écriture au stylo plume, que je n’avais pas utilisé depuis mes années d’étudiant. L’envie de concentrer ma modeste écriture sur papier seulement dans des carnets, plutôt que sur le blog, se fait très souvent sentir. À vrai dire, écrire sur internet sur un blog est censé avoir pour finalité le partage, mais ne va pas sans certaines frustrations parfois, lorsque par exemple, un billet qui a pris un certain temps à écrire n’est en fait vu que par très peu de personnes ou qu’on s’attend à des réactions sur certains billets qui nous semblent importants. Dans ces situations précises qui arrivent régulièrement, l’envie de faire table rase du blog tourne en boucle dans ma tête. Si j’étais impulsif, je l’aurais fait depuis longtemps, mais ça aurait été un grand tord. Dans ces moments là, je me replonge dans les archives du blog, je feuillette quelques billets d’un ou deux mois pris au hasard des 14 dernières années documentées sur Made in Tokyo. Je ne sais pourquoi mais je suis persuadé que Made in Tokyo a un destin plus grand que quelques billets publiés dans un recoin d’internet. C’est cette illusion qui me fait continuer de semaines en semaines et d’années en années, sans faiblir, ou très peu. Ou peut-être s’agit il seulement du besoin d’écrire en français qui se fait plus fort au fur et à mesure des années.
Ce long serpent à la couleur grisâtre couvre un tunnel routier. On peut marcher le long des deux côtés du tunnel ou rouler à vélo d’un côté seulement. Je ne savais plus vraiment où il était mais je l’ai retrouvé il y a quelques mois lors d’une promenade en famille. La photographie ci-dessus est prise après la visite de l’exposition Tadao Ando au NACT. Je fais un détour à vélo pour passer à côté du long serpent avant de rejoindre « Church in Hiroo » (du même architecte).
Cette rue en pente se trouve entre Naka-Meguro et Ebisu. C’est un de ces endroits que j’aime emprunter même si j’ai toujours un peu de mal à retrouver son emplacement exact, un peu comme pour le tunnel grisâtre au dessus. Cela fait partie du charme de l’endroit, de garder un certain secret. La photographie ne le montre peut être pas trop mais cette pente appelée Bessozaka est extrêmement accentuée et il est à peine possible de la monter à vélo. La dernière partie de la rue en haut de la colline se termine d’ailleurs en cul-de-sac avec un escalier. Au moment où je prenais la photographie, un couple commençait son ascension dans les rayons de soleil en bas de la rue. J’aime l’ambiance de cette photographie et ces recoins introuvables de Tokyo.
Après l’album Dig Me Out, je continue avec passion d’écouter le rock viscéral de Sleater-Kinney avec trois autres albums The Hot Rock (1999), One Beat (2002) et le plus récent No Cities To Love (2015). Après plus de 10 ans de hiatus jusqu’à ce dernier album de 2015, on retrouve la même tension permanente, comme une complainte, la même urgence que les albums précédents. J’aime ces voix qui se mélangent, celles de Carrie Brownstein et Corin Tucker, et le fait qu’elles ne lâchent rien, qu’elles ne semblent pas s’assagir en gardant cette ligne directrice du rock de combat. Et ce ne sont pas les combats qui manquent vue l’actualité de ces dernières semaines.
Les cinq photographies prises à Shibuya sont volontairement perturbées par le bruit urbain. Nous sommes pourtant dans des rues assez calmes de Tokyo, mais le sur-plein de la ville m’inspire régulièrement ce type de compositions. Je fais un peu moins ces derniers temps de compositions graphiques. Cela a d’ailleurs toujours été un dilemme pour moi en terme de direction à suivre entre photographies « authentiques » qu’on pourrait catégoriser comme « straight photography« , et les compositions graphiques qui altèrent volontairement le décor urbain et donnent à Tokyo un aspect différent. J’appelle cela « shoegazing photography » car, comme pour la musique, on se perd dans des nuages de bruits. J’ai une attirance naturelle pour les altérations de l’image comme sur les photographies ci-dessus. C’est un besoin de casser l’image en quelque sorte, mais je n’ai pas poussé l’inspiration très souvent ces dernières années (depuis le photobook In Shadows).
Dans un tout autre style, mais toujours en compositions graphiques, je repense à mes séries que je considère comme « emblématiques » de Made in Tokyo, que sont les séries urbano-végétal et megastruktur. Je viens de regrouper toutes ces compositions construites au fur et à mesure des années sur deux pages que l’on trouvera en liens en en-tête du blog, en dessous du titre Made in Tokyo (pour le moment). Comme pour la série d’illustrations futurOrga également en lien en en-tête, ce sont deux séries que je pense avoir terminé, c’est à dire que je ne pense pas créer de nouvelles compositions ou illustrations de ce style dans un futur proche.
Côté musique, je suis attiré ces derniers jours par le rock de Bikini Kill, du rock punk de la mouvance Riot grrrl. J’écoute les deux premiers albums du groupe, le Bikini Kill EP (1992) et le suivant Yeah Yeah Yeah Yeah (1993), aux accents féministes forts. J’aime beaucoup cette musique sans concessions. Ceci dit, ces deux albums ont dû être enregistrés live car la qualité de la prise de son n’est pas excellente. En même temps, ça contribue à la grande spontanéité de cette musique. Dans une même continuité, je me suis décidé à écouter Sleater-Kinney. J’avais l’album Dig Me Out (1997) dans ma liste des disques à écouter depuis longtemps et j’ai enfin plongé les oreilles dans cette musique rock énergétique et pleine d’urgence, tant dans les voix de Corin Tucker et de Carrie Brownstein que par le rythme rapide des guitares. Alors que Bikini Kill est considéré comme précurseur du mouvement Riot grrrl, Sleater-Kinney en a été très influencé. Tous les albums de Sleater-Kinney sont très bien apprécié sur Pitchfork. Cela annonce de bonnes d’heures dans les oreilles, tant j’aime ce rock là.
Tiens, une anecdote amusante concernant Tobi Vail et Kathleen Hanna du Bikini Kill et Kurt Cobain de Nirvana, sur la page Wikipedia de Tobi Vail:
Vail met Kurt Cobain when he was hanging around with the Melvins in 1986. Cobain played guitar on one of the Go Team songs. Vail and Cobain briefly dated beginning in July 1990. The two discussed the possibility of starting a music project, and recorded a few songs together. Some of these songs ended up being Nirvana tracks. In October 1990 after Dave Grohl joined Nirvana, Hanna and Grohl started dating, making for two couples linking Nirvana to the new band Bikini Kill. Referring to the Teen Spirit deodorant brand that Vail once used, Hanna spray-painted « Kurt smells like Teen Spirit » on the wall of Cobain’s bedroom. Cobain, unaware of the deodorant brand, saw a deeper meaning in the spray-painted phrase, and he wrote the song « Smells Like Teen Spirit » which became a monumental hit song for Nirvana. Cobain and Vail soon split but they remained friends.
Et une autre anecdote sur un des morceaux intitulé « Thurston Hearts The Who » du EP de Bikini Kill. Le Thurston du titre du morceau est bien entendu Thurston Moore de Sonic Youth, comme nous le dit les paroles du début du morceau « If Sonic Youth thinks you’re cool, Does that mean everything to you? ». Dans un article du magazine Spin, Tobi Vail nous explique:
[“Thurston Hearts The Who”] was recorded live in between the time that our EP was recorded and came out. We were living in Washington D.C. and toured the East Coast quite a bit in 1991-92. Whenever anyone played New York, everyone would talk about Kim and Thurston coming to the show as this idea of that’s how your band becomes “cool” or whatever. One night Kathi and I just made up this song as we were falling asleep and we ended up playing it live soon after — maybe a few days later. We thought it was funny. Reading the show review into the mic was in homage to “HC Rebellion” by Pussy Galore. Later on, Sonic Youth were incredibly supportive of us. The song was not meant as a dis. It was our sense of humor, but it was also a way for us to question the “authority” of “the scene” or whatever.
Et pour mentionner un autre lien entre les deux groupes, Kathleen Hanna de Bikini Kill faisait une apparition au côté de Kim Gordon dans la vidéo de Bull In The Heather, de l’album Experimental Jet Set, Trash and No Star (1194).