Oblique et pointe

Samedi, promenade tranquille en famille avant la pluie du soir. Nous marchons dans Aoyama jusqu’au magasin de produits régionaux de Fukui, que j’apprécie notamment pour le sake que l’on y achète de temps en temps. Nous profitons de la terrasse d’un petit restaurant proche pour y déjeuner. C’est agréable, les terrasses; Zoa s’y plait bien. Nous reprenons ensuite la marche dans les petites rues de Aoyama et au hazard d’un magasin, assise sur le bord d’un fauteuil, Henmi Emiri sourit en voyant passer Zoa…

Une ville à l’oblique et qui vacille au gré des vents, Oblikcity. Cette composition prend pour inspiration l’arête oblique d’un nouvel immeuble en construction où se trouvait auparavant le supermarché Kinokuniya à Aoyama.

Avant cet immeuble en pointe, il y avait un célèbre restaurant de sushi, Nobu désormais déplacé à Akasaka. On y construit encore sur une partie du terrain au croisement des rues Komazawa et Roppongi. Cet immeuble en pointe est lui construit depuis quelques temps, mais semble inoccupé. Ne restez pas longtemps devant cette pointe comme une lame, elle donne un mauvais fusui.

Urbano-végétal (18) et quelques liens photographiques

Tiens ca faisait un mois que je ne m’étais pas laissé aller vers de l’urbano-végétal. On se trouve une fois de plus à Yanaka, dans un petit coin préservé avec maisons de bois, survolé par par une structure bleutée voguant vers le centre dense de Tokyo. La structure n’aura peut être pas beaucoup de place pour se poser mais trouvera quand même un petit endroit derrière le Gyre à Omotesando.

Histoire de s’aérer un peu de Made in Tokyo, voici quelques photoblogs ou sites photographiques qui me plaisent beaucoup. Sur la gauche, un photo-montage par Yoichi Kobayashi. Il s’agit de petits moments de magie dans sa série de portraits où une fille sort d’un cadre pour attérir en pleine nature. J’aime beaucoup la légèreté de cette composition qu’on croirait sortie d’un dessin animé de science fiction fantaisiste où l’héroine se téléporte grace à son cadre magique. On imagine un monde de quatrième dimension à l’intérieur du cadre. C’est un montage qui a l’air assez facile à faire, mais très malin. A droite, j’aime beaucoup cette photo compacte de voitures et motos de police prises dans un « embouteillage » inextricable. Cette photo provient de la page flickr Hirano eureka de Toshiki Hirano, plutôt axée photos d’architecture, toujours très contrastées. Apparemment élève de Shin Takamatsu, il nous montre également ses projets universitaires et c’est très intéressant.

Continuons avec les liens photographiques, avec à gauche, des photos de nuit dans des quartiers désespérément vides. Nobuhiro Fukui prend des photos de nuit tous les dimanches dans des quartiers de banlieue sans âmes qui vivent (enfin tout le monde dort ou il prend soin d’éviter les passants). Les photos sont belles et fines malgré la banalité du décor. Les couleurs sont presqu’irréelles, cela donne un sentiment étrange. A droite, pour rester dans les photos de nuit, Shintaro Sato nous propose The Twilight Zone, des vues sur Tokyo depuis des cages d’escalier de secours. Là encore, les couleurs sont iréelles, mais beaucoup plus forcées et moins subtiles que chez Fukui. En vue de dessus, ces photos font ressortir tout l’univers chaotique de l’agencement urbain tokyoite.

Urbano-végétal (16 et 17), forêt sur la mer et villes imaginaires

urbano-vegetal

Deux vieilles maisons de Yanaka, au nord de Tokyo, voguent au dessus de la plage de Hayama ou du parc Sankei de Yokohama. Ces maisons d’habitude coincées dans les villes, se mettent en mouvement pour un voyage libérateur au dessus des zones vertes.

La collection des compositions urbano-végétales, où des morceaux de ville voguent dans les airs, commencent à bien s’étoffer. Ces éléments urbains se mélangent avec le naturel pour une approche imagée et fantaisiste de la ville verte. La nature y reprend ses droits, envahit la ville et la libère de son ancrage terrien. Dans cette série urbaine et végétale, on trouve toute sorte d’éléments urbains: de l’immeuble moderne qui attérit du jour au lendemain comme venu du ciel, des vieilles maisons en bois condamnées à disparaître, n’étant pas aux normes anti-sismiques ou dangereuses en cas d’incendies, s’envolent vers le ciel vers d’autres horizons comme vers un paradis mérité. Tokyo est une ville en mouvement où s’opèrent des changements perpétuels, en espèrant que le végétal soit intégré dans les changements urbains. Cette notion de mouvement, de cycle de changement urbain en intégrant le végétal est une image que je fais passer dans ces compositions urbano-végétales.

Une de mes inspirations initiales pour cette série est l’étude pour Tokyo Fiber City 2050 de Hidetoshi Ohno, où l’architecte-urbaniste propose une réorganisation de la ville en y intégrant du vert, des éléments naturels intégrés à l’intérieur de la ville dans un souci d’améliorer l’environnement général de vie. Dans le numéro 2007 de MxM (Beyond the Modern Movement and for the future Motion), je vois pour la première fois la vision de Tadao Ando pour le Tokyo de 2016, ville candidate aux Jeux Olympiques. Tadao Ando est membre du comité olympique de la ville candidate et réfléchit au design du Tokyo Olympique. La politique est d’utiliser au maximum les installations existantes et construire l’infrastructure manquante: un stade principal à Harumi, un centre média à Tsukiji. Un point intéressant, la vision de Tadao Ando rejoint celle de Ohno, notamment dans la création d’une grande « allée verte » depuis la baie de Tokyo vers l’intérieur de la ville, en passant par le centre vide et vert du palais impérial et vers le grand parc de Yoyogi déjà désservi par l’allée verte de l’avenue Omotesando.

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Pour créer ce couloir vert, Ando propose de « verdir » les toits des immeubles et les cours d’écoles, enterrer les batiments utilitaires, de relier les espaces verts dans la ville. Cette proposition entend lutter contre le phénomène « Urban Heat Island », le réchauffement de certaines zones urbaines, accentué par quelques complexes en bord de baie dénoncés par Ando, comme la barrière d’immeubles de Shiodome ou celle du Shinagawa Intercity. Pour assurer le passage de l’air frais océanique depuis la baie pour une circulation à travers la ville par les allées vertes, Ando propose la mise en place d’une forêt sur la mer. Umi No Mori est un espace non utilisé de 88 hectares sur un polder de la baie de Tokyo. Une forêt de 480,000 arbres grandira sur cette île de détritus d’ici 30 ans (300 arbres ont dejà été plantés en Juillet 2007), et sera le point de départ du passage du vent de l’océan vers le centre-ville. La vision de Tadao Ando réflète sa préoccupation écologique actuelle, elle souhaite aérer la ville tout en améliorant l’environnement urbain.

Pour revenir et terminer sur une note d’imaginaire, le blog BLDGBLOG de Geoff Manaugh nous fait découvrir le travail d’art conceptuel de Daniel Dociu pour des environnements de jeux videos. Il invente des villes extrêmes, des mosquées volantes, des cités industrielles en forme de bombe à retardement ou toutes sortes de machines de guerre. Ses conceptions sont superbes, j’adore tout spécialement cette vue verticale comme une estampe de pagodes en bord de mer, en équilibre improbable sur des falaises et rochers. On aimerait s’y promener, prendre le thé et s’asseoir regarder l’horizon au son de la mer houleuse. Tout ça à condition de ne pas avoir le vertige bien sûr. En lien avec mes compositions urbano-végétales, cet arbre également portant dans ses branches, une ancienne ville de pierre en ruine.

BLDGBLOG est riche en découvertes et curiosités sur divers sujets en lien plus ou moins étroit avec l’architecture et l’urbanisme. L’auteur a un don pour attiser l’intérêt du lecteur, il aime ajouter une dose de mystère. C’est une de mes lectures quotidiennes depuis quelques années.

Résonance musicale

Des ombres de vie naturelle dans le creux des formes abstraites et répétitives d’un immeuble à Akasaka.

Il y a de cela quelques semaines, on m’a contacté par email pour me proposer une collaboration musique/photographie. Le projet ne se lancera très certainement pas. Je ne pense pas répondre aux critères, n’étant pas un professionnel de la photographie et n’ayant pas la disponibilité nécessaire pour ce genre de projets. Toujours est-il que l’approche est intéressante et me parle beaucoup. Il compose et joue sa musique en s’inspirant d’oeuvres d’art, de photographies entre autres. J’étais assez touché qu’on puisse penser à mon travail photographique pour ce genre d’exercice de création musicale. D’autant plus que j’ai moi-même ce sentiment de rapprochement entre le visuel et le musical dans mon approche de la photographie et surtout sur mon travail de développement (numérique). C’est un aspect assez difficile à expliquer et qui ne se concrétise pas souvent d’une manière claire.

J’essaie de retransmettre dans mes compositions photographiques une force que je ressens dans la musique, pas celle que l’on écoute d’une oreille distraite sans engagement dans l’écoute, mais celle qui apporte une force émotionnelle dont on n’arrive pas à se dégager pendant plusieurs jours. C’est une fascination que j’essaie de représenter sans pourtant parvenir à égaler la puisssance de ma source d’inspiration.

Ma retranscription musicale se représente souvent par une accentuation des traits, des contrastes, des ombres ou l’ajout d’éléments perturbateurs. Dans mes créations, je recherche souvent à exprimer une dysharmonie, un déséquilibre que l’oeil mettra un peu de temps à intégrer, comme l’atmosphère calme perturbée par des nuages de guitares excentriques que l’on trouve parfois chez Sigur Rós ou comme une surface bruitiste sur laquelle vient se construire une mélodie chez Sonic Youth, ou comme toute musique expérimentale où l’oreille doit s’habituer, apprendre à repérer, ou construire à force d’écoute, des points d’harmonie.

J’affectionne cette dualité, que j’esssaie de retranscrire dans mes photographies en créant par exemple un parasitage, une introduction d’éléments perturbateurs (des traines noir et blancs, de zones d’ombres, …). Depuis quelques années, j’ai en tête cette interview de Adrian Thaws aka Tricky dans les Inrockuptibles. Il mentionait qu’il aimait parasiter ces morceaux de musique, les triturer après présentation d’une version claire et propre à sa maison de disque. Je ne sais pas s’il le faisait réellemment, mais c’est une approche qui m’a marqué: Partir d’une réalité claire et nette, sans effet de suprise, la triturer, modifier pour en faire sortir un nouvel équilibre.

L’envie d’écrire ce paralèle musique/composition photographique me vient en écoutant Magic Spells, de Crystal Castles, groupe canadien électro-expérimental, tirant leur nom d’un ancien jeu d’arcade. Les compositions lo-fi sont fortement imprégnées de sonorités expérimentales souvent dissonantes, presque parfois inaudibles, sur lesquelles se construisent des compositions mélodiques. Magic Spells est beaucoup plus calme et fascinant que les autres morceaux du groupe. La composition ci-dessus répresente l’architecture comme base froide, comme machine à vivre venant rentrer en résonance avec la mécanique répétitive d’une musique électronique. La mécanique est cependant vivante, faite d’imperfections et d’hésitations apparaissant par ci par là dans la mécanique sonore apparemement bien huilé. Je suis sensible aux notes volontairement faussées, aux dissonances, un faux ton qui ajoute un brin d’imprévu, de vie dans un ensemble pré-réglé. Ma dose d’imprévu dans la composition ci-dessus, ce sont les branchages, éléments de vie dans les creux de formes architecturales mécaniques et répétitives.

Quelques illustrations complémentaires: 1 2 3 4 5 6 7 8 9