Enoshima (江ノ島) est une de nos destinations désormais classiques des débuts ou fins d’année, et j’ai donc montré plusieurs fois des photographies similaires prises à cette même période de l’année. Le Mont Fuji n’a pas daigné se montrer cette fois-ci car le ciel est resté très nuageux, mais nous irons le voir de près un autre jour et j’en montrerais pour sûr quelques photographies. Nous sommes le 3 Janvier 2024 et la foule n’était heureusement pas aussi dense que je l’avais imaginé. Après le déjeuner et un tour du sanctuaire, nous redescendons de la petite montagne formant Enoshima par un chemin de côté en dehors de l’étroite rue principale encombrée. J’aime beaucoup ce chemin piéton tout en escaliers car il zigzague entre les maisons des habitants. J’imagine toujours quelle peut être la vie sur cette île lorsque tous les touristes sont partis et que l’île redevient complètement calme. J’imagine aussi ce que peuvent donner le vent fort et la pluie intense des typhons lorsqu’ils viennent percuter les contours de l’île. En redescendant de l’île, en direction du petit port de plaisance, j’aime repasser dans la rue où se trouve un petit restaurant dans lesquelles ont été tournées des scènes du film Notre petite sœur (海街diary) réalisé par Hirokazu Koreeda. Le film sorti en 2015 raconte l’histoire de trois sœurs Sachi, Yoshino et Chika Kōda (interprétées par Haruka Ayase, Masami Nagasawa et Kaho) vivant dans la maison de leurs grands-parents à Kamakura, et accueillant leur demi-sœur, Suzu Asano (Suzu Hirose). Le film prend son temps dans différents lieux de Kamakura et Enoshima, ce qui me plait vraiment beaucoup. Un site web liste d’ailleurs avec beaucoup de précision les différents lieux de tournage.
Les deux dernières photographies du billet ont été prises au sanctuaire Mitsumine (三峯神社), perdu dans les profondeurs montagneuses de Chichibu dans la préfecture de Saitama. Le sanctuaire est superbe, magnifiquement décoré et implanté dans la forêt en haut d’une montagne. Nous y sommes déjà allés une fois en août 2022. Il faut environ 2h45 de route en voiture pour s’y rendre, ce qui inclut environ 1h20 d’autoroute jusqu’à Yorii à l’entrée de Chichibu puis une autre 1h20 pour traverser Chichibu en longeant par moment la rivière Arakawa (celle qui vient se jeter dans la baie de Tokyo en fin de parcours). La route est très sinueuse et parfois étroite lorsqu’elle traverse un barrage en circulation alternée. Aller jusqu’au sanctuaire de Mitsumine est éprouvant mais vaut clairement le déplacement. Enfin, il faut quand même mieux éviter la période du nouvel an, car nous avons eu la désagréable surprise d’avoir à attendre plus d’une heure avant de pouvoir stationner dans le parking du sanctuaire. Nous avons cette fois-ci participé à une cérémonie de purification Oharai (お祓い). Il s’agit d’un rituel ancien pratiqué par un ou plusieurs prêtres shintō à l’intérieur du haiden (拝殿), une des pièces du sanctuaire situé devant le honden (本殿), bâtiment le plus sacré d’un sanctuaire shinto, exclusivement destiné à l’usage de la divinité vénérée dans le sanctuaire et fermée au public. Nous avons déjà assisté plusieurs fois à ce type de rituel, notamment dans le sanctuaire d’Enoshima, lors des années néfastes qu’on appellent Yakudoshi (厄年). Dans le sanctuaire Mitsumine, je suis assis juste en dessous d’une sculpture de dragon, le signe zodiacal chinois de cette année 2024 et de mon année de naissance. Le rituel dure une trentaine de minutes, c’est un moment précieux dont on se souvient.
Avec l’album Surf Bungaku Kamakura d’Asian Kung-Fu Generation, l’album éponyme de DAOKO (ダヲコ) sorti en 2015 est un de mes albums de chevet en ce moment. De cet album, je ne connaissais en fait que deux morceaux, celui tout simplement intitulé Music (ミュージック) et Suisei (水星). J’avais d’abord découvert la version de Suisei par tofubeats avec Onomatope Daijin (オノマトペ大臣) pour le chant rappé. J’aimais en fait tellement cette version que j’avais porté une attention limitée à la version rappée par DAOKO, présente sur cet album et également composée par tofubeats. C’était une erreur car la version de DAOKO est tout aussi excellente, avec en plus la légèreté et la délicatesse vocale de DAOKO. Ce sentiment d’élégance me reste en tête en écoutant la totalité de l’album. La voix de DAOKO est très présente, tantôt à la limite du kawaii et d’autre fois plus affirmée, mais son rap ne force pas le trait. Il vient en quelque sorte nous effleurer les oreilles. S’il fallait donner un nom de style improbable à cet album, je dirais qu’il s’agit d’ASMR rap. C’est le morceau Ichibanhoshi (一番星) qui m’a d’abord amené vers cet album et je me suis rapidement rendu compte de toutes ses qualités dès la première écoute. L’électronique n’y est pas particulièrement dense ou compliquée mais elle touche juste. L’album fait intervenir plusieurs musiciens qui se partagent la composition des morceaux, à savoir Hideya Kojima (小島英也) aka ORESAMA, PARKGOLF, Kikuo (きくお) et tofubeats comme je le mentionnais ci-dessus. On trouve dans ces compositions tout le charme de l’électronique indé, un brin expérimentale car elle ne donne pas le sentiment d’être surproduite, au contraire des albums qui suivront mais c’est une progression naturelle. Un morceau comme le huitième intitulé Iya (嫌) me donne à chaque fois ce sentiment. Dès le début du morceau, j’adore l’atmosphère sonore légèrement mélancolique que produit PARKGOLF. Il y a également le dernier morceau intitulé Takai Kabe ni ha Ikusen no Door (高い壁には幾千のドア) composé par un Akito Bros (Akito Katayose & 5ive from cos/mes) et qui est assez sublime. Je suis du coup retombé sous le charme de la musique de DAOKO.
Le cheminement qui m’amène vers cet album de DAOKO est intéressant. Ma liste de suivi sur Twitter inclut le compte Pretty Vacant Jap. Je n’aime pas beaucoup le nom mais il me fait régulièrement découvrir des choses intéressantes de l’histoire de la pop culture japonaise sous la forme de photographies ou de courtes vidéos. Je suis loin de regarder toutes les vidéos qui y sont montrées, mais je suis attiré par celle-ci montrant une chanteuse dansant inlassablement d’une manière naturelle. Il s’agit de Chisato Moritaka (森高千里) interprétant Yoru no Entotsu (夜の煙突) avec le groupe Carnation, morceau présent sur son quatrième album Hijitsuryokuha Sengen (非実力派宣言) sorti en Juillet 1989. J’avais aperçu Chisato Moritaka par hasard dans un supermarché d’Ebisu il y a 15 ou 20 ans. Je ne l’aurais reconnu seul et Mari m’a indiqué qui c’était. Son nom m’est resté en mémoire pendant tout ce temps sans que je m’intéresse vraiment à sa musique, qui était principalement populaire dans les années 80. Ce petit extrait vidéo sur Twitter m’amène à regarder la vidéo entière sur YouTube qui finit par me fasciner. Il y a une énergie communicative qui se dégage dans son chant et ses mouvements semblant infatigables. Chisato Moritaka ne chante pas très bien, et elle le sait car ses défauts en tant qu’idole sont même les sujets abordés sur certains morceaux de l’album Hijitsuryokuha Sengen, qu’on peut traduire comme « déclaration de non-qualification ». L’empreinte année 80 des morceaux de cet album est vraiment très présente avec parfois des excès de synthétiseurs, mais c’est ce son là en particulier qui m’attire pour une raison qui m’échappe un peu et m’amène à acheter l’album au Disk Union de Shibuya. Il faut aussi dire que j’aime beaucoup la photographie et le design de sa couverture, avec son côté rétro-futuriste. Au Disk Union de Shibuya, je ne peux m’empêcher de penser que le jeune vendeur me regarde d’un air insistant et interrogateur, comme s’il avait un commentaire à faire sur mon achat. Il n’en est rien bien sûr, mais les vendeurs ont en général une attitude plus neutre que le jeune homme que j’ai devant moi. En fait, je pense que si j’étais vendeur chez Disk Union, je ne pourrais m’empêcher de faire des commentaires sur les achats des clients devant moi, en particulier quand il s’agit de bons albums que j’aurais conseillé si on m’avait demandé mon avis non-qualifié. Finalement, de cet album, je n’aime vraiment que quatre ou cinq morceaux dont ceux intitulés Korekkiri Bye Bye (これっきりバイバ), Kondo Watashi Doko ka Tsurete itte Kudasai yo (今度私どこか連れていって下さいよ), Hijitsuryokuha Sengen (非実力派宣), Yoru no Entotsu (夜の煙突) et quelques autres. A part Yoru no Entotsu qui est plutôt rock, mes préférences vont vers les morceaux qui sont denses en sons électroniques très typés années 80. Et dans les morceaux d’autres albums, j’aime beaucoup le morceau The Mi-ha (ザ・ミーハー) et surtout The Stress (ザ・ストレス) et sa vidéo aux airs parodiques dans un restaurant de ramen dans lequel Moritaka est serveuse. Dans le morceau The Mi-ha, elle répète sans arrêt avec plein d’auto-dérision qu’elle n’est pas une lady et qu’elle est juste une Mi-ha (お嬢様じゃないの わたしただのミーハー!). Le mot Mi-ha est un terme argot faisant référence aux jeunes personnes en général peu éduquées qui sont obsédées par des modes et des tendances vulgaires. Ces deux morceaux sont en fait des versions remaniées présentes sur un album intitulé The Moritaka (ザ・森高) sorti en Juillet 1991, avec une couverture un peu dans l’esprit de Hijitsuryokuha Sengen. Je n’irais pas jusqu’à acheter l’album The Moritaka car il n’y a vraiment que ces deux morceaux qui me plaisent. Chisato Moritaka a arrêté sa carrière en 1999 suite à son mariage avec l’acteur Yōsuke Eguchi (江口 洋介). Elle fait tout de même quelques apparitions télévisées et des concerts liés à des événements particuliers, et en 2013, elle collabore avec le DJ Tofubeats en chantant sur le single Don’t Stop The Music. Je me souviens avoir écouté plusieurs fois ce single à l’époque de sa sortie au moment même où j’écoutais le morceau Suisei. Écouter maintenant ces morceaux de Chisato Moritaka, m’a en fait rappelé à Tofubeats et au morceau Suisei, qui m’a ensuite incité à réécouter la version de DAOKO et de fil en aiguille fait découvrir tout son album. Et j’ai maintenant une envie irrésistible d’écouter tous les albums de DAOKO, car je ne connais en fait que des morceaux éparpillés sur plusieurs d’entre eux.