Eternally Returning・Paradigm Shift

Une fois n’est pas coutume, je me suis décidé un peu au dernier moment à aller voir Haru Nemuri (春ねむ) en concert. Il restait des places pour la date de Tokyo de sa tournée 2024 Flee from the Sanctuary (サンクチュアリを飛び出して), qui est d’abord passée par Nagoya puis Osaka. Le concert de Tokyo avait lieu dans la salle de Shibuya WWW X le Vendredi 6 Septembre 2024. Son album Haru to Shura (春と修羅) sorti en 2018, le EP Kick in the World sorti la même année et les morceaux sortis avant cela dont le sublime Tokyo (Ewig Wiederkehren), m’avaient tellement marqué, que j’avais trouvé le EP Lovetheism suivant moins inspiré, à part le très beau Fanfarre. Je n’avais du coup pas écouté avec attention son album suivant Shunka Ryougen (春火燎原) sorti en 2022 et j’avais été assez partagé sur le EP INSAINT qui suivait en 2023. Depuis quelques temps, je suis la progression de la jeune compositrice et interprète rock Minori Nagashima (長嶋水徳), qui a participé en première partie à la date d’Osaka de la tournée d’Haru Nemuri. Cela m’a en quelque sorte rappelé à mes premiers souvenirs du choc qu’avait provoqué en moi la musique d’Haru Nemuri, mélangeant poésie rappée et rock parfois des plus virulents. Acheter un billet pour son concert a en quelque sorte attisé une flamme qui n’était pas éteinte, et je me suis ensuite mis à écouter son album Shunka Ryougen pour me préparer au concert, tout en me disant que j’avais eu tord de ne pas m’y être plongé plus tôt tant il regorge de morceaux puissants. Son style sur cet album est immédiatement reconnaissable, mais est en fait assez différent de Haru to Shura car plus varié dans son approche. Je me souviens avoir été un peu dérangé par les cris de type « death voice » qu’elle pratique sur quelques morceaux de INSAINT, mais ceux-ci interpellent sur les morceaux de Shunka Ryougen, notamment sur Never Let You Go (あなたを離さないで) et Shunka Ryougen (春火燎原), au point où cette rage qu’elle transmet dans sa voix me donne des frissons à chaque écoute. C’est un détail, mais le fait qu’elle utilise en interlude musical sur Shunka Ryougen une version, certes modifiée, du morceau Arabesque de Claude Debussy a fini par me convaincre que j’avais été très mal inspiré de ne pas avoir écouté cet album jusqu’à maintenant. Le morceau Never Let You Go (あなたを離さないで), ainsi que plusieurs autres, compte même parmi les morceaux que je préfère d’Haru Nemuri.

La prestation d’Haru Nemuri sur la scène de la salle WWW X de Shibuya, que je finis par bien connaître, était précédée de deux groupes. La première partie était assurée par un jeune artiste de 18 ans nommé Yatsui Ichijiku (奴居イチヂク) accompagné pour ce concert par le groupe EiQkessha (永Q結社). Suivait ensuite le groupe rock alternatif Mass of the Fermenting Dregs (en diminutif MOTFD ou Masudore), que je connais mieux même si je ne m’étais pas encore penché sur leur dernier album Awakening:Sleeping sorti en Août 2022. Le fait que Masudore joue en première partie d’Haru Nemuri m’a aussi convaincu que ce concert était une occasion à ne pas laisser passer. En fait, j’étais aussi très curieux de voir Haru Nemuri, car j’avais l’image d’une présence extrêmement dynamique et physique sur scène, du moins lors de ses tournées à l’étranger, où elle pouvait se jeter dans la foule. Je me suis demandé si elle pouvait être aussi proche du public sur une scène japonaise à priori plus réservée. Il s’avère qu’Haru a un talent certain pour animer la foule. Le concert démarrait à 19h pour une demi-heure en compagnie de Yatsui Ichijiku et de son groupe, suivi de Mass of the Fermenting Dregs à partir de 19:40 pour environ une heure de set et finalement Haru Nemuri à partir de 21:00 pour plus d’une heure.

Je suis arrivé quelques minutes avant 18h qui était l’heure annoncée d’ouverture de la salle WWW X. L’appel des numéros avait commencé avant l’heure et il n’y avait que peu de personnes regroupées devant la salle à ce moment là. Ça n’a pas empêché le staff de la salle de procéder à l’appel méthodique des numéros de places, et rapidement arriver jusqu’au numéro 300 vers lequel je me situais. Avec un tel numéro de place, j’aurais dû être placé dans la deuxième partie de la salle depuis la scène, mais le fait d’arriver tôt m’a permis de rentrer en avance et me placer proche de la scène au deuxième rang. Je ne souhaitais pas vraiment être trop près de la scène, sachant qu’Haru Nemuri fait parfois des sauts en diving dans la foule et qu’il faudrait éviter de se prendre une pointure de ses chaussures renforcées en pleine figure. J’entre au final dans la salle une heure en avance ce qui me laisse un peu de temps pour envoyer les messages traditionnels à Nicolas, et mahl également cette fois-ci, pour leur faire part de mon enthousiasme avant le début du concert. La salle se remplit petit à petit derrière moi. La proportion d’étrangers est plus importante que pour les concerts auxquels j’ai pu assister jusqu’à maintenant. Il faut dire qu’Haru Nemuri et Masudore font régulièrement des tournées à l’étranger, et ils entameront même très prochainement une tournée américaine. Je pense même qu’Haru Memuri et Masudore sont plus reconnus à l’étranger qu’au Japon. Pendant ce moment d’attente avant le début du concert, je reste attentif à la musique de fond qui nous fait patienter. Je me suis toujours demandé si ces morceaux d’attente étaient décidés par le management de salle ou par les artistes. Il semblerait que les choix de morceaux soient plutôt fait par l’artiste car Haru Nemuri partageait après le concert la playlist sur Twitter.

Pour la première partie, Yatsui Ichijiku et EiQkessha ont interprété 6 morceaux avec une énergie et une assurance assez bluffante. Le premier morceau était en fait joué par d’autres musiciens que ceux de EiQkessha puis un changement s’est opéré à partir du deuxième morceau. Les morceaux que j’ai pu écouter sur le premier et unique EP Temee no Sōmatō de mata Aou (テメェの走馬灯でまた会おう。) de Yatsui Ichijiku se base principalement sur une instrumentalisation électronique tandis que la formation lors du concert était plutôt orientée rock avec guitares et batterie. Le beat électronique était bien entendu présent et même particulièrement puissant sur certains morceaux. Yatsui Ichijuku maîtrisait très bien son set mais on sentait qu’il n’était pas complètement à l’aise lorsqu’il s’adressait à la foule pendant les quelques passages de MC. Leur set a passé assez vite car les morceaux se sont enchaînés avec beaucoup d’énergie.

Les interludes entre les groupes étaient heureusement assez courts. Pour la préparation du set de Masudore, j’étais assez surpris de voir les membres du groupe faire leurs ajustements d’instruments eux-mêmes. Il faut dire que Mass of The Fermenting Dregs est complètement indépendant, même dans la production de leurs albums, ce qui suppose qu’ils faut qu’ils fassent tout par eux-mêmes. Quelques membres du Staff étaient tout de même présents, dont une personne portant un t-shirt du feu groupe Ms.Machine, ce qui m’a bien étonné mais fait sourire. J’écoute Masudore depuis de nombreuses années et j’étais content de voir monter sur scène Natsuko Miyamoto (宮本菜津子) qui assure le chant et la guitare basse, Naoya Ogura (小倉直也) à la guitare et au chant, et Isao Yoshino (吉野功) à la batterie. Leur set est un mélange de leur dernier album Awakening:Sleeping et de quelques morceaux plus anciens. Je les connaissais tous à part un inédit qui n’est pas encore sorti en single. J’ai découvert leur dernier album Awakening:Sleeping récemment et je l’ai beaucoup aimé, notamment le long morceau quasiment instrumental intitulé 1960 qui était au centre de leur setlist de concert. Quelle puissance de guitares et de batterie! Nos oreilles n’en sortent pas tout à fait intactes, mais c’est un véritable bonheur. J’adore le jeu de guitare de Naoya Ogura, et le fait de le voir jouer sur scène, le visage caché dans ses cheveux noirs. C’est pour sûr un esthète car on a le sentiment que sa manière de se positionner sur scène est réfléchie, notamment par rapport à Natsuko Miyamoto qui se laisse entraîner par le flot des guitares et par les sensations qu’elles procurent. Il y a une certaine complémentarité dans leur manière d’être sur scène. Le batteur à l’arrière est forcément plus discret mais ça ne l’empêche pas de taper très fort. Pendant les moments de MC, Natsuko nous a rappelé la premiere rencontre de Masudore avec Haru Nemuri. C’était il y a sept ans et Haru démarrait sa carrière. Elle avait apparemment fait la première partie de Masudore et le concert d’aujourd’hui était en quelque sorte un retour d’ascenseur. Là encore, les morceaux se sont enchaînés sans temps mort avec toujours la même puissance. C’est assez agréable de reconnaître certains morceaux des premiers EPs, comme l’excellent Delusionalism par lequel j’avais découvert le groupe et que je n’avais pas écouté depuis longtemps.

À la fin du set de Masudore, la scène prend une toute autre forme. La batterie est poussée à droite et des équipements électroniques sont mis en place. Après le DJ et le batteur, Haru Nemuri entre ensuite en scène sur le morceau Destruction Sisters du dernier EP INSAINT puis enchaîne rapidement sur deux morceaux de son premier album Haru to Shura, Narashite (鳴らして) puis Sekai wo Torikaeshite Okure (せかいをとりかえしておくれ), ce qui met tout de suite la foule dans de bonnes conditions. Haru bouge beaucoup sur scène, danse en se laissant entraîner par le flot et le rythme de ses morceaux. Elle encourage d’entrée de jeu le public à montrer sa présence et à faire corps avec elle. Elle arrive très bien à engager le public, d’une manière que je n’avais pas constater sur les concerts que j’ai pu voir ces dernières années à Tokyo. Je pense que son expérience des concerts à l’étranger se ressent sur scène au Japon. Et une fois que le public est chaud, la tension ne redescend pas de si tôt et l’accompagne jusqu’au bout. Haru dépense beaucoup d’énergie sur scène, ça se voit et elle est même obligée de prendre quelques moments de pause entre deux morceaux pour souffler. Elle en profite pour s’addresser au public. On ressent qu’elle s’investit pleinement dans sa musique, ce qui me rappelle que les émotions qu’elle transmet sont tout à fait authentiques et même touchantes. Je me souviens avoir été parfois un peu agacé par ses coups de gueule nombreux sur les réseaux sociaux, mais on ressent à travers ses mots qu’il s’agit d’angoisses véritables qui la prennent au cœur et qu’elle a besoin de transmettre. Elle nous en parle un peu pendant ses passages adressés au public. Alors qu’elle semble épuisée après un morceau au milieu du set, une personne dans la foule lui demande si elle va bien: « Daijōbu ? ». Elle répond par la négative en rigolant: « Daijōbu ja nai! ». Et elle nous indique que cette question est en fait fort à propos car son prochain single prendra justement ce titre et ses paroles. Elle nous annonce qu’il s’agit d’une collaboration sur un EP avec le groupe américain Frost Children composé de deux sœurs. Le morceau Daijoubu Desu est disponible au moment où j’écris ces lignes, mais ne l’était pas au moment du concert.

Le set d’Haru Nemuri se compose de 14 morceaux sans rappels. Il faut dire que, dans sa totalité, ce concert dépasse déjà les 2h et demi. J’adore quand Haru se rapproche au plus près du public. On sent qu’elle en a besoin. Il y a une balustrade entre la scène et le public et elle n’hésite pas à monter dessus en s’aidant des mains du public pour se placer au dessus de l’audience. Elle a même fait un saut dans la foule à la fin du morceau Sekai wo Torikaeshite Okure. Comme j’étais au deuxième rang, il est arrivé plusieurs fois qu’elle se tienne debout juste devant moi. Je n’aime pas beaucoup me distraire du concert en prenant des photos ou des bouts de films mais je n’ai pas pu m’empêcher à ces moments là. Pour le dernier morceau intitulé Ikiru (生きる), elle se tenait également juste devant moi. L’émotion était très grande à ce moment là car elle retenait ses larmes à la toute fin du concert. C’est un moment très particulier que j’ai pu filmer et que je regarde encore maintenant, un peu plus d’une semaine après le concert. Encore une fois, on se dit qu’elle ne triche pas et que son attitude correspond souvent à un excès émotionnel. Le morceau Shunka Ryougen (春火燎原) qui précédait Ikiru était particulièrement prenant car elle a fondu en larmes en plein milieu. J’ai pensé à ce moment là qu’elle avait craqué, mais en fait non, elle reprend le dessus et continue à chanter. Je ressens cette dualité entre fragilité et force dans son chant, et cela a toujours été un aspect que j’ai aimé dans la musique d’Haru Nemuri. Ce concert me rappelle à tout cela, ponctué de messages existentiels entre la vie et la mort. Sa voix peut être puissante et dure sur des morceaux comme I refuse (わたしは拒絶する) et Never Let You Go (あなたを離さないで). En live, cette voix ressemblant à un cri est réminiscente du death metal. Elle donne froid dans le dos lorsqu’on l’écoute.

Une des surprises du concert était de voir le rappeur GOMESS soudainement débouler sur scène sur le morceau Rock’n’roll never dies (ロックンロールは死なない). Les deux avaient déjà chanté en duo sur le morceau sore eyes sorti en 2016. GOMESS assurait également la première partie de cette tournée d’Haru Nemuri à Nagoya et Osaka. Je connaissais son nom depuis longtemps pour des morceaux de Yackle (烏の餌 et Judge) avec la compositrice et interprète Utae dont j’ai souvent parlé sur ce blog. Pendant toute une partie de ce morceau, Haru se trouvait une nouvelle fois debout en hauteur portée par la main d’une spectatrice, tandis que GOMESS faisait des aller-retours sur scène. Il avait l’air d’être impressionné par l’ambiance qui régnait dans la salle. Sa voix puissante contribuait à mon avis très bien à faire monter la température. Je trouve que le costume de scène d’Haru et sa coiffure étaient très travaillés et vraiment magnifiques. Le costume un brin futuriste a été conçu par Lisa Tsuchiya. Alors que le concert s’achève déjà, Haru Nemuri accompagnée de son groupe descendent de la scène pour une photographie avec le public. On peut d’ailleurs me voir sur la gauche de la photo. Tout le concert a été filmé par un amateur de Glasgow qui lui avait demandé la permission préalable et qui avait déjà filmé son concert à Glasgow. J’espère que cette vidéo sera présente sur YouTube prochainement. Les photographies du billet sont prises par moi-même, par le photographe attitré Ed Sōta et par un membre du public nommé Yuasa qui a fait un travail intéressant sur le rendu de ses photos ressemblant à un traitement HDR. Je me permets de mélanger ces photos avec les miennes pour illustrer convenablement ce rapport de concert. Il est 22:30 et c’est le moment de sortir de la salle. En entrant, je n’avais pas vu un beau bouquet de fleurs au nom de NHK Venue 101. Je ne pense pas qu’Haru Nemuri soit déjà passée dans cette émission musicale de la NHK. Elle passera peut-être dans un avenir proche, ce qui serait une bonne nouvelle pour Haru en terme de visibilité locale. Sur les tables près de la sortie, des flyers annoncent déjà le prochain concert d’Haru Nemuri qui se déroulera dans cette même salle WWW X de Shibuya. Il s’agira d’un concert à deux artistes car Haru partagera l’affiche avec les rappeurs expérimentaux japonais Dos Monos, pour un concert le 11 Novembre 2024. Je ne connais pas la musique de Dos Monos, mais je connais par contre Zo Zhit, un des trois rappeurs du groupe, pour un duo avec AAAMYYY sur le morceau Tengu de son album Annihilation. Zo Zhit était également présent lors du concert Option C d’AAAMYYY. Sa voix puissante m’intéresse depuis un moment, et il faut que je jette prochainement une oreille attentive à la musique de Dos Monos.

Pour reference ultérieure, je note ci-dessous les set lists des trois groupes et artistes participant à la tournée Haru Nemuri Tour 2024 | Flee from the Sanctuary (サンクチュアリを飛び出して) le 6 Septembre 2024 dans la salle WWW X de Shibuya. Pour Yatsui Ichijuku, je lui ai en fait demandé directement et il m’a gentiment et très rapidement donné sa playlist sur Twitter.

Yatsui Ichijiku (奴居イチヂク) with EiQkessha (永Q結社):

1. テメェの走馬灯でまた会おう。
2. 首都圏絆創膏
3. TECHNICS
4. 愛いびぃ愛らゔゆぅ
5. ヨミへ…。
6. 魂のlv./永Q結社

Mass of the Fermenting Dregs (マスドレ – MOTFD):

1. Dramatic, de l’album Awakening:Sleeping
2. Sugar, de l’album No New World
3. New Order, de l’album No New World
4. Aoi, Koi, Daidaiiro no Hi (青い、濃い、橙色の日), du EP World is Yours
5. 1960 de l’album Awakening:Sleeping
6. New song
7. Delusionalism, du EP Mass of the Fermenting Dregs
8. Slow-motion Replay (スローモーションリプレイ), de l’album No New World
9. ASAHINAGU (あさひなぐ), de l’album No New World
10. World is Yours (ワールドイズユアーズ), du EP World is Yours

Haru Nemuri (春ねむり):

1. Destruction Sisters (ディストラクション・シスターズ), du EP INSAINT
2. Narashite (鳴らして), de l’album 春と修羅 (Haru to Shura)
3. Sekai wo Torikaeshite Okure (せかいをとりかえしておくれ), de l’album 春と修羅 (Haru to Shura)
4. I refuse (わたしは拒絶する), du EP INSAINT
5. Never Let You Go (あなたを離さないで), de l’album Shunka Ryougen (春火燎原)
6. Souzou suru (そうぞうする), de l’album Shunka Ryougen (春火燎原)
7. Who the fuck is burning the trees (森が燃えているのは), de l’album Shunka Ryougen (春火燎原)
8. Pandora (パンドーラー), de l’album Shunka Ryougen (春火燎原)
9. Flee from the Sanctuary (サンクチュアリを飛び出して), du EP INSAINT
10. Kick in the World (déconstructed), de l’album Shunka Ryougen (春火燎原)
11. Rock’n’roll never dies (ロックンロールは死なない) feat.GOMESS, de l’album 春と修羅 (Haru to Shura)
12. Inferno (インフェルノ), du EP INSAINT
13. Shunka Ryougen (春火燎原), de l’album Shunka Ryougen (春火燎原)
14. Ikiru (生きる), de l’album Shunka Ryougen (春火燎原)

Et quelques videos pour conclure:
En complément du billet, je montre ci-dessous trois vidéos que j’ai pris pendant le concert et que j’ai publié sur Twitter, dont je donne déjà les liens dans le billet ci-dessus.


DAOKOWWWX

Le souci avec les concerts, c’est qu’on les attend pendant longtemps et les deux heures de live passent ensuite beaucoup trop vite. J’avais acheté mon billet pour le concert de DAOKO il y a environ deux mois, en me demandant à quoi pouvait bien ressembler ses concerts et quel pouvait bien être le spectateur type. Je me suis vite rendu compte qu’il n’y a pas de spectateur type, tout comme pour tous les autres concerts auxquels j’ai déjà assisté, car le public est divers et varié avec des tranches d’âges très différentes. J’ai toujours une petite crainte que le public soit beaucoup plus jeune que moi, mais je réalise à chaque fois que ce sont des inquiétudes infondées, même si l’âge moyen doit resté bien inférieur au mien. DAOKO ayant 27 ans, j’imagine que la moyenne d’âge des spectateurs du concert devait se trouver dans cet ordre d’idée. Il semblait y avoir des habitués qui l’interpellaient pendant les passages de MC devant le public. C’est d’ailleurs un aspect que je n’avais pas trop rencontré lors de précédents concerts, où personne ne se lançait vraiment à énoncer à haute voix ses pensées devant tout le reste de la salle vers l’artiste sur scène. J’ai aussi compris que la personnalité de DAOKO donnait envie au public de lui parler. Elle s’est exprimée plusieurs fois pendant le concert en prétendant ne pas être douée pour ces passages MC, mais il n’en est rien. Des concerts que j’ai pu voir jusqu’à maintenant, DAOKO est très certainement la plus bavarde. Elle nous dit d’ailleurs qu’on lui avait fait la remarque lors du concert d’Osaka, une semaine avant celui de Tokyo, qu’elle s’était beaucoup exprimée devant la foule et qu’elle ressentait comme une pression à s’exprimer autant pendant ce concert à Shibuya. DAOKO exprime ses pensées assez directement, elle aime plaisanter, l’autodérision et ça la rend extrêmement sympathique. Je pense que c’est la raison pour laquelle certaines personnes du public l’interpelle avec parfois un petit air taquin. Ce qui est amusant c’est qu’elle ne voulait pourtant pas trop parler pour qu’on ne dise pas ensuite sur les réseaux sociaux qu’elle parle trop plutôt qu’elle ne chante. Mais personnellement, j’adore ces moments avec le public, surtout qu’on la sentait particulièrement heureuse sur scène devant ses fans venus la voir.

J’ai donc assisté au concert qui se déroulait le Vendredi 14 Juin 2024 dans la salle WWW X de Shibuya en face du Department Store PARCO. Je connais bien la Live House WWW / WWW X car j’ai déjà assisté à deux autres concerts dans le passé dans ces salles: ceux de For Tracy Hyde dans la salle WWW X et de a子 dans la salle WWW. Ce concert à Shibuya était un des deux concerts de la petite tournée « Daoko “Slash-&-Burn” Tour 2024« . La première date était à Osaka le 9 Juin 2024 dans une salle nommée Anima (comme le titre d’un de ses albums). Le concert démarrait à 19h avec une ouverture des portes, comme toujours très organisée, un peu avant 18:15. La salle fait environ 600 places débouts et mon billet était dans le premier tiers. Il n’a pas fallu trop de temps pour entrer, prendre une bière au comptoir et trouver une place dans la salle. C’est devenu comme une routine même si l’excitation avant concert est toujours intacte. Pour cette tournée, Daoko est accompagnée d’un groupe de trois musiciens: Shunsuke Ochi (越智俊介) à la guitare basse, Yusuke Yoshida (吉田雄介) à la batterie et Masayuki Yoshii (吉井雅之) en manipulateur, c’est à dire assurant toute l’instrumentation électronique et les effets de voix, notamment. Au moment de la présentation des membres du groupe au début du concert, Daoko a même pris quelques dizaines de secondes pour expliquer le rôle précis du ’manipulateur’ situé juste derrière elle sur la scène.

DAOKO a interprété avec son groupe 23 morceaux pendant ce concert, dont, sans surprise, la totalité des douze morceaux du nouvel album Slash & Burn. Les morceaux du dernier album étaient entrecoupés par ceux d’albums et EPs plus anciens allant jusqu’à sa période indépendante avec le morceau Fog de son tout premier album HYPER GIRL (向こう側の女の子) et en passant bien sûr par son titre à grand succès Uchiage Hanabi (打ち上げ花火), dans sa version solo sans Yonezu Kenshi, de l’album Shiteki Ryokō (私的旅行). Elle démarre le set par le morceau SLUMP du dernier album et donne d’entrée de jeu le ton du concert. Par rapport à l’album, je trouve la voix de DAOKO beaucoup plus marquée et puissante, avec des parties rappées plus agressives qui entraînent très rapidement le public. Je m’étais donné une petite liste de morceau que je voulais qu’elle interprète pendant ce concert et SLUMP en faisait partie, tout comme Otogi no Machi (御伽の町) de l’album Anima. Ce morceau déchaîne même le public tant elle donne de la passion dans sa voix. La particularité du chant de DAOKO est qu’elle marque distinctement la dernière syllabe des mots qu’elle prononce dans son flot rappé, ce qui joue beaucoup sur le rythme et l’énergie qu’elle transmet à la salle. Cette énergie se transmet bien entendu en écoutant les albums mais est beaucoup plus palpable et même décuplée en live. Les spectateurs sont du coup assez vocaux à la fin de chaque morceau. Les paroles des morceaux de DAOKO sont denses, en raison de la composante rap quasiment omniprésente sur tous ses morceaux. J’ai cru voir un petit iPad posé en bas du micro et je pense qu’elle le regardait discrètement de temps en temps pour ne pas perdre le fil sur ses morceaux les plus récents.

Sur scène DAOKO bouge beaucoup, fait beaucoup de mouvements de bras parfois à destination du public, et les spectateurs font de même en réponse. Elle est vêtue d’une robe noire un brin gothique, assez ample avec un papillon (てふてふ – 蝶々) dans le dos en guise de noeud Obi (帯留め). Le début du concert continue sur un flot dense avec deux morceaux du EP MAD composé par Yohji Igarashi, à savoir MAD et spoopy, qui poussent la foule à bouger sur place et à la suivre dans ses mouvements. Le morceau Abon (あぼーん) du dernier album continue dans cette lancée très dynamique et contagieuse jusqu’au plus calmes Nanchatte (なんちゃって) et BLUE GLOW de l’album Slash & Burn et Ututu du EP du même nom. Je ne connaissais pas ce morceau Ututu aux airs jazz qui me plaisent beaucoup. Sur la totalité du set, il n’y avait que trois morceaux que je ne connaissais pas ou peu dont le très pop fighting pose du EP the light of other days, Fog dont je parlais plus haut et Ututu. Au milieu du concert, écouter le morceau Suisei (水星) a provoqué en moi une certaine émotion car il s’agit, avec ShibuyaK, de mon point d’entrée vers le monde musical de DAOKO. J’aurais aimé qu’elle interprète ShibuyaK car nous étions à Shibuya, mais ça n’a pas été le cas. Sans forcément passer tous les morceaux en revue, il y avait pour moi de nombreux points forts venant du dernier album, le mystérieux Kō×2 + Uso×2 (好×2 + 嘘×2) puis le turbulent GAMEOVER, le profond et hypnotique Akame no Biru (赤目のビル) que j’écoute religieusement comme tout le monde dans la salle, et un de ses meilleurs morceaux Tenshi ga ita yo (天使がいたよ) juste avant les rappels. C’est clair qu’on ne s’ennuie pas pendant son set, car son approche du chant est sans cesse mouvante, entre l’agressivité du hip-hop, ses transitions soudaines vers une voix de type idole, les effets sonores apportés sur sa voix par le manipulateur électronique…

Pendant un des passages adressés au public, elle se pose la question du surnom qu’elle pourrait donner à ses fans (un peu comme Sheena Ringo avec les OTK). Au début de sa carrière, elle se rappelle que la couleur bleue était prépondérante auprès des fans car elle portait elle-même beaucoup de bleu, notamment au moment de l’album Thank You Blue qui l’a fait connaître du grand public. Mais elle porte beaucoup moins de vêtements de couleur bleue et prend le soin de nous préciser qu’elle n’a jamais fait de fixation sur cette couleur. Elle nous fait part que ce surnom qu’elle imagine pour ses fans devait être en anglais, car elle a aussi un nombre de fans assez important à l’étranger, et propose finalement le nom « D(Daoko)-Lovers ». J’avais en fait déjà connaissance de cette appellation car elle l’a évoqué pour la première fois lors du concert d’Osaka la semaine d’avant, et je l’avais lu sur les réseaux sociaux. Je ne suis à vrai dire pas totalement convaincu par cette appellation mais on verra bien si elle restera dans les mémoires. Le passage qui suit devient un peu plus émotionnel car elle nous partage sa joie d’être sur scène avec son public et qu’elle aimerait qu’on la suive jusqu’à ses derniers jours (qu’on souhaite le plus tard possible). Elle demande ensuite ou public de lever la main si c’est la première qu’on assiste à un de ses concerts. Nous ne sommes pas en majorité mais les nouveaux venus comme moi sont assez nombreux ce qui semble lui faire plaisir. Après ses débuts indépendants il y a plus de 10 ans, elle est ensuite passée sur un label majeur en connaissant un succès certain et des collaborations notables, avec Yonezu Kenshi (comme mentionné plus haut), mais aussi Yasuyuki Okamura (岡村靖幸) pour le single Step-up Love (ステップアップ), un duo avec Beck, un passage à Kōhaku sur NHK, mais a ensuite fait le choix de revenir vers une voie plus alternative et loin du mainstream avec l’album Anima. Je pense qu’elle a fait le choix d’être proche de ce qu’elle recherche sans subir l’influence des labels. Ça doit être une raison pour laquelle son dernier album est auto-produit sur son label Tefu Tefu (てふてふ) comme le papillon de son logo, et plus sur la Major Toy’s Factory. Ce genre de transitions doit être source de nombreux doutes et questionnements et je comprends la joie, qu’elle nous transmet sur scène, d’être parmi des habitués qui la suivent tout au long de son parcours et parmi de nouveaux ’adhérents’ qui viennent de la découvrir par son nouvel album.

Le concert se termine avec les rappels composés de deux morceaux. Il aura fallu l’applaudir longtemps avant qu’elle revienne sur scène, car elle nous explique que la salle de repos et de préparation des artistes est située a l’étage et qu’elle s’est fait mal au dos il y a quelques jours ralentissant ses mouvements dans les escaliers. Je ne sais pas la véracité de cette excuse car elle n’avait pas du tout l’air d’avoir des douleurs au dos sur scène. Elle commence par le morceau BANG! de l’album Thank You Blue puis au final, NovemberWeddingDay de Slash & Burn. Elle nous explique qu’elle a écrit ce morceau pour sa grande sœur qui s’est mariée, mais qu’elle avait du mal adhérer vraiment à son propre morceau car elle est elle-même célibataire à 27 ans. Elle conclut finalement que ce morceau n’est pas vraiment une chanson de mariage mais un cri d’amour envers ses fans. Pour une raison technique assez floue, ou une erreur qu’elle aurait commis dans le texte, elle décide de chanter ce morceau une deuxième fois, et ça conclura ce superbe set. Et quand il est finalement l’heure de partir car les lumières se sont rallumées, je ne peux m’empêcher de passer par la boutique pour acheter un t-shirt reprenant le nom stylisé DAOKO à l’avant et le logo de papillon à l’arrière. Le nom stylisé de DAOKO n’utilise que des forme de triangles et des ronds pleins, ce qui correspond très bien avec les néons intérieurs de la salle WWW X, que je montre en photo ci-dessus pour me rappeler de cette correspondance involontaire. J’achète en fait assez souvent un t-shirt avant ou après un concert que je vais voir et, cette fois-ci, je le porte dès le lendemain pour regarder DAOKO à la télévision.

C’est assez surprenant de voir à la télévision un ou une artiste qu’on a vu le jour d’avant en concert. Elle était en fait invitée par Sheena Ringo pour interpréter en duo le morceau 余裕の凱旋 (a triumphant return) de son album Hōjōya (放生会), lors de l’émission With Music sur la chaîne Nippon Television (日テレ). Sheena Ringo et DAOKO étaient toutes les deux habillées de la même robe blanche avec inscriptions rouges en français, de boots surélevées et d’un chapeau de fanfare. Elles se ressemblaient même beaucoup sur scène avec une chevelure blonde similaire. Je suis comme fasciné par les photos de DAOKO dans cette tenue, car je trouve que ça lui va très bien même si ce n’est pas une tenue qui est en adéquation avec son style de musique, ni un style vestimentaire facilement portable dans la vie de tous les jours. Je ne sais pas si Ringo a fait le choix de cette tenue, mais je lui trouve un petit brin de magie. Ce n’est pas désagréable de voir Ringo et DAOKO chanter ensemble à la télévision, d’autant plus qu’il s’agit d’un des morceaux que je préfère de l’album, même si j’ai beaucoup de morceaux préférés sur l’album Hōjōya. Ringo avait écrit un message officiel pour donner ses impressions sur l’album Slash & Burn, sur DAOKO avait relayé sur Twitter avec une joie et une émotion non dissimulée. Je me demande quelle peut être pour DAOKO l’influence de ce duo avec Ringo sur les ventes de son album Slash & Burn. J’imagine qu’elle doit être très bénéfique. Ringo mentionnait sur son message qu’elle aimerait voir DAOKO en live, mais j’imagine bien qu’elle n’était pas présente dans la salle du WWW X, sinon on l’aurait très certainement remarquée. Je n’étais en tout cas pas mécontent de voir le batteur Yusuke Yoshida, échappé temporairement de Tricot, sur scène avec DAOKO. Je l’avais bien sûr entendu jouer lors du concert de Tricot le mois dernier, et c’était intéressant de le retrouver une nouvelle fois sur scène dans un configuration très différente. Sans surprise, il s’en est sorti merveilleusement bien. Il a l’air d’être doué en toute circonstance, en plus d’être sympathique bien qu’assez discret. Sur le morceau Kō×2 + Uso×2 (好×2 + 嘘×2), j’étais d’ailleurs assez surpris de l’entendre jouer du djembe, car je ne l’ai jamais vu jouer de ce genre de percussions africaines lors de concerts de Tricot.

La plupart des photographies ci-dessus ont été prises pendant le concert par le photographe Sei Shimura, qui était pas loin derrière moi car je me reconnais de dos à droite sur la première photographie du billet. DAOKO les a publié sur ses comptes Twitter et Instagram. Certaines de photos sont les miennes, nais il était interdit de photographier et de filmer pendant la durée du concert, ce qui n’est pas une mauvaise chose. Ça devrait être même systématique, mais ça reste encore très largement la règle implicite au Japon.

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Pour référence ultérieure, je note ci-dessous la playlist du concert Slash & Burn tour 2024 de DAOKO au WWW X de Shibuya le 14 Juin 2024:

1. SLUMP de l’album Slash & Burn
2. Otogi no Machi (御伽の町) de l’album Anima
3. FTS de l’album Slash & Burn
4. MAD du EP MAD avec Yohji Igarashi
5. spoopy du EP MAD avec Yohji Igarashi
6. Abon (あぼーん) de l’album Slash & Burn
7. Nanchatte (なんちゃって) de l’album Slash & Burn
8. Ututu du EP UTUTU
9. BLUE GLOW de l’album Slash & Burn
10. Cinderella step de l’album Thank You Blue
11. Suisei (水星) de l’album Daoko
12. ONNA de l’album Slash & Burn
13. Kō×2 + Uso×2 (好×2 + 嘘×2) de l’album Slash & Burn
14. Fog de l’album HYPER GIRL (向こう側の女の子)
15. GAMEOVER de l’album Slash & Burn
16. Ai no Loss (愛のロス) de l’album Anima
17. fighting pose du EP the light of other days
18. Akame no Biru (赤目のビル) de l’album Slash & Burn
19. Sute chatte ne (捨てちゃってね) de l’album Slash & Burn
20. Uchiage Hanabi (打ち上げ花火) (DAOKO SOLO ver.) de l’album Shiteki Ryokō (私的旅行)
21. Tenshi ga ita yo (天使がいたよ) de l’album Slash & Burn
22. BANG! de l’album Thank You Blue
23. NovemberWeddingDay de l’album Slash & Burn

Right Brain / Left Brain

Une fois n’est pas coutume, la salle de concert où je vais ce soir n’est pas située à Shibuya mais dans le quartier de Negishi près d’Ueno. Il s’agit d’une salle nommée Tokyo Kinema Club (東京キネマ倶楽部). La station la plus proche est celle d’Uguisudani sur la ligne Yamanote mais je préfère descendre à la station précédente, celle d’Ueno, pour profiter d’une petite promenade dans le calme du parc avant les effluves de guitares qui vont assaillir mes oreilles. Le concert que je vais voir ce soir, le Vendredi 10 Mai 2024, est celui du groupe rock Tricot mené par Ikkyu Nakajima (中嶋イッキュウ) au chant et à la guitare, avec Motifour Kida (キダ モティフォ) à la guitare et aux chœurs, Hiromi Hirohiro (ヒロミ・ヒロヒロ) à la basse et aux chœurs et Yusuke Yoshida (吉田雄介) à la batterie. Le nom donné à ce concert est Unō Sanō (右脳左脳), Right Brain Left Brain, qui est également le titre d’un des morceaux du groupe sur l’album Makkuro (真っ黒), un de leurs meilleurs albums bien que les albums de Tricot soient difficiles à départager. C’est en fait la troisième fois que je vais voir Tricot en concert. Il faut dire que le groupe se produit assez souvent, même lorsqu’il n’y a aucune sortie d’album ou de single prévue, ce qui était le cas cette fois-ci. Les deux fois précédentes, la première à Toyosu et la deuxième au Liquidroom d’Ebisu, étaient des concerts liés directement à la sortie d’un nouvel album de groupe. J’ai presque inconsciemment pris le rythme de voir sur scène Tricot une fois par an, ce qui me convient très bien tant j’aime la musique du groupe et leur énergie contagieuse lors des concerts. J’ai par contre eu un peu de mal à avoir une place cette fois-ci, n’étant pas membre du fan club. J’en n’ai pas pu avoir de place à la première loterie mais j’ai heureusement été plus chanceux à la deuxième loterie. Ma place était par conséquent plutôt en fond de salle, mais la configuration de celle-ci en largeur et le fait qu’on n’était pas serré comme des sardines malgré que le concert affichait complet, me donnait tout de même une bonne vue sur la scène. Il y a toujours un peu de stratégie à avoir au moment d’entrer en salle, car il faut trouver une position avec devant soi des têtes plus basses que la sienne et un emplacement plutôt vers la droite pour se trouver du côté d’Ikkyu. Une des raisons de la difficulté relative d’avoir des billets était la présence d’une première partie. La mini-tournée Unō Sanō se déroule en fait en deux dates, une ce soir à Tokyo avec le groupe PEDRO en première partie, et une autre date à Osaka avec les rappeuses de Chelmico. J’aime assez le hip-hop cool de Chelmico, mais je ne suis pas mécontent de voir PEDRO à Tokyo et c’est en fait l’annonce de cette première partie qui m’a donné envie de voir les deux groupes PEDRO + Tricot en concert. Vu le nombre important de personnes portant un t-shirt de PEDRO dans le public, on peut comprendre assez rapidement pourquoi les places sont vite parties. Je pense que le rock de Tricot et celui de PEDRO sont un bon match, donc le public a dû s’y retrouver. C’était mon cas. J’ai déjà parlé plusieurs fois du groupe PEDRO sur ce blog. Il s’agit d’un groupe japonais, malgré ce que le nom pourrait laisser penser, composé d’Ayuni D (アユニ・D) au chant et à la basse, d’Hisako Tabuchi (田渕ひさ子) à la guitare et de Yumao (ゆーまお) à la batterie. PEDRO est officiellement le projet solo d’Ayuni qui évoluait dans le groupe d’idoles alternatives BiSH jusqu’à leur dissolution en 2023. Je parle aussi très souvent de la guitariste Hisako Tabuchi sur ce blog. Elle était bien sûr guitariste du groupe Number Girl (ナンバーガール) mené par Shutoku Mukai (向井秀徳), mais faisait également partie d’autres groupes comme bloodthirsty butchers (ブラッドサースティ・ブッチャーズ). Elle joue encore maintenant dans le groupe Toddle (トドル) que je ne connais que de nom. Hisako Tabuchi a aussi joué occasionnellement avec Sheena Ringo, que ça soit au tout début de sa carrière sur Σ en 2000 ou beaucoup plus récemment sur le single Watashi ha Neko no Me (私は猫の目) de 2023. Elle a également joué dans des groupes éphémères de Sheena Ringo, notamment Hatsuiku Status (発育ステータス) pour la tournée Gokiritsu Japon (御起立ジャポン) en Juin et Juillet 2000, et le groupe Elopers qui accompagnait Sheena Ringo et Atsushi Sakurai (櫻井敦司) de Buck-Tick sur le morceau Kakeochisha (駆け落ち者) de l’album Sandokushi (三毒史) sorti en 2019. Mentionner ici le concert Gokiritsu Japon me ramène quelques années en arrière alors que je m’étais donné comme mission d’écrire un rapport sur ce blog de tous les concerts de Sheena Ringo et de Tokyo Jihen. Cette mission est achevée et on reconnaîtra peut-être un jour la qualité de ce travail! Tout ceci pour dire que c’est avec une certaine émotion que je vois et écoute Hisako sur scène ce soir, d’autant plus que son jeu de guitare est irréprochable. J’étais également impatient de voir sur scène Ayuni D, de son vrai nom Ayuko Itō (伊藤亜佑子), car je la suis dans le groupe BiSH depuis ses débuts (elle est arrivée en cours de route en 2016) et sur son projet PEDRO depuis le premier album. Je n’ai certes pas suivi très assidûment tous les albums de PEDRO, au mieux quelques singles de chaque album, et je m’attendais donc à faire des découvertes. La composition du groupe est intéressante car Ayuni est encore jeune à 24, tandis qu’Hisako a le double de son âge (48 ans) et est une vétérante reconnue de la scène rock japonaise. C’était d’ailleurs amusant de voir la guitariste Motifour Kida de Tricot, qui pourrait très bien elle-même devenir une grande figure dans le petit monde des guitaristes japonais, vouer une admiration pour Hisako Tabuchi. Motifour portait même pendant le concert de Tricot, le T-shirt de PEDRO qu’Hisako portait également pendant leur prestation sur scène. Une photo sur Twitter immortalise cette rencontre de guitaristes de haut vol. Bref, tout ceci m’enthousiasme énormément. Un autre petit détail amusant est que le batteur de Tricot, Yusuke Yoshida, est apparemment fan de BiSH et d’Ayuni D comme le révèle Ikkyu lors d’un passage de MC du concert. Ikkyu mentionne également qu’elle ne s’attendait pas à une réponse positive lorsque son groupe a proposé à PEDRO de faire leur première partie à Tokyo. Ikkyu mentionne également avoir été agréablement surprise de recevoir un petit message (en DM sur un réseau social non nommé) d’Ayuni le jour d’avant le concert pour souhaiter que tout se passe bien. La formation d’idole, même alternative, doit certainement former à ce genre de choses entre les personnes. Ikkyu n’avait apparemment pas l’habitude de recevoir ce genre de petit message plein de bonnes intentions, car le monde du rock est forcément impitoyable. Elle a en tout cas beaucoup apprécié car c’est devenu un sujet récurrent des passages MC du concert.

Le concert se déroule au Tokyo Kinema Club, qui est un endroit assez particulier. Il s’agissait initialement d’un grand cabaret construit il y a plus de 40 ans. C’est un endroit où les clients pouvaient discuter avec des hôtesses tout en buvant de l’alcool et payant au final une addition rondelette. Après avoir fermé ses portes, la salle du cabaret est restée non utilisée pendant plusieurs années pour ensuite devenir une salle de spectacle. Elle a conservé son décor de style Showa, avec réception luxueuse d’une autre époque, et son velours sur les meubles. La salle se trouve au cinquième étage du bâtiment et est surmontée de balcons circulaires qui n’étaient pas accessibles. Il était interdit de prendre des photos à l’intérieur mais je me suis, comme d’autres, quand même permis d’en prendre une de la scène. Pour l’appel des numéros de billets avant l’entrée méthodique dans la salle, on nous avait fait attendre dans une pièce au rez-de-chaussée ressemblant à un garage en construction. Les fils électriques dépassaient des murs de béton et le sol carrelé était en grande partie défoncé. Bref, cet endroit fait pleinement partie de l’expérience particulière du concert. L’acoustique dans la salle était heureusement très bonne. La première partie du concert commence sans délai à 19h. Je suis surpris de la ponctualité. PEDRO entre sur scène sous la musique du morceau Kaeru (還る) de leur album récent Omomuku mama ni, i no muku mama ni (赴くままに、胃の向くままに). Une grande majorité des morceaux interprétés ce soir proviennent de cet album et je ne reconnais que deux morceaux dans le set: Shunkashūtō (春夏秋冬) dont j’avais déjà parlé dans un précédent billet et Roman (浪漫) d’un album du même nom sorti en 2020. J’aime beaucoup l’énergie que dégage le groupe sur scène. Les riffs de guitares d’Hisako sont impeccables et accrocheurs. Ayuni se laisse emporter par le flot musical et on la voit souvent pencher la tête en arrière comme si elle se noyait dans sa musique. Je le mentionnais régulièrement lorsque j’évoquais la musique de PEDRO et même de BiSH, la voix particulière d’Ayuni, assez aiguë et imparfaite par moment, peut surprendre, mais c’est cette particularité qui fait un des intérêts et charme de ce groupe surtout quand cette voix se mélange à des mouvements de guitare parfaitement exécutés. Je trouve le public très présent lors de la représentation de PEDRO. Il y a très certainement des fans acharnés. C’est à mon avis un signe que les restes de la crise sanitaire ont complètement disparus. La plupart des morceaux du set me plaisent dès la première écoute live, ce qui me décidera donc à écouter un peu plus tard ce dernier album en entier. Le riff de guitare sur le morceau Kiyoku, Tadashiku (清く、正しく) est par exemple un véritable bonheur en live. La voix d’Ayuni sur Omomuku mama ni (赴くままに) est superbe d’intensité. Le morceau Senshin (洗心) qui se trouve au centre du set de 11 morceaux est peut-être le morceau que je préfère, car je trouve les paroles assez touchantes. Ayuni est toujours très humble dans son approche de la musique, indiquant vouloir faire de son mieux mais admettant qu’elle doit toujours s’améliorer. C’est d’ailleurs assez amusant de la voir sur scène, un peu maladroite hors des morceaux mais complètement imprégnée dès que la musique démarre. Il n’y a qu’un seul passage de MC adressé au public et Ayuni est la seule à parler. Elle sent le besoin de se présenter et d’indiquer qu’elle chantait auparavant dans le groupe BiSH, ce que tout le monde dans la salle doit déjà savoir. C’est dommage qu’Hisako Tabuchi ne prenne pas la parole, mais ceci s’explique sans doute du fait que PEDRO est avant tout un projet solo d’Ayuni D. Ça peut paraître étrange vue la carrière extensive d’Hisako, mais on ressent aucun déséquilibre dans la formation qui a tout de même déjà sorti cinq albums et deux EPs. Je n’imaginais pas à l’écoute du premier album THUMB SUCKER (サム・サッカー) de 2019 que ce projet durerait aussi longtemps et arriverait à trouver aussi bien ses marques. Avec BiSH, Ayuni D a quand même passé de nombreuses fois à la télévision, incluant Kōhaku sur NHK (la 72ème édition), ce qui me fait penser qu’elle doit être la personnalité présente à ce concert la plus connue du grand public. Vers la fin du set, PEDRO revient vers des morceaux de l’album précédent Gojitsu Aratamete Ukagaimashita (後日改めて伺いました), à savoir Mahō (魔法) et Sutte , Haite (吸って、吐いて). Je ne connaissais même pas l’existence de cet album, il faudra le découvrir. Le set de PEDRO est assez long mais passe très vite. Une pause d’une vingtaine de minutes permet de changer les instruments pour le set suivant de Tricot.

Ce temps de préparation semble assez long car le public avait été réchauffé par la prestation de PEDRO et la tension tombe un peu. La chaleur est par contre bien présente et une personne aura même un malaise au début du set de Tricot. Le groupe joue 13 morceaux incluant un rappel. Il n’y a malheureusement aucun nouveau morceau, mais une sélection provenant des albums existants avec une plus grande proportion venant de l’album Makkuro (真っ黒). Par rapport à PEDRO, je suis en terrain connu avec Tricot car j’ai tous les albums et déjà entendus certains morceaux plusieurs fois en live. C’est par exemple le cas du morceau Himitsu (秘密) de l’album Makkuro, qui est un grand classique des concerts de Tricot et un des morceaux les plus remarquables du groupe. La playlist du concert a cette fois-ci été entièrement pensée par la bassiste Hiromi. C’est un privilège qui lui est donné cette fois-ci, car elle va bientôt faire une pause en attente d’un heureux événement. Elle l’avait en fait déjà annoncé sur les réseaux sociaux quelques jours auparavant et il n’y avait pas de grande surprise dans le public. Ça a été l’occasion de la féliciter en direct. Pendant tout le set, je n’ai pu m’empêcher d’être un peu perturbé par la question de savoir si c’est bien bon pour son futur bébé d’entendre des sons aussi forts, car les sets des deux groupes sont particulièrement riches en guitares et les batteurs nous font ressentir leurs percussions jusqu’à notre colonne vertébrale. Ikkyu pose finalement la question à Hiromi qui n’a pas l’air de trop s’inquiéter car elle part en pause assez tôt. Son dernier concert sera celui d’Osaka pour cette tournée. Tricot ne s’arrêtera pas pour autant, et Hiromi indiquait devant les questions insistantes d’Ikkyu qu’elle reviendra après son congé maternité. Ikkyu nous fait ensuite part de son idée saugrenue d’engager Ayuni D comme bassiste pour Tricot pendant la période d’absence d’Hiromi. Les membres de Tricot semblent tout à fait satisfait de ce remplacement à l’amiable, et déclarent que c’est un marché conclu, sans en avoir parlé au préalable avec l’intéressée. Ce petit passage fait bien rire le public, car Ikkyu imagine déjà tout haut le mécontentement possible d’Ayuni face à cette décision prise à son insu. Tout ceci n’est bien sûr qu’une plaisanterie. Les échanges de musiciens dans le petit monde du rock sont relativement fréquents et je viens d’apprendre juste après le concert que Yusuke Yoshida de Tricot sera derrière la batterie du prochain concert de DAOKO au mois de Juin 2024. Ça sera normalement le prochain concert que j’irais voir et ça sera amusant de voir Yoshida kun accompagné DAOKO plutôt qu’Ikkyu. J’imagine que cette « infidélité » était d’un commun accord entre les deux, qui sont à priori des bonnes amies si on en croit les réseaux sociaux. Le set commence par le morceau Noradrenaline de l’album A N D, qui se trouve être le premier morceau du premier album de Tricot que j’ai écouté. De l’album Makkuro, Tricot interprète forcément le morceau Unō Sanō (右脳左脳), car c’est le titre du concert. J’aime beaucoup ce morceau notamment pour l’ambiance de sa vidéo que se déroule en partie sur une passerelle pour piétons à Ebisu que je connais très bien pour l’avoir souvent prise en photo. L’ambiance est fidèle aux précédents concerts du groupe auxquels j’ai pu assister. Je trouve qu’elles se sont un peu plus amusées dans les introductions et certains morceaux étaient l’occasion de partir vers des étendues bruitistes, qui sont restées tout de même assez bien maîtrisées. La guitariste Motifour Kida aime toujours se déplacer au moins une fois du côté d’Ikkyu pour essayer de l’embêter et lui piquer la vedette. Mais la véritable vedette de ce concert est Hiromi, qui parle même pendant un des passages de MC. Ikkyu s’étonne de cette intervention et nous fait part du fait que c’est chose rare qu’Hiromi s’adresse au public. C’est peut-être même la première fois. C’est vrai que je n’ai pas le souvenir de l’avoir entendu parler en concert. Tout comme Yusuke Yoshida, elle est relativement discrète, surtout par rapport à Ikkyu et Kida qui mènent souvent la discussion. Le groupe couvre étonnamment assez peu de morceaux des derniers albums car un seul est tiré du dernier Fudeki (不出来), le morceau titre justement, et aucun de l’album d’avant Jōdeki (上出来). J’étais surpris de ne pas voir Ochansensu-Su (おちゃんせんすぅす) de l’album THE dans la setlist car c’est aussi un grand classique qui permet au groupe de s’amuser en le triturant à l’excès. L’excellent WARP de l’album 10 faisait par contre partie du concert, tout comme Naka (なか) de l’album Makkuro. Ces morceaux ont la particularité d’avoir des passages rappés par Ikkyu, ce qui me fait d’ailleurs penser que la combinaison avec Chelmico pour la date d’Osaka n’est pas du tout incongrue. Il y a parfois cet esprit hip-hop dans les morceaux de Tricot, ce qui sort clairement le groupe de son étiquette de groupe de math rock. Je sentais Tricot jouer sans pression, même si on ne voit jamais aucune pression transparaître d’Ikkyu qui a l’air toujours très cool en toute occasion. C’est peut-être une impression que j’ai en raison de sa manière de parler un peu nonchalante. Je ne serais pas loin de croire qu’elle est originaire de Nagano, mais en fait non, elle est originaire de la préfecture de Shiga. Comme pour PEDRO, le public est très engagé et il me semble un peu plus vocal que d’habitude. Ça fait plaisir de ressentir cette ambiance. Je pense que Tricot aime d’ailleurs partager l’affiche de cette manière. Ça sera également le cas pour leur prochain concert au Liquidroom qui aura lieu en Septembre 2024, à priori sans Hiromi.

Pour le morceau de rappel, Hiromi donne au public un choix de trois morceaux qu’on choisira grâce au volume sonore des applaudissements. Plusieurs crient bien sûr qu’ils veulent écouter les trois morceaux à la suite. Ce sera finalement le morceau Melon Soda (メロンソーダ) de l’album 3 qui conclura le set de Tricot. Une petite photo de famille sera ensuite prise avec Tricot et Ayuni D de PEDRO. Au final, le concert s’achève vers 9:30, ce qui fait un peu plus de deux heures de live, en comptant l’entracte, pour un total de 24 morceaux joués. Pour un peu plus de 5000 Yens la place, c’est quand même assez avantageux. Tous les concerts auxquels j’assiste sont dans ces prix à part celui de Sheena Ringo qui était au double. Les lumières se rallument après les remerciements et on nous demande gentiment de ne pas prendre de photos de la scène, ce qui est plutôt étonnant. J’ai toujours un peu de mal à vouloir sortir. Une fois dehors, les oreilles sonnent. Plus de deux heures de guitares et de batterie virulentes laissent un petit souvenir qu’on gardera en tête pendant plusieurs heures. Je ne commence pas l’écriture de ce billet dans la foulée, mais je me surprends moi-même d’avoir autant le courage d’écrire sur les concerts que je vais voir. C’est en quelque sorte mon message de remerciements aux groupes.

A part les photos du début du billet, les autres sont glanées sur les compte Twitter de PEDRO et de Tricot. Ci-dessous les setlists de deux groupes pour référence ultérieures:

Unō Sanō (右脳左脳) – 10 Mai 2024 – PEDRO Setlist:

1. (intro) Kaeru (還る) de l’album Omomuku mama ni, i no muku mama ni (赴くままに、胃の向くままに)
2. Shunkashūtō (春夏秋冬) de l’album Omomuku mama ni, i no muku mama ni (赴くままに、胃の向くままに)
3. Green Heights (グリーンハイツ) de l’album Omomuku mama ni, i no muku mama ni (赴くままに、胃の向くままに)
4. Music (音楽) de l’album Omomuku mama ni, i no muku mama ni (赴くままに、胃の向くままに)
5. Roman (浪漫) de l’album Roman (浪漫)
6. Senshin (洗心) de l’album Omomuku mama ni, i no muku mama ni (赴くままに、胃の向くままに)
7. Omomuku mama ni (赴くままに) de l’album Omomuku mama ni, i no muku mama ni (赴くままに、胃の向くままに)
8. Kiyoku, Tadashiku (清く、正しく) de l’album Omomuku mama ni, i no muku mama ni (赴くままに、胃の向くままに)
9. Mahō (魔法) de l’album Gojitsu Aratamete Ukagaimashita (後日改めて伺いました)
10. Sutte , Haite (吸って、吐いて) de l’album Gojitsu Aratamete Ukagaimashita (後日改めて伺いました)
11. Yosei (余生) de l’album Omomuku mama ni, i no muku mama ni (赴くままに、胃の向くままに)

Unō Sanō (右脳左脳) – 10 Mai 2024 – Tricot Setlist:

1. Noradrenaline de l’album A N D
2. Omotenashi (おもてなし) de l’album T H E
3. Himitsu (秘密) de l’album Makkuro (真っ黒)
4. Anamein (アナメイン) du mini-album Bakuretsu Toriko-san (爆裂トリコさん)
5. Echo (エコー) de l’album 3
6. WARP de l’album 10
7. E de l’album A N D
8. Unō Sanō (右脳左脳) de l’album Makkuro (真っ黒)
9. Naka (なか) de l’album Makkuro (真っ黒)
10. Boom ni Notte (ブームに乗って) de l’album Makkuro (真っ黒)
11. Shokutaku (食卓) de l’album A N D
12. Fudeki (不出来) de l’album Fudeki (不出来)
13. (Rappels) Melon Soda (メロンソーダ) de l’album 3

AAAMYYY / Option C

Comme c’est le cas pour la grande majorité des concerts auxquels j’ai assisté jusqu’à maintenant, j’avais réservé ma place pour le concert d’AAAMYYY depuis plus de trois mois. Si je ne me trompe pas, elle n’avait pas fait de concert en solo, en Oneman Live comme on dit, depuis celui au Billboard de Yokohama en Juillet 2023. Le concert auquel j’ai assisté prenait le nom Option C et se déroulait dans la salle Spotify O-East à Shibuya le Jeudi 7 Mars 2024 à partir de 19h. Je connaissais cette salle située dans les dédales de Dogenzaka, près du Club Asia, mais je n’y étais jamais entré. Elle a une capacité d’environ 1300 personnes debout et devait être à peu près pleine. Il s’agissait d’une date unique à Shibuya, et pas d’une tournée accompagnant la sortie d’un nouveau disque. Comme AAAMYYY n’a pas sorti de nouvel album ou EP depuis son dernier EP ECHO CHAMBER sorti en 2022, je ne savais pas trop à quoi m’attendre au niveau de la setlist. J’aime particulièrement les jours et les heures qui précèdent un concert, mélangeant une excitation certaine avec une petite pointe d’appréhension. Je ressens toujours le besoin de me préparer en réécoutant les albums et morceaux de l’artiste ou du groupe que je vais voir, histoire de bien s’imprégner de l’atmosphère avant le concert. AAAMYYY a sorti deux albums, son premier album Body sorti en 2019 et le deuxième album Annihilation sorti en 2021, et quatre EPs, Weekend EP sorti en 2017 et Maborosi EP sorti en 2018 (regroupés ensuite sous le nom Maborosi Weekend) puis Etcetra EP en 2018 et ECHO CHAMBER en 2022. J’ai réécouté son dernier EP ECHO CHAMBER et son premier Maborosi Weekend, et quelques morceaux de l’album Annihilation pour me remettre dans le bain. C’était une bonne pioche car elle a interprété sur scène tous les morceaux d’ECHO CHAMBER et quelques morceaux seulement de Maborosi Weekend et Annihilation. J’étais en fait assez loin de me douter que plus de la moitié des morceaux de la setlist du concert n’étaient pas présents sur ses propres albums, mais provenaient d’albums d’autres artistes avec qui elle avait collaboré jusqu’à maintenant. Je savais qu’AAAMYYY avait participé à beaucoup de morceaux d’autres artistes, sans tous les connaître. Un grand nombre de ces artistes étaient invités pour ce concert. AAAMYYY nous révèle pendant le concert que le concept est d’interpréter des morceaux avec plein d’invités. L’affiche nous les annonçait et je connaissais un certain nombre de ces noms d’invités.

Comme d’habitude, j’aime arriver à l’heure exacte d’ouverture, à 18h cette fois-ci. On attend patiemment que son numéro de billet soit appelé pour monter les marches et entrer les uns après les autres dans la salle. Tout est très bien organisé et même millimétré. Après avoir été appelé, je monte les escaliers en file indienne, m’empare d’une bière à l’entrée et me place au sixième rang dans la salle tout en longueur. Je regarde distraitement les personnes autour de moi, pour voir quel est le style général du public d’AAAMYYY. Il est plutôt urbain dans l’ensemble mais assez varié. La moyenne d’âge de l’audience est sans grande surprise inférieure à la mienne, assez équilibrée entre hommes et femmes. Beaucoup de personnes semblent être venues seules et je me rends compte que c’est en fait souvent le cas. Je me sens toujours bien dans l’enceinte d’une salle de concert. Mahl m’envoie un petit message pour me souhaiter un bon concert avant qu’il ne démarre. Je ne peux m’empêcher de laisser également un message à Nicolas, et à informer ma petite sœur qui assiste également assez souvent à des concerts et le partage ses impressions. À chaque concert, je me demande toujours si la bande sonore pour nous faire attendre est sélectionnée par l’artiste ou le groupe. J’y trouve toujours un ou deux morceaux qui attirent mon attention. Cette fois-ci, c’est Boss B*tch de l’américaine Doja Cat. De retour à la maison, je me mettrais d’ailleurs à écouter quelques morceaux de son dernier album Scarlet, notamment l’excellent Agora Hills. Ce morceau de Doja Cat et les quelques autres viennent assez bien accompagnés dans la playlist de mon iPod le dernier single yes, and? d’Ariana Grande qui est tout à fait remarquable. J’ai, tout comme mon fils, un faible pour la musique d’Ariana Grande et ce dernier single aux airs assumés d’hommage au Vogue de Madonna me ramène avec beaucoup de bonheur au tout début des années 90. Mais je m’égare un peu en attendant que le concert ne démarre.

Après une petite séquence vidéo où on la voit se présenter en anglais assise sur un fauteuil vintage, d’une manière très similaire au concert Annihilation Extra au Liquidroom d’Ebisu en Décembre 2021, AAAMYYY apparaît seule sur scène devant un très grand écran montrant des images pleines de formes et de couleurs. Elle est habillée d’une robe rouge au design recherché et porte des hautes bottes blanches pleines de ferrures. Elle fait clairement attention à son style et c’était la raison pour laquelle je me demandais d’abord quel pouvait être le style de l’audience qui vient la voir. Elle interprète d’abord trois morceaux du EP ECHO CHAMBER, That smile (あの笑み), Ikitemiruwa (生きてみるわ) et Ignition. J’espérais discrètement qu’Ano (あの) apparaisse de manière tout à fait inattendue sur scène mais ce n’était pas le cas. Elle n’était de toute façon pas annoncée sur l’affiche et est devenue depuis son single pour l’anime Chainsaw Man une figure très médiatisée. AAAMYYY est seule sur scène et je me rends compte après quelques minutes que ça m’est inhabituel de voir une artiste chantée sur scène sans les musiciens d’un groupe tout autour. Mais AAAMYYY utilise bien l’espace et ce relatif inconfort initial s’oublie assez vite, d’autant plus que les invités vont ensuite débarquer rapidement les uns après les autres. On s’aperçoit après quelques morceaux que le DJ et producteur Wataru MONJOE est là derrière ses platines pour assurer le set musical. Il n’est pas sur scène mais dans un petit espace ouvert placé sur la droite de la salle de concert. Je pensais d’abord qu’il s’agissait d’un espace pour VIP car il contient un large sofa, un autre fauteuil et une table avec des boissons semblant alcoolisées. Les platines se trouvent en fait à cet endroit derrière le sofa. MONJOE est bien là debout derrière les platines à mixer tout en regardant AAAMYYY chanter sur scène. Cette disposition est inhabituelle et très intéressante. Le premier morceau That smile (あの笑み) met d’entrée de jeu dans l’ambiance car il est assez agressif. AAAMYYY couvre à la fois ses propres paroles et celles d’ano, dont le « fuck » qui lui fait faire avec un sourire remarquable un double doigt d’honneur les mains levées dans les airs. Ce qui est intéressant avec AAAMYYY est qu’on la sent complètement à sa place et investie sur scène, mais elle n’est pas non plus un monstre de scène et une certaine fragilité se ressent. Je ressens en fait également ce genre de dualité dans sa musique. Elle enchaîne ensuite avec Ikitemiruwa (生きてみるわ) et Ignition qui est un des morceaux que je préfère sur ECHO CHAMBER, avec Hail (雨) qui suit juste après. Pour Hail, l’écran géant derrière elle montre des images de forêt extraites de la vidéo tournée à Hinode, dans la banlieue Ouest de Tokyo près de la ville d’Ōme. Le rappeur (sic)boy arrive sur scène en cours de morceau pour sa partie rappée. Hail est un des morceaux d’AAAMYYY que je préfère, tous albums et EPs confondus, et cette interprétation sur scène est très réussie, très fidèle à la version de l’album. J’avoue que j’avais une petite appréhension quant au rendu live du chant d’AAAMYYY mais ses interprétations étaient en tous points parfaites (presqu’un peu trop d’ailleurs). (sic)boy et AAAMYYY interprètent ensuite un duo un morceau intitulé Mizu Fūsen (水風船) qui est en fait inclus sur l’album Vanitas de (sic)boy. Comme je ne le connaissais pas, j’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’un nouveau morceau mais il date en fait de 2021. Il s’agit du premier morceau d’une série de collaborations qui nous amènera jusqu’à la fin du concert. Comme je le mentionnais un peu plus haut, elle nous indique au milieu du concert que le concept est d’être basé sur de nombreuses collaborations sur scène, ce qu’on avait assez vite deviné. Juste après (sic)boy, le rappeur KEIJU entre sur scène pour un excellent morceau intitulé run away, présent sur son EP heartbreak, sur lequel chante bien sûr AAAMYYY. Je ne connaissais pas très bien KEIJU à part pour son intervention sur le morceau Link Up sur l’album Queendom de la rappeuse originaire d’Okinawa Awich. Il a l’air d’ailleurs assez proche d’Awich car ils ont participé ensemble à une interprétation du morceau Remember sur la chaîne YouTube The First Take. J’aime beaucoup le morceau run away dès cette première écoute lors du concert. La chant immédiatement reconnaissable d’AAAMYYY nous donne à chaque fois l’impression qu’il s’agit d’un de ses propres morceaux, plutôt que celui de l’invité. On revient ensuite sur un de ses morceaux avec Tengu (天狗), le seul de l’album Annihilation interprété pendant ce concert. Le rappeur Zo Zhit (荘子it), du groupe Dos Monos, déboule comme une bombe sur scène en court de morceau. Son rap est très puissant et il est très mobile sur scène. Son omniprésence sur scène est d’autant plus remarquable qu’il a une bonne carrure et une longue chevelure blonde bougeant allègrement avec ses mouvements brusques et ses va-et-vient sur scène. Zo Zhit n’interprète que ce morceau avec AAAMYYY mais on retient son passage.

Sans vraiment de temps morts, le rappeur Ryohu entre sur scène pour un morceau intitulé The Moment sur son premier album Debut sorti en 2021. Je connais d’abord Ryohu pour son duo remarquable sur le morceau BLUEV du EP Maborosi Weekend d’AAAMYYY, mais j’aime aussi beaucoup son duo avec YONCE de Suchmos sur le single One Way dont j’avais déjà parlé sur ce blog. Ryohu a une vois très particulière et marquée, qui s’accorde bien avec celle d’AAAMYYY car elles sont très différentes et en quelque sorte complémentaires. Le morceau qui suit s’intitule Magic Miror sur l’album Circus (2022) de Ryohu. Ce morceau est également un des très beaux moments du concert car TENDRE se joint au groupe pour les chœurs. Ryohu, AAAMYYY et TENDRE se partagent à trois l’espace de la scène pour un climax qui aurait pu conclure la première partie du concert. Mais un duo avec TENDRE suit ensuite pour le morceau OXY de son album PRISMATICS (2022). On sent à chaque fois une grande proximité entre AAAMYYY et ses invités, mais c’est d’autant plus notable avec TENDRE. Il faut dire qu’il joue souvent dans son groupe et AAAMYYY participe également régulièrement aux concerts de TENDRE. On a l’impression de voir sur scène les membres d’une grande famille de musiciens, et elle transmet assez clairement ce sentiment au public. Je pense que ça tient du fait qu’elle est très naturelle. Elle est également tout à fait imprévisible, aux dires de TENDRE et ça ne m’étonne pas beaucoup.

Après le morceau OXY, AAAMYYY nous indique qu’elle va partir se changer pendant quelques minutes et qu’elle nous laisse donc seuls avec TENDRE. Il se déplace vers la petite zone VIP avec sofa ouverte sur la salle, en nous disant qu’AAAMYYY lui a demandé au dernier moment de faire le MC pendant qu’elle se change, ne lui laissant donc que très peu de temps pour se préparer. Mais TENDRE ne se démonte pas et assure la discussion avec Wataru MONJOE qui se trouvait déjà dans cette petite salle, puis avec Zo Zhit et le chanteur Sho Okamoto (オカモトショウ) du groupe OKAMOTO’S qui chantera plus tard pendant le set. Une des premières réactions de TENDRE au public est de nous demander si on est surpris qu’il n’y ait pas de groupe sur scène. Cette question m’amuse car c’était également ma première réaction. TENDRE est aussi sympathique qu’il a une belle voix en chantant, et je dirais même que ça se lit sur son visage. Le public s’amuse quand il nous dit que c’est très difficile de prévoir ce qui se passe dans le cerveau d’AAAMYYY, notamment ce côté imprévisible et en dehors des sentiers battus. La discussion tourne autour de la première fois où chaque invité a rencontré et joué avec AAAMYYY. Au cours de la discussion, Zo Zhit nous fait part du fait que sa petite fille est née récemment et fait même dire au public qu’elle est mignonne pour faire plaisir à sa mère qui est quelque part dans la salle. Il y a une ambiance bon-enfant qui règne et les invités assis sur le sofa se demandent même s’ils peuvent prendre un verre de whisky sur la table alors que le concert n’est pas encore terminé. Sho Okamoto s’abstient car il n’a pas encore chanté. Cette salle VIP prendra une certaine importance pendant la suite du concert, car certains des invités vont y rester assis pour suivre comme le reste du public la suite du concert.

Vêtue d’une robe blanche volumineuse par endroits, AAAMYYY vient rejoindre le petit groupe dans la salle VIP pour sonner la fin de la récréation. Elle interprète ensuite deux morceaux avec Sho Okamoto, LOOP et GLASS, présents sur l’album CULTICA (2020) de ce dernier. Sho Okamoto joue de la guitare acoustique sur scène et l’ambiance est très différente du début du concert. D’une atmosphère hip-hop au début, on passe sur la quasi totalité de la deuxième partie à une ambiance beaucoup plus rock. Je découvre ces deux morceaux de Sho Okamoto avec AAAMYYY, et j’aime particulièrement celui intitulé LOOP. Je ne le fais pas systématiquement après chaque concert, mais j’ai senti le besoin de créer cette fois-ci une playlist de tous les morceaux de la setlist du concert pour découvrir un peu plus tous les morceaux que je ne connaissais pas. Je connaissais par contre bien les deux morceaux qu’AAAMYYY chante ensuite avec Shin Sakiura (シン サキウラ) à savoir Kono mama Yume de (このまま夢で) de son album Note et le single NIGHT RUNNING. Ce sont deux excellents morceaux de Shin Sakiura qui semblent avoir été complètement conçus pour AAAMYYY, ce qui n’est pas étonnant car elle est la seule à chanter. Shin Sakiura joue de la guitare électrique sur scène, et le solo sur NIGHT RUNNING, qui n’existe pas sur la version studio, est tout à remarquable. Shin Sakiura est pour moi une de ces figures notables de la scène musicale japonaise car il compose beaucoup pour les autres, notamment pour AiNA The End et Miyuna. J’en avais déjà parlé dans un billet précédent. Le morceau qui suit, DAYZ est une collaboration avec Wataru MONJOE qui chante en plus de composer et jouer le morceau. J’adore la manière de chanter légèrement hors-ton d’AAAMYYY sur ce morceau en particulier. Cette interprétation est très chouette car elle interagit beaucoup avec MONJOE situé dans la salle VIP, toujours accompagné sur le sofa devant lui de TENDRE, Zo Zhit, Sho Okamoto et de Shin Sakiura qui vient juste de les rejoindre. Cela donne une ambiance très détendue et proche du public. C’est la première fois que j’assiste à un concert qui ressemble en à une réunion d’amis musiciens, tout en restant tout à fait professionnel sur scène. Enfin, sur DAYZ, l’alcool fait apparemment faire à MONJOE des loops supplémentaires de sampling qui n’étaient à priori par prévues et qui font réagir le public. Toujours composé par MONJOE, elle chante ensuite son dernier single Savior (救世主) dont j’ai parlé très récemment. J’aime beaucoup la dynamique de ce morceau. Je m’attendais à ce que MONJOE fasse également des loops et de décrochages sur Savior pour gentiment décontenancer AAAMYYY dans une forme d’itazura, mais il reste sage.

A ce moment du concert, la fin approche et AAAMYYY présente les deux groupes créatifs Classic 6 et Santa Naruse qui assurent les installations vidéos accompagnant le concert. Elles sont très belles, en général assez graphiques et abstraites mais quelques fois assez étranges. Une partie des vidéos montrent notamment un sofa avec un écran vidéo placé en son centre. On se demande la signification de ce sofa omniprésent, mais peut-être s’agit il seulement d’une invitation à prendre son temps pour apprécier la musique qu’on écoute. AAAMYYY fait ensuite une transition avec le morceau suivant BLUEV qu’elle annonce en Blue Valentine, avec Ryohu de retour sur scène. Elle indique qu’une des personnes d’un des deux groupes créatifs a participé à la vidéo de BLUEV, et c’est la raison pour laquelle ce morceau de son premier EP Maborosi Weekend est interprété ce soir. Je n’ai par contre pas bien compris de qui il s’agissait car le réalisateur de la vidéo, Sōchi Nakamura (中村壮志), n’est à priori pas membre d’un des deux groupes. Le groupe Zatta composé de deux musiciens (Keach Arimoto et Taishi Sato) ayant déjà accompagnés AAAMYYY lors de concerts entrent sur scène avec leurs guitares pour un morceau inédit dont on ne connaît pas le titre. Le morceau Come and Go de ECHO CHAMBER conclut finalement le set. AAAMYYY nous annonce qu’il n’y aura pas possibilité d’avoir des rappels car le management de la salle lui a indiqué que le temps imparti a déjà été utilisé pour la longue séquence pendant laquelle elle se changeait et on écoutait TENDRE et ses compères discuter. Tous les invités, et il sont nombreux, montent sur scène pour l’accompagner sur ce morceau Come and Go. Ryohu est accompagné par sa fille, qui était déjà sur scène avec lui sur BLUEV. Je n’ai pas pris de photos pendant le concert, et bien heureusement ça reste la norme au Japon bien que ça ne soit pas interdit, sauf pour cette partie finale où tous les invités étaient présents sur scène. Sur la dernière photo du billet, on peut voir de gauche à droite: KEIJU, (sic)boy, Ryohu et sa fille, un des deux musiciens de Zatta, Zo Zhit (荘子it), AAAMYYY, TENDRE, Sho Okamoto (オカモトショウ), l’autre musicien de Zatta, Shin Sakiura (シン サキウラ) et MONJOE. Les invités ont l’air d’être également assez proches entre eux et on note des collaborations comme celle de Ryohu avec Sho Okamoto sur un morceau intitulé Hanabi sur son album Circus. Après cette réunion finale qui a pris son temps, notamment pour faire une photographie d’ensemble avec toute la salle en arrière plan, il n’y avait en effet pas de rappels. Le total de 19 morceaux interprétés nous a amené à environ deux heures de concert. Ces deux heures ont passé bien vite et on peine à sortir de la salle car les images et les sons nous restent en tête. Le moment où on sort de la salle pour rejoindre la rue est toujours particulier, car on se dit que toute la foule anonyme marchant dans la rue a manqué quelque chose. Mais ce sentiment disparaît très vite lors qu’on revient à la réalité. On prend une petite photo de l’affiche du concert à l’entrée de la salle et on repart comme si de rien n’était dans les rues à la fois sombres et lumineuses de Shibuya, jusqu’au prochain concert. Ce prochain concert sera normalement Right Brain Left Brain (右脳左脳) de Tricot (pour la troisième fois) au mois de Mai. Le groupe sera accompagné de PEDRO en première partie (le groupe d’Ayuni D et d’Hisako Tabuchi). On y réfléchissant, je me dis qu’Ikkyu Nakajima de Tricot devrait bien s’entendre avec AAAMYYY. Elles se suivent au moins mutuellement sur Instagram. On rêverait à une collaboration, mais j’ai tout de même un peu de mal à imaginer ce que ça pourrait donner.

Je note ci-dessous pour référence ultérieure la setlist du concert Option C de AAAMYYY au Spotify O-East de Shibuya le 7 Mars 2024:

1. That smile feat. ano (あの笑み feat. あの), du EP ECHO CHAMBER
2. Ikitemiruwa (生きてみるわ), du EP ECHO CHAMBER
3. Ignition, du EP ECHO CHAMBER
4. Hail feat. (sic)boy (雨 feat. (sic)boy), du EP ECHO CHAMBER
5. Mizu Fūsen feat. AAAMYYY&KM (水風船 feat. AAAMYYY&KM), de l’album Vanitas de (sic)boy
6. run away, de KEIJU en duo avec AAAMYYY sur son EP Heartbreak
7. Tengu feat. Zo Zhit (天狗 feat. 荘子it), de l’album Annihilation
8. The Moment, de Ryohu en duo avec AAAMYYY sur son album Debut
9. Magic Mirror feat. AAAMYYY TENDRE, de l’album Circus de Ryohu
10. OXY feat. AAAMYYY, de l’album PRISMATICS de TENDRE
Passage MC MONJOE BAR 🎤
11. LOOP feat. AAAMYYY, de l’album CULTICA de Sho Okamoto (オカモトショウ)
12. GLASS feat. AAAMYYY, de l’album CULTICA de Sho Okamoto (オカモトショウ)
13. Kono mama Yume de feat. AAAMYYY (このまま夢で feat. AAAMYYY), de l’album Note de Shin Sakiura (シン サキウラ)
14. NIGHT RUNNING feat. AAAMYYY, single de Shin Sakiura (シン サキウラ)
15. DAYZ AAAMYYYxMONJOE, single de MONJOE et AAAMYYY
16. Savior (救世主), single le plus récent
17. BLUEV feat. Ryohu, sur le EP MABOROSI WEEKEND
18. Morceau inédit avec Zatta
19. Come and Go feat. Gliiico, du EP ECHO CHAMBER

Les photographies de ce billet proviennent du compte Instagram d’AAAMYYY et ont été prises par le photographe Takao Iwasawa (岩澤高雄), à part la première et les deux dernières photographies prises par moi-même.

if i were an angel, 羊文学

Le concert du groupe rock alternatif Hitsuji Bungaku (羊文学) de leur tournée 2023 « if i were an angel, » était un vrai bonheur et je garde toujours en tête l’émotion des moments passés debout parmi la foule à écouter avec passion la musique du groupe. Je suis allé les voir le Mardi 3 Octobre 2023 dans la grande salle Zepp Haneda, qui se trouve à la station de Tenkubashi juste à côté de l’aéroport. Il s’agit d’une grande salle avec un étage couvrant une capacité d’environ 2,500 personnes et les deux dates de Tokyo étaient à guichet fermé. Cette tournée en 12 dates était nationale et la plus grande de leur carrière musicale, démarrant à Niigata le 2 septembre, en passant par Yokohama, Sapporo, Osaka, Sendai, Nagoya, Fukuoka, Hiroshima, Takamatsu pour terminer avec deux dates à Tokyo au Zepp Haneda. J’ai assisté à l’avant dernier concert de cette tournée, que la compositrice et interprète Moeka Shiotsuka (塩塚モエカ) surnommait elle-même la « Demi-Finale ». Le dernier concert de la tournée avait lieu le 4 Octobre mais était déjà complet au moment où les réservations ont été ouvertes. Cette date devait très certainement être réservée aux membres du fan club du groupe. J’avais acheté mon billet le 1er Juillet, donc trois mois avant le concert. Je m’étais même empressé à acheter un billet dans l’heure suivant l’ouverture de la billetterie. Malgré cela, mon billet me situait dans le bloc C, derrière les blocs B et A situés plus en avant près de la scène. En fait, le bloc définit l’ordre d’appel et d’entrée dans la salle. Une fois entré, rien ne nous empêche d’essayer de s’approcher au plus près de la scène. En ce qui me concerne, j’ai surtout cherché à trouver un point vers le milieu de la salle où je ne serais à priori pas trop gêné par les têtes qui dépassent devant moi dans la foule. Par rapport au dernier concert que j’ai été voir, celui de a子, la taille du Zepp est beaucoup plus impressionnante mais la visibilité reste bonne dans l’ensemble, car la salle est plus large que profonde. La taille de la salle est dans le même ordre de grandeur que celle de Toyosu Pit où j’avais été voir Tricot pour la première fois. J’ai eu beaucoup de temps pour me préparer mentalement à ce concert, enfin préparer musicalement plutôt, en vérifiant que j’avais bien écouté toute la discographie du groupe.

En écoutant les 20 morceaux joués pendant ce concert, on se rend compte de la qualité de la discographie de Hitsuji Bungaku car ils n’ont pas joué que leurs morceaux les plus récents et plus connus, mélangeant d’autres plus anciens qui sont tout aussi bons. Après seulement quelques années d’existence, cette discographie est déjà très importante et sans faiblesse. Ce concert était en fait une étape de transition car il ne s’agit pas de la tournée liée à la sortie de leur dernier album our hope, tournée pour laquelle je n’avais d’ailleurs pas réussi à acheter un billet, et le groupe n’a pas non plus de nouvel album sorti cette année. Hitsuji Bungaku a par contre joué deux de leurs singles récents à savoir FOOL et More than words, dont j’ai déjà parlé sur ces pages. L’excellent More than words apparaîtra en fait sur leur prochain album. Ils nous ont également fait le plaisir de jouer trois morceaux inédits de ce futur nouvel album: hosnestly, flower et un troisième dont on ne sait pas encore le titre. Dès la première écoute pendant ce concert, j’ai été surpris par la qualité et l’accroche. Pendant le passage de MC présentant rapidement deux des morceaux, Moeka nous disait qu’elle sentait elle-même une sorte de pression de ne pas faire moins bien que More than words. Le nouvel album s’annonce en tout cas très bien. Il faudra entendre la toute fin du concert pendant les rappels, pour qu’on nous annonce le titre et la date de sortie de ce nouvel album tant attendu. Il s’intitulera 12 hugs (like butterflies) et sortira le 6 Décembre 2023. Un point amusant est que Moeka, sur le coup de l’émotion peut-être, n’a d’abord pas réussi à nous dire d’une manière très claire le titre de cet album ce qui a obligé une personne du public à lui demander de répéter, ce qu’elle a fait après un sourire. Yurika donnait également une autre annonce, celle d’un prochain concert le 21 Avril 2024 dans la grande salle de 17,000 places de Yokohama Arena. Ce sera la plus grande salle de l’histoire du groupe. Comme le concert est situé quelques mois après la sortie de leur nouvel album, j’imagine qu’ils n’auront pas trop de soucis à remplir l’Arena. Ce concert s’appellera « III », représentant les trois membres du groupe et pas le kanji de la rivière comme le disait Yurika en plaisantant. J’étais en tout cas assez content que le groupe réserve l’exclusivité de ces annonces à l’avant dernier concert de la tournée plutôt qu’au dernier qui avait lieu le lendemain.

Le concert a duré environ deux heures et mélangeait des morceaux de tous les albums et EPs de leur discographie, en plus des morceaux récents mentionnés ci-dessus. Le concert a commencé par le morceau intitulé Ending (エンディング) qui est le premier de leur premier album Dear Youths (若者たちへ). Le groupe était d’abord caché par un écran opaque sur lequel était diffusé des images mouvantes étranges représentant parfois des visages. Il s’agissait d’une création de l’artiste contemporain Yuma Kishi (岸裕真) qui crée des images irréelles à partir de photographies ou de peintures réelles en utilisant l’intelligence artificielle. Dans un esprit similaire, il a notamment réalisé une vidéo pour Hatis Noit pour le morceau Angelus Novus du superbe album Aura dont j’ai déjà parlé ici. Je trouve que ces images projetées sur scène correspondent à celles d’anges comme indiqué dans le titre de la tournée, sauf que cette représentation n’est pas binaire. Elle est sans arrêts changeante comme si elle reflétait les multiples émotions et sentiments humains. On retrouve ensuite ces images d’anges changeant de manière fantastique à la fin du concert juste avant les rappels, pendant le superbe morceau Ghost. Les images de cet ange fantôme sont cette fois-ci basées sur des photographies de la modèle Mai Matsumoto, si on en croit la description sur le compte Instagram de l’artiste. Ce morceau Ghost n’est pas le plus dynamique du groupe car il se base plutôt sur une progression sonore lente et profonde. Ce choix pour un dernier morceau de concert me fait dire qu’ils sont très sûr de leur art, sans essayer de créer un coup d’éclat final avant les rappels. Cet aspect là m’a beaucoup plu et a captivé le public, comme tout le reste du concert d’ailleurs.

Les morceaux se sont bien sûr enchaînés sans qu’on se rende compte du temps qui passe et les deux heures ont passés bien vite. Il y a eu plusieurs passages de MC adressés à la foule. Pratiquement plus personne ne porte de masque dans le public et il n’y a plus depuis longtemps de restriction pour parler (ou crier dans certains cas). Les cris de la foule étaient par conséquent plus nombreux et présents que dans les concerts précédents. J’étais en fait très curieux de voir comment le groupe allait se comporter sur scène, car ses racines sont vraiment ancrées dans le rock indépendant et alternatif avec une bonne dose de mélancolie, mais un certain nombre de morceaux récents sont très dynamiques et accrocheurs. Moeka et la bassiste Yurika Kasai (河西ゆりか) sont relativement statiques sur scène mais se laissent aussi assez souvent emporter par leur morceau. J’ai beaucoup aimé la manière par laquelle Yurika se déchaînait sur sa basse sur certaines fins de morceaux, comme celui intitulé Inori (祈り) du EP Zawameki (ざわめき), qui se concluaient par un feu d’artifice de guitares. Tout comme sur les albums, je suis impressionné en live pour la puissance sonore de la guitare électrique de Moeka Shiotsuka. Le fait qu’ils ne soient qu’un trio n’affecte en rien la force musicale de l’ensemble car chacun des membres est complètement investi dans la musique qu’ils produisent sur scène, sans compromis. Le jeu de batterie de Hiroa Fukuda (フクダヒロア) me plait aussi beaucoup, car on ressent physiquement chacun de ses coups de percussions. Cette force musicale est d’autant plus renforcée par la voix très présente de Moeka et l’addition très fréquente des chœurs de Yurika. Toutes ses sonorités, la palette étendue de la voix de Moeka, les chœurs de Yurika, donnent une atmosphère très riche et dense, qui sait être bruyante mais est avant tout émotionnelle. Et j’aime énormément la voix de Moeka Shiotsuka. On la surnomme également Heidi (ハイジ). Je ne connais pas la raison exacte de ce surnom mais il me semble correspondre assez bien à l’accent particulier qu’elle met parfois sur ses paroles en chantant. Les trois membres de Hitsuji Bungaku ont entre 26 et 27 ans mais je trouve que le groupe a déjà atteint une grande maturité, qui n’empêche pas non plus certains moments de folie. En fait, sur scène, on ressent le groupe comme restant naturel. L’émotion de Moeka est palpable lorsqu’elle nous dit, dès le début du concert, que c’est l’avant dernier de cette tournée, ou quand son visage s’éclaire de joie et qu’elle encourage de mouvements de bras le public déjà bien acquis à la cause du groupe. Il y a un respect que je ressens personnellement très bien et qui me fait d’autant plus apprécier ce groupe. Le batteur Fukuda qui ne parle pas beaucoup derrière ses très longs cheveux noirs qui lui cassent la plus grande partie du visage et du corps, indique d’ailleurs que le groupe continuera à jouer leur rock sans trembler (ブレずにカッコよくロックを) dans le sens où il et elles resteront imperturbables dans leur direction musicale.

Il y avait beaucoup de moments mémorables dans ce concert, notamment lors des singles emportant la foule comme Ningen datta (人間だった), OOPARTS ou Hikaru Toki (光るとき). J’ai beaucoup aimé Tengoku (天国) car il faisait intervenir le public par des appels et réponses faits de mouvements de bras. C’était le seul réel morceau dans ce style volontairement interactif. J’ai beaucoup apprécié le fait qu’ils jouent le morceau 1999 dans les rappels car il s’agit du morceau par lequel j’ai découvert le groupe et parce que cette année là, correspondant à mon arrivée à Tokyo, est forcément pour moi particulière. A part les inédits, il y avait un seul morceau que je ne connaissais pas tiré du EP your love et intitulé Yoru wo Koete (夜を越えて). Je m’en voudrais presque de ne pas l’avoir connu avant le concert car c’est vraiment un morceau sublime que j’écoute maintenant beaucoup, tout comme le reste de leur discographie dont j’ai un peu de mal à me détacher. Les quatre premières photographies du billet ont été prises par moi-même, tandis que les autres sont des photographies montrées par le groupe sur leurs comptes Twitter ou Instagram et prises principalement par les photographes Asami Nobuoka et Daiki Miura. La photographie de l’affiche de cette tournée a été prise par le photographe Nico Perez, basé à Tokyo. Il a souvent pris le groupe en photo et a réalisé la photographie qui accompagnera la sortie du futur album. En fait, j’aime tant cette photo de tournée en noir et blanc que je n’ai pas résisté à l’envie d’acheter le T-shirt, en version noire comme le porte Moeka en photo ci-dessus.

Pour référence, ci-dessous est la set list de la tournée 2023 « if i were an angel, » à Zepp Haneda le Mardi 3 Octobre 2023:

1. Ending (エンディング), de l’album Dear Youths (若者たちへ)
2. more than words, single du futur album 12 hugs (like butterflies)
3. Ningen datta (人間だった), du EP Zawameki (ざわめき)
4. FOOL, single
5. honestly, nouveau morceau du futur album 12 hugs (like butterflies)
6. flower, nouveau morceau du futur album 12 hugs (like butterflies)
7. Inori (祈り), du EP Zawameki (ざわめき)
8. hopi, de l’album our hope
9. Mayoiga (マヨイガ), de l’album our hope
10. Titre non dévoilé, nouveau morceau du futur album 12 hugs (like butterflies)
11. Tengoku (天国), de l’album Dear Youths (若者たちへ)
12. Party ha Sugu soko (パーティーはすぐそこ), de l’album our hope
13. Eien no Blue (永遠のブルー), single
14. OOPARTS, de l’album our hope
15. Hikaru Toki (光るとき), de l’album our hope
16. Yoru wo Koete (夜を越えて), du EP your love
17. ghost, de l’album POWERS
18. (Rappel) Odoranai (踊らない), du EP Tunnel wo Nuketara (トンネルを抜けたら)
19. (Rappel) 1999, de l’album POWERS
20. (Rappel) Aimai de ii yo (あいまいでいいよ), de l’album POWERS