春休みin沼津and伊豆(petit 2)

Nous continuons ensuite notre parcours en voiture en sortant du centre de Numazu en direction d’Izu pour faire le tour de la baie d’Enoura jusqu’à la petite île d’Awashima. L’hôtel Awashima (淡島ホテル) où nous passerons la nuit se trouve à l’extrémité de cette île. Cet hôtel n’est accessible que par bateau et la navette dure environ une dizaine de minutes. Depuis le bateau, on aperçoit le majestueux Mont Fuji s’échappant au loin derrière une ligne de basses montagnes. L’homme d’affaire Shōichi Osada (長田庄一) était propriétaire de cet hôtel qu’il a fait construire pendant la bulle spéculative des années 1980. Il avait en fait acheté l’île d’Awashima pour y construire cet hôtel avec l’idée d’en faire un des plus luxueux du Japon. Shōichi Osada est né en 1923 à Kofu dans la prefecture de Yamanashi d’une famille de négociants en bois. Après être monté à Tokyo, il se lance dans la finance en regroupant plusieurs petites banques mutuelles pour fonder une grande banque nommée Tokyo Sowa qui se focalise sur les opérations immobilières et le crédit à la consommation. Il mène une vie flamboyante sans compter ses dépenses. Grand amateur de la France, il devient ami de 50 ans de Jacques Chirac qui viendra d’ailleurs séjourner dans cet hôtel d’Awashima, tout comme d’autres hommes politiques, notamment François Mitterand. Il sera d’ailleurs promu chevalier de la Légion d’honneur par François Mitterrand en 1994, puis officier en 1997 par Jacques Chirac. Une rumeur insistante, mais jamais confirmée, disait même que Jacques Chirac avait un compte bien garni dans la banque Tokyo Sowa, ce qu’il toujours nié. Collectionneur d’art, Shōichi Osada achète de nombreux tableaux français et européens que l’on peut voir dans l’hôtel dans une galerie d’art ouverte sur le grand hall. L’explosion de la bulle spéculative au Japon a précipité la faillite de Tokyo Sowa en Juin 1999. La banque sera ensuite racheté par un fond texan Lone Star pour devenir Tokyo Star Bank (qui a également disparu). On peut voir dans l’hôtel quelques photos de Jacques Chirac avec son ami Shōichi Okada. L’hôtel n’a heureusement pas été emporté par la faillite de Tokyo Sowa et est actuellement dirigé par le fils d’Osada. Le standing de l’hôtel me rappelle un peu l’hôtel Kawakyu à Wakayama, mais il est loin d’être aussi extravagant. j’aime beaucoup ces hôtels construits pendant les périodes fastes de la bulle économique et qui ont depuis beaucoup perdu de leur superbe. On devine par contre encore très bien la richesse des lieux, sauf que l’hôtel ne peut plus vraiment tenir le standing de l’époque et n’a pas vraiment su s’ajuster au niveau auquel on pourrait s’attendre pour un hôtel prétendant vouloir devenir le plus luxueux du Japon. Depuis la terrasse de l’hôtel, la vue sur le coucher de soleil était superbe et hypnotisante. La vue complètement dégagée sur le Mont Fuji est un des points forts de cet endroit, notamment depuis les bains onsen. On ne voit bien sûr rien pendant la nuit, mais nous avons eu le plaisir d’avoir une vue dégagée sur le Mont Fuji au petit matin. Ça nous a fait retourner dans le bain onsen extérieur pour prendre son temps dans l’eau chaude à regarder la montagne sacrée.

L’émission Liquid Mirror d’Avril 2023 consacrée à Ryuichi Sakamoto (坂本龍一) m’a fait revenir vers le Yellow Magic Orchestra (YMO) car elle contenait le morceau Perspective qui m’a beaucoup intrigué. Il s’agit du dernier morceau de leur septième album Service sorti en 1983. On se laisse tout de suite emporter par l’approche au piano de Sakamoto pour se perdre dans les boucles infinies composées de phrases simples, mi-parlées mi-chantées par Yukihiro Takahashi (高橋幸宏), décrivant en anglais des petites actions de la vie quotidienne. Je m’assoie tranquillement dans le jardin de l’hôtel sur les murets blancs en colonnes près du bord de l’océan en écoutant ce morceau ainsi que quelques autres de cet album dont LIMBO, 以心電信 (You’ve Got To Help Yourself) et See-Through. C’est musicalement superbe, très orienté pop 80s ce qui me semblait assez bien correspondre à l’ambiance des lieux où je me trouvais. L’album Service est en fait très particulier car chaque morceau est entrecoupé de scènettes de plusieurs minutes, qu’on peut écouter une fois par curiosité mais qu’on aura beaucoup de mal à écouter à chaque fois. De l’album, je ne conserve donc sur mon iPod que les sept véritables morceaux qui sont, il faut bien dire, tous excellents. Je suis loin de bien connaître la discographie du YMO, mais cet album est pour le moment mon préféré. La voix de Takahashi sur Chinese Whispers ou See-Through me fascine complètement. On ne peut pas dire qu’il était un excellent chanteur mais sa voix parfois un peu torturée me rappelle par moment un peu Bowie. J’écoute aussi le cinquième album Technodelic du YMO sorti en 1981. Cet album électronique est beaucoup plus expérimental dans son approche, mais certaines directions sur le premier morceau Pure Jam (ジャム) me rappellent un peu les Beatles, peut-être à cause de ses sonorités indiennes et de son approche vocale. L’album est plus minimaliste et moins orienté pop par rapport à Service sorti deux ans plus tard. Il est rempli de textures souvent abstraites voire mystérieuses. L’ambiance musicale industrielle inquiétante du morceau Stairs (階段) est une fois de plus fascinante, comme l’est d’ailleurs la grande majorité de l’album. Les ambiances sonores sont superbes, des plus mélodiques comme Light in Darkness (灯) et Epilogue (後奏) concluant l’album, au plus rythmé comme Key (手掛かり). En écoutant ce cinquième album, je me dis maintenant qu’il s’agit peut-être bien de mon album préféré du groupe. Je préfère en fait ces deux albums au mythique Solid State Survivor sorti en 1979, qui contient pourtant quelques merveilles comme Behind The Mask mais Aussie quelques morceaux assez agaçants.

春休みin沼津and伊豆(petit 1)

Nous avons l’habitude de prendre des petites vacances de printemps au mois de Mars avant la rentrée scolaire, mais celles de cette année étaient particulièrement courtes. Nous ne sommes en fait partis que deux jours qui avaient goût de trop peu. Notre destination était Numazu puis une petite partie de la péninsule d’Izu juste à côté. Pas de longs déplacements en voiture cette fois-ci même si les embouteillages après être sortis de Tokyo vers Yokohama Machida sur l’autoroute Tōmei ont bien allongé la durée du voyage. Les embouteillages à cet endroit là sont un paramètre obligé à intégrer au voyage. On prend de tout façon son temps en écoutant la playlist musicale que j’avais préparé à l’avance, ou celle du grand sur Spotify ou la radio si on a fait le tour de tout ce qu’on avait prévu d’écouter. Je commence donc une petite série photographique sous une météo idéale, ce qui ajoute au plaisir de se promener. Nous allons à Numazu car nous y avons des liens familiaux. Nous passons d’abord par le sanctuaire Maruko Sengen (丸子神社 浅間神社), où on a pu admirer quelques beaux cerisiers déjà en fleurs. Nous continuons ensuite vers le bord d’océan comme d’habitude très venteux à cet endroit au bord de la forêt de grands pins. Ils se sont progressivement pliés par la force des vents pour nous laisser apercevoir au loin le Mont Fuji couvert de neige.

Dans un des récents billets de son blog, mahl nous parle très bien du morceau Movie Light de Satoko Shibata (柴田聡子), ce qui me donne immédiatement envie de l’écouter. J’ai souvent croisé le nom de Satoko Shibata dans des articles musicaux. Il me semble même avoir écouté un ou deux morceaux sans forcément avoir été plus loin dans l’écoute. Ce n’était peut-être pas le bon moment ou le bon morceau. Movie Light semble être le bon morceau au bon moment car j’ai été tout de suite séduit par sa composition à la fois assez atypique et très fluide. On est tout de suite transporté par le morceau dès les premières notes qui ont une ambiance très cinématographique. Tout comme mahl l’explique sur son blog, on se sent enveloppé et ensorcelé par le déroulement de ce morceau. Movie Light ouvre l’album Your Favorite Things sorti en Février 2024. Je n’ai pas encore écouté l’album en entier mais je continue par le morceau intitulé Reebok et je trouve son ambiance neo city pop toute à fait fabuleuse. En écoutant ce morceau pour la première fois, j’ai eu l’impression que c’était exactement le morceau que je voulais écouter à ce moment là. C’est peut être parce que cette musique très marquée city pop permet de nous évader dans un monde où les choses semblent légères et sans grande importance. C’est du moins l’impression que me donne la city pop d’une manière générale.

Du coup, j’ai eu envie de continuer cette expérience musicale neo city pop en me dirigeant ensuite vers Hitomitoi (一十三十一). Cela fait un bon petit moment que je suis intrigué par son nom en japonais basé sur un palindrome. J’avais également noté la sortie de son nouveau single Like a First Kiss avec Wild Nothing, projet indie rock de l’américain Jack Tatum. Les collaborations internationales se font de plus en plus fréquentes et c’est agréable de constater qu’elles sont souvent réussies. J’écoute donc ce single à l’ambiance pop, qui me fait par moment penser qu’elle a également un petit accent French Touch. J’ai peut-être cette impression car Hitomitoi a également sorti un single il y a quelques années avec DÉ DÉ MOUSE intitulé Love Groovin’ dans une collaboration référencée comme étant un cross-over entre la city pop et la French Touch. Ce que j’aime dans les morceaux d’Hitomitoi, c’est son approche un peu kitsch tout à fait assumé, qui est vraiment rafraîchissante. Ce côté kitsch se ressent dans les paroles, comme sur le morceau Last Friday Night Summer Rain, mais également dans les photographies de couverture de ses albums. C’est soit Hitomitoi à la plage (sur Surfbank Social Club), Hitomitoi sur les pistes de ski (sur Snowbank Social Club), Hitomitoi à la piscine (sur City Dive)… Je trouve dans sa discographie, quelques pépites neo city pop, comme DIVE de l’album City Dive qui est très accrocheur dès la première écoute. Ça donnerait envie de louer une décapotable rouge (celle de Outrun) et de rouler le long de la route 134 au bord de l’Océan Pacifique du côté de Shichirigahama et Enoshima. Mais ce n’est pas mon morceau préféré d’Hitomitoi, car j’ai été subjugué par celui intitulé Kanashii Kurai Diamond (悲しいくらいダイヤモンド) de son album Talio avec les musiciens de Ryusenkei (流線形). Musicalement, c’est assez exceptionnel, dosé au millimètre, et la voix un brin surjouée d’Hitomitoi est formidable. Il faut que j’écoute cet album en entier car j’aime aussi beaucoup le morceau intitulé Shinkiro (蜃・気・楼). Et pour contribuer parfaitement à la musique de Talio, la couverture est tirée d’une illustration d’Hiroshi Nagai (永井博), connu pour la couverture de l’album A Long Vacation d’Eiichi Ohtaki (大瀧詠一). La décapotable rouge est bien là, sauf que ce n’est pas la Testarossa d’Outrun. Décapotable ou pas, ces quelques morceaux faisaient partie de la playlist des trajets en voiture de ces petites vacances de printemps. L’album Talio de Ryusenkei et Hitomitoi est en fait la bande originale du drama de la NHK intitulé Talio Fukushu Daiko no Futari (タリオ 復讐代行の2人), diffusé en 2020, avec Minami Hamabe (浜辺美波) et Masaki Okada (岡田将生). Ryusenkei se compose du guitariste Cunimondo Takiguchi (クニモンド瀧口), du bassiste Takehiro Oshizuka (押塚岳大) et Yuzo Hayashi (林有三) aux claviers. Du groupe, j’avais déjà remarqué l’album Tokyo Sniper dont je commence l’écoute maintenant. La chanteuse accompagnant la Neo City Pop de cet album se nomme Nika Eguchi (江口ニカ), mais il s’agit en fait d’un nom d’emprunt pour Hitomitoi. De l’album, j’aime déjà le morceau d’ouverture Time Machine Love (タイムマシーン・ラヴ).

SR EXPO’24

Lorsque j’ai une heure à perdre dans les quartiers d’Ebisu, Naka-Meguro ou Daikanyama, je passe souvent faire un tour à la grande librairie Tsutaya Daikanyama T-Site. L’heure ou la trentaine de minutes que j’y passe n’est jamais perdue car j’y découvre souvent des choses intéressantes et c’est justement ce qui me fait y revenir. La librairie contient deux petits espaces d’exposition dans le bâtiment central près du grand escalier, avec des expositions renouvelées très régulièrement. Je feuillette également les magazines mais il m’arrive également de seulement traverser les rayons en regardant les couvertures, du côté de l’architecture, des arts graphiques, de la photographie, entre autres. Une partie d’un des trois bâtiments a été converti à l’étage en espace partagé de travail et j’y vais donc beaucoup moins souvent. J’avais un peu plus de temps devant moi cette fois-ci et je me suis donc aventuré vers ce troisième bâtiment, si on peut qualifier d’aventure ouvrir une porte automatique d’une grande librairie.

C’était une bonne idée car j’y trouve au rez-de-chaussée la série de tous les numéros du magazine Daibenkyo (大勉強), magazine culturel semestriel consacré à la culture de la région de Hokuriku. Le magazine est publié par une boutique spécialisée nommée PHAETON, située dans la ville de Kaga dans la préfecture d’Ishikawa. Le numéro 5 sorti le 13 Février 2023 montrait Sheena Ringo en couverture. Je n’avais pas pu l’acheter à sa sortie car sa distribution devait être limitée mais je me suis rattrapé cette fois-ci en voyant ce numéro ainsi que plusieurs autres présentés sur une table dans un coin du Tsutaya. Je l’ai d’abord feuilleté pour constater que l’interview de Sheena Ringo était courte et les photos l’accompagnant assez peu nombreuses, mais j’ai été convaincu par le reste du magazine, notamment par une série de photographies prises par Rinko Kawauchi (川内倫子) et par un petit article évoquant la princesse Kukurihime. J’y ai vu un signe car j’avais écrit récemment un texte imaginaire, se déroulant dans le sanctuaire de Samukawa, évoquant cette même princesse historique. Le magazine nous parle de son histoire et accompagne l’article d’une série de photographies donnant une représentation moderne de Kukurihime sous les traits d’une jeune femme aux cheveux longs et blonds. La représentation imaginaire que j’en avais fait était un peu différente et ressemblait vaguement à l’actrice Nana Komatsu. En plus de la beauté de ses pages qui m’a finalement convaincu de l’acheter, ce magazine m’a rappelé au fait que je n’avais toujours pas fini d’écrire mon billet sur le concert de Sheena Ringo auquel j’ai assisté le 21 Novembre 2024. Au moment de commencer son écriture, j’avais fait comme un bloquage, intimidé en quelques sortes par la lourdeur de la tâche, ayant le sentiment qu’il y a tant de choses à en dire et à écrire. Mon compte rendu du concert Shogyōmujō (椎名林檎と彼奴等と知る諸行無常) de 2023 au Tokyo International Forum m’avait pris en tout quatre billets, et j’ai eu beaucoup de mal à me faire à l’idée d’en écrire autant. J’ai donc mis cette écriture de côté pendant plusieurs mois jusqu’à maintenant, en pensant finalement que rien ne sert d’en écrire trop.

Ma place pour le concert de Sheena Ringo pour sa tournée Ringo EXPO’24 ((生)林檎博’24), sous-titrée Economic Recovery (ー景気の回復ー) était réservée depuis plusieurs mois mais les places exactes dans la grande arène du Saitama Super Arena (さいたまスーパーアリーナ) n’ont été annoncées que le jour avant la séance. J’ai assisté au concert du Jeudi 21 Novembre 2024 à 19:00. Il s’agissait de mon troisième choix. La loterie pour l’achat des places a décidé pour moi. La tournée nationale des arènes Ringo EXPO’24, accompagnant la sortie du dernier album Hōjōya (放生会), s’est déroulée en dix dates dans tout le pays, en démarrant le 5 Octobre à Aomori pour une date, continuant à Niigata le 20 Octobre et au grand hall du château d’Osaka pour deux dates les 29 et 30 Octobre. La tournée continuait le mois suivant, à Shizuoka le 7 Novembre, au Saitama Super Arena pour trois dates les 21, 23 et 24 Novembre, puis Fukui le 29 Novembre et un final le 15 Décembre 2024 au Marine Messe de Fukuoka. On aurait pu penser que cette grande tournée en solo se terminerait à Saitama, tout près de Tokyo, mais Ringo a préféré la terminer dans sa ville d’origine. C’est la première fois que j’assistais à une concert ou évènement dans la grande arène du Saitama Super Arena qui peut contenir jusqu’à 37000 personnes. Difficile à dire s’il y avait en effet ce nombre de personnes dans la salle, mais toutes les places semblaient occupées et c’était impressionnant de voir autant de monde réuni. La dernière tournée des arènes avait eu lieu en 2018 pour Ringo Expo’18.

J’avais pris une journée de congé ce jour là. Comme pour le concert Shogyōmujō, je suis d’abord parti me procurer le sceau goshuin d’un sanctuaire. C’était celui d’Atago la dernière fois et c’est celui du sanctuaire Hikawa à Shibuya cette fois-ci. Je ne sais pas trop pourquoi l’idée m’est revenu en tête de me procurer un goshuin pour marquer cette journée, mais je me suis dit que ça pourrait devenir une tradition. Je suis arrivé tôt dans l’après-midi à la station de Shintoshin où se trouve Saitama Super Arena, car je voulais passer par la boutique de la tournée imaginant que certains articles seraient rapidement en rupture de stock. Il était possible de commander en ligne à l’avance mais pour une période limitée. Tellement limitée en fait que je n’ai même pas eu la possibilité d’y commander quoique ce soit, la boutique en ligne affichant un laconique “checking stock” à chacune de mes tentatives de connexion. Ceci a nourri mon envie de venir tôt et malgré cela, certains articles étaient déjà en rupture de stock. Je me suis tout de même procuré le petit drapeau indispensable, un t-shirt à l’effigie de la tournée et un badge. J’aurais voulu me procurer un autre t-shirt montrant le fidèle guitariste Yukio Nagoshi, guitare à la main et vétu d’un yukata blanc dans une atmosphère à la fois japonisante et fantomatique, mais il n’y avait déjà plus ma taille. Je ne suis apparemment pas arrivé assez tôt. J’ai en contrepartie eu beaucoup de temps pour faire le tour de la grande arène qui a une architecture grandiose surplombée d’un immense cadre s’illuminant progressivement au fur et à mesure que la nuit avance. J’aime aussi observer les autres spectateurs, ceux faisant des efforts certains pour s’habiller à la mode de cette tournée ou en ressortant des anciens goods des tournées précédentes de Sheena Ringo ou de Tokyo Jihen. On y retrouve par exemple systématiquement le jogging blanc et rouge de la tournée Ultra C de Tokyo Jihen. On trouve dans le public tous les âges, certains semblant être des fans de la première heure ayant pris de l’âge en même temps que leur idole, d’autres semblant être des fans beaucoup plus récents. Je m’amuse en regardant certains petits groupes de fans, avec parfois des tenues coordonnées, se prenant en photos à tour de rôle.

Les quelques heures ont finalement passé vite, et on se dirige tranquillement vers une des grandes entrées de l’arène. Plusieurs files d’attente se créent et nous font entrer sans encombre. A l’entrée, plusieurs bouquets de fleurs nous accueillent. L’un d’entre eux est offert par le groupe Buck-Tick, ce qui me surprend un peu et me ravit en même temps. Sheena Ringo et feu Atsushi Sakurai (櫻井敦司) de Buck Tick avaient interprété ensemble le morceau Kakeochi-sha (駆け落ち者) pour l’album Sandokushi (三毒史) et Ringo avait repris le morceau Uta (唄) de Buck-Tick. A côté, un bouquet est au nom du directeur créatif Michihiko Yanai (箭内道彦). J’avais déjà parlé de son magazine musical Kaze to Rock (風とロック) créé en 2005 et qui a montré Ringo en couverture plusieurs fois. Il n’est pas étonnant de trouver un bouquet au nom du groupe SOIL& »PIMP » SESSIONS qui a déjà accompagné Ringo, mais j’ai été agréablement surpris de voir un bouquet au nom du comédien Bakarism (バカリズム). Le fait que le comédien soit originaire de Fukuoka explique peut-être le lien. Toujours est-il que j’aime beaucoup les dramas qu’il crée, comme son dernier Hot Spot qui vient de se terminer, et dont j’ai déjà parlé ici. Peut-être qu’un jour, il donnera un second rôle à Ringo. Je la verrais très bien en actrice et je pense qu’elle le sait très bien elle-même, mais elle se dévoilerait peut-être trop. Et à propos de cinéma, je ne suis pas trop surpris de voir également un bouquet au nom de l’actrice Fumi Nikaidō (二階堂ふみ). J’avance ensuite à petits pas dans les couloirs arrondis de l’arène jusqu’à la porte donnant accès à la zone où se trouve mon siège. Je ne suis pas placé trop loin de la scène, sur le côté droit et dans la première moitié en hauteur. C’est une meilleure place que lors du concert au Tokyo International Forum. On dirait que je me rapproche progressivement de la scène même si le positionnement des places doit être le fruit d’un hasard calculé. Je dis cela car j’imagine, sans en être certain, que les places réservées aux membres du fanclub dont je fais partie doivent être prioritairement situées vers l’avant. Je suis dans les premiers à m’asseoir sur ma rangée, ce qui me donne le temps de regarder la grande salle se remplir progressivement. La fosse noire n’est pas encore occupée par les 25 musiciens formant l’orchestre mené par Neko Saito (斎藤ネコ). Pendant l’attente avant le début du concert, sont diffusés exclusivement des morceaux du musicien Big Yuki qui avait participé au single Watashi ha Neko no Me (私は猫の目).

Pour cette tournée, outre Neko Saito et son orchestre, Ringo s’est entourée de fidèles dont Yukio Nagoshi (名越由貴夫) à la guitare, Ichiyō Izawa (伊澤 一葉) aux claviers, Keisuke Torigoe (鳥越 啓介) à la basse et Shun Ishiwaka (石若駿) à la batterie. Nagoshi et Torigoe sont systématiquement présents à ses tournées récentes, mais Shun Ishiwaka, ex Millennium Parade réputé comme étant un des meilleurs batteurs japonais du moment, est devenu depuis le dernier concert un nouveau fidèle. Retrouver Ichiyō Izawa sur scène était une excellente surprise et pourrait presque relancer les suppositions sur un futur hypothétique nouvel album de Tokyo Jihen. Ichiyō Izawa a en tout cas participé à plusieurs morceaux de l’album Hōjōya (放生会).

La formation complète de 30 musiciens accompagnant Ringo prend une nouvelle fois pour cette tournée le nom de « The Mighty Galactic Empire », comme pour Ringo Expo 18 et 14. Cet album comprenant beaucoup de duo avec d’autres artistes féminines, tout le suspense était de savoir qui serait présent sur scène. Je le savais un peu à l’avance, car même si les secrets étaient bien gardés, quelques informations avaient circulé sur la présence d’Ikkyu Nakajima (中嶋イッキュウ) de Tricot, DAOKO et Momo (もも) de Charan Po Rantan (チャラン・ポ・ランタン) sur des dates précédant celles de Saitama. Elles étaient bien toutes les trois sur scène pour accompagner Ringo, mais je ne pensais pas qu’elles seraient autant présentes. Je ne cache pas mon bonheur de voir sur scène Ikkyu et DAOKO en duo avec Ringo, les suivant déjà depuis plusieurs années en sachant leur attirance pour la musique de Sheena Ringo. À vrai dire, ce n’est pas la première fois que DAOKO intervient sur une tournée de Sheena Ringo car elle était déjà présente sur la tournée précédente sur grand écran pour la version remixée par Shinichi Osawa du morceau Ishiki (意識). Les autres artistes ayant participé au dernier album, comme Nocchi (のっち) de Perfume, AI, Atarashii Gakko! (新しい学校のリーダーズ) et Utada Hikaru (宇多田ヒカル) n’étaient malheureusement pas présentes lors du concert. Je m’en doutais très fortement pour Utada Hikaru, mais j’aurais vraiment aimé voir soudainement Nocchi débarquer sur scène (bien que je sois très loin d’être un amateur de la musique de Perfume). Au niveau des invitées, il n’y avait en fait pas de différences entre les séances à Saitama et celles des autres viles de la tournée.

Sheena Ringo a interprété en tout 27 morceaux incluant deux dans les rappels. Il y avait bien sûr un grand nombre de morceaux tirés du dernier album Hōjōya (放生会), dix morceaux en tout, tandis que le reste était tiré des albums précédents avec une majorité de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処) qui reste l’album préféré des fans. Le concert ouvrait sur un morceau de l’album Sandokushi (三毒史), Niwatori to Hebi to Buta (鶏と蛇と豚), et c’est un des seuls tirés de cet album, avec le magnifique TOKYO qu’elle jouera à mi-concert. Par rapport au concert précédent au Tokyo International Forum, les effets sur scène étaient beaucoup plus impressionnants avec plusieurs écrans géants. Certaines cinématiques montrant des moines boudhistes apparaitre pour lancer de leurs mains d’immenses lasers traversant la salle étaient impressionnantes. L’avantage de ces écrans est qu’ils donnent par moments une vue plus précise de ce qui se passe sur scène, car même si je n’étais pas très loin de la scène, on ne distingue pas toujours exactement tout ce qui s’y passe. Ce genre de salle permet également des effets d’entrée en scène, Ringo descendant sur scène par une petite nacelle au début du concert. Si mes souvenirs sont bons, cette nacelle descendait d’une sorte d’ovni, Ringo devenant donc un personnage sidéral. Ce genre d’effets visuels n’est pas vraiment indispensable mais produit tout de même son effet sur le public, qui est comme hypnotisé de la voir arriver du haut de l’arène dans une longue robe rouge, avec des cheveux blonds et portant un rouge à lèvres rouge vif (le Shiseido modèle 417 bien sûr). Elle a bien sûr changé de très nombreuses fois de tenues pendant le concert, mais j’ai préféré les tenues plus originales et décalées de sa tournée précédente. Il n’y avait rien de vraiment marquant cette fois-ci et le passage où elle était habillée en sirène dans sa coquille était un peu trop kitsch pour moi. C’était le moment que j’ai le moins apprécié. Voir Ringo en kimono noir interpréter le morceau Closed Truth (茫然も自失) était par contre un moment mémorable, tout en étant assez classique de ce qu’on peut attendre d’elle. Ce passage m’a fait apprécier ce morceau comme étant l’un de mes préférés du dernier album. Surtout que juste après, Ikkyu vient rejoindre Ringo sur scène pour interpréter Offering sake (ちりぬるを), habillée d’un même kimono noir et d’une coupe de cheveux très similaire. Le mimétisme est assez impressionnant même si Ikkyu est un peu plus grande que Ringo. C’est la première apparition d’Ikkyu sur scène lors de ce concert mais ce n’est pas la dernière car elle reviendra ensuite pour interpréter un morceau plus ancien, Jiyū e Michizure (自由へ道連れ) de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処). On pouvait voir clairement la jubilation d’Ikkyu d’interpréter ce morceau devant un public de 37,000 personnes. J’ai eu par moment un peu de mal à distinguer Ringo d’Ikkyu, et c’était même un peu perturbant. Mais quel plaisir de les voir ensemble sur scène, surtout que leur joie était visible sur scène.

Il y avait un clin d’oeil amusant, si on peut dire, pour le morceau Yokushitsu (浴室) de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ), car Ringo tenait à la main un couteau comme lors du concert Ringo Expo’08. Elle a interprété plusieurs morceaux de Tokyo Jihen, ce qui était une bonne surprise. Il n’est pas rare qu’un ou deux morceaux de Tokyo Jihen se glissent dans ses concerts, mais il y en avait trois cette fois-ci: Eien no Fuzai Shōmei (永遠の不在証明) du mini-album News, Himitsu (秘密) de l’album Adult (大人) et le plus récent Inochi no Tobari (命の帳) de l’album Music (音楽). Le concert comprenait quelques reprises comme TOUCH (タッチ) de Yoshimi Iwasaki (岩崎良美). Le surprise était de voir DAOKO entrer sur scène pour chanter ce morceau. Elle reviendra ensuite pour le duo du morceau A triumphant return (余裕の凱旋), qui est un des morceaux de l’album Hōjoya que j’aime beaucoup réécouter. Ringo et DAOKO sont habillées d’une manière charmante, de la même tenue que lors de leur passage télévisé. Parmi les reprises, il y avait également celle d’un morceau du groupe APPA (あっぱ), intitulé Gipsy (ジプシー). APPA est le groupe d’Ichiyō Izawa, qui était donc sur scène au côté de Ringo pour l’interpréter. Pendant le passage instrumental Bōenkyō no Soto no Keshiki (望遠鏡の外の景色), tous les membres du groupe et de l’orchestre de Neko Saito formant « The Mighty Galactic Empire » sont présentés dans une vidéo les montrant dans les coulisses. Il s’agit également d’un clin d’oeil à un des précédents concerts, car ce type de présentation très cinématographique avait déjà été utilisé. L’autre très grande surprise pour moi était la reprise du morceau MOON du groupe REBECCA (レベッカ) sur leur album Poison. Je parle assez souvent de ce morceau sur ce blog car je l’écoutais avant de venir vivre au Japon. Ringo avait en fait déjà mentionné dans une émission télévisée qu’elle appréciait ce morceau donc cette reprise est finalement assez logique. Il n’empêche que ça fait plaisir d’entendre Ringo chanter ce classique, même si rien ni personne ne peut remplacer la voix si particulière de Nokko. Au début du concert, Ringo a chanté un morceau que je ne connaissais pas, Uchu no Kioku (宇宙の記憶), qu’elle a écrit et composé pour Maaya Sakamoto (坂本真綾). C’est un très beau morceau à l’ambiance jazz qui possède l’indéniable marque de fabrique de Sheena Ringo, surtout que SOIL&“PIMP”SESSIONS fait l’interprétation musicale. Je persiste à penser qu’elle devrait sortir un album purement jazz, avec une instrumentation minimale, genre un quartet. Lors des concerts de Sheena Ringo, il a toujours un manque. Elle ne parle en effet que trop peu au public, et cette fois-ci, elle a fait parler sa fille par un message audio, tout comme pour le concert Tōtaikai (党大会).

Momo de Charan Po Rantan est la troisième invitée du concert et elle apparaît sur scène vers la fin pour son duo festif sur Cheers beer (ほぼ水の泡). Le moment particulièrement exaltant du concert est de voir ensuite Momo, Ikkyu Nakajima, DAOKO accompagner Ringo sur le morceau Watashi ha Neko no Me (私は猫の目). Elles tournent toutes les quatre sur scène, accompagnées des deux danseuses SIS qui étaient également présentes sur la tournée précédente. Là encore, leur joie d’être sur scène est très communicatif, matérialisant cette deuxième partie de concert plus festive, principalement centrée sur les morceaux de l’album Hōjōya. Le concert se termine finalement sur les rappels avec 1RKO (初KO勝ち), qui est un des succès commerciaux de cet album, puis le morceau Chichinpuipui (ちちんぷいぷい), de l’album Hi Izuru Tokoro, que j’imagine toujours comme un hymne à Ringo. J’imagine tout à fait ce morceau avoir été conçu pour les concerts. Au final, je n’avais plus l’effet de surprise sur ce concert par rapport au précédent, même si assister à un tel spectacle dans une salle aussi énorme est une surprise en soi. Difficile de dire si j’ai préféré ce concert là au précédent. Celui-ci était certes plus grandiose mais je pense avoir préféré l’ambiance générale de Shogyōmujō, peut-être parce qu’il se passait dans une salle plus petite. Ceci étant dit, les images que l’on pouvait voir sur les écrans géants étaient souvent impressionnantes, et le final montrant Sheena Ringo comme une androïde désossée dans un paysage urbain apocalyptique était tout à fait étonnant. Il y a un thème de science fiction en fil rouge de ce concert car, comme je le mentionnais au dessus, les premières images montraient une sorte d’ovni dont descendait Ringo en chantant sa chanson pour Maaya Sakamoto sur la Mémoire de l’Univers (宇宙の記憶), et un chat noir robotisé géant accompagnait également certains des derniers morceaux. Ce genre d’effets rend particulièrement bien dans une grande salle. Pour ceux intéressés, des rapports de ce concert ont été écrits sur certains sites musicaux et on peut trouver les liens sur une page dédiée sur le site Kronekodow.

Pour référence, je note ci-dessous la setlist du concert du Jeudi 21 Novembre 2024 de la tournée Ringo EXPO’24 ((生)林檎博’24) – Economic Recovery (ー景気の回復ー) de Sheena Ringo, au Saitama Super Arena:
1. Niwatori to Hebi to Buta (鶏と蛇と豚) de l’album Sandokushi (三毒史)
2. Uchu no Kioku (宇宙の記憶), écrit et composé par Sheena Ringo pour Maaya Sakamoto (坂本真綾)
3. Eien no Fuzai Shōmei (永遠の不在証明) du mini-album News de Tokyo Jihen
4. Shizuka Naru Gyakushū (静かなる逆襲) de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
5. Himitsu (秘密) de l’album Adult (大人) de Tokyo Jihen
6. Yokushitsu (浴室) de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
7. Inochi no Tobari (命の帳) de l’album Music (音楽) de Tokyo Jihen
8. TOKYO de l’album Sandokushi (三毒史)
9. Bye Purity (さらば純情) de l’album Hōjōya (放生会)
10. Adult Code (おとなの掟), de la compilation Gyakuyunyū ~Koukūkyoku~ vol.2 (逆輸入 ~航空局~; Reimport, Vol. 2 ~Civil Aviation Bureau~)
11. MOON, de l’album Poison, reprise du groupe REBECCA (レベッカ)
12. Arikitarina Onna (ありきたりな女) de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
13. A procession of the living (生者の行進), de l’album Hōjōya (放生会)
14. Gipsy (ジプシー), reprise du groupe APPA (あっぱ)
15. As a Human (人間として), de l’album Hōjōya (放生会)
16. Bōenkyō no Soto no Keshiki (望遠鏡の外の景色) de la compilation Gyakuyunyū: Kōwankyoku (逆輸入 ~港湾局~)
Présentation des membres du groupe (メンバー紹介)
17. Closed Truth (茫然も自失), de l’album Hōjōya (放生会)
18. Offering sake (ちりぬるを) avec Ikkyu Nakajima, de l’album Hōjōya (放生会)
19. FRDP (ドラ1独走), de l’album Hōjōya (放生会)
20. TOUCH (タッチ) avec DAOKO, reprise du morceau de Yoshimi Iwasaki (岩崎良美)
21. Seishun no Mabataki (青春の瞬き), de l’album Gyakuyunyū: Kōwankyoku (逆輸入 ~港湾局~)
22. Jiyū e Michizure (自由へ道連れ) avec Ikkyu Nakajima, de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
23. A triumphant return (余裕の凱旋) avec DAOKO, de l’album Hōjōya (放生会)
24. Cheers beer (ほぼ水の泡) avec Momo, de l’album Hōjōya (放生会)
25. Watashi ha Neko no Me (私は猫の目) avec Momo, Ikkyu Nakajima, DAOKO, de l’album Hōjōya (放生会) 
Rappels (アンコール)
26. 1RKO (初KO勝ち), de l’album Hōjōya (放生会)
27. Chichinpuipui (ちちんぷいぷい), de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)

4444年の4s4ki

Contrairement à mon habitude, je m’y suis pris un peu tard pour réserver ma place pour le concert de la tournée Oneman Live Tour 2025 « 4444年 »;C4 de l’artiste 4s4ki. Sa tournée se composait de six dates au Japon démarrant le 16 Février 2025 à Sapporo, en passant ensuite à Nagoya, puis Fukuoka, Sendai, Osaka pour terminer avec un final à Tokyo le 11 Mars 2025. Le concert de Tokyo auquel j’ai assisté se déroulait dans la salle ZEPP Shinjuku, se trouvant au quatrième sous-sol de la grande tour Kabukicho Tokyu Tower. La tour est située, comme son nom le suggère, dans le quartier de Kabukichō. J’ai découvert la musique d’4s4ki avec son premier album Your Dreamland (おまえのドリームランド). Il a pour moi une signification assez particulière car je l’avais découvert en Avril 2020 pendant le premier état d’urgence de la crise sanitaire à Tokyo. Cet album m’avait apporté un réconfort certain alors qu’on était coincé chez soi en se demandant bien ce que cette crise pouvait nous réserver. Avec cet album, j’avais également découvert un style musical, qu’on surnomme hyper-pop, qui était pour moi nouveau et qui m’avait fait connaître des compositeurs et producteurs de cette mouvance d’avant-garde à cette époque là. J’ai toujours considéré qu’4s4ki était en avance de phase et elle est pour moi une sorte de mètre-étalon du genre. 4s4ki a depuis inspiré d’autres artistes et a collaboré avec de nombreux musiciens ayant une même approche sonore disruptive. Je ne dirais pas que j’ai suivi la musique d’4s4ki à chaque sortie de nouveaux singles ou de EPs mais j’ai toujours gardé une oreille attentive aux directions qu’elle prenait. J’ai toujours su que je pourrais revenir vers sa discographie pour piocher quelques morceaux qui m’intéresseraient. J’ai beaucoup de respect pour cette artiste car je lui trouve une grande authenticité artistique et on ressent qu’elle vit complètement sa musique sans faire semblant. J’ai ressenti cela très franchement pendant le concert.

J’avais pris une journée de congé, ce qui m’a permis d’arriver à Kabukichō deux heures en avance, pour pouvoir faire un petit tour à la boutique du concert ouverte depuis 16h30. J’étais venu acheter un t-shirt, qui vient remplir ma petite collection de t-shirts de concert, que je porte d’ailleurs régulièrement (ils ne restent pas dans la penderie ou dans un placard). A mon arrivée, il y avait déjà une petite file d’attente dans un couloir du premier sous-sol. Sur une des façades de la Kabukicho Tokyu Tower, un écran géant digital montre par intermittence l’affiche du concert « 4444年 »;C4. C’est un nom bizarre que je ne chercherais pas à comprendre, mais je sais seulement que sa tournée nationale de 2014 avait un nom similaire avec un C3 à la place du C4 (« 4444年 »;C3). Après avoir acheté mon t-shirt, j’ai pratiquement une heure à perdre dans Shinjuku avant l’ouverture des portes. Je repars vers le Tower Records situé près de la station de Shinjuku. Je fais le tour d’un air distrait car j’ai déjà la tête dans le concert qui va bientôt commencer. Tout en errant dans les rues encombrées de Shinjuku sous un temps pluvieux, je réécoute les derniers EPs d’4s4ki à savoir 44th Dimension sorti en Janvier 2025 composé en collaboration avec le musicien électronique américain Yultron, Jiai equal Jiai (慈愛equal自愛) sorti en Décembre 2024 et Collective Obsession (集合体大好病) sorti en Octobre 2024.

Le temps passe finalement très vite et il est déjà l’heure de retourner vers la salle du ZEPP Shinjuku pour l’appel très organisé des numéros de places. La salle a une capacité de 1500 personnes et ma place est dans les 900 (vu que j’ai acheté ma place un peu tard quelques semaines avant le concert). Malgré cela, j’ai pu très facilement me placer dans la première partie de la salle. Le public autour de moi est plutôt jeune et d’une mode vestimentaire excentrique qui change un peu du public rock dont j’ai l’habitude. On peut pas dire que le public imite la mode parfois très colorée d’4s4ki mais on retrouve tout de même les boots surélevées et un style oscillant entre le punk et le gothique. Être installé debout dans la salle avec une bière à la main est l’occasion de regarder autour de moi la faune qui m’entoure. Je suis toujours très attentif à la musique d’attente, normalement sélectionnée par l’artiste. Je remarque l’excellent Drums of Death de FKA Twigs sur son non-moins excellent dernier album Eusexua, puis un peu après je suis surpris d’entendre un morceau d’Autechre. Je suis d’autant plus surpris qu’il s’agit de Dropp extrait du EP7 sorti en 1999, un de mes morceaux préférés de la très longue discographie du duo électronique d’avant-garde. Je trouve dans ce morceau d’Autechre une immense détresse, comme des tirs incessants de missiles sur une terre désolée. Le groupe se défend bien entendu de tout sens ou signification de ce morceau. La salle du ZEPP Shinjuku est récente et cela se note immédiatement, notamment par la présence de bandeaux d’écrans digitaux placés en hauteur faisant le tour de la salle. Sur la scène, un immense écran géant nous montre le nom d’4s4ki en écriture stylisée. Quand j’étais adolescent, j’aimais imaginer et dessiner ce genre d’écriture au design compliqué et parfois difficilement lisible. J’ai peut-être même imaginé des formes de lettres similaires à celles que je vois devant moi sur cet écran géant.

Le concert démarre à 19h pile. 4s4ki entre rapidement sur scène habillée d’une très jolie robe courte noire avec des froufrous roses et d’autres motifs roses. Les manches courtes laissent apparaître ses nombreux tatouages et des bracelets de cuir noir cloutés (pour le côté punk certainement). Elle n’est pas très grande (1m53) mais porte des bottes noires surélevées. Sur la scène est posée une petite estrade sur laquelle elle monte ou s’assoit. Derrière elle, un large pupitre doit cacher toute la machinerie électronique qui diffuse les sons du concert accompagnés de la voix d’4s4ki et de ses invités. Le concert durera exactement deux heures bien remplies par une setlist de 29 morceaux et quelques messages adressés au public. Elle est très à l’aise avec son public et n’hésite pas à répondre à ceux, au fond de la salle, qui l’interpellent d’une voix forte. J’aime beaucoup ce genre d’interactions qui étaient particulièrement présentes lors de ce concert. Après les premiers morceaux, elle avoue tout de même avoir le tract, ce qui ne se voit carrément pas sur scène. Le concert se déroule en deux parties clairement distinctes. La première voit 4s4ki interpréter principalement des morceaux de ses trois EPs les plus récents, mentionnés ci-dessus. Je les connais assez bien ce qui est agréable à l’écoute. Son interprétation est plutôt fidèle aux versions des EPs sauf qu’on ne ressent pas l’effet auto-tune qu’elle utilise régulièrement mais de manière toujours légère. Parmi les huit premiers morceaux de son concert, il y en a plusieurs qui comptent dans mes préférés dans sa discographie comme Hymn to the Ego (自我讃歌) du EP Jiai equal Jiai (慈愛equal自愛) avec ses nombreux décrochages électroniques qui rendent si bien dans une grande salle de concert. J’aime aussi beaucoup Cranky Eyes sur son dernier EP 44th Dimension et Ganbariyasan dakara ai shite (頑張り屋さんだから愛して) sur son EP Collective Obsession (集合体大好病). Ce dernier morceau est un duo avec Rinahamu (苺りなはむ) que j’aurais bien voulu voir sur scène aux cotés d’4s4ki pour chanter ce morceau. Elle n’était malheureusement pas présente, ce qui n’est pas étonnant car elle se trouve en ce moment aux États Unis pour l’édition 2025 du festival SXSW avec la formation Tokyo Den-Nou (東京電脳).

4s4ki enchaîne ensuite avec quelques morceaux précédents ces trois derniers EPs, notamment le morceau paranoia, tiré de l’album Killer in Neverland, qui est également un des morceaux que je préfère. Suit ensuite une courte période où elle s’installe devant un clavier pour interpréter seule deux morceaux dont le très poignant Gokuaku Hito (極悪人) de son EP Jiai equal Jiai (慈愛equal自愛). Son interprétation quasiment à capella révèle toute la puissance de sa voix, loin de toutes les distorsions électroniques qui l’entourent normalement. A travers ce morceau, on découvre une autre facette qu’elle développe plus souvent ces derniers temps, avec par exemple, un autre de ses morceaux récents Nee Kiite (ねえ聞いて) qui conclura plus tard le concert. 4s4ki entrecoupe son set de plusieurs messages au public, et revient sur la tournée de 2024 sur laquelle elle avait dû annuler certaines dates à la dernière minute, dont le final à Tokyo, pour un problème de santé qui lui avait fait passer un séjour à l’hôpital. Ce retour vers cet événement donne une force émotionnelle toute particulière à cette petite partie au clavier qui se poursuit et se conclut avec le morceau Chronicle (クロニクル).

La deuxième partie commence ensuite. 4s4ki nous annonce que ses musiciens amis vont l’accompagner pour chacun des morceaux qu’elle va interpréter. Ce n’est pas une surprise car les noms des invités étaient indiqués sur l’affiche du concert, et ils sont particulièrement nombreux, au nombre de 14 parmi lesquels des rappeurs, DJs et compositeurs électroniques. On retrouve donc sur scène Aviel Kaei de CVLTE, Akira Ishige (石毛輝) de the telephones, Itsuka (いつか) de Charisma.com, OHTORA, Gigandect, gu^2, KOTONOHOUSE, Gokou Kuyt, DÉ DÉ MOUSE, Minami Nakamura (なかむらみなみ), NUU$HI, Hanagata, maeshima soshi et Masayoshi Iimori. En plus de voir 4s4ki sur scène, c’était un vrai plaisir de voir tous ces autres artistes que je connais pour la plupart par leur musique respective et pour leurs collaborations avec d’autres artistes de la même mouvance musicale qu’4s4ki. CVLTE partage par exemple le très beau morceau tears in rain ;( avec Minami Hoshikuma (星熊南巫) et elle-même est apparemment une bonne amie d’4s4ki, à en croire certaines photographies sur Instagram. Aviel Kaei de CVLTE était particulièrement mystérieux sur scène, caché par une cagoule à grandes oreilles, apparaissant soudainement au milieu du morceau Liar accompagnant 4s4ki de son rap très puissant pour repartir aussitôt à la fin de sa représentation tel un ninja. 4s4ki nous commente ensuite qu’il est toujours comme ça, apparaissant et disparaissant sans crier gare. Chacun des artistes profitent de leur passage sur scène pour souhaiter un bon anniversaire à 4s4ki. Certains prennent même un malin plaisir à prononcer son prénom avec un fort accent américain comme si on l’annonçait comme compétitrice dans un match de boxe. 4s4ki présente à chaque fois les musiciens qui l’accompagnent en faisant part des liens qu’elle a avec eux. On sent très clairement qu’elle est heureuse de leurs présences successives autour d’elle et les invités lui rendent bien l’appareil en poussant l’ambiance. Sur le morceau Pink Gang, Akira Ishige (石毛輝) du groupe the telephones ne tient pas en place et engage le public. Il faut dire que le morceau qu’il interprète avec 4s4ki est très upbeat et déclenche tout de suite une énergie déferlante. Je connais l’artiste DÉ DÉ MOUSE depuis longtemps, depuis son morceau Baby’s Star Jam de 2007 en fait, et j’étais très curieux de le voir sur scène. À son arrivée derrière les platines, 4s4ki le présente comme un oncle qui aime les BPM (BPM好きなおじさん). Le morceau interprété, Esupā Shōgakusei (エスパー小学生) du EP Collective Obsession (集合体大好病), joue clairement dans la catégorie des beats BPM agressifs. J’avais d’abord été un peu décontenancé à la première écoute du morceau, mais ce genre de son en salle de concert avec un public acquis à quelque chose d’assez jouissif. DÉ DÉ MOUSE, qui semblait d’abord un peu réservé à son arrivée sur scène, se laisse facilement emporter par le rythme, monte sur le pupitre pour sauter ensuite en avant sur la scène aux côtés d’4s4ki. Il y avait quelques morceaux que j’attendais avec impatience comme Hyper Angry Cat (超怒猫仔) tiré de l’album du même nom. Mega Shinnosuke qui rappe sur ce morceau n’est malheureusement pas présent mais Minami Nakamura (なかむらみなみ) utilise bien son espace, extrêmement à l’aise sur scène et extravertie dans son short court et sa doudoune argentée. On entend quelques gros sons électroniques sur certains morceaux comme Punish avec Gu^2 (prononcé Gu Gu) ou pure boi avec Masayoshi Iimori. Lui aussi monte sur le pupitre pour accompagner la puissance des sons avec des mouvements de bras. J’étais également très curieux de voir ce dernier sur scène car j’ai écouté un certain nombre de morceaux qu’il a composé pour divers artistes, et je le compte parmi les compositeurs et producteurs électroniques qui comptent, tout comme Yohji Igarashi et, certains diront aussi, Sasuke Haraguchi (原口沙輔). Voir Itsuka (いつか) du duo hip-hop Charisma.com était également une bonne surprise car je connais ce groupe depuis plus de dix ans et j’avais beaucoup aimé son interprétation sur le morceau AI no Tohiko (AIの逃避行) de Kirinji. Elle rappait avec 4s4ki sur le morceau Maboroshi (幻), sorti sur un des premiers EPs d’4s4ki intitulé Nemnem. Le morceau ReEnd (再終焉) avec NUU$HI sur le EP Collective Obsession (集合体大好病) est un de mes préférés de sa discographie. Le morceau est particulièrement dense et brillant, et j’étais très satisfait d’entendre 4s4ki dire qu’il s’agit d’un des morceaux sur lesquels elle a le plus travaillé et qu’elle préfère. Elle évoque le long travail de composition avec NUU$HI qui semble acquiescer. On imagine que le morceau a été difficile à concevoir mais a au final apporté beaucoup de satisfaction. On pouvait également entendre quelques morceaux de son premier album Your Dreamland comme I picked up a prostitute’s iPhone (風俗嬢のiPhone拾った) avec maeshima soshi et Gokou Kuyt et Your Dreamland (おまえのドリームランド) avec KOTONOHOUSE. maeshima soshi et KOTONOHOUSE sont des présences importantes dans la discographie d’4s4ki et ces deux morceaux sont remarquables. La setlist est longue mais passe très vite car tout s’enchaîne très vite jusqu’aux rappels. Les « Encore » sont criés dans la salle et 4s4ki ne prend pas trop de temps pour revenir sur scène parmi nous. Je me disais qu’il manquait dans la setlist le single 35.5, qu’elle interprète finalement en tendant le micro vers le public.

Cette configuration de concerts en deux parties distinctes est intéressante. La deuxième partie avec tous les invités m’a rappelé le concert Option C d’AAAMYYY l’année dernière, sauf que le rythme avec 4s4ki est assez différent. Je pense que j’ai pu écouté pendant ce concert tous les morceaux que je voulais absolument entendre. J’en ai découvert quelques autres que je ne connaissais pas comme OBON ou STAR PLAYER, tous les deux présents sur l’album Castle In Madness. KOTONOHOUSE compose également ce dernier morceau. On le sent très proche d’4s4ki et c’est lui qui amènera le gâteau d’anniversaire surprise qui l’attendait à la toute fin du concert. Elle a 27 ans, ce 11 Mars 2025. Elle est très surprise et c’est touchant de la voir si heureuse sur scène entourée de tous ses amis musiciens réunis sur scène pour les derniers morceaux des rappels. Son équipe lui envoie également un message d’anniversaire sur les écrans entourant la salle. Elle est tellement surprise qu’elle tombe en larmes en lisant les messages (que je montre en photo ci-dessus). Une photographie de famille avec le public est également prise pour conclure le concert. On peut d’ailleurs m’apercevoir sur la gauche. Les lumières s’allument finalement après des derniers au revoir. C’est toujours un moment difficile de quitter la salle. Je n’avais pas été à un concert depuis environ cinq mois et ça avait fini par me manquer franchement. Dehors, dans les rues de Kabukichō, il y a foule dans les rues pour un jour de semaine. Il me reste des images et des sons en tête. 4s4ki partage peu de temps après le concert la setlist. Je la reconstruis sur mon iPod et ne me lasse pas de réécouter la suite de morceaux. Les photographies ci-dessus sont un mélange de celles montrées par le staff d’4s4ki sur X Twitter et mes propres photos. J’en montre également quelques autres sur mon compte Instagram.

Pour référence, je note ci-dessous la setlist du concert au ZEPP Shinjuku de la tournée Oneman Live Tour 2025 « 4444年 »;C4 d’4s4ki:

1. 失楽園仮説 (Lost Paradise Hypothesis), sur le EP 慈愛equal自愛 (Jiai equal Jiai)
2. trance train, sur le EP 44th Dimension avec Yultron
3. Cranky eye, sur le EP 44th Dimension avec Yultron
4. 自我讃歌 (Hymn to the Ego), sur le EP 慈愛equal自愛 (Jiai equal Jiai)
5. rEINsTaLL avec maeshima soshi, sur le EP 集合体大好病 (Collective Obsession)
6. you are gone but…, sur le EP 44th Dimension avec Yultron
7. Mona Lisa, sur le EP 慈愛equal自愛 (Jiai equal Jiai)
8. 頑張り屋さんだから愛して (Ganbariyasan dakara ai shite), sur le EP 集合体大好病 (Collective Obsession)
9. gemstone feat. Pupet, sur l’album Castle In Madness
10. paranoia, sur l’album Killer in Neverland
11. 極悪人 (Gokuaku Hito), sur le EP 慈愛equal自愛 (Jiai equal Jiai)
12. クロニクル (Chronicle), sur le double album 超怒猫仔 (Hyper Angry Cat)
13. 風俗嬢のiPhone拾った (I picked up a prostitute’s iPhone) avec maeshima soshi et Gokou Kuyt, sur l’album Your Dreamland
14. Don’t Look Back (feat. 4s4ki, maeshima soshi, RhymeTube, OHTORA & Hanagata)
15. 再終焉 (ReEnd) avec NUU$HI, sur le EP 集合体大好病 (Collective Obsession)
16. 天界徘徊 feat. 釈迦坊主 (Prowling in celestial world feat. Shaka bose), sur l’album Castle In Madness
17. Maboroshi (幻) avec Itsuka (いつか) de Charisma.com, sur le EP Nemnem
18. Punish avec Gu^2, sur le EP Here or Hell
19. Liar avec CVLTE, sur le double album 超怒猫仔 (Hyper Angry Cat)
20. pure boi avec Masayoshi Iimori
21. Pink Gang avec Akira Ishige (石毛輝) de the telephones
22. 超怒猫仔 (Hyper Angry Cat) avec Mega Shinnosuke et Minami Nakamura, sur le double album 超怒猫仔 (Hyper Angry Cat)
23. OBON avec Gigandect, sur l’album Castle In Madness
24. エスパー小学生 (Esupā Shōgakusei) avec DÉ DÉ MOUSE, sur le EP 集合体大好病 (Collective Obsession)
25. Your Dreamland (おまえのドリームランド) avec KOTONOHOUSE, sur l’album Your Dreamland
26. STAR PLAYER avec KOTONOHOUSE, sur l’album Castle In Madness
Rappels
27. 35.5 avec Masayoshi Iimori, sur le double album 超怒猫仔 (Hyper Angry Cat)
28. Shirley, sur l’album CODE GE4SS
29. ねえ聞いて (Nee Kiite)

don’t you forget me not

Il s’agit du 2,500ème billet de Made in Tokyo. Pendant plus de vingt-deux ans, j’y ai écrit plus d’un million de mots et je ne compte pas le nombre de photographies. Malgré cela, ce blog est resté relativement confidentiel, malgré quelques éclats au milieu des années 2000. Une raison est que je n’ai jamais voulu faire de compromis sur son contenu et ce que je montre correspond à ce que je ressens sans aucune intention d’essayer de conquérir un public. Au final, ceux qui se retrouvent dans ces billets, ces images et ces sons doivent se limiter aux gens qui me ressemblent ou auxquels je ressemble, dans la même recherche d’une émotion parfois enfouie au fond de nous.

Pour accompagner cette série de photographies, je mentionnerais volontiers les morceaux Lushlife (2000) du groupe new-yorkais Bowery Electric, puis oblique butterfly (2023) du groupe de Los Angeles untitled (halo). Je découvre ces deux excellents morceaux, évoluant entre le trip-hop pour le premier et la Dream pop pour le deuxième, dans l’émission Liquid Mirror du mois de Février 2024 sur NTS Radio. Je mentionne décidément cette émission sur pratiquement tous mes billets récents car elle agit comme une porte d’entrée vers des mondes musicaux auxquels je suis très réceptif, mais que j’aurais un peu de mal à trouver par moi-même, du moins par rapport aux musiques alternatives japonaises qui ont parfois tendance à arriver vers moi de manière quasi-automatique grâce aux algorithmes d’Internet. Ces algorithmes sont une concrétisation de la non-coïncidence car les morceaux qu’on me propose ne sont pas liés à des heureux hasards mais correspondent à l’accumulation de mes écoutes précédentes.

Les petits rayons de lumière qu’on peut parfois apercevoir sur certaines photographies proviennent du morceau Point Nemo (ポイント・ネモ) du groupe japonais Yureru ha Yūrei (揺れるは幽霊) sur leur EP Mnemeoid sorti le 4 Mars 2025. Le nom du groupe qui signifie « Le fantôme qui vacille » est très beau tout comme ce morceau. Je sais peu de chose du groupe sauf qu’il se compose des quatre membres suivants: Sako (佐古) au chant, Hidaka (日高) à la guitare, Juggler (ジャグラー) à la batterie et Kōryō (功凌) à la guitare basse. Je sais par contre beaucoup de choses sur le Point Nemo qui sert de titre au morceau car j’en avais fait une longue étude avec mon fils il y a plusieurs années pour un de ses rapports d’été. Le Point Nemo se trouve quelque part dans l’Océan Pacifique Sud et est le point le plus éloigné de toutes terres émergées. C’est ce qu’on appelle le pôle maritime d’inaccessibilité et c’est forcément fascinant. Le nom provient bien sûr du héros de Jules Verne et signifie « personne » en latin. La créature monstrueuse Cthulhu inventée par l’écrivain Lovecraft y est endormie dans une cité engloutie appelée R’lyeh.

Dans mes nouvelles découvertes musicales, je reviens vers le groupe de rock indé japonais Laura Day Romance avec un nouveau morceau intitulé Platform (プラットフォーム) présent sur leur dernier album Nemuru – Walls (合歓る – walls) sorti le 5 Février 2025. J’avais déjà mentionné ce groupe pour un morceau intitulé on the beach (渚で会いましょう). Le chant sur Platform est particulièrement intéressant car on distingue assez difficilement s’il est chanté seulement par Kazuki Inoue (井上花月) ou s’il est chanté à deux voix. Il y a une certaine duplicité dans ce chant qui est vraiment très beau. Je trouve que ce morceau se révèle même un peu plus à choque écoute, qui je l’aime beaucoup plus après une dizaine d’écoute que lors de ma première écoute. Il y a quelque chose dans les changements discrets de tons qui rendent ce morceau émotionnellement prenant.

Sur la première photographie du billet qui montre une grande affiche publicitaire pour le magasin de snickers Atmos situé juste au dessous, on peut apercevoir la compositrice et interprète franco-japonaise MANON dont j’avais déjà parlé très récemment. On l’a voit également dans la vidéo du nouveau single Peerless Flowers (花無双) d’AiNA The End qui vient de sortir le 14 Mars 2025. Le morceau est très orchestral et je dirais assez classique du style d’AiNA dans son interprétation vocale. Ça fait en tout cas plaisir d’entendre la voix d’AiNA aussi bien entourée musicalement dans une approche qui me fait dire qu’elle se rapproche un peu de Sheena Ringo. La photographie de la couverture du single a été prise par Mika Ninagawa (蜷川実花). On reconnaît immédiatement le style de la photographe pour les couleurs vives et fortes proches de la saturation. Mika Ninagawa montre la série complète de photographies sur Instagram. Ce sont de très belles photos, tout comme ce nouveau single très poignant comme souvent dans la musique d’AiNA The End.

J’avais déjà parlé de la chanteuse et rappeuse KAMIYA dont mon billet évoquant le single GALFY4 produit par Masayoshi Iimori (マサヨシイイモリ). Airi Kamiya fait désormais partie d’un duo nommé XAMIYA avec le producteur et rappeur Xansei. Je découvre leur dernier single intitulé Monster sorti le 26 Février 2025. Kamiya chante principalement en anglais en mélangeant quelques paroles en japonais. « All my friends are Monsters » nous répète elle dans le refrain. Elle utilise ce symbolisme du monstre qu’elle se force à considérer comme ses amis, pour évoquer l’acceptation de ses peurs et de son anxiété. Airi Kamiya nous fait part qu’elle souffre de bipolarité et peut être soudainement prise de fortes crises d’anxiété, qu’elle assimile à une force monstrueuse avec laquelle elle a dû apprendre à vivre pour éviter que cette force ne la consume entièrement. Cette approche positive des choses a quelque chose de très encourageant. Le morceau est très accrocheur et riche de multiples sonorités électroniques ne parvenant pas à submerger la voix de Kamiya qui garde toujours le dessus. XAMIYA était présent au SXSW 2025, se tenant à Austin au Texas, ce mois-ci.

Et en parlant de monstre, il faut également évoquer le nouveau single Kaiju (怪獣) de Sakanaction (サカナクション). Je ne suis pas spécialiste du groupe même si j’ai écouté et apprécié plusieurs de leurs albums et morceaux piochés par-ci par-là, mais ce dernier single rentre très facilement dans leurs meilleurs morceaux. On y retrouve toute la profondeur, l’ampleur et la versatilité musicale, le chant d’Ichiro Yamaguchi tout en ondulations, les chœurs typiques introduisant une pause dans le flot et un sens aiguë de l’accroche qui fait qu’on aura du mal à se séparer du morceau en cours de route. Bref, c’est un single quasiment parfait de bout en bout, et ça sera peut-être son unique défaut, car on n’a rien à y redire. Même mon fils est d’accord avec moi car il l’écoute aussi beaucoup, ce qui me donne l’occasion de lui conseiller l’écoute du très bel album éponyme du groupe sorti en 2013, que j’ai acheté il y a quelques semaines dans un Disk Union tokyoïte. En écoutant Kaiju, je me suis tout de suite dit qu’on approche de très près la perfection du morceau Aoi qui est un de mes préférés de cet album et du groupe.