nothing special

Rien de spécial à Ebisu à part un orage qui pointe son nez et qui noircit les photographies du quartier. Les éléments se déchaînent en ce moment entre les orages et les éclairs qui éclatent sans prévenir. C’est maintenant le tour des pluies soudaines et des typhons venant du pacifique. Tout ceci ne laisse que peut d’opportunité à la photographie, car j’ai un peu de mal à photographier tout en tenant un parapluie. Certains se débrouillent très bien pour montrer le ballet des parapluies, mais on ce qui me concerne j’ai du mal à éviter que le parapluie entre dans le champs de l’objectif. C’est peut être dû au fait que j’utilise un objectif grand angle. Les photographies de Tokyo sous la pluie avec parapluies, c’est un peu comme les photographies de taxis et leurs reflets dans la nuit, ou les photographies de gens endormis sur la banquette dans le métro, ou encore les photographies bleutées des néons à la Blade Runner. On en voit beaucoup trop à mon avis.

M***e alors. C’est ce que je me suis dis en écoutant pour la première fois l’album Pink du trio japonais de rock expérimental et noise Boris ボリス. Le groupe se compose de Takeshi Ōtani à la guitare et la basse, Atsuo Mizuno aux batteries et Wata, la présence féminine du trio, aux guitares. Je mets au pluriel pour guitares car Wata et Takeshi ont ces guitares bizarres à deux manches. Je me demande d’ailleurs comment on peut jouer en même temps de la basse et de la guitare. C’est un mystère pour moi. Le son des 11 morceaux de l’album est lourd et puissant, comme un magma bouillonnant. L’album démarre avec le morceau Farewell qui se rapproche un peu du shoegazing, mais les hostilités commencent vraiment dès le deuxième morceau qui reprend le nom de l’album. J’ai le sentiment que les guitares sont au moins 10 fois plus rapides et bruyantes que le rock alternatif que j’écoute d’habitude. La cadence est surdimensionnée. Mais tous ces sons de guitares sont exécutés avec beaucoup de précision même si les guitares crachent l’électricité à l’extrême. Je suis surpris par l’élégance de cette musique malgré l’agressivité qui se dégage des morceaux, le morceau Nothing Spécial étant un bon exemple. Je pense que la voix du chanteur Takeshi Ōtani, qui sait rester claire au dessus de ce son brut, y est pour quelque chose. Cette voix est très loin de tous ces groupes métaleux à la voix rauque, que je n’apprécie pas du tout. J’aime tout particulièrement la décharge d’énergie émotionnelle qui se dégage de ce morceau Nothing special. Le morceau suivant ralentit quand même la cadence pour aller vers une ambiance plus souterraine encore. La rapidité d’exécution reprend pourtant rapidement avec le morceau intitulé Electric, qui aurait presque des accents pop si on y criait gare. Une force abrasive domine l’ensemble de cet univers bruitiste parfaitement maîtrisé. Les guitares sonnent comme des furies jusqu’à un moment de calme sur l’avant dernier morceau My Machine. Arrive ensuite le morceau final Just abandonned myself. Il tourne comme un rouleau compresseur et il faut mieux ne pas se trouver sur son passage. On préférera admirer les gémissements de la bête un peu à l’écart. Ces gémissements, ce sont le bruit brut des guitares qui forment à la toute fin du morceau un mur de son qu’on ne saurait gravir. Ce dernier morceau est le plus long de l’album avec plus de 18 minutes au compteur. Les 8 dernières minutes du morceau tournent en drone et donne l’impression d’une forme organique brute. Le fait que cette partie soit placée à la toute fin laisse cette image que la totalité de l’album est construite sur cette base organique et que toute la musique de l’album est une lutte pour se dégager au dessus de ce magma de bruit. J’avais ce même sentiment en écoutant la musique de Sonic Youth. On arrive à déceler une sensibilité qui se dégage de cette surface brute à force de bataille. Lorsque les cordes de guitares épuisent leurs dernières ressources à la fin du morceau, on se trouve soudainement en plein silence en se demandant ce que pouvait bien être cette effusion sonore hypnotisante. On est même tenté de reprendre l’expérience depuis le début. Cet album est une vrai claque, mais pas forcément à mettre entre des oreilles non prévenues.

新宿’37°C

Quand il fait 37 degrés dans les rues de Tokyo avec une humidité terrible, il est difficile de prendre son temps pour faire des zigzags volontaires dans les rues pour y photographier la vie urbaine. On marche d’un point A vers un point B en accéléré et en recherchant les points d’ombre. On ralentit un peu quand on passe devant les portes vitrées des Department Stores pour profiter du froid de l’air conditionné qui s’y échappe quand les portes s’ouvrent. Je brave tout de même cette fournaise amplifiée par la réverbération des immeubles pour faire une boucle rapide dans Shinjuku 3-chōme, autour du Department Store Isetan où nous avons stationné la voiture. Mari est à l’intérieur, mais je vais, moi, faire un tour jusqu’au magasin Sekaido au bout de la rue, pas très loin du parc Shinjuku Gyoen. On trouve toute sorte de matériel de dessin à Sekaido. J’y achète tout ce qui m’est nécessaire pour dessiner mes formes organiques et futuristes. Cette fois-ci, je n’ai besoin de rien mais j’aime quand même y aller, faire le tour de l’étage où l’on peut y trouver toutes sortes de crayons, couleurs, papiers, encres… J’aime l’atmosphère un peu fouillis qui y règne. On a l’impression qu’on pourrait y trouver des trésors. J’essaie en quelque sorte de trouver dans ce lieu une forme d’inspiration, même si ça n’a jamais vraiment été le cas. Mais j’y reviens sans cesse dès que l’occasion se présente.

Image provenant de la vidéo disponible sur YouTube du morceau Acid Rain de l’album Maze to Nowhere de Lorn.

La puissance du morceau électronique Acid rain par Lorn me donne à chaque fois des frissons. La vidéo qui accompagne le morceau est fascinante car elle semble reproduire à l’inverse une scène d’accident de voiture impliquant des danseuses « cheerleaders », sans qu’on puisse vraiment comprendre précisément quel est le déroulement exact de la scène. Les mouvements très particuliers des danseuses évoquent une scène tournée à l’inverse, et cette musique inquiétante semble distordre le temps. Au final, ce morceau et la vidéo donnent une impression de distorsion de la réalité, qui est purement fascinante. Il y a quelque chose d’organique et de viscéral dans cette musique, elle semble chercher à survivre péniblement. Je l’écoute en boucle sans me lasser. Ce morceau se trouve sur la deuxième partie de l’album Maze to Nowhere de Lorn, disponible sur Bandcamp. Cet album est sorti il y a 4 ans, en Septembre 2014, mais je ne sais pour quelle raison, il s’est affiché dans les recommandations YouTube sur mon compte dernièrement, d’où ma découverte assez tardive.

Image provenant de la vidéo disponible sur YouTube du morceau Kick in the world de Haru Nemuri.

Dans la foulée de son album Haru to Shura 春と修羅 sorti il y a quelques mois seulement, Haru Nemuri 春ねむり sort déjà un nouveau single qui détonne intitulé Kick in the world. Le morceau démarre dans le style que l’on connaît de Haru Nemuri, avec des paroles empreintes de poésie parlées à la limite du rap. Mais, quand le refrain s’engage, c’est un déchaînement d’énergie qui nous monte soudainement aux oreilles. Le titre du morceau est chanté comme un cri dont l’intensité est renforcée par un flot puissant de guitares. C’est un morceau très accrocheur. Je suis surpris qu’elle sorte aussi rapidement un aussi bon morceau après cet excellent album sorti très récemment. Ça me laisse penser que Haru Nemuri doit fourmiller d’idées créatrices, ce qui est de très bonne augure pour la suite. Je pense même, qu’avec son style résolument novateur, elle mène une nouvelle voix dans le rock alternatif japonais. L’arme ultime de la musique 歌の最終兵器, comme elle aime s’appeler. C’est bon d’avoir ce genre d’esprit novateur dans le paysage musical.

Je me suis rendu au magasin Tower Records de Shibuya pour me procurer le CD du EP Kick in the world, ce que je ne fais plus très souvent ces derniers temps. En fait, le CD contient un mini-livret additionnel qui est donné au comptoir après l’achat, donc je me suis décidé à faire le déplacement. C’était également un prétexte pour m’y rendre car j’aime de toute façon me promener dans les rayons des magasins de disques, que ça soient le Tower Records de Shibuya ou les Disk Union de Shibuya, Shinjuku ou Shimo Kitazawa. J’y vais pour m’imprégner d’images, celles des pochettes de disques. Les images associées à une musique ont pour moi une grande importance dans l’appréhension totale de l’oeuvre. J’aurais par exemple énormément de mal à m’intéresser à un album si sa pochette ne m’attirait pas. Il s’agit d’un tout. Sur la couverture du EP de Kick in the world, une jeune femme regarde l’appareil photo dans les traînées de lumière de la nuit. Je repense à mon début de série Street Holograms, qu’il faudrait d’ailleurs que je continue. Cette jeune femme n’est pas Haru Nemuri, mais une jeune actrice appelée Haruka Imou 芋生悠. Elle apparaît également dans la vidéo de Kick in the world en chanteuse et guitariste d’un groupe fictif appelé Utopia. La vidéo de ce morceau Kick in the world est en fait extraite d’un petit film d’une quinzaine de minutes intitulé The eternal / spring, qui retrace la construction et les separations du groupe Utopia autour du personnage interprété par Haruka Imou. Cette vidéo est accessible par un code disponible dans le petit livret fourni avec le CD. Sur ce même petit film, une version acoustique du morceau est également mise en image. Le EP contient en fait 5 versions alternatives du morceau principal. Elles sont un peu déroutantes au début, mais je suis surpris de leur qualité. En comparaison, j’aimais moins les trois remixes collés à la fin de l’album Haru to Shura. Les remixes de Kick in the world tournent parfois à l’expérimental comme celui intitulé Kick in the hell, très inquiétant et changeant. C’est la version alternative que je préfère et elle a un pendant plus apaisé intitulé Kick in the heaven. Ce dernier morceau n’est pas disponible sur le EP, mais uniquement sur le compte YouTube de Haru Nemuri. Je l’ai tout d’abord entendu sur une émission de radio de la chaîne Nack5 où elle était invitée pour une interview. Entre les codes d’accès cachés dans des livrets et les morceaux additionnels parsemés sur Internet, la discographie de Haru Nemuri devient un vrai jeu de piste. Toujours est il que ce bouillonnement créatif est des plus intéressants.

fin de l7été

Les quelques images composées ci-dessus sont issues de l’inspiration musicale qui va suivre. En l’écoutant devant l’écran de mon ordinateur, cette musique m’inspire des images nuageuses dans lesquelles viennent se fondre des personnages fantomatiques, comme le filet d’une voix douce pourrait se laisser noyer dans des vapeurs musicales.

La musique que je découvre cette fois-ci est extrêmement délicate. C’est celle de l’album Beautiful case de l’artiste Cuushe sur le label japonais Flau. Le premier morceau Sort of light installe tout de suite le style et l’atmosphère qui va se prolonger tout le long des 10 morceaux de l’album. Il s’agit de dream pop électronique mêlant atmosphère musicale hypnotique à une voix vaporeuse, celle de la compositrice Mayuko Hitotsuyanagi. Certains morceaux prennent des accents plus pop et rythmés, ou lancent parfois des boucles musicales avec des répétitions de paroles à l’infini ou presque, qui nous poussent au rêve. Un article du Japan Times présentant le label Flau et l’artiste Cuushe par la même occasion évoquait certains liens de style avec Cocteau Twin ou Beach House, mais j’ai un peu de mal à y voir une ressemblance ou une influence. Ceci dit, je ne connais pas tous les albums de ces deux groupes. En fait, en écoutant cet album de Cuushe, me vient plutôt en tête la musique féérique des islandais de Múm. La musique de Beautiful case m’inspire l’image de la beauté confinée d’un espace intérieur à l’abri du bruit extérieur de la ville. Ce petit espace musical protégé se présente comme un rêve à l’écart de toute chose. Cette impression de confinement, je la reproduis en quelque sorte à ma façon en écoutant ces morceaux sous écouteurs dans le paysage urbain tokyoïte, en ignorant sa violence sonore.

Image provenant de la vidéo disponible sur YouTube du morceau I Dreamt About Silence de l’album Beautiful case de Cuushe.

En écoutant cette musique, je réalise qu’il y a vraiment beaucoup de belles choses dans le paysage musical japonais, mais il faut aller ailleurs que dans le mainstream pour les trouver. Le Japon musical mainstream est très doué pour répéter des formules jusqu’à l’écœurement ou pour aplanir tout ce qui dépasse pour ne garder à la surface que ce qui peut être réutilisé à des fins commerciales, que ça soit pour illustrer des publicités ou des séries télévisées dramatiques (aux deux sens du terme). Certains artistes désormais mainstream comme Sheena Ringo en ont abusé ces derniers temps, au point qu’on ne sait plus si le morceau est une commande pure d’une agence publicitaire avec placement produit ou une véritable œuvre artistique. J’aime beaucoup Suiyoubi no Campanella (Wednesday Campanella), mais un des morceaux assez récents intitulé Gala promouvant une marque d’alcool pétillant m’a fait douter de l’authenticité artistique du groupe au point où je n’ai plus eu du tout l’envie de m’investir dans l’écoute de leur dernier album Galapagos. Et pourtant, j’avais beaucoup aimé et ai beaucoup écouté tous les albums précédents. Wednesday Campanella a en quelque sorte perdu son pétillant (son « spark ») depuis ce morceau là. Même la collaboration internationale avec Chvrches sur le morceau Out of my head me paraît sans envergure, sans l’originalité qu’on connaissait de Wednesday Campanella. Je ne déteste pas le côté ultra-pop de Chvrches, mais pour ce morceau, c’est malheureusement sans aucune originalité sonore et la vidéo façon manga est d’un convenu des plus ennuyeux. Je me tourne désormais de plus en plus vers la musique indépendante qui m’offre beaucoup plus de satisfaction sonore.

l7été(9)

Pendant que Yui Aragaki regarde intensément loin vers le ciel bleu, je marche dans Shinjuku vers Kabukichō. Je traverse le sanctuaire de Hanazono pour rejoindre l’entrée de Golden Gai. A chaque fois que je le traverse, le sanctuaire de Hanazono me rappelle toujours le morceau 歌舞伎町の女王 (La reine de Kabukichō) de Sheena Ringo sur son premier album. Comme nous sommes tôt le matin, il n’y a personne dans les ruelles étroites de Golden Gai, même pas un fantôme égaré. Je passe devant le minuscule bar Nagune, un des bars de photographes. Un poster est posé d’une manière très artisanale et précaire au dessus de la porte d’entrée du bar. Il s’agit d’une photographie de Mitsuru Sato 佐藤充, un photographe que je ne connaissais pas jusqu’à maintenant. Il doit exposer quelques photographies à l’intérieur du bar et je les imagine accrochés de la même manière. Ma mémoire me fait défaut maintenant, mais je pense être déjà entré dans ce bar une nuit il y a de nombreuses années avec des amis photographes amateurs. Ceci dit, il s’agissait peut être de Kodoji, un autre bar de photographes à Golden Gai. Je me souviens de l’espace réduit qui nous écrasait contre le comptoir, surtout quand quelqu’un se déplaçait, et de photographies de rues réalistes, sans valeur esthétique de mon point de vue, accrochées près de l’entrée du bar à l’intérieur. Je me souviens que l’endroit ne m’avait pas emballé, pas en raison du manque d’espace mais dans l’ambiance qui nous oblige à sur-montrer notre passion pour la photographie quand on vient dans ce genre d’endroit. Ce genre de passion, je l’intériorise dans mon cas. Certainement trop d’ailleurs. Malgré plus d’une centaine de milliers de photographies prises depuis presque 20 ans à Tokyo, je ne me sens en rien proche d’un photographe. Ma véritable passion est de me perdre dans mes écritures en pensant à mes photographies.

Le visage féminin à l’oeil bleu de cartoon dessiné sur un mur de béton se trouve dans le hall d’entrée du New Sky Building. Alors que je marchais dans la rue du building sans d’abord le remarquer, je découvre ce dessin de grande taille avec une phrase de Woody Allen. Le marquage au sol du hall d’entrée me paraît tout de suite familier. En ressortant dans la rue, je me rends compte que j’avais en fait pénétré à l’intérieur du légendaire New Sky Building. Tout comme la tour Nakagin, ce building est un trésor d’architecture métaboliste qu’il faut absolument conserver malgré sa vétusté. Cette peinture murale n’était pas présente sur le mur de béton lors de ma première visite du New Sky Building il y a 11 ans en Juin 2007. Juste au dessous de la photographie du visage, je redécouvre une maison de béton qui ressemble à un ovni, en lévitation au dessus du sol. Le découpage du mur est vraiment intéressant. Elle se trouve vers Aoyama, quelque part en direction de Small House de Sejima. J’ai tellement tourné viré dans le quartier que je ne serais pas en mesure de la retrouver facilement.

Image extraite du dernier live de Number Girl lors du morceau Omoide in my head, visionable sur YouTube.

Pendant que j’écris ces lignes sur le bloc-note de l’iPad, j’écoute au casque le rock puissant de Number Girl, les deux albums que je possède School Girl Bye Bye (1997) et Num-Heavymetallic (2002). Je les écoute en entier, ce que je ne fais pas très souvent. En général, j’écoute quelques morceaux choisis comme Omoide in my head, Cibicco さん ou Num-Heavymetallic, histoire de dégager toute l’énergie négative que l’on peut parfois emmagasiner en une journée. La semaine qui se termine m’oblige à écouter deux albums d’une traite. Number Girl s’est malheureusement dissout il y a plus de 15 ans. Je regarde d’ailleurs sur YouTube leur dernier concert à Hokkaido où ils interprètent devant une foule en pleurs le morceau Omoide in my head.

Couverture du EP April Kisses et photographie du groupe Youthmemory, provenant de la page Bandcamp du groupe.

Pour continuer sur les inspirations musicales, j’écoute assez régulièrement un EP de deux titres intitulé April Kisses du groupe japonais de rock indépendant Youthmemory. Le premier morceau April kisses reprend le titre du EP. Il se lance à toute allure dans un mélange de rock aux allures pop et de shoegazing pour cette voix se laissant un peu étouffer par l’enthousiasme des guitares. Le morceau fonctionne très bien et transmet une énergie communicative. Le deuxième morceau Starfall est plus nonchalant dans le rythme et se tourne plus vers le shoegazing. J’ai une attirance naturelle pour ce style de rock brumeux, tant que les groupes qui le pratiquent ne se perdent pas dans des pâles tentatives d’imitation de My Bloody Valentine. Youthmemory ne tombe heureusement pas dans ce travers. Avec le morceau Neo Tokyo dont je parlais il y a plusieurs semaines, ces morceaux de April Kisses sont une musique vers laquelle j’aime revenir. Comme toujours, cette musique se trouve sur Bandcamp.

l7été(8)

Depuis Shinjuku, je passe par Kabukichō au petit matin alors qu’il n’y a presque personne dans les rues à ces heures matinales. Même ceux trop enivrés par la soirée précédente étaient déjà montés dans le premier train du matin. La tour noire Ichiban-Kan par l’architecte Minoru Takeyama se dresse soudainement devant moi à un détour de rue sans que je m’en rende compte. Je ne vois pas celle qui l’accompagne d’habitude, la tour colorée Niban-kan du même architecte. J’ai l’impression qu’elle a été rasée car de nombreux terrains vagues entourent maintenant le quartier. Kabukichō est peut être un plein redéveloppement. Tokyo est de toute façon en éternelle reconstruction. Vous l’aurez peut être remarqué, ce billet fonctionne en symétrie. La tour Ichiban-kan répond à l’immeuble métaboliste New Sky Building de Yōji Watanabe sur la dernière photographie. Je le redécouvre également par hazard, mais cette fois-ci dans son hideuse tenue verte. Quelque drôle d’idée d’avoir recouvert le béton de cette couleur verdâtre. Entre ces deux immeubles, j’insère des stades tout en rondeur, le Tokyo Metropolitan Gymnasium redessiné d’un design futuriste par Fumihiko Maki de 1986 à 1990. Juste à côté, le nouveau grand stade olympique par Kengo Kuma est en bon état d’avancement. Après le projet de Zaha Hadid avorté pour raison de coût, c’est rassurant de voir que cette version plus simple semble en bonne voie pour être prête pour les jeux olympiques de 2020. Au centre de la série, une espèce d’orgue métallique étrange interpelle. Ce sont des tubes attachés à l’arrière du Tokyo Metropolitan Gymnasium, dont j’ignore bien entendu leur fonction mais qui attirent mon regard photographique par leur symétrie parfaite.

Photographies extraites des videos disponibles sur YouTube des morceaux Tonite et Cloud dancer du EP Tonite par ANNA.

On peut dire que je ne chôme pas au niveau des découvertes musicales ces derniers temps. Le week-end dernier, je découvre le EP intitulé Tonite par ANNA sur le label indépendant Big Love Records, sur lequel on trouve également Aya Gloomy dont je parlais il y a quelques temps. ANNA s’appelle en fait Nana Yamato et cet EP sorti le 13 Juillet 2018 est son deuxième. Il s’agit d’un rock indépendant assez minimaliste composé et interprété par elle-seule, à en croire les crédits des vidéos YouTube nous faisant découvrir les 3 morceaux du EP. La voix monocorde de ANNA posé sur un fil de guitare parvient à créer une ambiance sombre et profonde. Les vidéos accompagnant les morceaux sont dans un format VHS plein de dérochages mais représentant une image actuelle de la ville. Cela donne un sentiment de distorsion du temps, tout spécialement intéressant car la chanteuse est jeune mais chante d’une voix très mature, froide et blasée comme si elle en avait déjà trop vu de cette ville. Dans ces vidéos, on la voit marcher vers Shinjuku dans certains endroits que je reconnais, et même jusqu’au stade olympique en construction. Sans le faire exprès, mes photographies de ce billet reprennent certains lieux empruntés par ANNA dans ces vidéos. Le morceau central du EP, Cloud Dancer, est mon préféré, mais avec les deux autres morceaux Tonite et She is the sun, ce EP forment un ensemble qui s’écoute d’une traite comme une petite pépite rock qui ne demande qu’à grandir. Comme d’habitude, on peut se procurer cette musique sur la page Bandcamp de l’artiste.