l7été(7)

J’avais un peu de temps pour moi en ce samedi matin et j’en profite pour pratiquer mon activité préférée qui est de marcher dans les rues de Tokyo avec l’appareil photo dans une main et les écouteurs dans les oreilles. Je prends le métro jusqu’à Shinjuku Sanchōme et je marche pendant plusieurs heures en faisant des courbes et des boucles et même quelques allers retours lorsque l’environnement urbain que je vois devant moi ne me semble pas propice à la photographie. Les séries de photographies qui vont suivre, incluant celles ci-dessus, reprennent dans le désordre chronologique mais dans une logique d’agencement réfléchie, un compte rendu en images de cette marche ininterrompue de presque 3 heures en ce samedi matin.

Depuis Shinjuku, je marche vers le parc Shinjuku Gyoen et je fais le tour par un chemin piéton sous les arbres que je connaissais pas. Je m’enfonce ensuite rapidement dans les rues résidentielles, attirées par des couleurs vives au loin, du jaune, un violet criard. C’est une étrange maison individuelle donnant sur une rue très étroite. Comme souvent, je manque de recul pour la prendre en photographie dans son intégralité. Les couleurs de cette maison me rappelle le Mexique. Sur le retour, je passerais un peu plus au Sud des Amériques, par l’ambassade du Brésil. Elle est décorée d’une fresque que je ne connaissais pas, un étrange mélange de paysages du pays, de plages encombrées longées par les buildings. En fait, en passant par Aoyama, je voulais revoir la maison Small House de Kazuyo Sejima. Il y a un chemin caché, qui existe toujours, qui permet de voir l’arrière de la maison dans son intégralité. Cet étrange décalage des étages m’intrigue toujours autant. On a l’impression que la maison est en équilibre instable. Comme pour la plupart des maisons de Sejima ou de SANAA, elle est ouverte sur l’extérieur par de très grandes baies vitrées, mais les habitants de cette petite maison ne semblent pas très tentés par l’ouverture totale. Je les comprends.

Photographies extraites des videos disponibles sur YouTube des morceaux Geyser et Nobody de l’album Be the cowboy par Mitski.

En marchant pendant ces quelques heures, j’écoutais pour la première fois le nouvel album de Mitski, Be the cowboy. Mitski, de son vrai nom Mitsuki Miyawaki, est une compositrice et interprète nippo-américaine de rock indépendant vivant à New York et chantant en anglais. J’attendais cet album avec une certaine impatience depuis plusieurs semaines, avant sa sortie vendredi dernier, le 17 Août. Je ne connaissais pourtant pas ses albums précédents (il s’agit ici du cinquième), mais j’avais découvert il y a plusieurs semaines sur YouTube le morceau très accrocheur Nobody, qui m’avait emballé par la tristesse joyeuse des paroles, le timbre de voix de Mitski et la vidéo surréaliste. Je découvre peu après le morceau Geyser, moins pop et plus poignant dans son intensité dramatique. Un petit détail m’intrigue dans ce morceau, il s’agit d’un clitch sonore à la 30ème seconde, que l’on pense d’abord involontaire, un problème d’encodage vidéo peut être? Mais, il n’est est rien et cette distorsion rapide du son est bien voulue. C’est un détail mais je me suis dit à ce moment là qu’un album intéressant se profilait à l’horizon. Un nouveau morceau Two slow dancers sort ensuite quelques jours après et confirme qu’un très bel album s’annonce. Le morceau prend son temps. La beauté de la voix de Mitski rivalise avec la beauté du silence des intervalles, le tout porté pour quelques notes de piano. Le morceau gagne ensuite en intensité jusqu’au final. Il s’agit également du morceau qui conclura l’album. Le vendredi matin du 17 Août, je me précipite sur Bandcamp pour me procurer l’album tant attendu mais il n’est pas encore disponible, tandis qu’il était déjà disponible sur iTunes depuis minuit. Il faudra attendre la fin de journée pour pouvoir se le procurer, Bandcamp devant être synchronisé sur la côte Ouest des USA avec 16 heures de retard par rapport à l’heure japonaise. Je découvrirais donc les chansons de Be the cowboy le lendemain matin samedi, profitant de cette matinée pour marcher dans les rues de Tokyo. L’album alterne des morceaux célestes comme A horse named cold air, où la voix de Mitski est une merveille accompagnée d’un environnement musical dépouillé, avec des morceaux beaucoup plus rythmés comme Washing Machine Heart, un de mes morceaux préférés de l’album. Les paroles intimes et pleines d’images ainsi que cette voix pleine de virages, comme mes déambulations dans les rues de Tokyo, font de chacun des morceaux de cet album des petits bijoux musicaux.

l7été(6)

Quelques autres photographies pour compléter cette série française, dans le charmant village de Brantôme dans le Périgord, sur les plages vendéennes des Sables d’Olonne et de retour à Paris avant de reprendre l’avion pour Tokyo. Paris nous a réservé des températures estivales allant jusqu’à 38 degrés, histoire de se remettre en condition pour notre retour vers la fournaise japonaise. Nos belles vacances étaient bien occupées et ont forcément passé beaucoup trop vite.

Photographies extraites des videos des morceaux Boyish et Road Head par Japanese Breakfast, disponibles sur Youtube.

J’écoute intensément en ce moment le dernier album de Japanese Breakfast intitulé Soft sounds from another planet sorti il y a un peu plus d’un an. J’ai toujours été intrigué par ce nom de groupe en me demandant s’il s’agissait d’un group de rock japonais, mais je n’avais pas poussé la curiosité jusqu’à écouter des morceaux du groupe. Jusqu’à maintenant. Derrière ce nom de petit-déjeuner, se cache en fait Michelle Zauner, américaine d’origine coréenne. Je découvre d’abord le morceau Boyish à travers les recommandations aléatoires de YouTube, qui fonctionne tout de même assez bien parfois. Le style un peu rétro du rock de ce morceau n’était pas à première vue fait pour m’attirer, mais je me suis laissé envoûter par cette musique au son spacieux et par l’ambiance de la vidéo se déroulant dans un ball de Prom à l’américaine que j’ai pu voir maintes fois dans des séries ou films américains, quand j’étais adolescent. C’est marrant comme une certaine nostalgie opère en voyant ces images, bien que je ne connaisse pas du tout cette ambiance de ball de fin d’année scolaire. L’ensemble de l’album est en fait assez différent de ce morceau Boyish, dans une approche plus indie rock aux tendances dream pop par moment. Comme je le disais, certains morceaux ont un son spacieux comme le suggère le titre de l’album. Il y a beaucoup de très beaux morceaux dans cet album comme le premier morceau Diving woman ou ceux accompagnés de vidéo comme celle du morceau Road Head avec cet étrange monstre poilu qui secoue de la tête en rythme et qui semble représenter les démons de la chanteuse qu’elle fini par chasser dans un geste destructeur. Mais le morceau qui me donne des frissons en l’écoutant est The body is a Blade. Il s’agit là encore pour moi d’une révélation et je compte bien explorer prochainement son album précèdent Psychopomp.

A noter quand même que je me procure la musique que j’écoute sur Bandcamp plutôt que sur iTunes, ces derniers temps. On ne trouve pas tout sur Bandcamp, et plutôt la musique indépendante, mais c’est environ un tiers moins cher que sur iTunes. Bravo les marges d’Apple.

l7été(3)

Une continuation d’été à Tokyo avant l’été en France, à Azabu-Jūban et dans des rues proches. La végétation envahit tranquillement les espaces qui se laissent saisir, comme la rouille recouvre certaines surfaces d’immeubles prévues à cet effet. La reprise de contrôle du naturel sur Tokyo n’est qu’un artifice.

Je découvre la musique de l’artiste japonaise Haru Nemuri 春ねむり et il s’agit encore là d’une belle révélation. Elle est catégorisée dans le style J-Pop mais la plupart des morceaux se rapprochent plutôt du rock alternatif. J’écoute intensément ses deux albums: le plus récent Haru to Shura 春と修羅 et son album précèdent Atom Heart Mother アトム・ハート・マザー. J’aime tout particulièrement la singularité de son chant toujours à la limite entre le parlé, avec un phrasé parfois rapide tendance rap, et les paroles chantées. Le ton monte parfois dans ses morceaux jusqu’au cri et toujours d’une manière authentique. Les morceaux et les paroles sont souvent accrocheuses et nous reste en tête après l’écoute au point qu’on n’a d’hâte que d’y revenir. Certains morceaux tournent à l’expérimental comme le morceau titre du deuxième album Haru to Shura, lorsque le rythme s’accélère soudainement jusqu’à finir par craquer. J’aime cette distorsion de la musique. C’est un mot ディストーション (distorsion) qu’elle répète d’ailleurs plusieurs fois en continu sur le morceau intitulé Narashite 鳴らして et beaucoup de morceaux fonctionnent autour de quelques phrases accrocheuses qui sont comme accentuées et scandées dans les morceaux: 光って あおく光って ぼくが死んでもいのちは消えない (Brille, brille d’une lumière bleue. Même si je meurs ma vie ne s’éteint pas), アンダーグラウンド いのちを燃やして (Underground, brûle la vie), 愛だったそしてそれは永遠だった (c’était l’amour et puis c’était l’éternité). Une phrase fait le lien entre les deux albums et c’est ma préférée: ぼくを最終兵器 (Je suis l’arme ultime). Un des morceaux phare du deuxième album est certainement Sekai wo torikaeshite okure せかいをとりかえしておくれ et il prend des accents plus pop par rapport au reste du deuxième album. C’est certainement ce morceau et quelques autres qui le suivent qui qualifie l’album dans la catégorie J-POP. Un autre titre Yume wo miyou ゆめをみよう (Rêvons) est peut être le morceau que je trouve le plus poignant de l’ensemble des deux albums de Haru Nemuri. Ils méritent d’être écoutés et une fois n’est pas coutume, l’album Haru to Shura a même été revu sur le blog vidéo The Needle Drop, ce qui apporte à l’album une certaine reconnaissance bienvenue. D’autres revues à lire sur les sites rokku panku et Deadgrandmablog.

l7été(2)

Après avoir fait le tour de l’exposition d’architecture en cours au 53ème étage de la tour de Roppongi Hills, je redescends d’un étage pour accéder à l’observatoire. Au 52ème étage, se déroule également une exposition en plusieurs volumes sur le monde manga du magazine Weekly Shonen Jump, qui fête cette année ses 50 ans d’existence. L’exposition retrace apparemment l’histoire du magazine à travers les mangas à succès que sont One Piece, Naruto, Bleach ou encore Death Note. Je pense n’avoir jamais lu de manga pré-publiés sur le magazine Jump, et je n’y porte de toute façon que peu d’interêt personnellement, mais force est de constater que ces titres font partie de la culture populaire du pays et sont reconnus de tous. Les visages des personnages de manga Jump s’affichaient également sur les grands vitrages semi-opaques d’un café restaurant du 52ème étage. Il n’y avait pas une grande foule au 52ème étage de la tour, par rapport à ce que j’imaginais pour une journée de week-end. Comme beaucoup, je prends des photographies de la ville depuis ces hauteurs. Ce ne seront pas des photographies que je montrerais sur le blog, mais plutôt des « matériaux » que j’utiliserais certainement plus tard pour une composition graphique mélangeant un décor de ville avec autre chose, selon l’inspiration. Cette fois-ci, pour les photographies de ce billet, je préfère montrer ceux qui regardent la ville, comme ce jeune couple au bord des vitres ou comme le personnage bleu Doraemon debout sur les bureaux de la chaîne de télévision Asahi.

Une fois n’est pas coutume, j’écoute de la musique électronique trance, celle de Housei Satoh sur un EP de trois morceaux intitulé True Blue et sorti en 2017. Je n’écoute en général pas de musique électronique au rythme aussi rapide, mais en écouter de temps en temps, fait du bien et remet les choses en place en quelque sorte. Les morceaux mélangent rythme soutenu et passages d’accalmie servant souvent de transition. Les deux premiers morceaux sont d’ailleurs construits en deux parties assez distincts. Sur le morceau True Blue, la deuxième partie est vraiment excellente, lorsqu’une vague sonique prend le dessus avec une efficacité imparable. Le morceau occupe à ce moment là tout notre cerveau jusqu’au final. Les mélodies de piano sont souvent assez simples, un peu comme sur les morceaux de Kaito mais en beaucoup plus rapide ici. Cette musique permet de s’échapper très loin, au dessus de la ville, le temps de quelques minutes.

l7été(1)

En ce lundi férié, je me décide à braver la chaleur de l’après-midi pour aller marcher dans les rues de Tokyo. La nuit d’avant a été difficile car il fallait supporter l’équipe de France à minuit, se recoucher deux heures après à la fin du match, pour se réveiller quelques heures plus tard à 4h30 du matin, pour se préparer à amener Zoa à l’aéroport de Haneda. Depuis lundi tôt le matin, il est parti avec les classes de 5ème année d’école primaire à Nagasaki pour aller nager dans les eaux du pacifique à proximité de Hirado. C’est un sacré voyage d’une semaine qui l’inquiétait beaucoup jusqu’au départ ce lundi matin. De retour de l’aéroport, je n’arrivais plus à me rendormir contrairement à Mari et je me suis donc décidé à aller voir de l’architecture à Roppongi Hills au Mori Art Museum. On y montre jusqu’à Septembre une exposition appelée Japan in Architecture: Genealogies of Its Transformation. Elle nous donne de manière très complète et même trop dense une vue d’ensemble de l’architecture au Japon à travers ses évolutions et transformations. Il y a tellement de choses montrées sous forme de maquettes, photos et reproduction qu’on finit par saturer. Je trouve qu’on s’y perd un peu sans un fil directeur fort. C’est quand même une exposition réservée aux amateurs d’architecture et le passant curieux n’y trouvera pas forcément son bonheur. J’y ai tout de même vu et appris des choses intéressantes comme le fait que la tour Tokyo Sky tree s’inspire des pagodes à 5 étages des temples en utilisant un même pilier central sur toute sa hauteur (ou presque) comme méthode de résistance aux tremblements de terre. On nous montre également à l’aide de maquettes comment le projet métaboliste City in the air de Arata Izosaki s’inspire dans l’agencement des capsules d’habitation sur l’emboîtement du support des toitures du temple Todaiji à Nara. Pouvoir observer attentivement une grande maquette du temple à double hélix Sazaedo à Aizu Wakamatsu était également fort intéressant, tout comme cet étrange bâtiment appelé Gion-kaku par Ito Chuta. Mais, j’accusais la fatigue sur la fin du parcours de l’exposition et je persiste à penser qu’elle aurait gagnée à être plus concise.

Pendant que je marche dans la chaleur depuis la maison jusqu’à Roppongi Hills et sur le chemin du retour, j’écoute la musique de Snail’s house, également appelé Ujico*. L’album est fort à propos car il s’intitule L’été (en français dans le texte). Il s’agit de morceaux instrumentaux principalement avec seulement quelques brides de voix sur le morceau central intitulé Utsura Utsura うつらうつら. Cet album mélange les styles mais est principalement centré autour d’un piano se faisant entourer de sons électroniques très délicats. L’univers musical est très dense avec des pointes de guitares par moments ou des bruits empruntés à la rue comme un son de passage à niveau s’incrustant de manière impeccable dans un des morceaux [vivid green]. Parfois, l’ambiance devient champêtre quand on devine le son des grillons qui me fait penser à une image de campagne japonaise en plein été, comme on pourrait le voir chez Hayao Miyazaki. Dans les rues de Tokyo cet après-midi là, le chant accentué des grillons sur une rue boisée de Hiroo vient se superposer à la musique de Ujico* que j’écoute pourtant à travers des écouteurs. Ce fond sonore naturel s’accorde très bien avec cette musique. La musique instrumentale du très productif Ujico* sur cet album est très belle et minutieuse. On sent un grand souci du détail qui contribue beaucoup à la qualité musicale de l’ensemble. L’album s’écoute en entier et s’achète sur Bandcamp.

Les trois photographies ci-dessus sont volontairement prises au dessus du sol pour s’échapper de la chaleur terrestre. Je passe assez souvent sur cette rue de Nishi-Azabu, mais changer légèrement l’angle de vue me fait découvrir de nouvelles perspectives photographiques.