longing for a happy day

Le Gotanda JP Building a ouvert ses portes le 26 Avril 2024. Nous sommes très souvent passés devant en voiture et ces immenses piliers obliques m’ont beaucoup intrigué. Il ne nous a pas fallu très longtemps pour venir voir de près à quoi ressemble ce bâtiment. On y trouve entre autres un food hall avec plusieurs restaurants dans lequel nous avons déjeuné (dans l’un d’entre eux) et un hôtel nommé OMO5 de la chaîne Hoshino Resorts qui a ouvert ses portes le 11 Avril 2024. L’hôtel occupe les étages hauts du building et la réception se trouve au quatorzième étage. Depuis cette réception, on peut accéder à un café très lumineux et à un jardin extérieur comprenant un bassin et des petits îlots de verdure artificielle sur lesquels on peut s’asseoir. L’endroit est très agréable lorsqu’il fait beau comme cette journée là. Le Gotanda JP Building se trouve à proximité de la rivière Meguro, qui est aménagée pour faciliter la marche piétonne. Je connaissais déjà assez bien les rives allant de Naka-Meguro jusqu’à Meguro, mais beaucoup moins cette zone entre Gotanda et Ozaki.

Mean Machine est ce qu’on appelle un super-groupe créé en 1998 par les chanteuses Chara et YUKI, la musicienne et DJ Mayumi Chiwaki, la saxophoniste tenor Yukarie Tsukagoshi du big-band The Thrill (ザ・スリル) et l’actrice Ayumi Ito (伊藤歩). Le groupe n’a sorti qu’un seul album intitulé Cream en Novembre 2001 que je découvre en ce moment après avoir acheté le CD à un particulier sur Mercari. J’avais pris connaissance du nom Mean Machine alors que j’écoutais intensément, il y a plusieurs mois de cela, les albums du groupe Judy and Mary dans lequel YUKI chantait jusqu’à sa dissolution en Mars 2001. Un passage récent d’Ayumi Ito dans l’émission de variété talk-show Girl’s Barking Night (上田と女が吠える夜) de l’animateur Shinya Ueda (上田晋也) m’a indirectement rappelé l’existence du groupe Mean Machine. Dans l’émission, Ayumi Ito évoque brièvement la difficulté de son rôle dans le film All about Lily Chou-Chou (リリイ・シュシュのすべて) de Shunji Iwai (岩井俊二) alors qu’elle était très jeune. Elle interprétait la collégienne Yōko Kuno (久野陽子), brillante pianiste interprétant notamment le morceau Arabesque de Debussy, dont Yūichi Hasumi (蓮見雄) est secrètement amoureux et qui subira les pires immondices. L’émission m’a fait revenir sur la page Wikipedia d’Ayumi Ito qui m’a rappelé qu’elle chantait dans Mean Machine. J’imagine qu’elle connaît la chanteuse Chara depuis son rôle dans un autre film de Shunji Iwai, Swallowtail Butterfly (スワロウテイル) sorti en 1996. En apprenant tous ces liens se tissant entre des artistes et des films que j’apprécie, je n’ai pu m’empêcher d’acheter l’album qui se trouve être une excellente surprise. C’est d’ailleurs vraiment dommage que le groupe n’ait sorti qu’un seul album. Les carrières solo de chacune des membres ont apparemment créé quelques difficultés pour assurer la continuité des activités de Mean Machine. Un point intéressant de ce groupe de filles est qu’elles ont chacune délibérément choisi des instruments auxquels elles n’étaient pas familières. Chara et YUKI se sont mises à la batterie, tandis que Mayumi Chiwaki assure le jeu de guitare, Yukarie Tsukagoshi la basse et Ayumi Ito le chant. Malgré cela, la qualité des morceaux, très axés rock, est étonnamment très bonne et le jeu très maîtrisé. Ayumi Ito n’est en fait pas la seule à chanter, car tout le monde intervient dans les chœurs et ce mélange des voix, parfois parlées ou criées, rend les morceaux particulièrement savoureux. Il faut dire que Chara et YUKI ont des personnalités des plus marquées, et c’est un régal de les écouter ensemble sur cet album. Le premier single du groupe, Suha (スーハー), qui est également le premier morceau de l’album Cream, donne une bonne idée de l’ambiance générale et de l’énergie rock de Mean Machine, mais la version du morceau disponible sur YouTube n’est malheureusement pas de très bonne qualité. On ne trouve sur YouTube que certains morceaux de l’album comme les excellents Love Mission « M », Lucky Star (ラッキー⭐️スター) et Paper Moon (ペーパームーン). On a le sentiment qu’elles se sont fait plaisir et se sont amusées sur cet album, et ça se ressent à l’écoute sur les différents morceaux. Il y a cette approche du chant à plusieurs voix qui a un côté ludique tout en restant cool et sérieux. Le morceau Love Mission « M » en est un excellent exemple. En même temps, les morceaux ne lésinent pas sur la puissance des guitares et des percussions, car, il faut le rappeler, elles sont deux à la batterie. L’album comporte 14 titres pour 53 minutes, sans réelle faiblesse, ce qui me fait d’autant plus regretter que Mean Machine n’ait sorti qu’un seul album.

feeling toooo lazy

C’est peut être l’effet Golden Week, mais je me sens paresseux pour écrire de nouveaux billets sur ce blog, même si les photographies à montrer ne manquent pas, car nous sommes allés à différents endroits ces dernières semaines. J’ai en fait tellement de billets en brouillon en attente d’écriture que je ne sais pas par lequel commencer. Ces billets ont déjà des photos allouées et un titre provisoire mais il me reste les textes à écrire pour une douzaine d’entre eux, dont celui-ci. Nous sommes actuellement entrés dans une des deux meilleures périodes de l’année au Japon et l’envie de prendre des photos est très forte. Celles de ce billet sont relativement classiques, prises à Daikanyama, Ebisu et Shibuya. Sur l’avant-dernière photographie, je montre une nouvelle fois mais en contre-plongée l’unité d’appartements haut de gamme conçue par Toyo Ito à Shibuya Tokiwamatsu. J’ai également déjà montré le bâtiment rond couvert de bois de la première photographie. On y trouve actuellement un café et une galerie appelés Monkey Café & Gallery D.K.Y. Ce bâtiment a été conçu par Hiroshi Nakamura (中村拓志) & NAP et se nomme Sarugaku Cyclone. Les plaquettes de bois du haut du bâtiment subissent malheureusement l’usure du temps et ont perdu de leur fraîcheur d’origine. On peut voir un phénomène similaire sur certains bâtiments de Kengo Kuma, qui ne vieillissent pas très bien par rapport, par exemple, au béton de Tadao Ando.

Les petits tunnels de Biku et de Koshin sous la voie ferrée entre les gares d’Ebisu et de Shibuya sont souvent taggés en long et en large, puis nettoyés et re-taggés dans une boucle infinie qui n’est pas sans intérêt pour le photographe que je suis. Depuis quelques semaines, une grande fresque de l’artiste californien Barry McGee vient occuper un des murs du tunnel sur une surface de 16m de large sur 3.5m de long. L’art de Barry McGee combine des graphismes géométriques très riches en couleurs avec des dessins de portraits. Cette fresque vient s’inscrire dans un projet appelé Shibuya Arrow qui a été lancé en 2017 dans le but de diffuser des informations sur les sites d’évacuation temporaires et les itinéraires d’évacuation en cas de catastrophe tel qu’un tremblement de terre. En regardant bien les dessins de Barry McGee, j’ai quand même beaucoup de mal à y déceler des informations d’évacuation en cas de tremblement de terre. Toujours est-il que ces dessins viennent embellir un tunnel qui ne l’était pas et je suis curieux de voir apparaître soudainement d’autres œuvres de ce projet. Voici donc un nouveau sujet à suivre de près. Tout comme les toilettes publiques d’architectes dans Shibuya, j’imagine que la découverte de nouvelles fresques dans Shibuya créera de nouvelles vocations de guides pour les touristes venus de loin. Et comme je le mentionnais au début du billet, nous terminons la deuxième partie de la Golden Week, période pendant laquelle on voit apparaître aux quatre coins du pays des carpes colorées accrochées en haut de mâts et se laissant porter par les vents.

Lors du concert final de For Tracy Hyde, le 25 Mars 2023 dans la salle WWWX de Shibuya, Azusa Suga (管梓) nous avait fait part qu’il continuerait à composer pour son autre groupe April Blue (エイプリルブルー) mais également plus occasionnellement pour des groupes d’idoles alternatives. Je pensais à RAY pour lesquelles il a déjà composé un certain nombre de titres rock. J’ai appris à travers son fil Twitter qu’il compose également pour un autre groupe appelé airattic (エアラティック) que je ne connaissais pas. Le morceau Film Reel of Our Youth (フィルムリールを回して) est sorti il y a plus d’un d’un an, en Septembre 2022, mais je ne le découvre que maintenant. Dès les premiers accords de guitares, on reconnaît tout de suite les compositions d’Azusa Suga pour ses ambiances de rock indé au style Dream pop légèrement mélancolique. Le titre même du morceau m’évoque tout de suite For Tracy Hyde, ce qui me fait penser que ce morceau aurait très bien pu être chanté par Eureka si le groupe n’avait pas pris fin le 25 Mars 2023, d’autant plus qu’il s’agit de Mav, également un ancien de For Tracy Hyde, qui y joue de la basse. Le morceau est donc chanté à plusieurs voix, celles des cinq idoles alternatives d’airattic, à savoir Hinari Koizumi (小泉日菜莉), Nene Kagura (神楽寧々), Madoka Momose (百瀬円香), Honoka Sakuragi (桜木穂乃花) et Ami Mukai (向日葵海). La production du groupe, dirigée par un certain Shota Homma (本間翔太), nous indique que le nom de la formation provient des mots air (空気) et attic (屋根裏), mais je ne peux m’empêcher d’entendre phonétiquement le mot Erratique, qui ne caractérise pourtant pas la musique du groupe. Tout comme pour RAY, plusieurs compositeurs indépendants rock ou électro composent pour airattic. J’aime beaucoup le morceau Film Reel of Our Youth mais je lui préfère celui intitulé Lightning (閃光) sorti en Décembre 2022. Ce deuxième single a une approche complètement différente, beaucoup plus rapide et dynamique. On dirait un single de Nogizaka 46 qui serait passé en accéléré. Ce qui fonctionne très bien sur ce morceau, c’est le rythme vocal soutenue des filles du groupe tenant très bien la route et n’ayant pour le coup absolument rien d’erratique. La vitesse excessive du morceau a même quelque chose de ludique, tout comme leur chorégraphie, dans la pénombre d’un vieil hangar. Parmi les autres découvertes musicales récentes, je ne suis pas mécontent de revenir vers le beat électronique de type house music de tofubeats avec le morceau I CAN FEEL IT sur son nouvel EP NOBODY sorti le 26 Avril 2024. La vidéo du morceau est concentrée sur l’actrice et cascadeuse (notamment dans l’épisode de John Wick sorti en 2023), Saori Izawa (伊澤彩織) devant des claviers ou au volant d’un 4WD sur l’autoroute express de Tokyo intra-muros. Ce n’est pourtant pas elle qui chante sur ce morceau, car tofubeats utilise ici un software vocal appelé Synthetiser V doté d’intelligence artificielle. La voix auto-tunée qui en ressort a quelque de neutre et d’inorganique mais elle n’en reste pas moins expressive, ce qui est au final assez étonnant. Pour être très honnête, j’aurais préféré qu’il utilise une véritable voix, car ce ne sont pas les belles voix qui manquent dans le paysage musical japonais. Cette voix artificielle combinée aux beats plein de cascades de tofubeats rendent tout de même ce morceau extrêmement intéressant et accrocheur. Depuis qu’elle a signé sur une major, je trouve que les vidéos d’a子 gagnent en qualité. Son dernier single intitulé Lazy est sorti le 17 Avril 2024, date facile à retenir car c’était le même jour que la sortie du dernier single de Sheena Ringo. L’amateur que je suis des compositions et de la voix d’a子 n’est pas déçu par ce nouveau single qui continue vers des terrains musicaux qu’on lui connaît. J’ai un avis un peu partagé sur les derniers singles d’a子 car j’aimerais qu’elle explore des horizons un peu différents, mais j’ai en même temps le sentiment qu’elle a trouvé une ambiance qui lui convient et lui correspond, à mi-chemin entre rock indé et pop. Continuer sur cette voie lui permet en même temps de se construire une identité immédiatement reconnaissable. On est en tout cas très loin de s’ennuyer en écoutant ce nouveau single car a子 parvient à chaque fois à attraper notre attention avec un refrain bien vu. Le quatrième morceau de cette playlist me fait particulièrement plaisir à écouter car il s’agit du dernier single intitulé Yogensha (預言者) du groupe Tempalay sur leur cinquième album ((ika)) sorti le 1er Mai 2024. Tempalay est le groupe dans lequel AAAMYYY joue du clavier et assure les chœurs, avec Ryōto Ohara (小原綾斗), le chanteur, guitariste et compositeur du groupe, et Natsuki Fujimoto (藤本夏樹), le batteur. Sachant qu’AAAMYYY jouait dans ce groupe, j’ai eu à plusieurs reprises envie de découvrir Tempalay, sans être malheureusement très convaincu par le rock un peu psychédélique qui les caractérise. Je trouve par contre ce dernier single excellent, avec une bonne balance entre les voix d’AAAMYYY et de Ryōto Ohara. En fait j’adore quand AAAMYYY vient mélanger sa voix avec celle d’un autre chanteur car elle a une tonalité un peu différente, très légèrement rugueuse qui complète bien l’autre voix. Le single a une atmosphère très cool et on s’y sent bien. J’ai du coup très envie de découvrir cet album de Tempalay, car j’y retrouve assez clairement l’empreinte d’AAAMYYY.

les sakura du lac Kawaguchi

Il me reste quelques cerisiers en fleurs dans mon sac alors je l’ouvre doucement pour les montrer dans un dernier billet consacré au sakura. On peut dire qu’on en a bien profité cette année. Alors que le pic de floraison se terminait déjà à Tokyo, il était encore à son maximum dans la préfecture de Yamanashi où se trouve le Mont Fuji et le lac Kawaguchi (河口湖) que nous avons déjà été voir au tout début de cette année. Nous retournons au même endroit au bord du lac, au Fuji Oishi Hana Terrace (富士大石ハナテラス) d’où est prise la première photographie du billet. Il y a plus de touristes qu’au tout début de l’année mais ça reste tout à fait acceptable. Les informations japonaises parlent assez souvent de sur-tourisme en ce moment, mais ça ne me dérange pas trop car ce tourisme est souvent concentré dans des lieux particuliers. Une bonne partie du Nord des rives du lac de Kawaguchi est bordé de cerisiers qu’on essaie de conjuguer avec le Mont Fuji à l’arrière. J’ai bien entendu pris des dizaines de photos qu’il a été ensuite difficile de trier. Le retour a été beaucoup moins serein avec embouteillages conséquents sur l’autoroute Chuo qui nous a obligé à sortir et à emprunter des petites routes de montagne. C’était finalement une très bonne idée et j’ai beaucoup apprécié les routes en zigzag alors qu’il ne faisait pas encore nuit. Il nous a fallu environ 4h pour rentrer, soit plus du double du temps qu’on avait mis à l’aller.

J’écoute en ce moment le neuvième single de la compositrice, interprète et guitariste, basée à Shizuoka, Minori Nagashima (長嶋水徳) dont j’ai déjà parlé plusieurs fois sur ce blog pour quelques uns de ses singles et pour sa participation en temps que guitariste au dernier EP d’Haru Nemuri. Son nouveau single intitulé SALINGER est en fait accompagné de deux autres morceaux LOUDNESS.DON’T.IMAGINATION (ラウドネス・ドント・イマジネーション) et SOLAR CALENDAR (太陽暦). J’aime beaucoup l’ambiance rock brut du single et des deux autres morceaux. Minori Nagashima est une excellente guitariste qui maîtrise bien son jeu tout en laissant les aspérités apparentes faisant sonner ce EP comme du live underground. On ressent une grande passion dans son chant, laissant échapper toute son agressivité. Le solo de guitare sur SOLAR CALENDAR est excellent, très puissant avec une liberté qui nous laisse penser qu’il va partir en vrille mais qui est tout à fait maîtrisé. Ces trois morceaux écoutés comme un tout sont comme une petite pilule compacte de rock alternatif sans concessions.

beautifully scary & scarefully beautiful

Je n’ai pas lu en entier de manga du mangaka d’horreur Junji Itō (伊藤潤二), mais j’avais tout de même très envie d’aller voir l’exposition Enchantment (誘惑) qui lui est consacré en ce moment au Setagaya Literary Museum (世田谷文学館). L’exposition a ouvert ses portes le samedi 27 Avril et se déroulera jusqu’au 1 Septembre 2024. Allez savoir pourquoi, j’y suis même allé dès le premier jour, comme un fan que je ne suis pourtant pas. C’est en fait la première fois que je vais dans ce musée de Setagaya. Je voulais y aller depuis quelques temps et cette exhibition du maître Japonais de l’horreur dessinée était une bonne occasion. Depuis la station, il faut marcher une petite dizaine de minutes. Il n’est pas très difficile de trouver le chemin du musée. Il m’a suffit de suivre cette fille habillée de noir, avec le crâne à moitié rasé et une crinière rouge. Le motif dessinée de son t-shirt me semblait bien correspondre aux images que je peux imaginer de Junji Itō. Je suis en fait en train de lire son manga Tomie (富江) depuis un bon petit moment mais je le lis par petites doses, par chapitres. Tomie est une jeune fille très belle et manipulatrice, pouvant se multiplier et renaître. Elle ensorcelle les hommes au point où ils en deviennent fous et sont poussés au meurtre. Elle est même souvent victime car elle parvient à chaque fois à faire surgir le pire qui se cache dans le fin fond de l’être humain. Au fur et à mesure des histoires composant le manga de plus de 700 pages, elle est découpée en morceaux mais renaît toujours de parties d’elle même et vient sans relâche hanter son entourage jusqu’à la folie. L’histoire et les images sont effrayantes mais on a du mal à se détacher des pages car on n’ose pas imaginer quelle nouvelle atrocité Tomie manigance. En lisant le manga, on se dit en fait que Tomie est la personne qu’il ne vaut mieux pas avoir le malheur de connaître ou de croiser, et qu’il ne faut surtout pas l’inviter chez soi. On plaisantait avec Nicolas sur ce manga en ayant même peur de l’avoir chez soi et confronter le regard de Tomie sur la page de couverture.

Je suis loin d’être adepte des manga d’horreur mais il faut avouer que les images que construit Junji Itō sont particulièrement impressionnantes et imaginatives. Je conçois tout à fait qu’il ait de nombreux fans au Japon et à travers le monde. C’était d’ailleurs ma constatation au musée de Setagaya dès l’ouverture le matin, car la foule était présente sans qu’on se marche pourtant sur les pieds. L’espace était assez vaste et couvrait de nombreuses séries de l’auteur, que je découvrais à part Tomie que je connaissais déjà et qui nous accueillait dès la première partie de l’exposition. En voyant le beau visage et les grands yeux de Tomie, je me suis d’abord demandé si c’était une bonne idée d’entrer à l’intérieur. Mais je ne suis heureusement pas seul présent à cette exposition, ce qui me donne finalement le courage d’entrer. Je ferme quand même bien mon sac pour éviter que s’y glisse par erreur des cheveux de Tomie (ou un petit doigt). Une des raisons pour lesquelles j’ai commencé la lecture du manga Tomie était la passage de Junji Itō au festival Angoulême en 2023. J’avais vu malgré moi beaucoup d’images de cette exposition intitulée « Dans l’antre du délire« , sur mon fil Twitter, et elles m’ont finalement beaucoup intriguées. L’exposition à Setagaya montre un très grand nombre de planches originales de manga et des illustrations couleur. Des séries que je vois devant moi, je retiens celle intitulée Spirale (うずまき) que j’aimerais lire après avoir terminé Tomie (si j’y parviens un jour). Pour reprendre le titre de l’exposition, découvrir l’oeuvre de Junji Itō était un véritable ’enchantement’. On n’en sort étonnement pas oppressé, mais tout simplement heureux de vivre dans un monde rationnel où les monstres ne nous attendent pas à chaque coin de rue. En fait, on ne se sent pas oppressé car le tout reste fantastique et irréel. La boutique de l’exposition était prise d’assaut par les visiteurs. J’aurais voulu ramener quelques cartes postales mais la file d’attente était vraiment trop longue et j’ai fini par abandonner. Je reviendrais peut-être y faire un petit tour avant la fin de l’exposition. En revenant de l’exposition, je passe devant la sortie Sud de la grande station de Shinjuku, avec la musique d’Urbangarde dans les oreilles (Shinjuku Mon Amour).

Je mentionnais rapidement le groupe Urbangarde (アーバンギャルド) dans un billet précédent pour le morceau Shōjo Gannen (少女元年) en duo avec Atarashii Gakko! (新しい学校のリーダーズ), et j’ai eu très envie de découvrir d’autres morceaux du groupe. C’est assez compliqué de savoir par où commencer car le groupe a sorti de nombreux albums, mais les hasards de la découverte me font d’abord passer par l’album Shōwa 90 Nen (昭和九十年), sorti en 2015 qui doit correspondre à peu près à l’année 90 de l’ère Shōwa si celle-ci ne s’était pas arrêtée en 1989 pour laisser place à l’ère Heisei. On retrouve une certaine esthétique Shōwa dans le premier titre de l’album Kuchibiru Democracy (くちびるデモクラシー), mais dans une version mise au goût du jour. Ce titre de morceau, faisant référence à une démocratie des lèvres, est bien étrange. La grande majorité des visuels accompagnant les morceaux sont des plus étranges et décalés, tout comme les paroles faisant ici référence à des rouge-à-lèvres remplaçant les missiles. Les images guerrières peuvent au premier abord surprendre et faire un peu peur, comme l’image ci-dessus de Yōko Hamasaki pourtant un masque à gaz, mais elles sont sont à chaque détournées vers quelques choses d’autres, comme un combat pour espérer ne pas tuer les mots. Dans le genre « Faites l’amour et pas la guerre », il s’agit plutôt chez Urbangarde de prendre le temps de se maquiller plutôt que de faire la guerre. Le fondateur du groupe Temma Matsunaga se maquille d’ailleurs souvent, quand il ne porte pas des talons-hauts rouges comme sur la vidéo du morceau Akuma des Akuma (あくまで悪魔) de l’album Shōjo Fiction (少女フィクション) de 2018 que j’écoute également en partie. Les morceaux d’Urbangarde provoquent en moi une certaine addiction même s’ils sont pour sûr excessifs dans leurs compositions musicales et dans l’approche stylistique générale. Sur le morceau Akuma des Akuma, Yōko est vêtue d’un blanc immaculé comme une religieuse mais elle alterne souvent avec le rouge vif provocateur qu’on pourrait trouver sur un costume d’idole. Tout comme le sigle du groupe montrant un rond rouge ressemblant au drapeau japonais mais dont la couleur coule comme un maquillage en fin de soirée, on sent que toute l’approche d’Urbangarde est décalée. Yōko joue certes aux idoles mais son interprétation dans le contexte des vidéos et des paroles nous éloigne assez rapidement de l’ambiance lisse typique de ce monde là. Comme nous le rappelle le morceau Ungragra (アング・ラグラ) présent sur leur dernier album Metrospective (メトロスペクティブ), Urbangarde évolue plutôt dans un monde underground. Pour ce morceau, le groupe se fait accompagner par la troupe de théâtre Kyoshoku Shūdan Kaiten Hyakume (虚飾集団廻天百眼). Cette troupe, plus communément appelée Kaiten Hyakume, évolue également dans un univers underground, bien qu’ils préfèrent se qualifier comme étant upperground (アッパーグラウンド), jouant notamment des pièces basées sur des manga de Suehiro Maruo ou des œuvres de Shūji Terayama. Je trouve d’ailleurs que la vidéo du morceau Ungragra évoque assez clairement le film Pastoral: To Die in the Country (田園に死す) de Shūji Terayama, dont je parlais dans un billet précédent.

Le style musical des morceaux d’Urbangarde que j’ai pu écouter jusqu’à maintenant tiennent de la pop électronique soutenue et accrocheuse. Un peu comme pour la musique de Buck-Tick mais dans un style différent, on a affaire à une musique de genre (comme on peut avoir des films de genre) car l’empreinte stylistique du groupe est très forte et sans concession. L’approche musicale est souvent dense et sans retenue, comme par exemple la frénésie électronique et vocale du morceau Tokyo Kid (トーキョー・キッド). Ce morceau a une approche chaotique qui correspond bien à l’image de Tokyo. Le style du groupe est multiple et ils l’appellent eux-mêmes Tokyo Virginity Pop ou Trauma Techno Pop, si ça veut dire quelque chose. Plusieurs morceaux que j’écoute ont des envolées théâtrales comme Shinjuku Mon Amour (シンジュク・モナムール), en français dans le texte. Ce titre semble être une allusion au film d’avant-garde français Hiroshima mon amour d’Alain Resnais, mais nous rappelle aussi que Temma Matsunaga, le moteur créatif du groupe écrivant les paroles et décidant de la direction artistique du groupe, a découvert Yōko Hamasaki alors qu’elle faisait des représentations de chansons françaises. Le terme Urbangarde lorsqu’il est prononcé en japonais ressemble d’ailleurs beaucoup au terme français avant-garde. Je n’ai par contre pas encore entendu de morceaux chantés en français (s’il y en a) par Yōko. Un point intéressant est que la compositrice et interprète londonienne d’adoption Yeule, dont je parle sur ce blog de chacun de ses albums, a commis un très bon remix du morceau Akuma des Akuma. Il est très réussi car très différent de l’original, tout en conservant une partie de sa trame et en y apportant les spécificités du son de Yeule. Voilà donc un rapprochement entre deux artistes qui est très intéressant, sans être complètement étonnant vu que Yeule et Urbangarde évoluent dans des milieux d’avant-garde, qui à défaut d’être similaire, semble tendre vers les mêmes aspirations. Parmi les autres morceaux que j’écoute beaucoup en ce moment dans ma petite playlist de garde urbaine, il y a Atashi Fiction (あたしフィクション), Femme Fata Fantasy (ふぁむふぁたファンタジー), Loveletter Moyu (ラブレター燃ゆ) et Coin Locker Babies (コインロッカーベイビーズ). Ce titre là me ramène à la noirceur du Shinjuku de Ryu Murakami dans son roman du même nom.

Et je promets que pour mon prochain billet je reviendrais vers la douceur bucolique et la délicatesse des fleurs de cerisiers (mais en accompagnant peut être quand même mon billet par le rock alternatif de Minori Nagashima).

人類最後の少女元年

Je me promène autour du S de Shibuya dans lequel on ne peut pas encore entrer. Le complexe Shibuya Sakura Stage ne semble pas complètement ouvert mais il s’y déroule déjà quelques événements comme celui de la marque de cosmétique Essential de Kao Corporation présentant ses nouveaux produits et la publicité qui va avec. Le groupe NewJeans fait la promotion de cette marque et sort par la même occasion un nouveau single lié à sa publicité. Une file d’attente s’était formée dans le large couloir du building pour entrer à l’intérieur de l’espace d’exposition, mais les membres du groupe ne semblaient pas avoir fait le déplacement. J’imagine la cohue si elles avaient été là dans les couloirs du Sakura Stage. Les jeunes fans se prenaient plutôt en photo devant une grande affiche publicitaire prévue à cette effet. La dernière photographie du billet n’est pas prise au même endroit. Il s’agit d’une vue en contre-plongée du building Octagon Ebisu (オクタゴン恵比寿) par l’architecte Shin Takamatsu (高松伸). Elle a été construite en 1992 mais n’a pas pris une ride. Son maquillage coule par contre un peu autour de ses gros yeux noirs globuleux. Le tour se tient fièrement comme au premier jour au pied d’un croisement de cinq rues.

Le weekend dernier était la deuxième édition du festival Coachella 2024 qui m’a donné l’occasion de voir certains des artistes que j’avais manqué lors du premier week-end. J’ai donc pu voir la prestation du groupe électronique L’Impératrice dont je parlais dans un billet précédent et qui a confirmé tout le bien que je pense de la musique de cette formation. La jubilation de jouer sur la scène de Coachella se lisait très clairement sur leurs visages et ça faisait plaisir à voir. Je n’en avais pas parlé dans mon billet précédent mais j’avais vu lors du premier week-end une partie du live du groupe new-yorkais Vampire Weekend, dont je n’ai pas écouté la musique depuis plus de dix ans. Sans être un amateur inconditionnel du groupe, je trouve leur single Classical sur leur nouvel album Only God Was Above Us vraiment excellent. Il est même très étonnement numéro 1 du classement Tokio Hop 100 de la radio J-Wave pour le week-end dernier. Ce morceau me replonge une nouvelle fois dans cette musique alternative du tout début des années 2010 et de la toute fin 2000, que je trouvais particulièrement imaginative. Merriweather Post Pavillon d’Animal Collective et Veckatimest de Grizzly Bear sont deux monuments sortis en 2009 qui symbolisent pour moi cette période. De ces deux albums, les morceaux Ready, Able et No More Runnin’ sont d’une grande sensibilité et tout simplement beaux à en pleurer. J’ai pu voir lors du deuxième week-end une partie du set de Grimes qui n’a pas rencontré cette fois-ci de problèmes techniques majeurs mais qui n’en restait pas moins assez fade. Ce ne sont pas les grandes images synthétiques en fond d’écran qui ont rattrapé le coup. Une bonne partie de ces images de personnages animés étaient certainement générées par intelligence artificielle car elles avaient ce côté lisse et déjà vu, qui me mettent personnellement mal à l’aise. Les images générées par AI ont tendance à tendre vers une même imagerie standard qui essaie à mon avis de rétrécir les angles de la perception humaine. Côté musique électronique, le set des français de Justice était par contre tout à fait exceptionnel en ayant une approche scénique plus traditionnelle. Gaspard Augé et de Xavier de Rosnay étaient débout imperturbables en costumes blancs devant leurs claviers et consoles électroniques, et la puissance des faisceaux de lumières autour d’eux étaient impressionnantes. Accompagnant des morceaux instrumentaux au son puissant comme Generator, cela créait un espace conceptuel futuriste froid de toute beauté. Du coup, je me suis mis à écouter plusieurs morceaux de leur nouvel album Hyperdrama, comme Generator, Incognito, Saturnine et surtout One Night/All Night interprété en collaboration avec les australiens de Tame Impala. J’ai développé une sorte d’obsession pour ce morceau et ce refrain qui se répète (And I can be your woman ‘Cause if that’s the only answer Then we could be together) que j’ai écouté plusieurs dizaines de fois. J’ai toujours aimé la voix de Kevin Parker, mais elle s’accorde particulièrement bien avec le son électronique de Justice. De Tame Impala, il faut écouter le morceau Let it Happen de l’album Currents de 2015, qui atteint à mon avis un des sommets de la musique du groupe, notamment pour son décrochage conceptuel à mi-morceau tout simplement génial.

Dans les groupes japonais à Coachella, j’étais particulièrement curieux de voir la performance d’Atarashii Gakko! (新しい学校のリーダーズ) qui concluait le festival sur la scène Gobi. Leur set valait clairement le détour car elles sont de véritables furies inarrêtables sur scène. Je ne suis particulièrement amateur de leurs morceaux récents comme Otona Blue (大人ブルー) qui mettait beaucoup en avant leur chorégraphie facilement imitable sur TikTok, au profit de la qualité de leur musique. Mais ce morceau leur a donné une grande popularité et une assurance sur scène qui est assez impressionnante. Elles ont certes l’habitude de la scène américaine et étaient même populaires là bas avant de l’être au Japon, mais je trouve qu’elles se sont transformées et maîtrisent parfaitement les techniques pour faire bouillir un public qui ne demande que ça, beaucoup mieux que la politesse timide de Yoasobi. Suzuka est par exemple hyper active, s’activant au plus près du public, se faisant tenir en l’air par les personnes du public au pied de la scène. Elles étaient très clairement électrisées par le public et heureuses d’être sur scène. Le problème tout de même est qu’elles ont tendance à surjouer la carte du crazy Japanese, c’est à dire les japonais qui vont des choses folles qu’on arrive pas à comprendre mais qui font bien rire. Elles arrivent bien sûr à jouer de cela. Visuellement, leur set était impressionnant et extrêmement ludique mais musicalement, je reste quand même un peu sur ma faim. Si j’avais l’occasion de les voir en concert, j’irais tout de même très volontiers même si je n’aime pas beaucoup voir Suzuka tirer la langue sans arrêt, car ce n’est pas très poli.

En fait, j’aime beaucoup certains morceaux plus anciens d’Atarashii Gakko! comme Saishū Jinrui (最終人類) sorti en 2018 sur leur tout premier album Maenarawanai (マエナラワナイ). Elles ont en fait interprété ce morceau avec beaucoup d’énergie sur la scène de Coachella, ainsi qu’un autre intitulé NAINAINAI, dont j’avais déjà parlé sur ce blog, pour le final mouvementé et plein de rebondissements. Les musiques de Saishū Jinrui, et de tout leur premier album d’ailleurs, ont été composées par H ZETT M, aka Masayuki Hiizumi (ヒイズミマサユ機). Il joue d’ailleurs du piano sur ce morceau et rien que le fait de savoir que c’est lui qui joue me procure un sentiment de grande satisfaction. Je ne suis pas sûr d’en avoir déjà parlé sur ce blog, mais j’aime aussi réécouter de temps en temps le morceau ShōJo Gannen (少女元年) du groupe pop électronique Urbangarde (アーバンギャルド) sur lequel Atarashii Gakko! danse et chante dans les chœurs. Urbangarde est un groupe actif depuis 2002 avec actuellement trois membres permanents à savoir Yōko Hamasaki (浜崎容子) au chant, Temma Matsunaga (松永天馬) également au chant et Kei Ohkubo (おおくぼけい) aux claviers. La présence de Yōko Hamasaki est tout a fait remarquable avec un look mélangeant underground SM et kawaii pop, mais c’est la figure théâtrale du deuxième chanteur Temma Matsunaga qui m’intrigue beaucoup car on a d’abord un peu de mal à comprendre son rôle exact dans le groupe. Il accompagne bien Yōko au chant mais on ne remarque vraiment sa voix que si on écoute le morceau au casque. Son look étrange avec une coupe de cheveux au carré et des lunettes de professeur apporte un certain décalage à l’image générale du groupe. Le pianiste Kei Ohkubo est brillant et il a même collaboré il y a quelques années avec Jun Togawa pour un album collaboratif, que je n’ai pas écouté car Jun a malheureusement beaucoup perdue de sa voix tellement unique. Shōjo Gannen a une dynamique et une accroche assez immédiate et cette association avec Atarashii Gakko! est très bien vue. Du coup, j’ai une grande envie d’aller piocher dans la discographie très étoffée d’Urbangarde et dans le premier album d’Atarashii Gakko!.