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Ça fait maintenant dix ans que la station de Shibuya et ses alentours sont en phase d’importants re-développements, qui sont encore loin d’être terminés. En recherchant le premier billet intitulé Shibuya changing que j’avais écrit sur le sujet, je suis moi-même surpris que dix années se sont déjà écoulées. Le building Hikarie était un des premiers bâtiments construits dans ce vaste re-développement urbain et j’aime bien de temps en temps grimper les étages jusqu’au 11ème pour avoir une vue d’ensemble. Une annexe de la marie de Shibuya fournissant des services administratifs est en fait placée au huitième étage de ce building. Aller y chercher un certificat ou autre papier d’importance est toujours une occasion de passer quelques minutes devant les grandes baies vitrées pour admirer de loin la foule qui s’agite en cadence. Je me suis d’ailleurs amusé à prendre cette vue le soir en time-lapse avec mon iPhone et je montre cette vidéo sur YouTube (et ci-dessous). Prendre un peu plus de quinze minutes de vidéo donne environ trente secondes avec l’accéléré du time-lapse. L’accélération du time-lapse rend bien compte de cette impression de cadence chorégraphiée de la foule à Shibuya.

Je savais que Kengo Kuma et SANAA intervenaient sur certaines parties de ce développement urbain du centre de Shibuya autour de la station, mais je ne savais pas qu’Hiroshi Naito faisait partie de la supervision de l’ensemble. Il est notamment en charge du Comité de Design et membre du Comité de Coordination du ce développement. C’est Takaaki qui m’apprend cela lors d’un déjeuner dans le restaurant de ramen au yuzu Afuri à Ebisu (adresse fortement recommandée). On ne s’était pas vu depuis longtemps et on parle beaucoup d’architecture japonaise, sujet d’interêt que nous avons en commun. Il regarde de temps en temps Made in Tokyo mais se contente des photos car il ne lis pas le français. Ce souci de la langue d’écriture m’interpelle de temps en temps, et me revient en tête dans ce genre de moments. Si l’intelligence artificielle pouvait m’être utile, ça serait de pouvoir traduire de manière rapide et naturelle mes textes en français sur Made in Tokyo dans différentes langues. On n’en est pas encore là mais ça va arrivé très vite, j’en suis sûr. On parle des endroits que l’on a aimé visiter ces derniers temps et qu’on se conseille, de l’architecture de Shin Takamatsu, entre autres. C’est étonnant de voir qu’on a souvent été voir les mêmes expositions photographiques, celle de Masahisa Fukase par exemple à Yebisu Garden Place. En ce promenant dans Ebisu, nous arrivons devant la petite libraire-galerie POST books, qu’il fréquente régulièrement. Je la connaissais déjà, car la propriétaire est une amie de Mari, mais je n’étais en fait, assez bizarrement, jamais entré à l’intérieur. J’y vois un livre de photos qui m’intéresse de l’anglais Stephen Gill. Je l’avais noté dans mes bookmarks d’Instagram il y a quelques temps. Le livre s’intitule Magnificent Failure et montre des superpositions de photographies, qu’il a d’abord construit par erreur. On le feuillette avec beaucoup d’interêt avec les explications de la jeune gérante de la librairie. Elle est très renseignée et n’hésite pas à donner de son temps pour répondre à nos questions sur les livres en stock et sur la série d’œuvres montrées dans la petite galerie. C’est assez rare pour le noter. J’aurais dû acheter le livre de Stephen Gill. Mais comme souvent, il me faut un long temps de réflexion avant d’acheter des livres d’art ou de photographies, car la place manque sur nos étagères à la maison.

Le Department Store PARCO a ouvert ses portes en 1973 et fête donc cette année l’anniversaire de ses 50 ans. Cette célébration démarrait le Vendredi soir 17 Novembre au PARCO de Shibuya avec des artistes invités jouant à chaque étage du grand magasin utilisant l’espace des boutiques. Je n’avais pas eu vent de cet événement mais mahl m’en a gentiment fait part car AAAMYYY y faisait une session de DJ. La session commençant à 18h le vendredi, c’était trop tôt pour arriver à l’heure mais je réussis tout de même à m’y rendre une quinzaine de minutes avant la fin de son set. Il m’aurait été très difficile d’y aller un autre jour de la semaine que le Vendredi ou le week-end. J’étais tout de même très satisfait de pouvoir la voir en action derrière les platines, même si elle n’a pas chanté ni ne s’est adressée aux personnes venues la voir dans le magasin de lunettes qui lui servait de lieu de performance. A la sortie du bureau avec mon sac à dos, je me suis senti un peu en désaccord, au niveau du code vestimentaire, avec la plupart des autres personnes présentes dans le magasin. Il s’agit de PARCO et les personnes soignant leur style étaient nombreuses, mais passaient souvent leur temps à se déplacer sans vraiment porter attention à la musique. Ça ne m’a de toute façon pas trop préoccupé. Pendant son set, AAAMYYY a passé un morceau de Maika Loubté, ce qui était en quelque sorte un habile renvoi d’ascenseur car elle était invitée sur scène le jour d’avant pour chanter à son concert dans la salle WWW X située à quelques mètres seulement du PARCO. AAAMYYY est ensuite restée à côté dans le magasin à discuter avec des personnes qui semblaient être de son staff ou des connaissances. Je n’ai pas senti un moment propice pour aller lui dire bonjour et toute l’admiration que j’ai pour sa musique. Pendant ce temps là, le musicien électronique Miru Shinoda avait pris la relève et j’ai beaucoup aimé le début de son set. Je n’ai malheureusement pas pu resté très longtemps. On revoit un peu AAAMYYY dans les médias ces derniers temps car elle était invitée de l‘émission musicale KanJam la semaine dernière, le dimanche 12 Novembre. Espérons que ça présage l’arrivée d’un nouvel album ou EP.

Le week-end dernier, je suis passé par hasard à vélo devant le parc Kitaya de Shibuya. Depuis que j’y ai vu jouer Miyuna (みゆな) en mini-concert gratuit, ce parc me donne l’impression qu’il doit s’y passer plein de choses intéressantes. Ce qui n’est apparemment pas faux car on y montrait cette fois-ci un film en plein air, et il s’agissait d’un film dont j’ai déjà parlé sans pourtant l’avoir vu. Le film s’intitule Ice Cream Fever (アイスクリームフィーバー), réalisé par Tetsuya Chihara (千原徹也) et tiré d’un roman de Mieko Kawakami (川上未映子). Le réalisateur était assis à l’arrière sur une petite chaise de camping. Je le suis sur Instagram depuis ce film et il est facilement reconnaissable, portant toujours le même chapeau. De ce film, je ne connais en fait que le thème musical intitulé Kōrigashi (氷菓子), interprété par Kayoko Yoshizawa (吉澤嘉代子). J’aime vraiment beaucoup ce morceau que j’écoute toujours assez régulièrement. Kayoko Yoshizawa joue également dans ce film avec Riho Yoshioka (吉岡里帆), Marika Matsumoto (松本まりか), Serina Motola (モトーラ世理奈) et Utaha (詩羽) de Wednesday Campanella. Je gare rapidement mon vélo pour pouvoir regarder quelques minutes du film, debout derrière les chaises prévues pour le visionnage. On pouvait voir le film assis en achetant une place à 1000 yens. Le film était déjà commencé quand je suis arrivé et je ne pouvais pas rester très longtemps. J’ai tout de même pu prendre mon temps pour suivre quelques scènes du film d’une manière certes un peu distraite. Il faudra maintenant que je vois ce film dans de bonnes conditions.

marcher entre les arbres de Hanegi

J’étais déjà passé à pieds aux limites du quartier de Hanegi (羽根木), dans l’arrondissement de Setagaya au delà de Shimokitazawa (下北沢) et près de la station de Shindaita (新代田), car j’ai déjà pris en photo l’arbre planté au milieu de la route sur la huitième photographie ci-dessus. Cette route longe la ligne de chemin de fer desservant la station de Shindaita. Je n’avais pas jusqu’à maintenant exploré les rues intérieures du quartier de Hanegi. Mari qui y est allée avec une amie quelques jours auparavant m’a en fait fortement conseillé d’y faire un tour car elle me dit que l’architecture y est intéressante. Quelques recherches me confirment bien cela, car on trouve dans ce quartier plusieurs bâtiments de l’architecte Shigeru Ban (坂茂). Le quartier est découpé par une rue très ombragée. On remarque tout de suite un complexe ouvert fait de plusieurs bâtiments de béton séparés en trois blocs. Il s’agit de Hanegi International Garden House conçu par Kojiro Kitayama et construit en 2007. Je montre cet ensemble d’appartements résidentiels sur les cinq premières photographies du billet. Un espace vert est conservé au milieu de ce complexe et de nombreux grands arbres y sont présents. Le domaine sur lequel a été construit cette résidence appartenait à la même famille depuis la période Edo, et la conservation des arbres faisait partie des prérogatives du re-développement de cette zone. On remarque par exemple que la forme de certains escaliers s’ajustent en fonction de l’emplacement des arbres. La végétation prend également le dessus sur les façades en jaillissant des toits. Le sol du jardin central n’est pas mis à niveau et reste très accidenté, comme laissé à son état naturel. Cette configuration privilégiant la végétation est vraiment très intéressante. Il en est de même pour la résidence Hanegi Forest conçue par Shigeru Ban en 1997, que je montre sur la septième photographie du billet. La forme du bâtiment de trois étages a été dessinée pour laisser la place aux arbres déjà présents sur le site. Des formes ovales sont ainsi creusées au milieu du bâtiment pour laisser grandir les arbres. Ces formes sont difficiles à montrer correctement en photo, mais le site web de l’architecte donne une meilleure idée de la configuration spatiale du bâtiment. La résidence Hanegi Forest Annex du même Shigeru Ban se trouve juste à côté. Sa conception est différente et plus récente car le bâtiment date de 2004. Son toit en forme d’arche en acier est immédiatement remarquable. Tout comme l’autre bâtiment, il est surélevé pour laisser de la place aux parkings. J’aime beaucoup le concept du quartier conservant la végétation déjà installée. Cela donne un environnement de vie très agréable. Les deux dernières photographies du billet montrent une maison au style différent mais encore une fois conçue par Shigeru Ban. Il s’agit de House at Hanegi Park Vista, construite en 2010. Comme son nom l’indique, elle est située au bord du grand parc de Hanegi, au coin d’une longue rue en forme de L. Sa particularité est la grande toiture courbée que l’on distingue clairement depuis l’extérieur. Là encore, le site de l’architecte montre quelques photographies de l’intérieur pour mieux apprécier les qualités de cet espace au haut plafond courbé. Cette petite promenade du samedi matin a été riche en découverte architecturale. J’avais bien sûr fait des recherches avant de partir et mon parcours était par conséquent très programmé et n’avait rien du hasard, ce qui n’est pas toujours le cas.

Parlons maintenant de la musique qui accompagne l’écriture de ce billet. Gamel est une œuvre musicale vraiment atypique du groupe rock expérimental OOIOO mené par YoshimiO (ou Yoshimi P-We), de son vrai nom Yoshimi Yokota (横田佳美). YoshimiO chante dans le groupe OOIOO mais est avant tout connue pour être batteuse du groupe de noise rock Boredoms fondé par Yamataka Eye (山塚アイ). Je n’ai jamais été très attiré par la musique de Boredoms, mais j’ai un vague souvenir d’avoir été voir et écouter un live électronique de Yamataka Eye il y a un peu moins de vingt ans. Comme je ne notais pas tout à cette époque, mes souvenirs m’échappent malheureusement. Je m’intéresse soudainement à OOIOO car j’avais noté que Kyoko de Kokushoku Elegy (黒色エレジー) avait fait partie de ce groupe à ses débuts, dans les années 90. YoshimiO et Kyoko étant toutes les deux originaires de la préfecture d’Okayama, on peut deviner qu’un rapprochement s’est fait à l’époque. Le groupe OOIOO a été fondé en 1996 par YoshimiO et se compose de quatre filles: KayaN, AyA et MISHINA accompagnant YoshimiO dans sa composition actuelle. Le nom de YoshimiO m’était en fait familier depuis longtemps car elle est également membre du super-groupe Free Kitten avec Kim Gordon de Sonic Youth (et Julia Cafritz de Pussy Galore). OOIOO a d’ailleurs fait l’ouverture de Sonic Youth lors de leur tournée japonaise de 1997. En lisant les fiches Wikipedia, je suis assez surpris de me rendre compte que YoshimiO a même inspiré le titre de l’album Yoshimi Battles the Pink Robots de The Flaming Lips. Elle y jouait d’ailleurs de la batterie. Plutôt que d’écouter des albums de années 90 de OOIOO, je me dirige sur celui intitulé Gamel sorti en 2014, pour l’avoir vu cité dans une liste des meilleurs albums japonais de la décennie passée. Comme son nom l’indique, cet album expérimental met en avant les sons du gamelan (ꦒꦩꦼꦭꦤ꧀), un ensemble instrumental traditionnel indonésien caractéristique des musiques javanaises. Lorsque je pense au gamelan, me viennent tout de suite en tête les sons du morceau Tetsuo (鉄雄) par Geinō Yamashirogumi (芸能山城組) sur la bande originale Symphonic Suite AKIRA, que j’ai dû écouter une centaine de fois après avoir vu le film au cinéma en France. L’ambiance de Gamel est bien entendu très différente mais la force et la présence du gamelan est inimitable. Les chants y sont étranges, les motifs instrumentaux souvent répétitifs, la composition souvent déconstruite ou du moins non conventionnelle, mais quelle beauté pleine d’inattendu ! Comme je le dis parfois, ce n’est pas forcément une musique pour toutes les oreilles. Le premier morceau Don Ah de 10 minutes est une excellente entrée en matière. On se laisse facilement entraîner dans ces étranges compositions, parfois à la limite du psychédélique, ressemblant d’autres fois à des chants ou à des incantations d’une tradition ancestrale perdue. Il faut pour sûr accepter de rentrer dans ce monde, et cette musique devient ensuite très rapidement fascinante et addictive. On a parfois l’impression d’assister à des sessions Live improvisées, même si le tout reste très construit. On n’arrive tout simplement pas à bien imaginer les limites de cet objet musical à l’approche très libre, proche de la performance artistique (les cris de YoshimiO sur Gamel Kamasu par exemple). Le deuxième morceau Shizuku Gunung Agung est très marquant. Le gamelan a cette capacité de s’ancrer dans notre cerveau et les chants à la fois répétitifs et distordus contribuent à ce phénomène d’addiction sonore que je mentionnais ci-dessus. Les morceaux Atatawa et Jesso Testa sont également très singuliers et comptent parmi mes préférés de l’album. L’ensemble de l’album Gamel durant un peu plus d’une heure a une grande unité de style avec des morceaux se chevauchant souvent les uns sur les autres, avec le gamelan comme instrument d’union continuelle. Gamel est un véritable ovni mais également un petit bijou musical. La photographie du groupe OOIOO ci-dessus a été prise par le photographe Takashi Homma (ホンマタカシ), ce qui me rappelle d’ailleurs qu’il faut que j’aille voir son exposition Revolution 9 qui se déroule jusqu’au 21 Janvier 2024 au Tokyo Photographic Art Museum à Yebisu Garden Place.

sur la montagne sacrée d’Oiwa

La préfecture d’Ibaraki est souvent listée comme étant la moins populaire du Japon pour le tourisme et elle est en général bonne dernière dans les classements annuels. C’est pourtant pour nous la destination où nous allons le plus souvent. On connaît en fait déjà bien la préfecture de Kanagawa au Sud-Ouest de Tokyo et on a donc naturellement envie de découvrir le Nord. Lors de notre premier passage au mois d’Août 2022 dans la petite ville côtière d’Hitachi située dans la partie Nord de la préfecture d’Ibaraki, nous avions également l’intention d’aller voir le sanctuaire d’Oiwa (御岩神社) mais le temps nous avait manqué. Nous retournons il y a quelques semaines à Hitachi pour aller spécialement explorer ce sanctuaire. Il faut un peu moins de deux heures de voiture pour s’y rendre avec une grande partie sur l’autoroute Joban. Une petite route sinueuse nous amène ensuite sur les hauteurs du Mont Oiwa sur lequel se trouve le sanctuaire. On dit que cette montagne de 530m de haut est sacrée et que le sanctuaire consacre pas moins de 188 divinités. Il s’agit d’un sanctuaire Shintō mais on y trouve également certains symboles du Bouddhisme. Les origines de ce sanctuaire sont inconnues. On sait seulement qu’il s’agit d’un lieu de culte sacré depuis des temps anciens. Le sanctuaire d’Oiwa est perdu dans la montagne et ses forêts. Un grand cèdre sacré à trois ramifications (神木三本杉) d’environ 500 ans nous attend sur l’allée d’entrée au sanctuaire avant la grande porte Rōmon (楼門). On dit qu’un Tengu vivait dans cet arbre. Ce sanctuaire est considéré comme un « power spot ». A cet endroit particulier, la lumière transperce les arbres, bien que ce n’était pas une journée ensoleillée. Les sols autour des allées dans l’enceinte du sanctuaire sont entièrement couverts de mousses. Ce paysage est magnifique et on se répète intérieurement cette impression tout en marchant doucement dans les allées ombragées. Dans une des dépendances du sanctuaire, on peut admirer un grand dragon peint au plafond. Les dragons sont également présents sur le bâtiment principal. 2024 sera l’année du dragon et c’est donc mon année. A l’entrée, nous avons laissé nos carnets Goshuinchō pour qu’on nous écrive les sceaux du sanctuaire pendant que nous le visitons. Pour en avoir un complet sur deux pages, il faut aller jusqu’au sanctuaire reculé sur les hauteurs de la montagne, se trouvant à environ une heure allé-retour. Personne ne viendra vérifier si nous y sommes réellement allés ou pas, mais on nous indique tout de même cette condition. Nous n’avions de toute façon aucunement l’intention de tricher avec les dieux du sanctuaire qui nous auraient de toute façon tout de suite repéré. Nous voyions autour de nous certains pèlerins équipés de chaussures renforcées de montagne et de bâtons de bois, ce qui ne nous rassure pas beaucoup sur la praticabilité du chemin, d’autant plus qu’il a dû pleuvoir dans la matinée. Certaines personnes portent même une petite cloche pour faire fuir les ours. Nous apprendrons au retour que les bâtons de bois peuvent être loués au sanctuaire. On sait que les japonais ont tendance à se suréquiper, donc on tente tout de même la montée vers le sanctuaire au fond de la montagne appelé Kabire Jingū (かびれ神宮) en empruntant le cheminement Omotesandō (表参道). Ce chemin perdu dans la nature commence doucement mais devient plus difficile au fur et à mesure qu’on approche du Kabire Jingū. La pente devient plus importante et les racines à enjamber plus nombreuses et hautes. On avait en fait un peu peur des ours car on nous dit ces derniers temps aux informations qu’ils ont tendance à descendre plus souvent vers les villages. N’ayant pas de clochettes pour faire du bruit, je prépare au cas où mon iPod pour lancer de la musique forte. Tout en marchant, je me demande quelle musique mettre à tue-tête pour effrayer un ours. Ussewa (うっせぇわ) d’Ado peut-être, ça parait être un bon choix. Mais nous ne sommes de toute façon pas les seuls à grimper cette montagne, donc le risque de trouver un ours sur notre passage était principalement dans notre imagination. Nous atteignons finalement le sanctuaire Kabire Jingū placé en hauteur derrière un immense rocher. Il s’agit seulement d’un petit autel enfoui dans la forêt profonde et on en a vite fait le tour. Le chemin du retour, le Urasandō (裏参道), est différent de celui de l’allé. On y trouve un autre autel placé à mi-chemin de l’Urasandō, au milieu des grands arbres et de leurs racines. Le paysage est différent mais on repense tout d’un coup au Mont Haguro (羽黒山) dans le domaine de Dewa Sanzan (出羽三山) à Yamagata qui est un lieu très particulier. La météo a été dans l’ensemble clémente, mais une petite averse très courte et légère nous a accueilli à notre retour après avoir franchi la porte Rōmon. Mari y voit un signe. A notre retour à l’entrée de l’enceinte du sanctuaire, nos goshuin étaient prêts. Nous n’avons bien sûr pas eu à justifier notre ascension jusqu’aux hauteurs du Mont Oiwa. Cette petite excursion nous a donné de l’appétit et notre prochaine étape est bien sûr une station routière Michi no Eki (道の駅) dans laquelle on trouve toutes sortes de spécialités locales. Ces Michi no Eki se développent beaucoup au Japon ces dernières années et il y en aurait plus de 1200 dans tout le pays. Elles dynamisent pour sûr les zones agricoles les plus reculées. En plus d’y attirer les touristes et voyageurs de passage, j’ai l’impression que ces Michi no Eki rassemblent également la population locale car les enfants y sont en général nombreux. Nous explorons celles du Nord du Kanto les unes après les autres. Ce n’était pas le cas cette fois-ci, mais ces Michi no Eki ont parfois une architecture intéressante.

Je fais une nouvelle fois une très belle découverte musicale avec l’album Osharaka (おしゃらか) d’un groupe mystérieux nommé Oni no Migiude (鬼の右腕), qu’on peut traduire par le bras droit du démon. Le démon dont on parle ici est celui du folklore japonais et cette atmosphère musicale, notamment les visuels, correspondent assez bien à l’atmosphère des lieux que j’ai pris en photo ci-dessus sur le Mont sacré d’Oiwa. Je ne connaissais pas ce groupe dont j’ai pris connaissance à travers un tweet de la musicienne, compositrice et chanteuse Utena Kobayashi (小林うてな), dont j’ai plusieurs fois parlé sur ces pages car je suis très sensible à sa musique. J’ai en fait vite compris qu’Utena Kobayashi faisait partie du groupe Oni no Migiude qu’elle a d’ailleurs fondé avec d’autres étudiants de son école de musique. Utena joue de la musique depuis qu’elle est toute jeune, de la flûte à bec, du piano et du chœur, puis s’est consacrée aux percussions, en particulier le steel pan aux sonorités immédiatement reconnaissables. Je connaissais ses activités de percussions en support d’artistes comme Kid Fresino et D.A.N., sa carrière solo avec quelques magnifiques EPs et un album intitulé 6 roads en 2021 dont j’ai également déjà parlé, son groupe Black Boboi formé en 2018 avec Ermhoi et Julia Shortreed, mais je n’avais jamais entendu parlé de son groupe Oni no Migiude. Il faut dire que même si ce groupe a été fondé en 2010 et a sorti un premier album en 2013, il a été longtemps en hiatus pour se réunir finalement l’année dernière, en 2022, et sortir cet album Osharaka le 2 Novembre 2023. En faisant quelques recherches, je vois qu’Utena Kobayashi est également membre de l’Orchestre Philharmonique Shuta Hasunuma. Je ne connaissais pas cet orchestre philharmonique, mais je retrouve parmi ses membres, un nom de musicien qui m’est familier, celui d’Itoken. Itoken (de son vrai nom Kenji Ito) était membre du groupe Sōtaisei Riron (相対性理論) dans lequel chante Etsuko Yakushimaru (やくしまるえつこ) et il a joué des percussions sur l’album RADIO ONSEN EUTOPIA (らじお おんせん ゆーとぴあ) de la même Etsuko Yakushimaru. Ce qui est vraiment intéressant, c’est qu’Itoken a fondé avec Kyoko un groupe nommé Harpy après la dissolution de Kokushoku Elegy (黒色エレジー) à la fin des années 90. Ce groupe a sorti deux albums mais a arrêté ses activités au début des années 2000 suite à la maladie de Kyoko. Itoken a également directement supervisé la compilation de Kokushoku Elegy sorti en Décembre 2020 dont je parlais très récemment. Ce sont encore une fois des liens inattendus qui me fascinent.

Mais revenons plutôt à l’album Osharaka de Oni no Migiude. Dès les premières notes du premier morceau Sono Kane Wo Narasu Toki (其ノ鐘ヲ鳴ラストキ), je suis saisi par la beauté de ce que j’écoute. On y entend plusieurs flûtes jouant un morceau à l’air médiéval, tout d’abord seules puis accompagnées d’une nappe électronique. Le morceau suivant ONO (斧) est plutôt d’inspiration asiatique voire tribale, mais ces sons se font ensuite déborder par une guitare puissante à la limite du métal. La voix flottante et nuageuse d’Utena Kobayashi intervient ensuite pour adoucir cette incursion de violence électrique mais apporte également une certaine dose de mysticisme. Dès les premiers morceaux de l’album, on comprend que le groupe mélange les genres avec des musiques parfois ancestrales et d’autres beaucoup plus contemporaines. Et le tout fonctionne terriblement bien. Ces associations inhabituelles de styles instrumentaux me rappellent un peu le fabuleux album -Il y a- (イ リ ヤ) de Mutyumu (夢中夢). Les morceaux de cet album sont principalement instrumentaux. La voix d’Utena est bien présente sur la plupart des morceaux mais elle intervient en quelque sorte comme un instrument parmi les autres, ce qui donne l’impression d’écouter une musique purement instrumentale. L’ensemble a des allures expérimentales mais est en même temps très facile d’approche car le groupe ne rechigne pas à créer des mélodies accrocheuses. L’ambiance générale n’est pas très éloignée de ce qu’Utena crée en solo sauf que l’instrumentation est plus complète sur cet album et les guitares très présentes, par rapport aux sons plus tournés vers l’électronique sur ses EPs et son album solo. A ce propos, je reviens très régulièrement vers la musique d’Utena Kobayashi, notamment les sublimes Pylon et Rose sortis sur le EP Pylon en Décembre 2020, que j’écoutais d’ailleurs juste avant la découverte de l’album Osharaka. Le morceau titre de l’album OShaRaka (オシャラカ) est un des meilleurs, mais j’aime également beaucoup le quatrième ISAHOHO (イサホホ) qui m’évoque une version moderne d’une musique folklorique d’un pays inconnu. Son instrument de prédilection, le steel pan, est très présent sur l’ensemble de l’album et c’est très étonnant de le voir associer au métal sur un morceau comme le cinquième intitulé TAIJI (タイジ), tout comme il est étonnant d’entendre des sons de flûte prendre le dessus sur des lourdes guitares sur le septième morceau DI LAKA REMIO (ディラカレミオ). C’est un moment sublime de l’album tout comme le solo de guitare inattendu et très prononcé sur TAIJI. L’album se termine au bout de 34 trop courtes minutes sur les sons plus apaisés du dernier morceau Hinode no Yume (日ノ出ノ夢). J’inscris également cet album dans la liste de mes albums préférés de cette année.

夢の花

Après la sonnerie annonçant les 17h lancée par les hauts parleurs, le silence envahit chaque recoin du parc. Il est temps de rentrer mais on veut quand même profiter des dernières lumières comme ce jeune couple assis sous un des grands arbres du centre du parc. Alors que les occasions seraient pourtant nombreuses, surtout avec ce ciel d’automne, je ne saisis que peu souvent les lumières du soleil couchant. Certains se font pourtant une spécialité à capturer en images ce moment de la journée. Ce sont les dernières photographies prises dans le parc de Tachikawa, le Showa Memorial Park (昭和記念公園). Et en repensant à cette période Shōwa, il me vient en tête de revenir vers la musique japonaise des années 80, car j’y trouve une nouvelle fois de très belles choses.

Une fois encore, je pars à la recherche de musiques enfouies dans les parties obscures des années 80. J’y découvre le groupe Kokushoku Elegy (黒色エレジー), dont j’avais déjà lu le nom quand j’avais découvert le groupe G-Schmitt et sa chanteuse SYOKO. Kokushoku Elegy, qu’on peut traduire par « Elègie du noir », évolue à une époque et dans un style similaire à G-Schmitt entre post-punk et rock gothique, voire new wave. Énoncer des styles est toutefois réducteur, mais donne une idée générale de l’approche musicale du groupe. En fait, je dirais qu’il s’agit de darkwave, ce qui correspond mieux au nom du groupe. Kokushoku Elegy est originaire de la préfecture d’Okayama et a été fondé en 1985 mais n’a été actif que quelques années et s’est arrêté en 1989. Le groupe se composait de Kyoko (キョウコ) au chant, Ichirō (イチロウ) à la guitare, Kōichi (コウイチ) à la basse et Yasuyuki (ヤスユキ) à la batterie. Certains des membres, Ichirō et Kōichi, faisaient auparavant partie d’un groupe de punk appelé Nikudan (肉弾). Kokushoku Elegy n’a sorti que trois EPs pendant cette période de 1985 à 1989, mais certains de leurs morceaux apparaissaient également dans plusieurs compilations de l’époque. Leur musique a été ensuite réunie dans une compilation sortie en 1993 sous le nom de Esoderic Mania avec tous les morceaux du groupe dans l’ordre chronologique de leur création. J’écoute en fait avec une passion certaine une autre compilation sortie plus récemment le 30 Décembre 2020, nommée simplement Kokushoku Elegy, qui reprend les mêmes 14 morceaux studio que ceux présents sur la compilation de 1993, mais en version remasterisée et dans un ordre différent non-chronologique, et y ajoute 12 morceaux capturés lors d’un concert en 1989. Comme ça pouvait être le cas pour SYOKO avec G-Schmitt, je suis fasciné par la force du chant de Kyoko. J’aurais pu dire la regrettée Kyoko, car elle n’est plus de ce monde depuis 2015. Elle a une présence vocale qui emporte tout, très changeante, par moment puissante et à d’autres beaucoup plus légère et flottante. Cette duplicité est particulièrement fascinante, d’autant plus que les guitares qui l’accompagnent ne s’effacent pas derrière son chant. L’atmosphère est absolument remarquable et ne donne étonnamment pas beaucoup d’indications qu’elle date des années 80, comme si elle était intemporelle. La composition musicale est complexe et se base rarement sur les classiques couplets et refrains. La guitare d’Ichirō est très incisive et accrocheuse par ses riffs, la basse de Kōichi très présente et souvent mise en avant. Il est difficile d’isoler un morceau en particulier, car ils sont tous d’une beauté et d’une élégance sombre imparable, mais des morceaux comme Warrior, Goddess ou Kafun Hanzai (花粉犯罪) donnent tout de suite une bonne idée d’ensemble. J’ai vraiment beaucoup écouter cet album ces dernières semaines et je continue encore maintenant. Je le placerais clairement dans la liste des plus belles musiques que j’ai pu écouter cette année (et il y en a beaucoup). Je m’étonne quand même de ne découvrir que maintenant ce genre de pépites. On dit que le groupe est légendaire et je le crois tout à fait, mais sa courte vie lui donne des allures d’étoile filante. Le fait qu’on réédite 27 ans plus tard une compilation du groupe indique bien que les fans n’ont pas oublié cette élégie du noir. Après Kokushoku Elegy, Kyoko a évolué dans d’autres groupes nommés Harpy et OOIOO. Je les garde en mémoire ici pour pouvoir y revenir plus tard.

Avant de découvrir Kokushoku Elegy, j’étais revenu vers le groupe ZELDA (ゼルダ) qui évolue également dans un style post-punk mais a touché à beaucoup d’autres styles. Comme les styles varient beaucoup, je n’apprécie pas tous les morceaux du quatuor mais je sélectionne ceux qui me plaisent vraiment. Je reviens cette fois-ci vers leur premier album intitulé tout simplement ZELDA avec deux morceaux: Makkurayami -Aru Hi no Kōkei- (真暗闇 —ある日の光景—) et ASH-LAH. Cet album est sorti le 25 Août 1982. Le morceau ASH-LAH est en fait leur premier single sorti deux années plus tôt, le 10 Octobre 1980 sur le label indépendant Junk Connection (ジャンク・コネクション). Le groupe signera ensuite sur Toshiba EMI (comme d’autres artistes qu’on apprécie sur ces pages) jusqu’à leur dissolution en 1996. J’aime beaucoup les affiches ci-dessus crées à l’occasion de la sortie de ce single, couplé avec un autre morceau de l’album Sonata 815 (ソナタ 815). Ces affiches indiquent également une série de concerts accompagnant leur premier single, la dernière étant au fameux Shinjuku Loft de Kabukichō. Ces deux affiches semblent faites mains et correspondent très bien à la qualité brute du chant de Sayoko Takahashi (高橋佐代子) dans le groupe. Le Ash-lah du titre doit faire référence aux démons belliqueux Ashura défiant les divinités célestes. Dans les représentations bouddhistes, un Ashura prend la forme d’un demi-dieu guerrier pourvu de trois visages et de six bras. Je ressens dans le chant de Zelda sur ce morceau Ash-lah une certaine influence bouddhiste mais il me donne également l’impression d’être un chant de guerrier marchant vers un devenir funeste.

La musique qui suit va beaucoup plus loin dans la noirceur comme le suggère la couverture dessinée par le mangaka d’horreur Suehiro Maruo (丸尾末広). L’illustration correspond en fait assez bien à l’ambiance qui règne dans ce EP de deux morceaux, intitulé Dream Of Embryo par un mystérieux groupe nommé Funeral Party. On ne sait vraiment que très peu de choses sur ce groupe qui n’a sorti que cet EP en 1986 et deux autres morceaux en 1985 sur une compilation du même label Pafe Record intitulée Vision Of The Emortion. Il s’agissait d’un duo composé de T. Kusano à la voix, batterie, synthétiseur, guitare, basse et M. Morita au synthétiseur, voix et autres instruments électroniques. L’atmosphère des deux morceaux du EP, Double Platonic Suicide et Dream Of Embryo (サンドノイズにまける子等), est sombre, inquiétante et pour le moins mystérieuse. Les voix floues qui interviennent sont fantomatiques et même mortifères, au point où on se demande si le groupe n’a pas fait intervenir des esprits au moment de l’enregistrement. Cette musique s’écoute comme une expérience et n’est très clairement pas pour toutes les oreilles. Mais tout en s’interrogeant sur ce qu’on est en train d’écouter, on ne peut être que fasciné par la beauté sombre des nappes de synthétiseurs et des voix d’outre-tombes. L’image d’un fantôme yūrei (幽霊) me vient en tête en écoutant cet EP. Cette image correspond à mon avis un peu mieux que celle de l’écolier de la couverture à l’ambiance qu’on peut ressentir. Les voix sont tellement étranges qu’on a du mal à comprendre dans quelle langue elles s’expriment. Sur le deuxième morceau Dream Of Embryo, je pense qu’il s’agit d’allemand, mais je n’en suis pas sûr car je ne comprends pas ce qui est dit. Dans un style similaire, un peu moins étrange mais tout aussi sombre et pesant, j’écoute également le très bon morceau Shinigami (死神) de Phaidia (パイディア) sur l’album In the Dark sorti en 1985. Le morceau démarre sur des nappes de synthétiseurs de style gothique, puis une trame répétitive de guitares se met en place. Les guitares de Nariquis et de Masa sont pleines de larsens et de réverbération, accentuée par le rythme qui ne faiblit pas de la batterie de Tatsuya. Au dessus de ses guitares, la voix du chanteur Gilly est pleine de complaintes comme s’il voulait dégager une souffrance. Ce morceau est très prenant mais j’hésite à me lancer dans l’écoute entière de l’album car il faut certainement un peu de préparation. J’ai découvert Phaidia au fur et à mesure des recommandations YouTube après avoir écouté le EP de Funeral Party. La couverture de ce dernier m’avait interpellé alors que je parcourais le blog désormais inactif Habit of Sex (nom certes très étrange) couvrant la musique indépendante japonaise de 1980 à 1995. J’étais tombé sur ce blog à l’époque où je faisais des recherches sur l’artiste Tomo Akikawabaya et les réactions que donnaient ce blog sur l’album The Castle m’avaient beaucoup intéressé. Rares sont les blogs et sites web présentant ce type de musiques japonaises obscures. C’est prėcieux et j’essaie à ma manière d’y contribuer pour que ces musiques désormais atypiques ne se perdent pas dans les abîmes.

花はここに咲いています

J’ai pris beaucoup (trop) de photos du Showa Kinen Park (昭和記念公園) à Tachikawa car j’ai été attiré par toutes ses couleurs. La sélection de ce que je montrerais ensuite sur le blog en a été d’autant plus difficile. Nous n’avons pourtant pas eu assez de temps pour faire un tour complet du parc. Devant le Oka Cafe de Kengo Kuma que je montrais dans un billet précédent, s’entend un large espace ouvert de gazon sur lequel on peut marcher, s’asseoir, s’allonger et même dormir pour ceux qui ont amené une tente. Au loin, les cerisiers attendent leur heure pour fleurir et attirer une foule beaucoup plus importante qu’aujourd’hui. Je n’ose pas imaginer le nombre de personnes qui doivent s’entasser sur cette zone du parc au plus près des cerisiers pendant la période de Hanami. Je suis ensuite attiré par un espace fermé par un cordon consacré exclusivement aux fleurs cosmos. Je m’essaie une nouvelle fois à prendre ces fleurs en contreplongée, pour les faire s’échapper vers un ciel bleu très marqué. Un autre espace en partie fermé mélange diverses espèces de plantes et de fleurs pour donner une composition aux apparences sauvages et désordonnées. Je repense à cet endroit à la subtile organisation sauvage des jardins de Giverny que nous avons pu admirer cette année pendant l’été. Mari y repense aussi. J’essaie de faufiler l’objectif de mon appareil photo à travers les tiges des plantes pour que les photographies se laissent envahir par des strates végétales floues. Les fleurs sont forcément photogéniques et elles ne lassent jamais qu’on les prenne en photo.

Après la sérénité bucolique, les tempètes de guitares. J’avais déjà parlé récemment de la musique rock expérimentale de Minori Nagashima (長嶋水徳) aka Serval Dog et j’y reviens très vite car elle vient de sortir un nouveau excellent single intitulé Orange Hiss Noise. Le morceau commence par une composition de guitare lourde mais mélodique très vite submergée par la voix exagérément agressive de Minori Nagashima. Le morceau aurait pu se contenter de jouer cette partition rock mais change complètement de direction après qu’elle prononce les mots « Yeah, that’s pure », comme pour nous dire qu’elle peut très bien faire du rock dans la pure tradition du genre mais aussi casser les codes avec par exemple une partition de piano sortie de nulle part. Cette fracture inattendue au piano jazz est vraiment bien vue. Elle repasse ensuite la main aux guitares qui reprennent le rythme initial avec une voix plus apaisée mais conservant une tension qui arrive à se tenir au dessus du flot dense des guitares. Orange Hiss Noise est dense et compact, avec toute cette violence et énergie tenant dans tout juste dans trois minutes. Ce morceau est assez différent de son précédent single et prend une direction un peu plus structurée qui est très intéressante. Tout ceci me convainc qu’il faut suivre de près ses prochaines créations, car j’y ressens une liberté certaine. En écoutant ce morceau, je repense à celui intitulé Hakai BOSS Jam Seikima II Make (破壊BOSSジャム聖飢魔Ⅱメイク) de Yō Shibusawa (渋沢葉) sur son EP Hana ha Koko ni Saiteimasu (花はここに咲いています) produit par Junji Ishiwatari (いしわたり淳治), guitariste de feu Supercar. J’y ressens une intensité similaire et c’est un morceau vers lequel je reviens régulièrement.