Nous terminons finalement notre petit périple de trois jours dans la préfecture de Nagano par un court passage à Karuizawa (軽井沢). Nous y sommes déjà allé plusieurs fois et déjà exploré les endroits touristiques dont les fameuses cascades de Shiraito (白糸の滝) au Printemps 2020. Lors de cette visite, nous avions également visité la très belle église de pierre Stone church par l’architecte Kendrick Bangs Kellogg, et le Hiroshi Senju Museum par Ryue Nishizawa. On était cette fois-ci un peu à court d’idées, et on s’est donc contenté d’aller observer les feuilles rouges dans les rues quadrillées des zones de forêts occupées de maisons secondaires. En fait, on voulait faire les curieux en essayant d’apercevoir la maison secondaire de Bill Gates. Elle est tellement grande (plus de 21,000 m2) qu’elle est facile à trouver sur Google Maps dans le quartier de Nagakura le long de la Forest Road. Elle est en fait tellement grande que l’on ne peut malheureusement rien en voir depuis la route. Au final, nous passons un peu de temps dans le petit centre commercial en extérieur de Harunire Terrace (ハルニレテラス) où on été prise les photographies ci-dessus. Il s’agit en fait d’un groupement de bungalow en bois contenant des restaurants et des magasins. L’ensemble est opéré par la chaîne d’hôtels Hoshino Resort. Cette troisième journée est beaucoup moins occupée que les précédentes car on voulait prendre notre temps avant de rentrer à Tokyo (et non pas « sur » Tokyo comme disent certains). Notre style de vacances est plutôt d’être occupé à faire de nombreuses visites, et on se retrouve du coup un peu désorienté quand on n’a rien de prévu de très précis. (Fin de la série d’un automne à Nagano).
Catégorie : Nagano
un automne à Nagano (6)
La longue allée naturelle entourée de grands cèdres centenaires menant au sanctuaire Togakushi Okusha était jusqu’à maintenant droite et sans dénivelé. J’imaginais qu’elle allait rester ainsi jusqu’au sanctuaire, d’une manière similaire à la grande allée forestière du sanctuaire Kashima Jingū à Ibaraki, mais elle prend une légère pente alors que nous approchons maintenant du sanctuaire. Cette pente s’accentue fortement ensuite et une série d’escaliers de pierre irréguliers nous font progresser jusqu’au sanctuaire. Cette marche est en fait plus fatiguante que je l’imaginais, mais n’est en rien insurmontable. L’approche du sanctuaire perdu dans une forêt de montagne me rappelle notre visite récente et inoubliable du sanctuaire Tamaki sur la péninsule de Kii. J’y retrouve la même magie un peu mystique des lieux uniques comme celui-ci. On aperçoit finalement le sanctuaire au bout d’un dernier escalier, avec au loin les sommets du Mont Togakushi (戸隠山) déjà légèrement enneigés. Le contraste entre la neige au fond et les feuilles colorées de l’automne est magnifique. Le sanctuaire Okusha a été construit lors de la cinquième année de l’empereur Kōgen (孝元天皇), soit en l’an 210 BC, mais la tradition bouddhiste indique une pratique du Shugendō (修験道) à partir de l’an 849 AD, avant que le temple redevienne sanctuaire beaucoup plus tard pendant la restauration Meiji séparant Bouddhisme et Shintoïsme. Les textes anciens du Nihon Shoki (日本書紀) indique qu’un bâtiment était déjà installé à cet endroit autour de l’année 684. Le site a donc une très longue histoire que l’on devine en partie en observant les lieux, bien que le petit hall principal du Okusha ne soit pas très ancien. Nous y collecterons bien sûr le sceau goshuin, qui prouve, d’une certaine manière, que nous sommes bien venus jusqu’ici. L’atmosphère des lieux, où circule même un petit ruisseau, est tellement agréable qu’on ne voit pas le temps passer. Il faut pourtant penser au retour avant que la nuit ne tombe vers les 16h45. La descente est beaucoup plus aisée et on apprécie une nouvelle fois le long chemin rectiligne entre les grands cèdres. En chemin, on voit plusieurs panneaux nous rappelant de faire attention aux ours, mais nous n’en avons heureusement vu aucun. Il faut qu’on pense quand même de se munir d’une petite clochette pour notre prochaine marche en forêt. Nous avions par contre vu plusieurs daims à Tateshina sur une toute petite route de montagne nous amenant hier soir vers notre hôtel. Les daims n’avaient pas peur de notre voiture et semblaient relativement habitués à la présence humaine. La nuit tombe alors que nous regagnons une portion d’autoroute pour rejoindre notre dernière étape à Karuizawa.
un automne à Nagano (5)
Après une section d’autoroute nous faisant remonter jusqu’à la ville de Nagano, nous reprenons ensuite les petites routes de montagne jusqu’aux hauteurs de Togakushi. Nous arrivons en début d’après-midi devant la longue allée naturelle menant vers la partie profonde du sanctuaire de Togakushi, le Okusha (戸隠神社奥社). Nous sommes déjà venus jusqu’au sanctuaire de Togakushi il y a deux ans au tout début du mois d’Avril 2022, mais la neige nous avait empêché de marcher jusqu’au sanctuaire Okusha. Le sanctuaire est fermé en hiver et nous n’avions de toute façon pas amener de chaussures adaptées pour marcher longtemps sur un terrain enneigé. On s’était contenté de visiter le sanctuaire central appelé Chūsha (中社) qui est plus facilement accessible même en hiver. Le fait de ne pas pouvoir y aller nous avait donné le sentiment d’une mission à moitié accomplie et on s’était dit qu’on y reviendrait un jour ou l’autre pour remplir ce manque. L’approche du sanctuaire Okusha fait environ 2kms de long et prend plus d’une demi-heure à pieds. On ne peut d’ailleurs s’y rendre qu’à pieds. Une première porte torii annonce le point de départ du chemin naturel complètement entouré d’arbres. Ce chemin est aménagé, couvert de fins graviers et bordé par deux petits ruisseaux de chaque côté. La forêt alentours n’est pas particulièrement dense à cet endroit mais les herbes y sont hautes. Il n’y a heureusement pas beaucoup de monde à parcourir cette route en même temps que nous et la plupart des personnes que l’on voit redescendent du sanctuaire. A mi-chemin, nous arrivons à la porte rouge Zuishinmon (随神門) qui démarque le début de la longue allée de grands cèdres centenaires. La chaume de la toiture de la porte est couverte de plantes vertes qui ont poussé au fur et à mesure des années. J’avais déjà vu ce genre de phénomène naturel sur d’autres anciens sanctuaires enfouis dans la nature, mais pas à ce point là. On aurait presque l’impression que ces plantes ont été rajoutées, ce qui n’est bien sûr pas le cas. Cette porte rouge est tout à fait unique et annonce superbement la majestueuse allée naturelle de cèdres qui nous attend. Ces immenses cèdres ont 400 ans. Ils sont proches les uns des autres ce qui délimite clairement le chemin à suivre et forme une sorte de rempart sacré de la route divine menant au sanctuaire Okusha. Nous marchons en nous imprégnant des lieux.
un automne à Nagano (4)
Le matin à notre réveil, une neige fine tombait sur les montagnes de Tateshina (蓼科) mais les températures n’étaient pas assez froides pour que celle-ci se conserve sur le sol. La première étape de notre programme de cette deuxième journée à Nagano est la visite de l’étang Mishaka (御射鹿池) situé à une altitude de 1500 mètres. Cet étang pittoresque a une surface d’eau qui agit comme un miroir venant refléter le paysage de chaque saison. Il est devenu célèbre à travers une œuvre intitulée Échos verts (緑響く) du peintre de Kaii Higashiyama (東山魁夷). La forêt de mélèzes aux alentours vient se refléter sur la surface de l’eau lorsque celle-ci est calme, passant du vert profond en été aux couleurs jaunes en automne. En hiver, les arbres et l’étang se couvrent de neige. On dit que l’ambiance des lieux change en fonction de l’heure de la journée. Malgré de nombreuses tentatives, je n’ai pas vraiment réussi à bien saisir les reflets des arbres sur l’étang. La lumière matinale était un peu trop forte. On s’attendait également à voir des couleurs plus profondes, mais on s’est peut-être laissé un peu trop influencer par la peinture de Kaii Higashiyama. L’étang se trouve au bord d’une route et on ne peut pas s’approcher du bord, ce qui est dommage mais permet en même temps de préserver les lieux. Cet étang n’est en réalité pas naturel car il s’agissait d’un réservoir agricole construit au début de l’ère Showa pour conserver de l’eau froide du mont Yatsugatake (八ヶ岳) pour la culture du riz. On s’en doute un peu car un des rebords de l’étang a une bordure très uniforme. Cela n’enlève pourtant rien à la beauté du lieu.
L’étape suivante de notre petit périple est d’emprunter une portion de la longue route touristique Venus Line (ビーナスライン) pour admirer le paysage de montagne et les couleurs d’automne. La route Venus Line s’entend sur 76 kms de la ville de Chino par laquelle nous sommes arrivés jusqu’au plateau Utsukushigahara Kōgen (美ヶ原高原) dans la ville d’Ueda, toujours dans la préfecture de Nagano. Notre destination suivante étant les sanctuaires de Togakushi (戸隠), nous ne parcourons pas la Venus Line dans sa totalité mais bifurquons un peu avant le lac de Shirakaba (白樺湖). En chemin, on s’arrête bien entendu à un des points de vue pour admirer le paysage, que je montre sur les troisième et quatrième photographies de ce billet. Nous quittons la Venus Line sans vraiment nous en rendre compte au niveau du lac Megami (女神湖). La route préfectorale 40 (県道40号) que nous suivons ensuite est également remarquable. En chemin, nous observons un phénomène que je n’avais jamais vu jusqu’à présent, les premières neiges couvrant les feuillages jaunes et rouges d’automne. Le mélange des couleurs est vraiment beau et étonnant, mais il est difficile de s’arrêter à cet endroit pour prendre des photos. Nous nous arrêtons un peu plus loin au bord du parc Asahi no oka (朝日の丘公園) pour observer un autre paysage étonnant, que je montre par contre sur les deux dernières photographies du billet. Le contraste entre la neige tombée sur un flanc de montagne et le vert préservé du parc est magnifique, surtout quand les nuages au loin viennent ajouter un peu de mystère à l’ensemble. Nous regardons tout cela tranquillement en dégustant une petite glace, avant de redescendre des montagnes en direction de Tomi. De là, une portion d’autoroute nous amène vers la ville de Nagano, pour ensuite remonter en altitude vers Togakushi où nous passons le reste de la journée.
un automne à Nagano (3)
Après notre visite des maisons de thé en l’air de Terunobu Fujinori, nous allons déjeuner au restaurant Clasuwa au bord du grand lac Suwa (諏訪湖). Ce restaurant qui semble récent nous donne une très belle vue sur le lac, qui a été une des inspirations du film d’animation Your Name (君の名は) de Makoto Shinkai (新津誠). Depuis le toit du restaurant, on aperçoit les premières feuilles rouges, malheureusement un peu gênées par les fils électriques qu’on aurait préféré voir enterrés à cet endroit. Nous continuons ensuite vers le grand sanctuaire Suwa Taisha (諏訪大社) que l’on dit être un des plus anciens sanctuaires du Japon, car il était déjà mentionné dans les textes anciens du Kojiki (古事記), datant de l’an 712, narrant les histoires, traditions et légendes du Japon. Suwa Taisha est en fait un groupe de sanctuaires. Le Kamisha Honmiya (上社本宮) se trouve au sud du lac Suwa, tandis que le Shimosha Akimiya (下社秋宮), que nous visitons et que je montre en photo ci-dessus, se trouve au Nord Est. Tout comme Izumo Taisha (出雲大社) dans la préfecture de Shimane, Kashima Jingū (鹿島神宮) dans la préfecture d’Ibaraki et Katori Jingū (香取神宮) dans la préfecture de Chiba, Suwa Taisha est désigné comme sanctuaire impérial Kanpei Taisha (官幣大社), parmi 67 autres dans une liste désormais défunte. En haut de cette liste, on trouve le grand sanctuaire Ise Jingū (伊勢神宮). Nous ne sommes pas encore allés à Izumo, même si c’est un endroit que je souhaite visiter depuis longtemps, mais je vois quelques similitudes entre Izumo Taisha et le grand sanctuaire de Suwa, notamment son épaisse corde sacrée Shime-nawa (注連縄) qui orne un des bâtiments. Après cette visite, nous remontons vers les montagnes de Tateshina, vers notre hôtel pour y passer la nuit. La nuit tombe vite dans les montagnes, tout comme les températures.