un été sur la péninsule de Kii (8 et fin)

Pendant toute notre visite du temple Hōryūji (法隆寺), nous recherchons les points d’ombre sous les porches car le soleil tape fort. Les chaleurs nous avaient relativement préservé pendant tout notre séjour sur la péninsule de Kii sauf pour cette dernière journée à Nara. Après les deux heures de visite avec notre guide, nous n’aurons malheureusement pas le courage de visiter la partie Est du complexe. Ce n’est qu’un petit regret car la partie la plus intéressante reste l’enceinte Ouest que nous venons de visiter. Pendant notre visite, il s’est produit un petit événement inhabituel. Une des branches du grand pin planté à proximité de la pagode à cinq étages s’est soudainement brisée. Aux dires de notre guide, il s’agit d’un fait relativement rare, qui semblait beaucoup étonné le personnel du temple. La branche a été vite débarrassée. Nous étions assez tranquille pendant notre visite, car il n’y avait pas foule dans l’enceinte Ouest. Ça m’a étonné vu l’importance historique d’Hōryūji, mais il est vrai que ce temple est excentré par rapport au grand parc de Nara qui reste l’attraction touristique principale de la ville. J’aurais voulu y aller, ne serait ce que pour vérifier que les daims ne sont pas malmenés par les touristes, mais le temps nous manquera. La chaleur ambiante nous pousse plutôt vers une petite pâtisserie japonaise proposant de la glace pilée Kakigōri (かき氷). Nous avons trouvé une très bonne adresse, Nara Shogaku (奈良祥樂 法隆寺本店), car la glace pilée à la pêche était un véritable bonheur. Il faut dire que la glace pilée est une spécialité de Nara. On y trouve même un sanctuaire en son honneur, le sanctuaire d’Himuro (氷室神社). Nous n’aurons malheureusement pas le temps d’y aller. Un autre grand regret est de ne pas avoir visité le Mont Koya. Il nous aurait facilement fallu une journée de plus, et ce sera donc pour une prochaine fois car l’heure du retour se fait proche. Nous passerons tout de même rapidement à l’emplacement de l’ancien grand palais impérial de Nara Heijokyu (平城宮跡). Le parc est immense et certains des bâtiments du palais ont été reconstruits récemment. Je ne sais pas si l’intention est de reconstituer le palais dans son intégralité mais on peut déjà compter trois bâtiments reconstruits dont la grande porte Suzakumon que je montre en photo ci-dessus. Avec ces magnifiques images de Nara et de la péninsule de Kii en tête, nous reprenons la route du retour vers Tokyo. Nous voyagerons pendant presque six heures sans encombres malgré quelques ralentissements attendus sur l’autoroute Ise-Wagan au niveau de Nagoya. Il fait déjà nuit alors que nous parcourons les montagnes sur l’autoroute Shin-Tomei, et nous arrivons à Tokyo vers 23h après plusieurs pauses. Notre périple nous aura fait traverser ou visiter 8 préfectures (Kanagawa, Shizuoka, Aichi, Mie, Wakayama, Nara, Osaka et Shiga), si je ne trompe pas, certaines d’entre elles étant relativement difficiles à visiter sans voiture. Malgré cela, j’espère que cette petite série photographique en huit épisodes à propos d’un été sur la péninsule de Kii aura donné quelques idées aux visiteurs de Made in Tokyo.

un été sur la péninsule de Kii (7)

Notre visite des temples de Hōryūji (法隆寺) à Nara démarre assez tôt le matin, car nous le visitons en groupe accompagné d’un guide attaché à l’hotel où nous avons passé la nuit. Le thème de la visite guidée change tous les deux mois, et notre visite se concentre sur les bases du temple bouddhiste que l’on peut apprendre grâce aux temples d’Hōryūji (法隆寺で学ぶお寺のイロハ). Le terme Iroha (イロハ) signifie le début ou la base des choses, mais il s’agit surtout des trois premiers kana du poème Iroha-uta (いろは歌) attribué au moine et savant bouddhiste Kūkai (空海). Ce poème a la particularité d’être un pangramme, c’est à dire une phrase comprenant toutes les lettres de l’alphabet. Dans le cas présent, Iroha-uta contient les 47 caractères kana et chaque caractère n’est utilisé qu’une seule fois. A travers ce thème, notre guide nous fait comprendre qu’il ne nous expliquera pas les temples d’Hōryūji dans leurs moindres détails mais nous fera part de nombreuses anecdotes parfois amusantes de la vie quotidienne Japonaise à partir d’une explication de certains lieux et statues des temples d’Hōryūji.

Sous une chaleur difficile à soutenir, il faut bien le dire, nous visitons donc ce haut lieu du bouddhisme japonais. Le temple Hōryūji a été fondé en l’an 607 par le Prince Shōtoku (聖徳太子), qui œuvra à la promotion du bouddhisme au Japon. Il contient les plus anciennes structures en bois du pays qui ont été inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ces structures se trouve dans l’enceinte Ouest du temple que l’on appelle Saiin Garan (西院伽藍). A l’intérieur de l’enceinte couverte d’une arcade en bois, on découvre ces trois structures: la porte centrale (Chumon 中門), le hall principal (Kondo 金堂) et une superbe pagode de cinq étages. Ces structures ont été construites à l’épique Asuka (538-710) et n’ont subi aucune destruction, malgré quelques rénovations au fur et à mesure des années. Notre guide nous explique par exemple que des dragons ont été ajoutés sur certains piliers du hall central. Ces bâtiments sont à la fois impressionnants et fascinants. Ils sont connus de tous les japonais car le temple Hōryūji est présent dans les manuels scolaires pour son importance historique. Ce hall contient quelques unes des plus anciennes statues de Bouddha du Japon, ayant survécues depuis l’ère Asuka. On peut les voir en faisant le tour de l’intérieur du grand hall.

un été sur la péninsule de Kii (6)

Après avoir fait le tour de la péninsule de Kii pendant notre séjour, nous remontons vers Nara pour notre dernière étape. Nous passons une nuit près du grand temple Hōryūji (法隆寺) que nous visiterons le lendemain matin. Nous sommes ici un peu à l’écart du centre de Nara et nous ne visiterons pas le grand parc et le temple Tōdaiji que nous avons déjà vu en 2018. Le quartier autour de la grande enceinte du Hōryuji est résidentiel. Nous le parcourons jusqu’à la tombe, appelée Kofun, de Fujinoki qu’on estime dater de la deuxième partie du sixième siècle ou première partie du septième siècle. On ne peut bien sûr pas rentrer à l’intérieur et qui, de toute façon, voudrait s’y aventurer à une heure tardive. On trouve de nombreux Kofun à Nara, et ils sont très facilement repérables sur une carte Google Maps en raison de leur forme particulière rappelant celle d’une serrure. La forme du Kofun de Fujinoki est par contre différente car il s’agit d’un cercle de 40 à 48 mètres. La nuit tombe rapidement et il est déjà l’heure de dîner. Demain sera une longue journée car il faudra déjà penser au retour vers Tokyo après la visite des temples de Hōryuji.

un été sur la péninsule de Kii (3)

Nous arrivons en fin d’après-midi près de notre hôtel situé dans les terres au niveau de Kumano. Depuis celui-ci, nous avons une belle vue sur la chaîne de montagnes de Kumano que l’on découvrira un peu plus le lendemain. Ce paysage devant notre hôtel dispersé en maisonnettes sur un flanc de colline me rappelle des vacances passées dans les Alpes lorsque j’étais beaucoup plus jeune. Je ne saurais identifier un endroit précis, mais c’est l’ambiance des lieux qui me remémore ces souvenirs lointains. Le lendemain, nous partons en direction du sanctuaire de Tamaki (玉置神社) perdu en haut de la montagne du même nom. D’une manière similaire au sanctuaire Mitsumine à Chichibu, on dit du sanctuaire de Tamaki que seuls ceux qui sont invités peuvent s’y rendre, et que certaines personnes peuvent être même prises de malaise et ne pas être en mesure de s’y rendre. Il s’agit certainement là d’une légende que l’on associe parfois au Power Spot, mais j’y pense forcément et le soir avant le départ, je ne me sentais pas très bien. C’est certainement dû à la fatigue accumulée de la conduite des deux premiers jours, mais je pense qu’il s’agissait également d’une certaine appréhension en pensant à la route qui nous attendait jusqu’au sanctuaire Tamaki. On dit que le sanctuaire est difficilement accessible car perdu dans les forêts de montagne et que la route pour s’y rendre est étroite. J’ai étudié le chemin avant de partir puis finis par suivre le conseil de Google maps proposant la Route 169. On se rendra vite compte que cette route est vraiment très étroite, ne permettant que rarement le passage de deux voitures en même temps. Cette route à flanc de montagne passe dans les forêts mais frôle parfois les corniches. On roule lentement en espérant qu’une voiture n’arrive pas en face à toute vitesse. Le pire est que cette route constituée uniquement de virage fait plus de 10 kms avant de finalement rejoindre le sanctuaire Tamaki. Mais une fois engagé, on ne peut de toute façon plus faire demi-tour et il faut donc se concentrer sur chaque virage. La route est bien heureusement praticable même si des blocs de pierre et des branchages sont parfois tombés sur la chaussée. On croise en tout deux voitures, certainement des locaux, qui ont la gentillesse de reculer pour trouver un espace de route plus large pour nous laisser passer. Cette route sinueuse de montagne est certainement la plus difficile que j’ai été amené à pratiquer en voiture. Cette difficulté pourtant prévue ne nous empêche pas d’arriver à bon port. Le parking du sanctuaire est plus grand que je l’imaginais, ce qui laisse penser qu’il doit certainement y avoir une autre route menant au sanctuaire de Tamaki. Il y a en fait une Route 168 qui est un peu plus longue. Peut-être que les deux gros 4WD garés sur le parking sont passés par cette route, car je ne les imagine pas vraiment emprunter la route que nous avons pris. Avec cette assurance qu’on ne sera à priori pas obligé de prendre la même route pour le chemin du retour, nous pouvons entrer sereinement dans l’enceinte du sanctuaire.

Depuis les hauteurs du Mont Tamaki, la vue est superbe. Les montagnes se dressent devant nous à perte de vue. On est ici complètement perdu dans les montagnes de Nara. Le village de Totsukawa (十津川村) où se trouve Tamaki fait en fait partie du district de Yoshino dans la préfecture de Nara. Le Mont Tamaki, l’une des montagnes sacrées de la chaîne de montagnes Omine (大峰山系), est une étape de l’une des principales routes de pèlerinage Ōmine Okugakemichi (大峯奥駈道) qui est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2004 sous le regroupement des « Sites sacrés et chemins de pèlerinage des chaînes de montagnes de la péninsule de Kii ». La longue route de pèlerinage Ōmine Okugakemichi parcoure la chaîne montagneuse d’Ōmine dans la préfecture de Nara et celle de Kumano dans la préfecture voisine de Wakayama. Cette route était un terrain d’entrainement spirituel pour les adeptes de la religion Shugendō, qui incorpore des aspects du Taoïsme, du Shintoïsme, du Bouddhisme et d’autres pratiques liées au chamanisme traditionnel japonais. Cette route, très isolée et parfois difficile, comporte 75 lieux spirituels appelés Nabiki (靡), dans des grottes, sur des rochers, près de cascades ou sur les hauteurs des montagnes, où les adeptes priaient et pratiquaient des exercices spirituels. Le Mont Tamaki est référencé comme le Nabiki numéro 66 de cette route. La pratique du Shugendō fit face à des hostilités lors la restoration Meiji, créant une séparation nette entre les pratiques shintoïstes et boudhistes, et le chemin de pèlerinage fut en partie perdu, enfoui à jamais dans les forêts montagneuses. Mais des historiens et des enthousiastes ont tout de même progressivement rétabli cette route, désignée comme site historique national en 2002, avant d’être classée deux années plus tard par l’UNESCO.

On s’empreigne de cette histoire et de cette spiritualité en marchant depuis le torii principal à l’entrée jusqu’aux bâtiments du sanctuaire. Il faut marcher pendant une vingtaine de minutes sur un chemin de forêt en pente pour atteindre le sanctuaire. Des drapeaux marqués des noms de donateurs sont plantés sur la majeure partie du parcours. Entourés par des cèdres géants dont certains sont classés comme monument naturel de la préfecture de Nara, on ressent une grande sérénité et on a même envie de marcher sans parler ou à voix basse. On est loin de tout ici, comme coupés du monde. Nous passerons une bonne heure dans le sanctuaire. La date de sa fondation n’est pas très claire mais on parle de l’an -37. Les bâtiments du sanctuaire sont en tout cas très anciens et on dit que le bâtiment principal date de 1794. Derrière le sanctuaire, on peut monter un peu plus en empruntant un chemin de terre couvert de racines. On atteint l’objet de culte important du sanctuaire, un pavé noir entouré de nombreuses pierres blanches. On dit que seule une toute petite partie de la roche noire est exposée et que la partie cachée sous terre est gigantesque, et qu’elle cacherait des joyaux. Sur le retour, on se procure bien entendu le sceau goshuin du sanctuaire et on en profite pour demander aux prêtres présents qu’elle est la meilleure route pour le retour. Lorsque je lui explique qu’on a pris la Route 169 à l’aller, je note un petit sourire comme pour nous indiquer qu’on ne s’est pas facilité la tâche. On nous conseille la Route 168 et on repart du sanctuaire Tamaki avec le cœur léger.

Nara ’18/3

Après notre découverte inattendue du sanctuaire Kashihara Jingu, nous reprenons le train de la ligne Kintetsu pour revenir à l’intersection de Yamato-Saidaiji. A partir de là, la voie bifurque pour nous amener à notre destination initiale, la ville de Nara ou plutôt son vaste parc et le colossal Tōdai-ji. Il est déjà midi passé et nous déjeunons d’un bentō aux bords du parc sous un cerisier en fleur. Le cadre est idéal pour un Hanami. Comme la journée est pleine d’imprévus, Zoa ne se sent pas très bien après le repas, et notre marche vers Tōdai-ji se fera très doucement et ponctuée de nombreuses pauses. Connaissant bien le loustic, ça va déjà mieux après une grosse demi-heure et nous reprenons la route avec le sourire.

La mauvaise surprise à Nara, c’est la foule, les cars de tours organisés dans tous les sens. On est bien loin de la sérénité du matin au sanctuaire de Kashihara. Découvrir toute la grandeur du Tōdai-ji nous fait déjà oublier ce désagrément. Il y a du monde certes, mais tout paraît tellement minuscule devant ce monumental temple bouddhiste datant, dans sa forme actuelle, de l’année 1709. Il était initialement beaucoup plus grand dans sa forme originale des années 750, comme on peut le voir en maquette à l’intérieur du temple, mais a subi plusieurs incendies et donc des reconstructions. Tōdai-ji reste tout de même une des plus imposantes structures en bois du Japon et est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il abrite une gigantesque statue de Bouddha de 15 mètres de hauteur et plusieurs autres statues gigantesques dont des gardiens de bois d’une hauteur de 8.5 mètres. On est impressionné par l’espace et par la structure du Tōdai-ji. Les cerisiers sont en pleine floraison à Nara et j’essaie tant bien que mal de superposer les fleurs avec la structure, mais je ne suis pas le seul à essayer de faire de même. Dans un coin de l’enceinte du temple, un des cerisiers est superbe. On pense l’avoir déjà vu filmé pour une des nombreuses campagnes publicitaires JR pour inciter la population à prendre le Shinkansen pour découvrir les chefs d’œuvres historiques de Kyoto et de Nara.

En sortant du Tōdai-ji, on entre très vite dans le parc de Nara. Les biches sont nombreuses et affamées. Le journal télévisé du jour d’avant nous avait prévenu qu’il ne fallait pas les faire patienter quand on leur donne quelque chose à grignoter car elles sont impatientes et peuvent mordre occasionnellement. Les biches ont bien compris que les crackers vendus près du parc leur sont pleinement destinés et qu’il faut mieux ne pas les faire trop attendre. Je ne pensais pas qu’il y avait autant de biches dans le parc, elles sont partout et se laissent approcher et caresser très facilement. Le parc est vaste et riche en cerisiers. On aurait aimé y passer beaucoup plus de temps mais le temps nous presse déjà ainsi que la fatigue de la journée. Nous ne pourrons pas voir le Kasuga Taisha plus loin dans le parc et marchons plutôt vers le temple Kōfukuji situé à son entrée, plus près de la gare de Kintetsu Nara. La pagode à cinq étages datant originellement de 730 mais reconstruite en 1426 est remarquable. Elle mesure 50 mètres de haut et c’est la deuxième pagode la plus haute du pays après celle du temple Tōji à Kyoto. Le grand hall du Kōfukuji était malheureusement recouvert d’échafaudages. Il est en cours de rénovation, mais je pense que nous n’avions de toute façon plus le temps de l’explorer. Nous marchons un peu plus vers le quartier de Naramachi, car Mari avait le souvenir d’une pâtisserie japonaise servant du Kuzu Kiri. Il s’agit d’un dessert en forme de nouilles composées d’une poudre d’amidon provenant d’une plante appelée kudzu, que l’on déguste très froid avec un sirop sucré Kuromitsu. Nous tournons un peu en rond sans succès pour se rendre compte, alors que nous étions prêt à abandonner et à prendre le chemin du retour, que cette pâtisserie se trouve juste devant la gare. Nous avions été très distraits à notre arrivée à Nara quelques heures auparavant. La journée était encore une fois bien chargée, plus de 20000 pas au compteur. Mon exercise personnel journalier à ce propos est de faire plus de 10000 pas par jour.