Underground discharge channel (1)

Je voulais visité le grand réservoir à eau près de la ville de Kasukabe dans la préfecture de Saitama depuis un moment mais cette visite demande un petit peu de préparation car il faut réserver sa place quelques semaines à l’avance. J’ai assez facilement convaincu la petite famille de venir car ça fait un moment que j’en parlais. Il faut environ une heure d’autoroute depuis le centre de Tokyo pour s’y rendre. Je commence à bien connaître l’autoroute du Tōhoku qui est en train de devenir progressivement une de mes préférées, tout simplement parce que je n’y ai pas vu d’embouteillages jusqu’à présent. Nous arrivons environ une demi-heure avant le début de la visite ce qui nous laisse un peu de temps pour faire un tour du musée. Le grand réservoir à eau qui se trouve sous-terre et qui est surnommé sanctuaire souterrain est le point central de notre visite et l’élément clé du système de décharge d’eau. Le bassin formé par les rivières Nakagawa et Ayase dans cette zone de Saitama près de Kasukabe a souffert d’inondations répétées dans le passé, car il s’agit d’une zone basse formant un bol entouré de rivières importantes comme celles de Tone, d’Edogawa ou d’Arakawa. La configuration du terrain fait que l’eau s’y accumule facilement. Le système souterrain de décharge en eau (underground discharge channel) a été créé pour atténuer ce risque d’inondation. Il ne se compose pas seulement d’un grand réservoir, celui que l’on peut visité, mais de plusieurs gigantesques puits creusés aux bords de plusieurs rivières du bassin. Il y a en tout quatre puits de béton de 15 à 30 mètres de diamètres pour 60 à 70 mètres de profondeur installés au bord des rivières Ōotoshifurutone, Kōmatsu, Kurumatsu, Nakagawa entre autres. Ces puits viennent récupérer le surplus d’eau provenant des rivières lors de grandes pluies ou de typhons. Chaque puit est relié à un tunnel souterrain d’une longueur totale de 6.3kms par lequel l’eau circule jusqu’au réservoir de décharge. Le tunnel placé à 50m sous le sol fait environ 10m de diamètre et il est relié à son extrémité à un cinquième puit de 71m de profondeur relié au réservoir de décharge (Pressure-adjusting Water Tank). Le surplus d’eau vient ainsi s’accumuler dans le gigantesque réservoir de béton, un des plus grands au monde, pour être ensuite libéré progressivement grâce à un système de pompes dans la grande rivière d’Edogawa qui coule juste à côté. En résumé, le système de drainage vient pomper l’eau des rivières situées dans des zones susceptibles d’être inondées pour la déverser dans une autre rivière se trouvant en dehors des zones de terres basses à plusieurs kilomètres de là.

La visite guidée du réservoir souterrain se fait par groupe de cinquante personnes maximum. On y accède de l’extérieur depuis une ouverture en béton comme celle que je montre sur la première photographie du billet. Un escalier de plus de cent marches nous amène assez rapidement jusqu’au sanctuaire souterrain. On est tout de suite saisi par la fraîcheur des lieux, mais surtout par le gigantisme des lieux. Le réservoir fait 177m de longueur, 78m de largeur et 18m de haut. J’admire ces piliers massifs de béton. On est ici en pleine architecture brutaliste et j’ai une fois de plus tendance à penser que les plus belles architectures sont celles de l’ingénierie civile. Il s’agit en l’occurence ici d’un véritable chef-d’oeuvre. La sensation d’espace est saisissante mais je n’ai pas essayé d’y crier (« ya-hooo ») pour voir s’il y avait de l’écho. Le réservoir est bien entendu vide, à part quelques petites flaques d’eau résiduelles. Il serait bien entendu fermé en cas de typhon ou de pluies importantes qui pourraient amener son utilisation. On reverrait de voir ce dispositif en pleine utilisation, de témoigner des mouvements d’eau, mais ça voudrait dire que des inondations sont en cours dans le bassin. On souhaite donc plutôt que ce genre de dispositif de sécurité soit le moins utilisé possible.

Ces gigantesques piliers de béton m’impressionnent vraiment. On pense tout de suite à un temple de l’antiquité gréco-romaine où le gigantisme était la norme. On ne peut malheureusement pas marcher à sa guise dans l’ensemble de l’espace, car la zone visitable est limitée par une petite corde au sol. Je ne l’avais d’abord pas vu et je me suis aventuré quelques mètres en zone interdite avant de me faire gentiment rappeler à l’ordre par une dame de la sécurité accourant vers moi. Je comprends tout à fait l’aspect sécurité mais on aurait aimé pouvoir marcher un peu plus au fond du réservoir. Je ne pense qu’on puisse se perdre à l’intérieur du réservoir. On peut également apercevoir le grand puit (shaft n.1) de 31m de diamètre pour 71m de profondeur qui relie le tunnel au grand réservoir. C’est par ce puit que remontent les eaux provenant des autres rivières du bassin. Je me suis rendu compte qu’un autre tour permettait de marcher autour de ce grand puit par groupe de 20 personnes (pour un prix de 3000 yens par personne). Notre visite se limitait en fait au réservoir, soit 1000 yens pour 1h de visite en tout. Si c’était à refaire, on tenterait également la visite du puit bien que les réservations semblent un peu plus compliquées à obtenir. En 1h, on a largement le temps de profiter de l’intérieur du sanctuaire souterrain et j’en profite pour prendre beaucoup de photos qui finissent d’ailleurs par toutes se ressembler. Mais je ne me lasse pas de prendre ce béton en photo sous tous les angles possibles. Je continuerai avec d’autres photographies dans un prochain billet. Comme je le mentionnais au début du billet, on peut également visiter un petit musée qui a le mérite de montrer visuellement l’agencement des puits, tunnel et réservoir sur une carte de la zone. On peut également voir le centre de contrôle du drainage par pompes (sur la deuxième photographie du billet). Elle contrôle les quatre gigantesques pompes en mesure de drainer 50m3 d’eau par seconde, soit l’équivalent d’une piscine de 25m de longueur remplie d’eau (200m3 donc). Ces pompes utilisant des turbines à gaz sont les plus grandes du Japon. Là encore, un autre tour permet la visite de cette machinerie. Cette salle de contrôle a été utilisée plusieurs fois pour des drama télévisés, comme récemment Captured Hospital (大病院占拠) avec Sho Sakurai (櫻井翔) et Fuma Kikuchi (菊池風磨), My Family (マイファミリー) avec Kazunari Ninomiya (二宮和也) et Mikako Tabe (多部未華子), mais également pour un des films de la série Ultraman. On imagine assez bien, comme pour les carrières souterraines de pierre d’Oya, le potentiel cinématographique de ce genre d’endroits. Et sur la photo du centre de contrôle, on ne manquera pas de remarquer la présence de Kobaton, la mascotte en forme de pigeon de la préfecture de Saitama.

三峰❷

Continuons notre visite du sanctuaire de Mitsumine (三峯神社) situé dans les montagnes de Chichibu (秩父) à l’Ouest de la préfecture de Saitama. Il doit son nom à son emplacement parmi trois montagnes: Shiroiwayama (白岩山), Myōhōgatake (妙法ヶ岳) et Kumotoriyama (雲取山). Cette dernière montagne a un nom assez poétique, la montagne qui prend les nuages, et a la particularité d’être à l’intersection de trois préfectures, celle de Saitama, celle de Yamanashi et Tokyo. Du haut de ses 2017m, il s’agit d’ailleurs de la plus haute montagne de Tokyo, séparant la zone montagneuse d’Oku-Tama et celle d’Oku-Chichibu où nous nous trouvons. Le préfixe « Oku » signifie que ce sont des zones reculées et par conséquent plus difficilement accessibles. Une des particularités de ce sanctuaire est sa triple porte Torii située à l’entrée. Je la montrais sur le billet précédent. Les chiens Komainu qu’on a l’habitude de voir en statue à l’entrée des sanctuaires sont ici remplacés par des loups de montagne. Les loups vivant autrefois dans les montagnes de Chichibu sont vénérés dans ce sanctuaire comme des dieux qui protègent contre les voleurs et les malheurs. On dit que le sanctuaire fut fondé sous le règne du douzième empereur du Japon, l’Empereur Keikō (景行天皇), qui aurait donné ce nom de Mitsumine. L’Empereur Keikō a règné de l’an 71 à l’an 130. Les divinités principales vénérées dans ce sanctuaire sont les dieux fondateurs du Japon, Izanagi no Mikoto et Izanami no Mikoto. Le sanctuaire fut reconstruit en 1533 et il a été restauré récemment en 2004. On remarque tout de suite la grande richesse des sculptures très détaillées et aux couleurs vives qui me rappellent ce qu’on pourrait voir au sanctuaire Tōshōgu (東照宮) de Nikko. On trouve ces sculptures sur la plupart des bâtiments du sanctuaire, comme sur la magnifique porte Zuishinmon (随身門) que je montre sur la cinquième photographie de ce billet et sur le billet précédent, ou sur le hall principal de culte (拝殿) que je montre sur les quatre premières photographies de ce billet. La disposition de la grande porte Zuishinmon est particulière car elle se trouve en contrebas par rapport à l’allée de pierre qui nous amène vers le sanctuaire après avoir traversé le Torii à trois portes. Il faut d’abord descendre un escalier nous amenant devant la porte Zuishinmon, pour ensuite remonter par un chemin bordé d’arbres jusqu’au bâtiment principal du sanctuaire. Juste à côté du hall principal, on trouve une série de petits autels dédiés à d’autres sanctuaires situés dans tout le Japon. Je reconnais entre autres celui d’Ise Jingū et celui du Tōshōgu de Nikko. Cette succession d’autels montre à mon avis l’importance de ce lieu. On revient ensuite sur nos pas au niveau de la grande porte Zuishinmon. Un escalier placé en face nous amène en quelques marches au sommet de la montagne. La vue que je montre sur les sixième et septième photographies est magnifique et donne une bonne idée de l’isolement de ce sanctuaire perdu dans les forêts de montagnes. Le chemin du retour sur les routes sinueuses semble plus court qu’à l’allée. Nous traversons une nouvelle fois le barrage en circulation alternée, mais prenons quelques minutes pour nous arrêter. La route sera ensuite longue jusqu’à Tokyo, mais heureusement sans embouteillages.

三峰❶

Départ assez tôt le matin pour les montagnes de Chichibu (秩父) à l’Ouest de la préfecture de Saitama. Ce n’est pas la première fois que nous allons à Chichibu et nous y sommes même allés récemment, au mois de Mai de cette année. Notre destination était la petite ville de Yorii. Nous avions déjeuné dans le restaurant et ryokan Kyōtei (京亭) qui avait été utilisé pour la vidéo du morceau Ryokushu (緑酒) de Tokyo Jihen (souvenez-vous). Nous repassons à Yorii car la ville se trouve à la sortie de l’autoroute depuis Tokyo et à l’entrée de Chichibu. Il faut à peu près deux heures de route jusqu’à Yorii, sans embouteillages cette fois-ci car nous sommes partis en semaine. Nous suivons vaguement la rivière Arakawa qui creuse la vallée de Chichibu jusqu’à la petite ville touristique de Nagatoro. Nous n’avions pas mis les pieds à Nagatoro depuis Septembre 2004. Mari et moi étions à cette époque jeunes mariés. Nous avons gardé des bons souvenirs d’une glace pilée kakigori (かき氷) que nous avions apprécié à ce moment là pendant les chaleurs de la fin de l’été. Un des buts de notre visite à Chibibu était de retrouver les délices de cette glace pilée avant de monter dans les hauteurs de Chichibu. Nous allons cette fois-ci dans un café particulièrement renommé se nommant Asami Reizō Kanazaki Honten (阿左美冷蔵金崎本店). L’établissement a été fondé en 1890. On nous dit qu’il faut en général des heures d’attente mais nous avons la chance de ne pas avoir à attendre du tout. La chance nous sourit parfois. La pluie torrentielle qui s’est abattue sur la région de Tokyo dans la matinée a dû dissuader les éventuels touristes de faire le déplacement jusqu’à Nagatoro. Après de multiples simulations et calculs, nous avions fait le pari que la pluie s’arrêterait dans la matinée à Chichibu et nous avons eu raison. Je montre des photos de ces glaces kakigori sur mon compte Instagram. Elles ressemblent à des petites montagnes enneigées sur lesquelles on vient déverser un sirop fruité ou du macha. Le café est installé dans une ancienne maison de bois et mélange toutes sortes d’objets, parfois artistiques, à l’intérieur. Une photo posée sur une table nous indique que Tamori est passé par ici (peut être pour son émission Bura Tamori sur NHK). On se sent bien dans cette ambiance hétéroclite mais le problème est que l’on doit se dépêcher de déguster la glace pilée avant qu’elle ne fonde et on la finit par conséquent assez rapidement. Le kakigori ne nous laisse malheureusement pas prendre notre temps et je serais volontiers resté un peu plus longtemps dans ce café. Mais la route nous attend. Nous reprenons la voiture pour une heure de routes sinueuses nous faisant grimper sur les sommets de Chichibu. J’ai connu pire comme route sinueuse de montagne mais le problème ici est que la route se fait étroite à certains endroits et ça peut être délicat lorsque l’on croise une autre voiture. Commence alors une bataille de vitesse pour voir qui pourra passer en premier sur la portion étroite de route. Je plaisante bien entendu car les conducteurs, dont je fais partie, sont tout à fait courtois et prudents. Ma navigation quasiment parfaite dans ces routes de montagne n’a malheureusement pas empêché Zoa d’être malade en voiture. Fut une époque où nous parcourions ce genre de petites routes de montagne à moto, et c’était une toute autre histoire. Notre destination finale est le sanctuaire de Mitsumine (三峯神社). Il est complètement perdu dans les montagnes, mais ce sanctuaire est reconnu comme un “power spot”. Nous voulions y allé depuis plusieurs années. D’autres photographies suivront dans un deuxième billet.

le jour du sake vert à Kyōtei

Le ryokan et restaurant Kyōtei (京亭) que je montre en photographies ci-dessus est situé dans la petite ville de Yorii dans la préfecture de Saitama et a été utilisé comme lieu de tournage de la vidéo du morceau Ryokushu (緑酒) de Tokyo Jihen, sortie le 13 Mai 2021, quelques jours avant l’album Music (音楽). La beauté de cette vidéo réalisée comme d’habitude par Yuichi Kodama m’avait tout de suite interpelée au point où j’avais tout de suite recherché sur internet quelle était cette vieille demeure servant de lieu de retrouvailles pour les membres de Tokyo Jihen. Le single Ryokushu a eu beaucoup de succès et est un des morceaux emblématiques de l’album Music et de Tokyo Jihen, non seulement pour la qualité du morceau en lui-même mais aussi, je pense, grâce à cette vidéo (cette vidéo est de très loin la préférée du fan club Ringohan) . Aux yeux des fans, voir le groupe se retrouver dans une ambiance joviale marque réellement la réformation du groupe après 8 longues années d’inactivité. Cette vidéo a par conséquent une signification particulière qui m’a depuis le début donné envie d’y aller. Il m’a fallu un peu de temps pour me décider mais cette Golden Week semblait être le bon moment. Nous n’avions pas dans l’idée d’y passer une nuit mais plutôt d’y déjeuner. Je téléphone d’abord quelques jours avant notre visite pour réserver une table, en pensant que ça devait être déjà pleinement réservé depuis longtemps en cette période de vacances, sachant que le ryokan se trouve dans une zone plutôt touristique à proximité de Nagatoro dans la région montagneuse de Chichibu. Par une chance inespérée, une table restée libre nous attendait. Réservation faite pour 12h30, nous voilà partis le Mercredi 4 Mai vers 9h30 du matin.

Un trajet normal depuis le centre de Tokyo jusqu’à ce coin reculé de Saitama par l’autoroute Kan-Etsu (関越道) prend normalement de 1h30 à 2h. En partant assez tôt, on pensait pouvoir se promener au bord de la rivière Arakawa près du ryokan avant d’aller déjeuner. C’était sans compter les aléas de la Golden Week, qui est, d’autant plus, « normale » cette année, c’est à dire sans état d’urgence incitant les gens à rester chez eux. Il nous aura fallu trois heures de route pour arriver jusqu’à Yorii, en changeant de stratégie en cours de route, alternant autoroute encombrée et routes nationales tout aussi encombrées. Depuis quelques mois, voire plus d’un an, j’ai développé une capacité d’attente et de prise sur soi que je n’avais pas auparavant. Je suis maintenant en mesure d’attendre au milieu d’une file de voitures qui n’avancent pas avec le sourire. Contrairement à ce que pensait Mari, je n’ai pas volontairement passé en boucle en voiture l’album Music sur lequel se trouve Ryokushu, car je ne voulais pas associer dans mon esprit la musique de cet album avec des embouteillages interminables. Mais la radio a pris le relai en le passant soudainement, ce qui m’a d’ailleurs surpris car le morceau sorti l’année dernière n’est plus tout à fait récent. L’animatrice radio se trompe d’ailleurs dans le titre en annonçant le morceau avec le nom « Midori no Sake » (緑酒, Sake vert) plutôt que Ryokushu, qui est en fait une autre manière de prononcer les mêmes kanji. Je comprends à ce moment là que c’était volontaire car nous sommes aujourd’hui, le 4 Mai, le jour du Vert (autrement dit, de la nature) ou « Midori no Hi », et que la station de radio que nous écoutons à ce moment là sélectionnait volontairement des morceaux ayant un lien avec la couleur verte. Je me dis que nous avons très bien choisi notre journée pour cette visite des lieux du tournage de Ryokushu. Nous arrivons sur place à 12h30 exactement, ce qui démontre de ma part une maitrise parfaite du timing. Je reconnais tout de suite l’entrée de ryokan que l’on voit dès le début de la vidéo. Une dame nous accueille et nous amène jusqu’à la pièce où nous mangerons.

Kyōtei était autrefois la demeure de Kōka Sassa (佐々紅華), compositeur japonais né en 1886 et mort en 1961. Il a composé de nombreuses chansons, écrit le scénario d’un opéra mais était à l’origine graphiste, diplômé du département de design industriel de l’école Tokyo Institute of Technology (le campus actuel se trouve près de la station d’Ōokayama à Tokyo). Comme il était mélomane depuis son plus jeune âge, il a également passé les examens de l’académie de musique de Tokyo (actuellement le département musique de l’université des Beaux Arts), mais n’a pas poursuivi cette voie. Son attrait constant pour la musique l’a pourtant poussé vers des travaux de design destinés au monde de la musique. Il a d’ailleurs dessiné un logo intéressant pour la compagnie de disques Nipponophone (日本蓄音器商会) fondée en 1910 (et sous le nom actuel Nippon Columbia), représentant un bouddha écoutant un gramophone, inspiré par le chien du label musical His Master’s Voice (HMV ou La Voix de son Maître, historiquement dans le groupe anglais EMI). En 1913, Kōka Sassa se lança dans l’écriture de comptines puis en 1917 écrit un opéra se produisant à Asakusa. Il a ainsi fondé l’opéra d’Asakusa. Il continuera ensuite à écrire des chansons au sein de Nippon Victor puis Nippon Columbia. En 1931, commence la construction de sa maison de style sukiya à Tamayodo dans la ville de Yorii, l’actuel ryokan Kyōtei. Il en dessine les plans et supervise la construction en vivant sur place dès l’année suivant le début des constructions. Il faudra en tout cinq années pour construire le bâtiment actuel. Il a vécu dans cette maison jusqu’à sa mort le 18 Janvier 1961. Après sa mort, sa petite fille, Yasue Sassa, devient propriétaire et convertit cette résidence en un ryokan. Des personnalités viendront y séjourner, comme par exemple l’auteur Shōtarō Ikenami (池波正太郎).

Le bâtiment semble être entièrement préservé en l’état avec seulement quelques aménagement récents, ce qui donne à ce ryokan beaucoup de charme. J’imagine que préserver un bâtiment de cette taille ne doit pas être aisé. Le rez-de-chaussée sert de salles de restaurant. Il n’y a qu’un seul menu, avec des variations, à base de poisson Ayu cuisiné de différentes manières. Le repas était excellent, d’autant plus que l’on déjeune en ayant une vue sur le jardin, en regardant la lumière du printemps traverser les jeunes feuilles d’érable momiji. Cette ambiance paisible est bien agréable comme si le temps s’arrêtait pour un après-midi. Sur le site web du ryokan, il est d’ailleurs écrit qu’il s’agit d’un espace pour oublier le temps (時間を忘れて過ごす空間). Au cours du repas, il fallait bien qu’on lance le sujet de cette vidéo de Tokyo Jihen avec les dames du personnel du ryokan pour voir si elles étaient disposées à en parler. Le fait de mentionner que j’étais fan de Sheena Ringo et de Tokyo Jihen (Mari prend toujours un malin plaisir à dire que je suis même membre du fan club) leur apporta même un enthousiasme certain. On nous a donc très volontiers donné quelques détails. On nous dit que le tournage s’est déroulé en une seule journée, le dimanche 25 Avril 2021, avec une équipe de tournage très bien organisée de 60 personnes. La propriétaire du ryokan, qui vient nous servir pendant la deuxième partie du repas, nous explique qu’elle avait d’abord eu des réticences car elle ne voulait pas fermer le restaurant et le ryokan pour une journée entière, mais que la période de crise sanitaire qui a vu une accumulation soudaine d’annulations de réservation a finalement permis ce tournage. Elle nous indique de la main les différents endroits où le tournage a eu lieu: le bain utilisé par Ichiyō Izawa, qui a été refait depuis, le coin de jardin où Ukigumo nous dit qu’il aurait dû venir en train vers la fin de la vidéo et le deuxième étage où les scènes principales ont été tournées. La propriétaire nous indique qu’on pourra visité ce deuxième étage après le dessert et avant l’arrivée à 15h des clients qui y passeront la nuit. J’ai du mal à tenir en place lorsqu’elle nous indique qu’on pourra visiter librement le ryokan pendant presqu’une heure. Elle nous dit que de nombreux fans de Sheena Ringo et de Tokyo Jihen sont déjà venus ici, parfois habillés du yukata du groupe. Certains sont venus de loin, de l’autre bout du pays, prenant l’avion pour l’occasion avec une petite valise pour se changer en arrivant. Je ne suis pas du tout étonné de cela car les fans de Sheena Ringo peuvent aller très loin. Comme signe distinctif, je me suis personnellement contenté d’un petit badge bleu de Tokyo Jihen accroché sur le col de la chemise. La propriétaire le regarde en constatant qu’il s’agit bien du motif de paon (孔雀) qu’elle a vu sur certains yukata de visiteurs. Ce ryokan deviendrait pratiquement un lieu de pèlerinage pour les fans. J’ai moi-même ressenti cette envie irrésistible de venir jusqu’ici malgré le long trajet aller-retour en voiture.

Après le dessert, nous montons donc à l’étage où je retrouve la salle principale en tatami dans laquelle Tokyo Jihen prenait leur repas de retrouvailles accompagné de beaucoup de sake. La vue depuis cette pièce est magnifique. On aperçoit le jardin japonais en contrebas et la rivière Arakawa un peu plus bas. Dans la vidéo, Toshiki Hata nourrissait les carpes koi dans le bassin de ce jardin japonais. Je ne résiste pas à l’envie de m’asseoir au coin des fenêtres prenant la pose de Seiji Kameda lorsqu’il boit un verre de sake en attendant que les autres membres du groupe arrivent, ou de m’assoir à la place de Sheena Ringo sur le tatami de la grande salle au deuxième étage. On avait bien entendu revu la vidéo avant de venir et j’essaie au mieux de prendre des photos des endroits que je reconnais. Il n’y avait bien sûr aucun tissu au design de Tokyo Jihen comme sur la vidéo, ni guitares Vox Phantom posées dans un coin. La météo était idéale pour se promener dans le jardin japonais et nous faisons durer notre plaisir jusqu’au bout. Je m’attendais à ce qu’un chat vienne nous dire bonjour, et c’était en effet le cas pendant le repas. Il est passé nous voir en miaulant et à vite disparu dans le jardin. C’est amusant car j’avais eu ce genre de signe (qui est bien entendu une coïncidence) lors de la visite du temple Kishimojin-dō à Zōshigaya utilisé comme lieu de tournage pour Kabukichō no Jōo. On a un peu de mal à partir mais il est déjà l’heure. Nous descendons ensuite au bord de la rivière. Le lieu s’appelle Tamayodo (玉淀). Une bonne partie de la vidéo de Ryokushu y a également été tournée. Je reconnais le grand rocher de l’autre côté de la rivière que l’on voit dans la vidéo. Il doit également y avoir un cerisier au bord de cette rivière mais je ne l’ai malheureusement pas vu. Avec toutes ces images en tête, il nous faudra bientôt reprendre la route, avec l’album Music comme fond sonore. Malgré mes appréhensions car nous avons quitté les lieux à l’heure de pointe des retours vers 17h, il nous a fallu que deux heures pour rentrer sur Tokyo. Il est en fait beaucoup plus rapide de venir en train car il y a une ligne directe reliant Ikebukuro et Yorii en 90 minutes. J’ai pris beaucoup de photos de cette journée et c’était un peu compliqué de faire une sélection. Je montre d’ailleurs quelques autres photos sur mon compte Instagram, ce qui m’a d’ailleurs forcé pour l’occasion à écrire une description un peu plus longue que d’habitude. J’ai tendance à être très bref sur Instagram alors que je dois avoir plus de visiteurs que sur ce blog.

Pour la petite histoire, l’idée d’aller visiter le ryokan Kyōtei m’est revenu en tête après avoir vu la vidéo du morceau Matsuri (まつり) de Fujii Kaze (藤井風). Elle se déroule dans un parc qui a l’air magnifique appelé Rinkōkaku (臨江閣) près de Maebashi dans la préfecture de Gunma. Voir Kaze évoluer dans un des bâtiments traditionnels en bois du parc m’a en quelque sorte rappelé la vidéo de Ryokushu. Je pense que j’aime autant ce morceau Matsuri que je trouve Fujii Kaze agaçant. L’envie d’écouter ce morceau m’est aussi venu après avoir vu une interview de son producteur Yaffle par un autre producteur, Seiji Kameda, sur l’émission Wow Music que j’ai déjà évoqué plusieurs fois auparavant. J’ai également lu une très bonne interview en anglais de Yaffle par Patrick Saint Michel, sur le site de Billboard. Cette dernière interview contenait un lien vers la vidéo du morceau Matsuri de Fujii Kaze. Ce morceau a fait partie de ma playlist pour les trajets en voiture pendant cette Golden Week, tout comme l’excellent morceau intitulé Plateau (プラトー) de Sakanaction (サカナクション). Je ne suis pas sûr d’écouter leur album en entier mais la manière de chanter les couplets d’Ichirō Yamaguchi sur ce morceau me fascine complètement. Et le petit passage saccadé de guitare au milieu du morceau me rappelle ce que Kida pourrait jouer sur un morceau de Tricot.

Et pour revenir vers Tokyo Jihen, j’inclus également dans ma playlist la nouvelle version du morceau Shiseikatsu (私生活 新訳版) de leur troisième album Variety (娯楽 バラエティ) sorti en 2006. Les musiques de cette nouvelle version sont différentes de la version originale mais il ne s’agit pas non plus d’un remodelage complet du morceau. On peut légitimement se demander la raison de la sortie soudaine, le 1er Mai, de cette nouvelle version. Au moment de la sortie du Best Album Sōgō (総合), Tokyo Jihen avait en fait joué ce morceau le 24 Décembre dans l’émission Music Station Ultra Super Live 2021 (ウルトラスーパーライブ2021), d’où l’envie peut être de sortir cette version de manière officielle. Cette version retravaillée n’est pas meilleure que l’originale, mais je me surprends à beaucoup l’apprécier et l’écouter au milieu de ma playlist juste avant le morceau Matsuri de Fujii Kaze. Je prends en quelque sorte l’habitude de faire cohabiter Tokyo Jihen avec Fujii Kaze car on pourrait s’attendre à une collaboration si Sheena Ringo prend en compte les avis du fan club lors de la dernière enquête (j’en doute personnellement, mais je peux me tromper). L’illustration du single montrant la tour de Tokyo est empruntée au livre Tokyo Kenbutsu (東京見物) de feu Makoto Wada (和田誠). Je ne suis pas vraiment surpris que Sheena Ringo fasse ce choix. Makoto Wada était également le designer du packaging de Hi-lite, qui est (ou était) sa marque de cigarettes depuis toujours. J’en parlais rapidement dans un billet précédent au moment de la sortie du morceau Hotoke dake Toho (仏だけ徒歩) et de sa vidéo.

Kadokawa Culture Museum (b)

Continuons, avec d’autres photographies, la visite du Kadokawa Culture Museum et de ses alentours. On peut visiter le musée à des heures prédéfinies au moment de la réservation. On ne peut pas se pointer là bas et espérer y acheter des places, il faut réserver à l’avance comme dans la plupart des musées à Tokyo ou aux alentours (j’imagine que c’est aussi le cas ailleurs au Japon). Ceci a l’avantage de limiter le nombre de personnes qui visitent simultanément mais demande un minimum de préparation à l’avance ce qui n’est pas toujours notre fort. Nous avons plutôt tendance à décider de ce qu’on va faire dans la journée du week-end, le matin après le réveil. Pour ce qui est du Kadokawa Culture Museum, nous avions quand même préparé notre visite quelques jours auparavant. Nous n’avons pas visité l’exposition du moment Ukiyo-e Theater from Paris, car nous avions déjà déjà vu quelque chose d’à priori similaire à base de projections d’ukiyo-e. Il ne faut par contre pas manquer la bibliothèque ressemblant à un labyrinthe avec des livres et objets posés un peu partout. J’aime beaucoup cette impression de fourmillement, d’abondance de connaissance. Des mini-galeries se cachent à certains endroits de cette bibliothèque. L’espace le plus emblématique de cette bibliothèque possède un plafond de 8 mètres de hauteur avec des rangées de livres posées sur des étagères jusqu’au plafond. Le groupe YOASOBI avait interprété dans cette bibliothèque un de leurs morceaux pour l’émission Kōhaku de la NHK du réveillon 2021. J’avais en tête un espace plus grand et il me semblait plus impressionnant à la télévision par rapport à ce qu’on a pu voir en réalité. À quelques dizaines de mètres du musée, un petit coin de forêt est consacré à une installation appelée Acorn forest par Team lab. On y trouve des espèces de gros œufs qui s’illuminent dans la nuit. On peut les toucher et les faire balancer pour qu’ils changent de couleur. Une petite musique un brin mystérieuse accompagne notre route entre les arbres et parmi ces œufs. Il ne faut pas y aller trop tôt car l’ensemble perd beaucoup de son effet quand il ne fait pas assez sombre (comme sur les photos ci-dessus, d’ailleurs). L’ensemble pourrait être merveilleux mais le nombre de personnes marchant dans tous les sens gâchent le côté féerique de la chose. Nous avons au final été un peu déçus, d’autant plus qu’il faut payer un billet d’un peu plus de 1000 Yens par personne pour y entrer. L’endroit est peut-être plus agréable au printemps lorsque les arbres sont un peu plus touffus et permettent de faire moins attention à la foule autour de nous.