SR EXPO’24

Lorsque j’ai une heure à perdre dans les quartiers d’Ebisu, Naka-Meguro ou Daikanyama, je passe souvent faire un tour à la grande librairie Tsutaya Daikanyama T-Site. L’heure ou la trentaine de minutes que j’y passe n’est jamais perdue car j’y découvre souvent des choses intéressantes et c’est justement ce qui me fait y revenir. La librairie contient deux petits espaces d’exposition dans le bâtiment central près du grand escalier, avec des expositions renouvelées très régulièrement. Je feuillette également les magazines mais il m’arrive également de seulement traverser les rayons en regardant les couvertures, du côté de l’architecture, des arts graphiques, de la photographie, entre autres. Une partie d’un des trois bâtiments a été converti à l’étage en espace partagé de travail et j’y vais donc beaucoup moins souvent. J’avais un peu plus de temps devant moi cette fois-ci et je me suis donc aventuré vers ce troisième bâtiment, si on peut qualifier d’aventure ouvrir une porte automatique d’une grande librairie.

C’était une bonne idée car j’y trouve au rez-de-chaussée la série de tous les numéros du magazine Daibenkyo (大勉強), magazine culturel semestriel consacré à la culture de la région de Hokuriku. Le magazine est publié par une boutique spécialisée nommée PHAETON, située dans la ville de Kaga dans la préfecture d’Ishikawa. Le numéro 5 sorti le 13 Février 2023 montrait Sheena Ringo en couverture. Je n’avais pas pu l’acheter à sa sortie car sa distribution devait être limitée mais je me suis rattrapé cette fois-ci en voyant ce numéro ainsi que plusieurs autres présentés sur une table dans un coin du Tsutaya. Je l’ai d’abord feuilleté pour constater que l’interview de Sheena Ringo était courte et les photos l’accompagnant assez peu nombreuses, mais j’ai été convaincu par le reste du magazine, notamment par une série de photographies prises par Rinko Kawauchi (川内倫子) et par un petit article évoquant la princesse Kukurihime. J’y ai vu un signe car j’avais écrit récemment un texte imaginaire, se déroulant dans le sanctuaire de Samukawa, évoquant cette même princesse historique. Le magazine nous parle de son histoire et accompagne l’article d’une série de photographies donnant une représentation moderne de Kukurihime sous les traits d’une jeune femme aux cheveux longs et blonds. La représentation imaginaire que j’en avais fait était un peu différente et ressemblait vaguement à l’actrice Nana Komatsu. En plus de la beauté de ses pages qui m’a finalement convaincu de l’acheter, ce magazine m’a rappelé au fait que je n’avais toujours pas fini d’écrire mon billet sur le concert de Sheena Ringo auquel j’ai assisté le 21 Novembre 2024. Au moment de commencer son écriture, j’avais fait comme un bloquage, intimidé en quelques sortes par la lourdeur de la tâche, ayant le sentiment qu’il y a tant de choses à en dire et à écrire. Mon compte rendu du concert Shogyōmujō (椎名林檎と彼奴等と知る諸行無常) de 2023 au Tokyo International Forum m’avait pris en tout quatre billets, et j’ai eu beaucoup de mal à me faire à l’idée d’en écrire autant. J’ai donc mis cette écriture de côté pendant plusieurs mois jusqu’à maintenant, en pensant finalement que rien ne sert d’en écrire trop.

Ma place pour le concert de Sheena Ringo pour sa tournée Ringo EXPO’24 ((生)林檎博’24), sous-titrée Economic Recovery (ー景気の回復ー) était réservée depuis plusieurs mois mais les places exactes dans la grande arène du Saitama Super Arena (さいたまスーパーアリーナ) n’ont été annoncées que le jour avant la séance. J’ai assisté au concert du Jeudi 21 Novembre 2024 à 19:00. Il s’agissait de mon troisième choix. La loterie pour l’achat des places a décidé pour moi. La tournée nationale des arènes Ringo EXPO’24, accompagnant la sortie du dernier album Hōjōya (放生会), s’est déroulée en dix dates dans tout le pays, en démarrant le 5 Octobre à Aomori pour une date, continuant à Niigata le 20 Octobre et au grand hall du château d’Osaka pour deux dates les 29 et 30 Octobre. La tournée continuait le mois suivant, à Shizuoka le 7 Novembre, au Saitama Super Arena pour trois dates les 21, 23 et 24 Novembre, puis Fukui le 29 Novembre et un final le 15 Décembre 2024 au Marine Messe de Fukuoka. On aurait pu penser que cette grande tournée en solo se terminerait à Saitama, tout près de Tokyo, mais Ringo a préféré la terminer dans sa ville d’origine. C’est la première fois que j’assistais à une concert ou évènement dans la grande arène du Saitama Super Arena qui peut contenir jusqu’à 37000 personnes. Difficile à dire s’il y avait en effet ce nombre de personnes dans la salle, mais toutes les places semblaient occupées et c’était impressionnant de voir autant de monde réuni. La dernière tournée des arènes avait eu lieu en 2018 pour Ringo Expo’18.

J’avais pris une journée de congé ce jour là. Comme pour le concert Shogyōmujō, je suis d’abord parti me procurer le sceau goshuin d’un sanctuaire. C’était celui d’Atago la dernière fois et c’est celui du sanctuaire Hikawa à Shibuya cette fois-ci. Je ne sais pas trop pourquoi l’idée m’est revenu en tête de me procurer un goshuin pour marquer cette journée, mais je me suis dit que ça pourrait devenir une tradition. Je suis arrivé tôt dans l’après-midi à la station de Shintoshin où se trouve Saitama Super Arena, car je voulais passer par la boutique de la tournée imaginant que certains articles seraient rapidement en rupture de stock. Il était possible de commander en ligne à l’avance mais pour une période limitée. Tellement limitée en fait que je n’ai même pas eu la possibilité d’y commander quoique ce soit, la boutique en ligne affichant un laconique “checking stock” à chacune de mes tentatives de connexion. Ceci a nourri mon envie de venir tôt et malgré cela, certains articles étaient déjà en rupture de stock. Je me suis tout de même procuré le petit drapeau indispensable, un t-shirt à l’effigie de la tournée et un badge. J’aurais voulu me procurer un autre t-shirt montrant le fidèle guitariste Yukio Nagoshi, guitare à la main et vétu d’un yukata blanc dans une atmosphère à la fois japonisante et fantomatique, mais il n’y avait déjà plus ma taille. Je ne suis apparemment pas arrivé assez tôt. J’ai en contrepartie eu beaucoup de temps pour faire le tour de la grande arène qui a une architecture grandiose surplombée d’un immense cadre s’illuminant progressivement au fur et à mesure que la nuit avance. J’aime aussi observer les autres spectateurs, ceux faisant des efforts certains pour s’habiller à la mode de cette tournée ou en ressortant des anciens goods des tournées précédentes de Sheena Ringo ou de Tokyo Jihen. On y retrouve par exemple systématiquement le jogging blanc et rouge de la tournée Ultra C de Tokyo Jihen. On trouve dans le public tous les âges, certains semblant être des fans de la première heure ayant pris de l’âge en même temps que leur idole, d’autres semblant être des fans beaucoup plus récents. Je m’amuse en regardant certains petits groupes de fans, avec parfois des tenues coordonnées, se prenant en photos à tour de rôle.

Les quelques heures ont finalement passé vite, et on se dirige tranquillement vers une des grandes entrées de l’arène. Plusieurs files d’attente se créent et nous font entrer sans encombre. A l’entrée, plusieurs bouquets de fleurs nous accueillent. L’un d’entre eux est offert par le groupe Buck-Tick, ce qui me surprend un peu et me ravit en même temps. Sheena Ringo et feu Atsushi Sakurai (櫻井敦司) de Buck Tick avaient interprété ensemble le morceau Kakeochi-sha (駆け落ち者) pour l’album Sandokushi (三毒史) et Ringo avait repris le morceau Uta (唄) de Buck-Tick. A côté, un bouquet est au nom du directeur créatif Michihiko Yanai (箭内道彦). J’avais déjà parlé de son magazine musical Kaze to Rock (風とロック) créé en 2005 et qui a montré Ringo en couverture plusieurs fois. Il n’est pas étonnant de trouver un bouquet au nom du groupe SOIL& »PIMP » SESSIONS qui a déjà accompagné Ringo, mais j’ai été agréablement surpris de voir un bouquet au nom du comédien Bakarism (バカリズム). Le fait que le comédien soit originaire de Fukuoka explique peut-être le lien. Toujours est-il que j’aime beaucoup les dramas qu’il crée, comme son dernier Hot Spot qui vient de se terminer, et dont j’ai déjà parlé ici. Peut-être qu’un jour, il donnera un second rôle à Ringo. Je la verrais très bien en actrice et je pense qu’elle le sait très bien elle-même, mais elle se dévoilerait peut-être trop. Et à propos de cinéma, je ne suis pas trop surpris de voir également un bouquet au nom de l’actrice Fumi Nikaidō (二階堂ふみ). J’avance ensuite à petits pas dans les couloirs arrondis de l’arène jusqu’à la porte donnant accès à la zone où se trouve mon siège. Je ne suis pas placé trop loin de la scène, sur le côté droit et dans la première moitié en hauteur. C’est une meilleure place que lors du concert au Tokyo International Forum. On dirait que je me rapproche progressivement de la scène même si le positionnement des places doit être le fruit d’un hasard calculé. Je dis cela car j’imagine, sans en être certain, que les places réservées aux membres du fanclub dont je fais partie doivent être prioritairement situées vers l’avant. Je suis dans les premiers à m’asseoir sur ma rangée, ce qui me donne le temps de regarder la grande salle se remplir progressivement. La fosse noire n’est pas encore occupée par les 25 musiciens formant l’orchestre mené par Neko Saito (斎藤ネコ). Pendant l’attente avant le début du concert, sont diffusés exclusivement des morceaux du musicien Big Yuki qui avait participé au single Watashi ha Neko no Me (私は猫の目).

Pour cette tournée, outre Neko Saito et son orchestre, Ringo s’est entourée de fidèles dont Yukio Nagoshi (名越由貴夫) à la guitare, Ichiyō Izawa (伊澤 一葉) aux claviers, Keisuke Torigoe (鳥越 啓介) à la basse et Shun Ishiwaka (石若駿) à la batterie. Nagoshi et Torigoe sont systématiquement présents à ses tournées récentes, mais Shun Ishiwaka, ex Millennium Parade réputé comme étant un des meilleurs batteurs japonais du moment, est devenu depuis le dernier concert un nouveau fidèle. Retrouver Ichiyō Izawa sur scène était une excellente surprise et pourrait presque relancer les suppositions sur un futur hypothétique nouvel album de Tokyo Jihen. Ichiyō Izawa a en tout cas participé à plusieurs morceaux de l’album Hōjōya (放生会).

La formation complète de 30 musiciens accompagnant Ringo prend une nouvelle fois pour cette tournée le nom de « The Mighty Galactic Empire », comme pour Ringo Expo 18 et 14. Cet album comprenant beaucoup de duo avec d’autres artistes féminines, tout le suspense était de savoir qui serait présent sur scène. Je le savais un peu à l’avance, car même si les secrets étaient bien gardés, quelques informations avaient circulé sur la présence d’Ikkyu Nakajima (中嶋イッキュウ) de Tricot, DAOKO et Momo (もも) de Charan Po Rantan (チャラン・ポ・ランタン) sur des dates précédant celles de Saitama. Elles étaient bien toutes les trois sur scène pour accompagner Ringo, mais je ne pensais pas qu’elles seraient autant présentes. Je ne cache pas mon bonheur de voir sur scène Ikkyu et DAOKO en duo avec Ringo, les suivant déjà depuis plusieurs années en sachant leur attirance pour la musique de Sheena Ringo. À vrai dire, ce n’est pas la première fois que DAOKO intervient sur une tournée de Sheena Ringo car elle était déjà présente sur la tournée précédente sur grand écran pour la version remixée par Shinichi Osawa du morceau Ishiki (意識). Les autres artistes ayant participé au dernier album, comme Nocchi (のっち) de Perfume, AI, Atarashii Gakko! (新しい学校のリーダーズ) et Utada Hikaru (宇多田ヒカル) n’étaient malheureusement pas présentes lors du concert. Je m’en doutais très fortement pour Utada Hikaru, mais j’aurais vraiment aimé voir soudainement Nocchi débarquer sur scène (bien que je sois très loin d’être un amateur de la musique de Perfume). Au niveau des invitées, il n’y avait en fait pas de différences entre les séances à Saitama et celles des autres viles de la tournée.

Sheena Ringo a interprété en tout 27 morceaux incluant deux dans les rappels. Il y avait bien sûr un grand nombre de morceaux tirés du dernier album Hōjōya (放生会), dix morceaux en tout, tandis que le reste était tiré des albums précédents avec une majorité de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処) qui reste l’album préféré des fans. Le concert ouvrait sur un morceau de l’album Sandokushi (三毒史), Niwatori to Hebi to Buta (鶏と蛇と豚), et c’est un des seuls tirés de cet album, avec le magnifique TOKYO qu’elle jouera à mi-concert. Par rapport au concert précédent au Tokyo International Forum, les effets sur scène étaient beaucoup plus impressionnants avec plusieurs écrans géants. Certaines cinématiques montrant des moines boudhistes apparaitre pour lancer de leurs mains d’immenses lasers traversant la salle étaient impressionnantes. L’avantage de ces écrans est qu’ils donnent par moments une vue plus précise de ce qui se passe sur scène, car même si je n’étais pas très loin de la scène, on ne distingue pas toujours exactement tout ce qui s’y passe. Ce genre de salle permet également des effets d’entrée en scène, Ringo descendant sur scène par une petite nacelle au début du concert. Si mes souvenirs sont bons, cette nacelle descendait d’une sorte d’ovni, Ringo devenant donc un personnage sidéral. Ce genre d’effets visuels n’est pas vraiment indispensable mais produit tout de même son effet sur le public, qui est comme hypnotisé de la voir arriver du haut de l’arène dans une longue robe rouge, avec des cheveux blonds et portant un rouge à lèvres rouge vif (le Shiseido modèle 417 bien sûr). Elle a bien sûr changé de très nombreuses fois de tenues pendant le concert, mais j’ai préféré les tenues plus originales et décalées de sa tournée précédente. Il n’y avait rien de vraiment marquant cette fois-ci et le passage où elle était habillée en sirène dans sa coquille était un peu trop kitsch pour moi. C’était le moment que j’ai le moins apprécié. Voir Ringo en kimono noir interpréter le morceau Closed Truth (茫然も自失) était par contre un moment mémorable, tout en étant assez classique de ce qu’on peut attendre d’elle. Ce passage m’a fait apprécier ce morceau comme étant l’un de mes préférés du dernier album. Surtout que juste après, Ikkyu vient rejoindre Ringo sur scène pour interpréter Offering sake (ちりぬるを), habillée d’un même kimono noir et d’une coupe de cheveux très similaire. Le mimétisme est assez impressionnant même si Ikkyu est un peu plus grande que Ringo. C’est la première apparition d’Ikkyu sur scène lors de ce concert mais ce n’est pas la dernière car elle reviendra ensuite pour interpréter un morceau plus ancien, Jiyū e Michizure (自由へ道連れ) de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処). On pouvait voir clairement la jubilation d’Ikkyu d’interpréter ce morceau devant un public de 37,000 personnes. J’ai eu par moment un peu de mal à distinguer Ringo d’Ikkyu, et c’était même un peu perturbant. Mais quel plaisir de les voir ensemble sur scène, surtout que leur joie était visible sur scène.

Il y avait un clin d’oeil amusant, si on peut dire, pour le morceau Yokushitsu (浴室) de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ), car Ringo tenait à la main un couteau comme lors du concert Ringo Expo’08. Elle a interprété plusieurs morceaux de Tokyo Jihen, ce qui était une bonne surprise. Il n’est pas rare qu’un ou deux morceaux de Tokyo Jihen se glissent dans ses concerts, mais il y en avait trois cette fois-ci: Eien no Fuzai Shōmei (永遠の不在証明) du mini-album News, Himitsu (秘密) de l’album Adult (大人) et le plus récent Inochi no Tobari (命の帳) de l’album Music (音楽). Le concert comprenait quelques reprises comme TOUCH (タッチ) de Yoshimi Iwasaki (岩崎良美). Le surprise était de voir DAOKO entrer sur scène pour chanter ce morceau. Elle reviendra ensuite pour le duo du morceau A triumphant return (余裕の凱旋), qui est un des morceaux de l’album Hōjoya que j’aime beaucoup réécouter. Ringo et DAOKO sont habillées d’une manière charmante, de la même tenue que lors de leur passage télévisé. Parmi les reprises, il y avait également celle d’un morceau du groupe APPA (あっぱ), intitulé Gipsy (ジプシー). APPA est le groupe d’Ichiyō Izawa, qui était donc sur scène au côté de Ringo pour l’interpréter. Pendant le passage instrumental Bōenkyō no Soto no Keshiki (望遠鏡の外の景色), tous les membres du groupe et de l’orchestre de Neko Saito formant « The Mighty Galactic Empire » sont présentés dans une vidéo les montrant dans les coulisses. Il s’agit également d’un clin d’oeil à un des précédents concerts, car ce type de présentation très cinématographique avait déjà été utilisé. L’autre très grande surprise pour moi était la reprise du morceau MOON du groupe REBECCA (レベッカ) sur leur album Poison. Je parle assez souvent de ce morceau sur ce blog car je l’écoutais avant de venir vivre au Japon. Ringo avait en fait déjà mentionné dans une émission télévisée qu’elle appréciait ce morceau donc cette reprise est finalement assez logique. Il n’empêche que ça fait plaisir d’entendre Ringo chanter ce classique, même si rien ni personne ne peut remplacer la voix si particulière de Nokko. Au début du concert, Ringo a chanté un morceau que je ne connaissais pas, Uchu no Kioku (宇宙の記憶), qu’elle a écrit et composé pour Maaya Sakamoto (坂本真綾). C’est un très beau morceau à l’ambiance jazz qui possède l’indéniable marque de fabrique de Sheena Ringo, surtout que SOIL&“PIMP”SESSIONS fait l’interprétation musicale. Je persiste à penser qu’elle devrait sortir un album purement jazz, avec une instrumentation minimale, genre un quartet. Lors des concerts de Sheena Ringo, il a toujours un manque. Elle ne parle en effet que trop peu au public, et cette fois-ci, elle a fait parler sa fille par un message audio, tout comme pour le concert Tōtaikai (党大会).

Momo de Charan Po Rantan est la troisième invitée du concert et elle apparaît sur scène vers la fin pour son duo festif sur Cheers beer (ほぼ水の泡). Le moment particulièrement exaltant du concert est de voir ensuite Momo, Ikkyu Nakajima, DAOKO accompagner Ringo sur le morceau Watashi ha Neko no Me (私は猫の目). Elles tournent toutes les quatre sur scène, accompagnées des deux danseuses SIS qui étaient également présentes sur la tournée précédente. Là encore, leur joie d’être sur scène est très communicatif, matérialisant cette deuxième partie de concert plus festive, principalement centrée sur les morceaux de l’album Hōjōya. Le concert se termine finalement sur les rappels avec 1RKO (初KO勝ち), qui est un des succès commerciaux de cet album, puis le morceau Chichinpuipui (ちちんぷいぷい), de l’album Hi Izuru Tokoro, que j’imagine toujours comme un hymne à Ringo. J’imagine tout à fait ce morceau avoir été conçu pour les concerts. Au final, je n’avais plus l’effet de surprise sur ce concert par rapport au précédent, même si assister à un tel spectacle dans une salle aussi énorme est une surprise en soi. Difficile de dire si j’ai préféré ce concert là au précédent. Celui-ci était certes plus grandiose mais je pense avoir préféré l’ambiance générale de Shogyōmujō, peut-être parce qu’il se passait dans une salle plus petite. Ceci étant dit, les images que l’on pouvait voir sur les écrans géants étaient souvent impressionnantes, et le final montrant Sheena Ringo comme une androïde désossée dans un paysage urbain apocalyptique était tout à fait étonnant. Il y a un thème de science fiction en fil rouge de ce concert car, comme je le mentionnais au dessus, les premières images montraient une sorte d’ovni dont descendait Ringo en chantant sa chanson pour Maaya Sakamoto sur la Mémoire de l’Univers (宇宙の記憶), et un chat noir robotisé géant accompagnait également certains des derniers morceaux. Ce genre d’effets rend particulièrement bien dans une grande salle. Pour ceux intéressés, des rapports de ce concert ont été écrits sur certains sites musicaux et on peut trouver les liens sur une page dédiée sur le site Kronekodow.

Pour référence, je note ci-dessous la setlist du concert du Jeudi 21 Novembre 2024 de la tournée Ringo EXPO’24 ((生)林檎博’24) – Economic Recovery (ー景気の回復ー) de Sheena Ringo, au Saitama Super Arena:
1. Niwatori to Hebi to Buta (鶏と蛇と豚) de l’album Sandokushi (三毒史)
2. Uchu no Kioku (宇宙の記憶), écrit et composé par Sheena Ringo pour Maaya Sakamoto (坂本真綾)
3. Eien no Fuzai Shōmei (永遠の不在証明) du mini-album News de Tokyo Jihen
4. Shizuka Naru Gyakushū (静かなる逆襲) de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
5. Himitsu (秘密) de l’album Adult (大人) de Tokyo Jihen
6. Yokushitsu (浴室) de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
7. Inochi no Tobari (命の帳) de l’album Music (音楽) de Tokyo Jihen
8. TOKYO de l’album Sandokushi (三毒史)
9. Bye Purity (さらば純情) de l’album Hōjōya (放生会)
10. Adult Code (おとなの掟), de la compilation Gyakuyunyū ~Koukūkyoku~ vol.2 (逆輸入 ~航空局~; Reimport, Vol. 2 ~Civil Aviation Bureau~)
11. MOON, de l’album Poison, reprise du groupe REBECCA (レベッカ)
12. Arikitarina Onna (ありきたりな女) de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
13. A procession of the living (生者の行進), de l’album Hōjōya (放生会)
14. Gipsy (ジプシー), reprise du groupe APPA (あっぱ)
15. As a Human (人間として), de l’album Hōjōya (放生会)
16. Bōenkyō no Soto no Keshiki (望遠鏡の外の景色) de la compilation Gyakuyunyū: Kōwankyoku (逆輸入 ~港湾局~)
Présentation des membres du groupe (メンバー紹介)
17. Closed Truth (茫然も自失), de l’album Hōjōya (放生会)
18. Offering sake (ちりぬるを) avec Ikkyu Nakajima, de l’album Hōjōya (放生会)
19. FRDP (ドラ1独走), de l’album Hōjōya (放生会)
20. TOUCH (タッチ) avec DAOKO, reprise du morceau de Yoshimi Iwasaki (岩崎良美)
21. Seishun no Mabataki (青春の瞬き), de l’album Gyakuyunyū: Kōwankyoku (逆輸入 ~港湾局~)
22. Jiyū e Michizure (自由へ道連れ) avec Ikkyu Nakajima, de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
23. A triumphant return (余裕の凱旋) avec DAOKO, de l’album Hōjōya (放生会)
24. Cheers beer (ほぼ水の泡) avec Momo, de l’album Hōjōya (放生会)
25. Watashi ha Neko no Me (私は猫の目) avec Momo, Ikkyu Nakajima, DAOKO, de l’album Hōjōya (放生会) 
Rappels (アンコール)
26. 1RKO (初KO勝ち), de l’album Hōjōya (放生会)
27. Chichinpuipui (ちちんぷいぷい), de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)

4444年の4s4ki

Contrairement à mon habitude, je m’y suis pris un peu tard pour réserver ma place pour le concert de la tournée Oneman Live Tour 2025 « 4444年 »;C4 de l’artiste 4s4ki. Sa tournée se composait de six dates au Japon démarrant le 16 Février 2025 à Sapporo, en passant ensuite à Nagoya, puis Fukuoka, Sendai, Osaka pour terminer avec un final à Tokyo le 11 Mars 2025. Le concert de Tokyo auquel j’ai assisté se déroulait dans la salle ZEPP Shinjuku, se trouvant au quatrième sous-sol de la grande tour Kabukicho Tokyu Tower. La tour est située, comme son nom le suggère, dans le quartier de Kabukichō. J’ai découvert la musique d’4s4ki avec son premier album Your Dreamland (おまえのドリームランド). Il a pour moi une signification assez particulière car je l’avais découvert en Avril 2020 pendant le premier état d’urgence de la crise sanitaire à Tokyo. Cet album m’avait apporté un réconfort certain alors qu’on était coincé chez soi en se demandant bien ce que cette crise pouvait nous réserver. Avec cet album, j’avais également découvert un style musical, qu’on surnomme hyper-pop, qui était pour moi nouveau et qui m’avait fait connaître des compositeurs et producteurs de cette mouvance d’avant-garde à cette époque là. J’ai toujours considéré qu’4s4ki était en avance de phase et elle est pour moi une sorte de mètre-étalon du genre. 4s4ki a depuis inspiré d’autres artistes et a collaboré avec de nombreux musiciens ayant une même approche sonore disruptive. Je ne dirais pas que j’ai suivi la musique d’4s4ki à chaque sortie de nouveaux singles ou de EPs mais j’ai toujours gardé une oreille attentive aux directions qu’elle prenait. J’ai toujours su que je pourrais revenir vers sa discographie pour piocher quelques morceaux qui m’intéresseraient. J’ai beaucoup de respect pour cette artiste car je lui trouve une grande authenticité artistique et on ressent qu’elle vit complètement sa musique sans faire semblant. J’ai ressenti cela très franchement pendant le concert.

J’avais pris une journée de congé, ce qui m’a permis d’arriver à Kabukichō deux heures en avance, pour pouvoir faire un petit tour à la boutique du concert ouverte depuis 16h30. J’étais venu acheter un t-shirt, qui vient remplir ma petite collection de t-shirts de concert, que je porte d’ailleurs régulièrement (ils ne restent pas dans la penderie ou dans un placard). A mon arrivée, il y avait déjà une petite file d’attente dans un couloir du premier sous-sol. Sur une des façades de la Kabukicho Tokyu Tower, un écran géant digital montre par intermittence l’affiche du concert « 4444年 »;C4. C’est un nom bizarre que je ne chercherais pas à comprendre, mais je sais seulement que sa tournée nationale de 2014 avait un nom similaire avec un C3 à la place du C4 (« 4444年 »;C3). Après avoir acheté mon t-shirt, j’ai pratiquement une heure à perdre dans Shinjuku avant l’ouverture des portes. Je repars vers le Tower Records situé près de la station de Shinjuku. Je fais le tour d’un air distrait car j’ai déjà la tête dans le concert qui va bientôt commencer. Tout en errant dans les rues encombrées de Shinjuku sous un temps pluvieux, je réécoute les derniers EPs d’4s4ki à savoir 44th Dimension sorti en Janvier 2025 composé en collaboration avec le musicien électronique américain Yultron, Jiai equal Jiai (慈愛equal自愛) sorti en Décembre 2024 et Collective Obsession (集合体大好病) sorti en Octobre 2024.

Le temps passe finalement très vite et il est déjà l’heure de retourner vers la salle du ZEPP Shinjuku pour l’appel très organisé des numéros de places. La salle a une capacité de 1500 personnes et ma place est dans les 900 (vu que j’ai acheté ma place un peu tard quelques semaines avant le concert). Malgré cela, j’ai pu très facilement me placer dans la première partie de la salle. Le public autour de moi est plutôt jeune et d’une mode vestimentaire excentrique qui change un peu du public rock dont j’ai l’habitude. On peut pas dire que le public imite la mode parfois très colorée d’4s4ki mais on retrouve tout de même les boots surélevées et un style oscillant entre le punk et le gothique. Être installé debout dans la salle avec une bière à la main est l’occasion de regarder autour de moi la faune qui m’entoure. Je suis toujours très attentif à la musique d’attente, normalement sélectionnée par l’artiste. Je remarque l’excellent Drums of Death de FKA Twigs sur son non-moins excellent dernier album Eusexua, puis un peu après je suis surpris d’entendre un morceau d’Autechre. Je suis d’autant plus surpris qu’il s’agit de Dropp extrait du EP7 sorti en 1999, un de mes morceaux préférés de la très longue discographie du duo électronique d’avant-garde. Je trouve dans ce morceau d’Autechre une immense détresse, comme des tirs incessants de missiles sur une terre désolée. Le groupe se défend bien entendu de tout sens ou signification de ce morceau. La salle du ZEPP Shinjuku est récente et cela se note immédiatement, notamment par la présence de bandeaux d’écrans digitaux placés en hauteur faisant le tour de la salle. Sur la scène, un immense écran géant nous montre le nom d’4s4ki en écriture stylisée. Quand j’étais adolescent, j’aimais imaginer et dessiner ce genre d’écriture au design compliqué et parfois difficilement lisible. J’ai peut-être même imaginé des formes de lettres similaires à celles que je vois devant moi sur cet écran géant.

Le concert démarre à 19h pile. 4s4ki entre rapidement sur scène habillée d’une très jolie robe courte noire avec des froufrous roses et d’autres motifs roses. Les manches courtes laissent apparaître ses nombreux tatouages et des bracelets de cuir noir cloutés (pour le côté punk certainement). Elle n’est pas très grande (1m53) mais porte des bottes noires surélevées. Sur la scène est posée une petite estrade sur laquelle elle monte ou s’assoit. Derrière elle, un large pupitre doit cacher toute la machinerie électronique qui diffuse les sons du concert accompagnés de la voix d’4s4ki et de ses invités. Le concert durera exactement deux heures bien remplies par une setlist de 29 morceaux et quelques messages adressés au public. Elle est très à l’aise avec son public et n’hésite pas à répondre à ceux, au fond de la salle, qui l’interpellent d’une voix forte. J’aime beaucoup ce genre d’interactions qui étaient particulièrement présentes lors de ce concert. Après les premiers morceaux, elle avoue tout de même avoir le tract, ce qui ne se voit carrément pas sur scène. Le concert se déroule en deux parties clairement distinctes. La première voit 4s4ki interpréter principalement des morceaux de ses trois EPs les plus récents, mentionnés ci-dessus. Je les connais assez bien ce qui est agréable à l’écoute. Son interprétation est plutôt fidèle aux versions des EPs sauf qu’on ne ressent pas l’effet auto-tune qu’elle utilise régulièrement mais de manière toujours légère. Parmi les huit premiers morceaux de son concert, il y en a plusieurs qui comptent dans mes préférés dans sa discographie comme Hymn to the Ego (自我讃歌) du EP Jiai equal Jiai (慈愛equal自愛) avec ses nombreux décrochages électroniques qui rendent si bien dans une grande salle de concert. J’aime aussi beaucoup Cranky Eyes sur son dernier EP 44th Dimension et Ganbariyasan dakara ai shite (頑張り屋さんだから愛して) sur son EP Collective Obsession (集合体大好病). Ce dernier morceau est un duo avec Rinahamu (苺りなはむ) que j’aurais bien voulu voir sur scène aux cotés d’4s4ki pour chanter ce morceau. Elle n’était malheureusement pas présente, ce qui n’est pas étonnant car elle se trouve en ce moment aux États Unis pour l’édition 2025 du festival SXSW avec la formation Tokyo Den-Nou (東京電脳).

4s4ki enchaîne ensuite avec quelques morceaux précédents ces trois derniers EPs, notamment le morceau paranoia, tiré de l’album Killer in Neverland, qui est également un des morceaux que je préfère. Suit ensuite une courte période où elle s’installe devant un clavier pour interpréter seule deux morceaux dont le très poignant Gokuaku Hito (極悪人) de son EP Jiai equal Jiai (慈愛equal自愛). Son interprétation quasiment à capella révèle toute la puissance de sa voix, loin de toutes les distorsions électroniques qui l’entourent normalement. A travers ce morceau, on découvre une autre facette qu’elle développe plus souvent ces derniers temps, avec par exemple, un autre de ses morceaux récents Nee Kiite (ねえ聞いて) qui conclura plus tard le concert. 4s4ki entrecoupe son set de plusieurs messages au public, et revient sur la tournée de 2024 sur laquelle elle avait dû annuler certaines dates à la dernière minute, dont le final à Tokyo, pour un problème de santé qui lui avait fait passer un séjour à l’hôpital. Ce retour vers cet événement donne une force émotionnelle toute particulière à cette petite partie au clavier qui se poursuit et se conclut avec le morceau Chronicle (クロニクル).

La deuxième partie commence ensuite. 4s4ki nous annonce que ses musiciens amis vont l’accompagner pour chacun des morceaux qu’elle va interpréter. Ce n’est pas une surprise car les noms des invités étaient indiqués sur l’affiche du concert, et ils sont particulièrement nombreux, au nombre de 14 parmi lesquels des rappeurs, DJs et compositeurs électroniques. On retrouve donc sur scène Aviel Kaei de CVLTE, Akira Ishige (石毛輝) de the telephones, Itsuka (いつか) de Charisma.com, OHTORA, Gigandect, gu^2, KOTONOHOUSE, Gokou Kuyt, DÉ DÉ MOUSE, Minami Nakamura (なかむらみなみ), NUU$HI, Hanagata, maeshima soshi et Masayoshi Iimori. En plus de voir 4s4ki sur scène, c’était un vrai plaisir de voir tous ces autres artistes que je connais pour la plupart par leur musique respective et pour leurs collaborations avec d’autres artistes de la même mouvance musicale qu’4s4ki. CVLTE partage par exemple le très beau morceau tears in rain ;( avec Minami Hoshikuma (星熊南巫) et elle-même est apparemment une bonne amie d’4s4ki, à en croire certaines photographies sur Instagram. Aviel Kaei de CVLTE était particulièrement mystérieux sur scène, caché par une cagoule à grandes oreilles, apparaissant soudainement au milieu du morceau Liar accompagnant 4s4ki de son rap très puissant pour repartir aussitôt à la fin de sa représentation tel un ninja. 4s4ki nous commente ensuite qu’il est toujours comme ça, apparaissant et disparaissant sans crier gare. Chacun des artistes profitent de leur passage sur scène pour souhaiter un bon anniversaire à 4s4ki. Certains prennent même un malin plaisir à prononcer son prénom avec un fort accent américain comme si on l’annonçait comme compétitrice dans un match de boxe. 4s4ki présente à chaque fois les musiciens qui l’accompagnent en faisant part des liens qu’elle a avec eux. On sent très clairement qu’elle est heureuse de leurs présences successives autour d’elle et les invités lui rendent bien l’appareil en poussant l’ambiance. Sur le morceau Pink Gang, Akira Ishige (石毛輝) du groupe the telephones ne tient pas en place et engage le public. Il faut dire que le morceau qu’il interprète avec 4s4ki est très upbeat et déclenche tout de suite une énergie déferlante. Je connais l’artiste DÉ DÉ MOUSE depuis longtemps, depuis son morceau Baby’s Star Jam de 2007 en fait, et j’étais très curieux de le voir sur scène. À son arrivée derrière les platines, 4s4ki le présente comme un oncle qui aime les BPM (BPM好きなおじさん). Le morceau interprété, Esupā Shōgakusei (エスパー小学生) du EP Collective Obsession (集合体大好病), joue clairement dans la catégorie des beats BPM agressifs. J’avais d’abord été un peu décontenancé à la première écoute du morceau, mais ce genre de son en salle de concert avec un public acquis à quelque chose d’assez jouissif. DÉ DÉ MOUSE, qui semblait d’abord un peu réservé à son arrivée sur scène, se laisse facilement emporter par le rythme, monte sur le pupitre pour sauter ensuite en avant sur la scène aux côtés d’4s4ki. Il y avait quelques morceaux que j’attendais avec impatience comme Hyper Angry Cat (超怒猫仔) tiré de l’album du même nom. Mega Shinnosuke qui rappe sur ce morceau n’est malheureusement pas présent mais Minami Nakamura (なかむらみなみ) utilise bien son espace, extrêmement à l’aise sur scène et extravertie dans son short court et sa doudoune argentée. On entend quelques gros sons électroniques sur certains morceaux comme Punish avec Gu^2 (prononcé Gu Gu) ou pure boi avec Masayoshi Iimori. Lui aussi monte sur le pupitre pour accompagner la puissance des sons avec des mouvements de bras. J’étais également très curieux de voir ce dernier sur scène car j’ai écouté un certain nombre de morceaux qu’il a composé pour divers artistes, et je le compte parmi les compositeurs et producteurs électroniques qui comptent, tout comme Yohji Igarashi et, certains diront aussi, Sasuke Haraguchi (原口沙輔). Voir Itsuka (いつか) du duo hip-hop Charisma.com était également une bonne surprise car je connais ce groupe depuis plus de dix ans et j’avais beaucoup aimé son interprétation sur le morceau AI no Tohiko (AIの逃避行) de Kirinji. Elle rappait avec 4s4ki sur le morceau Maboroshi (幻), sorti sur un des premiers EPs d’4s4ki intitulé Nemnem. Le morceau ReEnd (再終焉) avec NUU$HI sur le EP Collective Obsession (集合体大好病) est un de mes préférés de sa discographie. Le morceau est particulièrement dense et brillant, et j’étais très satisfait d’entendre 4s4ki dire qu’il s’agit d’un des morceaux sur lesquels elle a le plus travaillé et qu’elle préfère. Elle évoque le long travail de composition avec NUU$HI qui semble acquiescer. On imagine que le morceau a été difficile à concevoir mais a au final apporté beaucoup de satisfaction. On pouvait également entendre quelques morceaux de son premier album Your Dreamland comme I picked up a prostitute’s iPhone (風俗嬢のiPhone拾った) avec maeshima soshi et Gokou Kuyt et Your Dreamland (おまえのドリームランド) avec KOTONOHOUSE. maeshima soshi et KOTONOHOUSE sont des présences importantes dans la discographie d’4s4ki et ces deux morceaux sont remarquables. La setlist est longue mais passe très vite car tout s’enchaîne très vite jusqu’aux rappels. Les « Encore » sont criés dans la salle et 4s4ki ne prend pas trop de temps pour revenir sur scène parmi nous. Je me disais qu’il manquait dans la setlist le single 35.5, qu’elle interprète finalement en tendant le micro vers le public.

Cette configuration de concerts en deux parties distinctes est intéressante. La deuxième partie avec tous les invités m’a rappelé le concert Option C d’AAAMYYY l’année dernière, sauf que le rythme avec 4s4ki est assez différent. Je pense que j’ai pu écouté pendant ce concert tous les morceaux que je voulais absolument entendre. J’en ai découvert quelques autres que je ne connaissais pas comme OBON ou STAR PLAYER, tous les deux présents sur l’album Castle In Madness. KOTONOHOUSE compose également ce dernier morceau. On le sent très proche d’4s4ki et c’est lui qui amènera le gâteau d’anniversaire surprise qui l’attendait à la toute fin du concert. Elle a 27 ans, ce 11 Mars 2025. Elle est très surprise et c’est touchant de la voir si heureuse sur scène entourée de tous ses amis musiciens réunis sur scène pour les derniers morceaux des rappels. Son équipe lui envoie également un message d’anniversaire sur les écrans entourant la salle. Elle est tellement surprise qu’elle tombe en larmes en lisant les messages (que je montre en photo ci-dessus). Une photographie de famille avec le public est également prise pour conclure le concert. On peut d’ailleurs m’apercevoir sur la gauche. Les lumières s’allument finalement après des derniers au revoir. C’est toujours un moment difficile de quitter la salle. Je n’avais pas été à un concert depuis environ cinq mois et ça avait fini par me manquer franchement. Dehors, dans les rues de Kabukichō, il y a foule dans les rues pour un jour de semaine. Il me reste des images et des sons en tête. 4s4ki partage peu de temps après le concert la setlist. Je la reconstruis sur mon iPod et ne me lasse pas de réécouter la suite de morceaux. Les photographies ci-dessus sont un mélange de celles montrées par le staff d’4s4ki sur X Twitter et mes propres photos. J’en montre également quelques autres sur mon compte Instagram.

Pour référence, je note ci-dessous la setlist du concert au ZEPP Shinjuku de la tournée Oneman Live Tour 2025 « 4444年 »;C4 d’4s4ki:

1. 失楽園仮説 (Lost Paradise Hypothesis), sur le EP 慈愛equal自愛 (Jiai equal Jiai)
2. trance train, sur le EP 44th Dimension avec Yultron
3. Cranky eye, sur le EP 44th Dimension avec Yultron
4. 自我讃歌 (Hymn to the Ego), sur le EP 慈愛equal自愛 (Jiai equal Jiai)
5. rEINsTaLL avec maeshima soshi, sur le EP 集合体大好病 (Collective Obsession)
6. you are gone but…, sur le EP 44th Dimension avec Yultron
7. Mona Lisa, sur le EP 慈愛equal自愛 (Jiai equal Jiai)
8. 頑張り屋さんだから愛して (Ganbariyasan dakara ai shite), sur le EP 集合体大好病 (Collective Obsession)
9. gemstone feat. Pupet, sur l’album Castle In Madness
10. paranoia, sur l’album Killer in Neverland
11. 極悪人 (Gokuaku Hito), sur le EP 慈愛equal自愛 (Jiai equal Jiai)
12. クロニクル (Chronicle), sur le double album 超怒猫仔 (Hyper Angry Cat)
13. 風俗嬢のiPhone拾った (I picked up a prostitute’s iPhone) avec maeshima soshi et Gokou Kuyt, sur l’album Your Dreamland
14. Don’t Look Back (feat. 4s4ki, maeshima soshi, RhymeTube, OHTORA & Hanagata)
15. 再終焉 (ReEnd) avec NUU$HI, sur le EP 集合体大好病 (Collective Obsession)
16. 天界徘徊 feat. 釈迦坊主 (Prowling in celestial world feat. Shaka bose), sur l’album Castle In Madness
17. Maboroshi (幻) avec Itsuka (いつか) de Charisma.com, sur le EP Nemnem
18. Punish avec Gu^2, sur le EP Here or Hell
19. Liar avec CVLTE, sur le double album 超怒猫仔 (Hyper Angry Cat)
20. pure boi avec Masayoshi Iimori
21. Pink Gang avec Akira Ishige (石毛輝) de the telephones
22. 超怒猫仔 (Hyper Angry Cat) avec Mega Shinnosuke et Minami Nakamura, sur le double album 超怒猫仔 (Hyper Angry Cat)
23. OBON avec Gigandect, sur l’album Castle In Madness
24. エスパー小学生 (Esupā Shōgakusei) avec DÉ DÉ MOUSE, sur le EP 集合体大好病 (Collective Obsession)
25. Your Dreamland (おまえのドリームランド) avec KOTONOHOUSE, sur l’album Your Dreamland
26. STAR PLAYER avec KOTONOHOUSE, sur l’album Castle In Madness
Rappels
27. 35.5 avec Masayoshi Iimori, sur le double album 超怒猫仔 (Hyper Angry Cat)
28. Shirley, sur l’album CODE GE4SS
29. ねえ聞いて (Nee Kiite)

don’t you forget me not

Il s’agit du 2,500ème billet de Made in Tokyo. Pendant plus de vingt-deux ans, j’y ai écrit plus d’un million de mots et je ne compte pas le nombre de photographies. Malgré cela, ce blog est resté relativement confidentiel, malgré quelques éclats au milieu des années 2000. Une raison est que je n’ai jamais voulu faire de compromis sur son contenu et ce que je montre correspond à ce que je ressens sans aucune intention d’essayer de conquérir un public. Au final, ceux qui se retrouvent dans ces billets, ces images et ces sons doivent se limiter aux gens qui me ressemblent ou auxquels je ressemble, dans la même recherche d’une émotion parfois enfouie au fond de nous.

Pour accompagner cette série de photographies, je mentionnerais volontiers les morceaux Lushlife (2000) du groupe new-yorkais Bowery Electric, puis oblique butterfly (2023) du groupe de Los Angeles untitled (halo). Je découvre ces deux excellents morceaux, évoluant entre le trip-hop pour le premier et la Dream pop pour le deuxième, dans l’émission Liquid Mirror du mois de Février 2024 sur NTS Radio. Je mentionne décidément cette émission sur pratiquement tous mes billets récents car elle agit comme une porte d’entrée vers des mondes musicaux auxquels je suis très réceptif, mais que j’aurais un peu de mal à trouver par moi-même, du moins par rapport aux musiques alternatives japonaises qui ont parfois tendance à arriver vers moi de manière quasi-automatique grâce aux algorithmes d’Internet. Ces algorithmes sont une concrétisation de la non-coïncidence car les morceaux qu’on me propose ne sont pas liés à des heureux hasards mais correspondent à l’accumulation de mes écoutes précédentes.

Les petits rayons de lumière qu’on peut parfois apercevoir sur certaines photographies proviennent du morceau Point Nemo (ポイント・ネモ) du groupe japonais Yureru ha Yūrei (揺れるは幽霊) sur leur EP Mnemeoid sorti le 4 Mars 2025. Le nom du groupe qui signifie « Le fantôme qui vacille » est très beau tout comme ce morceau. Je sais peu de chose du groupe sauf qu’il se compose des quatre membres suivants: Sako (佐古) au chant, Hidaka (日高) à la guitare, Juggler (ジャグラー) à la batterie et Kōryō (功凌) à la guitare basse. Je sais par contre beaucoup de choses sur le Point Nemo qui sert de titre au morceau car j’en avais fait une longue étude avec mon fils il y a plusieurs années pour un de ses rapports d’été. Le Point Nemo se trouve quelque part dans l’Océan Pacifique Sud et est le point le plus éloigné de toutes terres émergées. C’est ce qu’on appelle le pôle maritime d’inaccessibilité et c’est forcément fascinant. Le nom provient bien sûr du héros de Jules Verne et signifie « personne » en latin. La créature monstrueuse Cthulhu inventée par l’écrivain Lovecraft y est endormie dans une cité engloutie appelée R’lyeh.

Dans mes nouvelles découvertes musicales, je reviens vers le groupe de rock indé japonais Laura Day Romance avec un nouveau morceau intitulé Platform (プラットフォーム) présent sur leur dernier album Nemuru – Walls (合歓る – walls) sorti le 5 Février 2025. J’avais déjà mentionné ce groupe pour un morceau intitulé on the beach (渚で会いましょう). Le chant sur Platform est particulièrement intéressant car on distingue assez difficilement s’il est chanté seulement par Kazuki Inoue (井上花月) ou s’il est chanté à deux voix. Il y a une certaine duplicité dans ce chant qui est vraiment très beau. Je trouve que ce morceau se révèle même un peu plus à choque écoute, qui je l’aime beaucoup plus après une dizaine d’écoute que lors de ma première écoute. Il y a quelque chose dans les changements discrets de tons qui rendent ce morceau émotionnellement prenant.

Sur la première photographie du billet qui montre une grande affiche publicitaire pour le magasin de snickers Atmos situé juste au dessous, on peut apercevoir la compositrice et interprète franco-japonaise MANON dont j’avais déjà parlé très récemment. On l’a voit également dans la vidéo du nouveau single Peerless Flowers (花無双) d’AiNA The End qui vient de sortir le 14 Mars 2025. Le morceau est très orchestral et je dirais assez classique du style d’AiNA dans son interprétation vocale. Ça fait en tout cas plaisir d’entendre la voix d’AiNA aussi bien entourée musicalement dans une approche qui me fait dire qu’elle se rapproche un peu de Sheena Ringo. La photographie de la couverture du single a été prise par Mika Ninagawa (蜷川実花). On reconnaît immédiatement le style de la photographe pour les couleurs vives et fortes proches de la saturation. Mika Ninagawa montre la série complète de photographies sur Instagram. Ce sont de très belles photos, tout comme ce nouveau single très poignant comme souvent dans la musique d’AiNA The End.

J’avais déjà parlé de la chanteuse et rappeuse KAMIYA dont mon billet évoquant le single GALFY4 produit par Masayoshi Iimori (マサヨシイイモリ). Airi Kamiya fait désormais partie d’un duo nommé XAMIYA avec le producteur et rappeur Xansei. Je découvre leur dernier single intitulé Monster sorti le 26 Février 2025. Kamiya chante principalement en anglais en mélangeant quelques paroles en japonais. « All my friends are Monsters » nous répète elle dans le refrain. Elle utilise ce symbolisme du monstre qu’elle se force à considérer comme ses amis, pour évoquer l’acceptation de ses peurs et de son anxiété. Airi Kamiya nous fait part qu’elle souffre de bipolarité et peut être soudainement prise de fortes crises d’anxiété, qu’elle assimile à une force monstrueuse avec laquelle elle a dû apprendre à vivre pour éviter que cette force ne la consume entièrement. Cette approche positive des choses a quelque chose de très encourageant. Le morceau est très accrocheur et riche de multiples sonorités électroniques ne parvenant pas à submerger la voix de Kamiya qui garde toujours le dessus. XAMIYA était présent au SXSW 2025, se tenant à Austin au Texas, ce mois-ci.

Et en parlant de monstre, il faut également évoquer le nouveau single Kaiju (怪獣) de Sakanaction (サカナクション). Je ne suis pas spécialiste du groupe même si j’ai écouté et apprécié plusieurs de leurs albums et morceaux piochés par-ci par-là, mais ce dernier single rentre très facilement dans leurs meilleurs morceaux. On y retrouve toute la profondeur, l’ampleur et la versatilité musicale, le chant d’Ichiro Yamaguchi tout en ondulations, les chœurs typiques introduisant une pause dans le flot et un sens aiguë de l’accroche qui fait qu’on aura du mal à se séparer du morceau en cours de route. Bref, c’est un single quasiment parfait de bout en bout, et ça sera peut-être son unique défaut, car on n’a rien à y redire. Même mon fils est d’accord avec moi car il l’écoute aussi beaucoup, ce qui me donne l’occasion de lui conseiller l’écoute du très bel album éponyme du groupe sorti en 2013, que j’ai acheté il y a quelques semaines dans un Disk Union tokyoïte. En écoutant Kaiju, je me suis tout de suite dit qu’on approche de très près la perfection du morceau Aoi qui est un de mes préférés de cet album et du groupe.

そんな人類みんなに愛は光

La destination était l’île de Tennōzu Isle (天王洲アイル), construite sur des terrains gagnés sur la baie de Tokyo. Je suis venu voir le musée ARCHI-DEPOT, qui se trouve juste à côté et fait partie du complexe WHAT MUSEUM (WHAT = Warehouse of Art TERRADA). ARCHI-DEPOT nous montre un grand nombre de maquettes architecturales d’architectes japonais renommés tels que Kengo Kuma. L’espace où sont montrées ces maquettes ressemble vraiment à un entrepôt. Il s’agit de l’activité principale de l’entreprise Terrada possédant de nombreux entrepôts, ce qui inclut le stockage sécurisé des œuvres d’art de collectionneurs. J’ai apprécié la visite mais ce genre d’exposition ne s’adresse pas aux néophytes. J’ai plutôt le sentiment que ce musée s’adresse en priorité aux étudiants en architecture. C’est intéressant de voir la manière parfois très détaillée par laquelle sont représentées des œuvres architecturales vues en réalité dans les rues de Tokyo. J’ai particulièrement apprécié les modèles de l’architecte Yuko Nagayama, qui je pense n’ont pas tous été construits comme les espaces courbes du complexe Hifumi (2009) et ceux de l’université Kyōai Gakuen Maebashi Kokusai Daigaku (共愛学園前橋国際大学, 2011). Je suis quand même un peu déçu par l’exposition en cours car je pensais y voir une grande maquette en bois de la pagode du temple Hōryūji (法隆寺) de Nara, mais il s’agissait d’une exposition ayant lieu l’année dernière et donc déjà terminée depuis longtemps.

Après être sorti de l’exposition, je marche un peu dans le quartier pour voir ce qui a changé. Depuis l’année 2019, Tennozu Isle organise le festival TENNOZ ART se tenant dans les rues du quartier avec l’installation progressive de nouvelles œuvres d’art. Je découvre cette fois-ci une grande fresque peinte par l’artiste Meguru Yamaguchi (山口歴) sur une des façades du bâtiment Terrada Warehouse T33 le long du canal Tennozu. Cette oeuvre immense mesurant environ 40 mètres de haut et 22 mètres de large reprend très librement un motif de dragon inspiré de Katsushika Hokusai (葛飾北斎). Les deux dernières photographies du billet jouent sur les similitudes de formes mais sur des plans différents. C’est intéressant comme des associations de formes à priori quelconques peuvent parfois attirer notre regard. Sur la dernière photographie, la toiture courbe n’est normalement pas visible depuis la rue, car elle devait auparavant être cachée par un bâtiment démoli depuis, laissant place à un terrain vague. Ça me rappelle la maison individuelle Small House de Kazuyo Sejima dont la façade la plus intéressante, architecturalement parlant, était visible car orientée sur un terrain vague. Le terrain étant depuis plusieurs années occupé par une nouvelle construction, on ne peut plus accéder à cette vue qui sera peut être à jamais cachée. Tout cela pour dire qu’il faut rester curieux avec les yeux grands ouverts, car on ne sait pas toujours ce qui peut apparaître ou disparaître soudainement.

J’ai également les oreilles grandes ouvertes pour écouter le remix du morceau Electricity d’Utada Hikaru (宇多田ヒカル) par la musicienne Arca, de son vrai nom Alejandra Ghersi Rodríguez, originaire du Venezuela et basée à Barcelone. Il est rare qu’un remix soit pour moi meilleur qu’un morceau original, mais c’est bien l’impression que me donne ce remix par Arca. On ne perd pas la voix d’Utada Hikaru mais l’ambiance électronique est très différente. L’atmosphère y est très dense et sophistiquée, avec une belle profondeur sonore sans cesse attaquée par des glitches électroniques. J’aime beaucoup la manière par laquelle Arca joue avec les répétitions de paroles, sans que celles-ci s’entrechoquent avec une grande maîtrise des agencements. Dans la musique d’Arca, j’aime revenir vers le morceau Alive de son album Mutant sorti en 2015. Par sa complexité et sa violence, ce morceau illustre pour moi toutes les batailles intérieures qui signifient d’être vivant. J’imagine très bien que la musicienne a dû en faire des batailles intérieures. C’est en tout cas assez étonnant de voir Utada Hikaru et Arca travailler ensemble. Le fait qu’elles soient toutes les deux basées en Europe a peut-être facilité un rapprochement, mais on voit de toute façon de plus en plus de coopérations internationales entre artistes japonais et étrangers. Une des dernières collaborations en date est entre l’artiste norvégienne Aurora et Atarashii Gakko! (新しい学校のリーダーズ) avec un morceau intitulé Some Type of Skin. Je n’accroche pas complètement au morceau mais il a eu le mérite de me faire écouter d’autres morceaux d’Aurora qui sont vraiment excellents comme All is Soft Inside et Queendom de l’album Infections Of A Different Kind – Step 1 (2018), puis The River, Apple Tree et The Seed de l’album A Different Kind Of Human – Step 2 (2019). Aurora est passée récemment en concert à Tokyo et j’ai vu plusieurs artistes que je suis, comme AiNA The End ou Haru Nemuri, montrer des photos de ce concert sur Instagram. Cela m’a également incité à jeter une oreille à sa musique.

le Zazen de la Crevette

La destination était le nouveau building Toda situé à Kyobashi dans l’arrondissement de Chūō. Je voulais voir une structure en escaliers métalliques noirs nommée Steps par l’artiste Atsuko Mochida (持田敦子), installée à l’intérieur d’un espace public dans le hall du bâtiment. Ces escaliers de taille fine montent vers le ciel et s’arrêtent soudainement. L’imagination doit faire le reste. J’en ai pris plusieurs photos mais je me suis rendu compte un peu plus tard que toutes mes photos étaient floues. J’avais réglé mon appareil photo sur manuel par erreur, sans faire les mises au point nécessaires. Je n’ai pas peur des photos floues, que j’aime publier de temps en temps dans certains billets, mais celles-ci m’ont rassuré sur le fait que le flou involontaire n’est pas intéressant. Ça peut paraître un peu contradictoire, mais le niveau de flou doit être réglé précisément pour rendre une photo intéressante. Le building Toda contient plusieurs galeries d’art aux étages. Je m’attarde un peu dans la galerie Tomio Koyama (小山登美夫) qui montre des sculptures de bois assez réalistes de Stephan Balkenhol dans une petite exposition nommée good day. En sortant un peu plus tard du building, je remarque une autre structure en escaliers d’Atsuko Mochida. La photographie n’est cette fois-ci pas floue. Dans la station de Toranomon, près de la plateforme de la ligne de métro Ginza en direction de Shibuya, on peut voir une sculpture très intéressante de Michiko Nakatani (中谷ミチコ) intitulée The white tigers are watching (白い虎が見ている), créée en 2020. Il ne s’agit pas d’une peinture mais plutôt d’une sculpture avec un relief concave. L’oeuvre montre un groupe de jeunes filles pourtant des masques de tigres blancs mais l’image change en fonction de notre point de vue, suivant notre position par rapport à l’oeuvre. La dernière photographie du billet montre une autre sculpture animale, placée sur une rambarde piétonne, ayant la particularité d’avoir une texture moelleuse. A moins qu’il ne s’agisse plutôt d’un gant zébré qu’un enfant aurait égaré dans cette rue. On pourrait voir de l’art à tous les coins de rue si on se laisse emporter pour son enthousiasme.

J’ai failli manquer de peu l’exposition Ebizazen (海老坐禅) qui se déroulait du 7 au 24 Février 2025 au PARCO Museum, situé au quatrième étage du grand magasin de mode PARCO dans le centre de Shibuya. J’y suis allé le lundi 24 Février, en réalisant au dernier moment que c’était le dernier jour. Ceux qui suivent attentivement Made in Tokyo auront remarqué que je parle assez régulièrement de Aoi Yamada (アオイヤマダ) sur ces pages. Je me rends compte qu’il faut être assez concentré pour suivre mes billets car ils ont la plupart du temps des liens avec ceux écrits précédemment. Je la suis sur Instagram depuis plusieurs années pour ses danses étranges toujours très inspirées et amusantes, car elle ne se prend pas trop au sérieux, ce qui est d’ailleurs une des forces de ses représentations. Elle jouait un second rôle dans la série First Love (初恋) de NetFlix avec Hikari Mitsushima (満島ひかり) et Takeru Satoh (佐藤健), puis plus récemment dans le film Perfect Days de Wim Wenders. On l’avait également vu aux côtés de Hikari Mitsushima dans le long film publicitaire Kaguya pour Gucci. Elle apparaît dans certaines vidéos d’AiNA The End et fait souvent partie de la troupe de danseuses pour ses concerts. Elle avait également fait une performance lors de la cérémonie de fermeture des Jeux Olympiques de Tokyo 2020. Aoi Yamada fait partie d’un collectif nommé Tokyo QQQ, mais le collectif qui a conçu cette exposition prend le nom étrange de Ebizazen (le Zazen de la crevette). Outre Aoi Yamada, ce collectif créatif regroupe d’autres artistes: la directrice artistique Midori Kawano, la styliste Chie Ninomiya, la photographe Akiko Isobe, le coiffeur et maquilleur Noboru Tomizawa et Oi-chan, la manager d’Aoi Yamada. Cette dernière est également la manager du danseur Takamura Tsuki (高村月) qui forme avec Aoi, l’unité de danse-poésie Aoi Tsuki, et produit le groupe Tokyo QQQ. La présence d’un personnage d’écolier dans cette troupe, sous les traits de Takamura Tsuki, me rappelle tout de suite le film Cache-cache pastoral (田園に死す) de Shūji Terayama (寺山修司), dont j’avais parlé dans un billet précédent. Je me souviens maintenant que Stéphane Dumesnildot parlait et montrait en photos une partie de ce collectif sur un billet de son blog Jours étranges à Tokyo (qui semble malheureusement en pause depuis Juin 2024). Pendant qu’on visite l’exposition photographique, on est accompagné par une musique étrange répétant par moment les mots Ebi et Zazen. Je ne suis pas certain du sens profond du nom de ce collectif mais il communique pour sûr une notion de liberté loin des stéréotypes, que l’on retrouve dans l’esprit des photographies montrées. Aoi Yamada est la muse du groupe et c’elle elle que l’on voit photographiée dans des tenues excentriques et extravagantes. La collection contient plus de 150 photographies qui sont réunies dans un livre et dont on peut en voir un grand nombre dans cette exposition. Ces photographies sont prises à Tokyo mais également à Atami et à Matsumoto, devant le splendide château noir, entre autres. Le collectif Ebizazen existe depuis 2019, et des photographies ont donc été prises pendant ces six dernières années. Il y a une grande fraîcheur dans cette œuvre photographique qui n’est pas lié à une quelconque marque de mode.

Je poursuis progressivement mon écoute des épisodes mensuels de Liquid Mirror d’Olive Kimoto sur la Radio NTS, car ils sont tous passionnants. L’épisode de Décembre 2023 intitulé An Asia Travel Diary est comme son nom l’indique consacré à l’Asie. Il a été enregistré à Tokyo et nous fait passer par le Japon, la Corée, la Chine et Taiwan. J’ai à chaque fois la sensation d’une exploration auditive m’amenant sur des terrains nouveaux, auxquels je suis pourtant assez familier car évoluant souvent vers une certaine forme d’éthéréité. On est très souvent proche de la musique expérimentale et bien loin de toute notion de mainstream. Les sélections musicales sont à chaque fois un sans faute, ce qui est tout à fait le cas avec cet épisode consacré à l’Asie. J’y retrouve avec plaisir le musicien Meitei (冥丁), dont j’avais déjà parlé ici, avec le très beau morceau Nami que je ne connaissais pas. On retrouve sur ce morceau toute la délicatesse et les subtilités sonores qui rendent une ambiance d’écoute tout à fait unique. Ce morceau intègre des bruits de vagues qu’on imagine provenir de la mer intérieure de Seto du côté d’Onomochi où Meitei réside. Ce morceau est inclus sur son album Komachi de 2019 et sur le EP Yabun de 2018. J’y découvre l’artiste japonaise basée à Londres Hinako Omori (大森日向子) avec le morceau Yearning d’une profonde mélancolie. Ce morceau me semble être inspiré par les musiques new-age avec des synthétiseurs aux contours flous. Ce morceau est tiré de son album a journey… sorti en 2022, qu’il faudrait que j’écoute bientôt. Une pointe d’émotion me saisit ensuite lorsque j’entends le début du morceau A Pure Person (單純的人), sur le EP du même nom, de Lim Giong (林強). Il s’agit de la musique accompagnant la scène d’ouverture du film Millenium Mambo du taïwanais Hou Hsiao-Hsien. Ce morceau est tout simplement sublime. J’avais l’habitude d’entendre la voix de l’actrice Shu Qi car j’avais sur mon iPod une version sonore extraite de cette scène d’ouverture. Une voix nous narrait en chinois la relation amoureuse compliquée de Vicky (interprétée par Shu Qi):

She broke up with Hao-hao, but he always tracked her down. Called her… begged her to come back…
Again and again. As if under a spell or hypnotized… She couldn’t escape. She always came back.
She told herself that she had NT$ 500,000 in the bank. When she’d used it up, she would leave him for good.
This happened ten years ago… In the year 2001 the world was greeting the 21st century and celebrating the new millennium.

Il y a beaucoup d’autres très beaux morceaux sur cette compilation. J’en retiens quelques autres comme Sun Tickles du duo électronique coréen Salamanda, composé d’Uman (Sala) et de Yetsuby (Manda). Ce morceau aux sons intriqués est présent sur leur album In Parallel sorti en 2023. Il y a aussi la Dream Pop du groupe chinois originaire de Hangzhou, City Flanker, avec un morceau intitulé Purple Haze (紫霧), extrait du EP Sound Without Time. L’épisode se conclut avec le morceau Spica de Chihei Hatakeyama (畠山地平) qui apporte les derniers soupons de rêve avant que la machine ne se détraque et nous ramène à la réalité.