the streets #4

Je reprends une série de photographies de rues commencée il y a longtemps. Le troisième épisode a été publié en Mai 2019 et je continue maintenant avec le quatrième épisode, et quelques autres plus tard, après plus de cinq ans. Il faudrait que je dresse une cartographie de toutes les séries démarrées et en cours sur Made un Tokyo car je les ai pour la plupart déjà perdu de vue. Celle intitulée the streets m’est soudainement revenue en tête car j’y dû y faire allusion dans un billet récent. Pour cet épisode, on commence par le nouveau complexe de buildings gigantesques entourant la gare Yamanote de Takanawa Gateway (高輪ゲートウェイ). Ces nouveaux immeubles ont poussé comme une immense muraille. La taille monstrueuse, bien que relativement élégante, de ce nouveau complexe interroge. A t’on vraiment besoin d’autant d’espaces de bureaux et de zones commerciales? Fallait il renforcer la barrière d’immeubles qui vient couper un peu plus les vents provenant de la baie de Tokyo pour ne faire qu’aggraver le phénomène de « heat island » dans le centre ville? Ces nouveaux buildings vont certainement en détruire d’autres dans un autre lieu de Tokyo pour faire perdurer les cycles perpétuels de renouvellement urbain. Les canaux au delà de la grande station de Shinagawa semblent par contre être préservés des manipulations d’urbanisme. Certains bateaux appelés yakatabune nous amènent pour des petites croisières sur la baie. Je me déplace une nouvelle fois à vélo et ma destination était cette fois le centre de galleries d’art Terrada. Mais une fois arrivé sur place, l’envie de rentrer à l’intérieur des anciens hangars reconvertis de Terrada m’a passé. Je préfère continuer à vélo pour rejoindre les bords des canaux longeant Tennozu Isle. On peut rouler le long du canal sans interruption et je continue pour voir jusqu’où il m’amène. Je pense avoir parcouru la promenade du canal de Takahama jusqu’au niveau de la gare de Takanawa Gateway. L’avant dernière photo est prise dans un tout autre lieu, au centre de Shibuya près du disquaire Disk Union. Je ne pensais pas que les sanctuaires portatifs mikoshi passaient en plein centre de Shibuya, dans le quartier de Center-gai.

Le groupe de hip-hop expérimental Dos Monos est pour moi une sacrée découverte, aussi imprévue que passionnante. A la fin de son concert, Haru Nemuri nous avait prévenu qu’elle retournerait sur cette même scène du WWW X de Shibuya pour un nouveau concert en deux parties avec Dos Monos. Le nom m’était déjà familier mais il m’aura fallu cette annonce pour y jeter une oreille de curieux. Je ne pensais pas recevoir aussi directement un uppercut dans les gencives dès l’écoute du premier morceau HAROU de leur dernier album Dos Atomos, sorti le 30 Mai 2024. J’écoute en fait deux albums du groupe, leur premier intitulé Dos City sorti 2019 et Dos Atomos. Le premier album Dos City a une approche plutôt jazz bourrée de samples, tandis que Dos Atomos est beaucoup plus percutant en introduisant plutôt des sonorités rocks pleines de guitares agressives. Dans tous les cas, leur approche musicale basée sur le hip-hop est complètement imprévisible et expérimentale. Le morceau Hi No Tori, un de ceux que je préfère de Dos Atomos, est d’une liberté de forme vraiment épatante, mélangeant les effets de voix, les pistes vocales et les ambiances qui ne sont pas sans une petite pointe d’humour. Il faut être préparé pour ce genre de sons, car on peut être par moments un peu décontenancé et malmené par les changements soudains de rythmes et de trames. Le cinquième morceau de Dos Atomos, intitulé QUE GI, est une association avec le musicien multi-instrumentaliste Yoshihide Otomo (大友良英). Ce musicien a le statut de légende mais je ne connais qu’un seul de ses albums de free jazz intitulé Dreams du Otomo Yoshihide’s New Jazz Ensemble avec Jun Togawa (戸川純) et Phew, qui est également d’une liberté vraiment déconcertante. Tout comme sur Dos City, Dos Atomos doit également être composé de samples, mais je serais bien incapable de les reconnaître. Un passage particulier du morceau BON me fait pourtant beaucoup penser au morceau Atlas de Battles, et je crois reconnaître sur COJO certaines sonorités électroniques de Gantz Graf d’Autechre lorsque la machine vit ses dernières minutes. Dos Atomos s’écoute comme une expérience fusionnant de nombreux styles pour créer quelque chose de novateur. Dos City est peut-être moins percutant mais il n’en demeure pas moins original et des morceaux comme in 20XX et Clean Ya Nerves comptent parmi les excellents morceaux de cet album. Je dirais qu’il faut commencer l’écoute de la musique de Dos Monos avec des morceaux comme Mountain D et in 20XX pour voir si ça passe ou ça casse. Et si ça passe de justesse en frôlant la carrosserie, ces albums deviennent très vite de vraies pépites regorgeants de matières brutes qui se révèlent, au fur et à mesure des écoutes, être des trésors d’inventivités.

along those lines

Cette série de photographies a été prise au milieu de l’été à proximité de la baie de Tokyo. Je me déplace souvent avec mon vélo fixie en ce moment, et cette fois-ci était jusqu’à la station d’Hamamatsuchō. Depuis la station, on peut parcourir à pieds une longue passerelle surélevée qui nous m’amène jusqu’au port de Takeshiba. De ce point là, on peut prendre le bateau jusqu’au îles d’Izu, entre autres. Je n’irais pas jusque là même si ça serait tentant de retourner vers l’île Shikinejima que j’avais découvert il y a 25 ans avec un groupe d’amis. Shikinejima est une petite île dont on a vite fait le tour. Il me semble que la traversée en bateau prenait environ huit heures. Depuis la passerelle tout près de la station d’Hamamatsuchō, on aperçoit le jardin de Kyū Shiba Rikyū (旧芝離宮恩賜庭園) que je n’ai pas encore visité. En 1678, le site où se trouve le parc était utilisé pour la résidence de samouraï de Ōkubo Tadamoto, fonctionnaire du shogunat Tokugawa à la période Edo. La résidence et son jardin ont changé plusieurs fois de mains pour ensuite devenir propriété impériale. Le site fut grandement détruit par le grand tremblement de terre de 1923, puis les jardins furent remis en état et ouvert plus tard au public. Sur le chemin du retour, j’aperçois un petit festival dans la rue commerciale de Shirogane, ce qui me donne l’occasion de m’arrêter quelques instants.

Je suis tout juste de retour de Hong Kong pour un séjour non touristique qui ne m’a pas laissé beaucoup de temps pour divaguer dans les rues de Hong Kong. Notre unique séjour touristique à Hong Kong date de 2005, mais j’y suis allé de nombreuses fois depuis. Je pensais trouver un peu de temps dans l’avion ou dans mon hôtel pour écrire tous les textes en retard de mes billets de blog, mais je n’ai finalement pas écrit un seul mot. J’ai préféré regarder des films, notamment les fabuleux Furiosa de George Miller, de la série Mad Max, avec Anya Taylor-Joy dans le rôle titre, puis la deuxième partie de Dune de Dénis Villeneuve avec Timothée Chalamet et Zendaya, entre autres. Ces deux films matérialisent à l’écran des univers et esthétiques tout à fait spécifiques. Je vois là deux monuments cinématographiques qui resteront dans ma mémoire. Je trouve qu’ils se ressemblent même un peu en certains points.

Musicalement, je suis subjugué par la beauté du nouveau single de FKA twigs intitulé Eusexua, qui sera présent sur son prochain album du même nom. Je pensais avoir perdu le fil des créations musicales de FKA Twigs depuis son deuxième album Magdalene sorti en 2019, mais en fait pas vraiment, car elle n’a pas sorti de nouvel album studio depuis celui-ci. Eusexua sera donc son troisième album. Le premier single Eusexua laisse en tout cas présager le meilleur. C’est un morceau en suspension comme elle arrive tellement bien à le faire, plein d’une délicate émotion palpable comme si elle était à fleur de peau. Tiens j’utilisais cette même expression sur mon billet au sujet du concert d’Haru Nemuri et elle poste justement un extrait d’Eusexua sur son compte Instagram, comme quoi Haru doit apprécier la musique de FKA Twigs. Bien que leurs styles soient très différents, j’ai le même sentiment que ces deux artistes ne trichent pas avec le profond intérieur qu’elles semblent exprimer sans filtres.

美しく戦いましょう

Il faut se battre contre les chaleurs du mois de Septembre comme on le faisait au mois d’Août. Mon envie de marcher s’érode avec les degrés dépassant les normales saisonnières. Je prends donc moins de photos en ce moment et c’est une bonne chose car j’ai un peu de mal à tenir le rythme au niveau de l’écriture. Je manque parfois de courage pour me lancer dans l’écriture de certains billets, quand je sais à l’avance qu’ils vont être longs à écrire. Je suis loin de regretter de les avoir écrit une fois qu’ils sont terminés, mais c’est ce genre de longue écriture consommatrice en temps qui me font poser une fois de plus des questions sur l’utilité et la finalité de ce blog.

Je connaissais la jeune compositrice et interprète Toaka (十明) pour son chant remarquable sur le single Suzume (すずめ) de RADWIMPS pour le film d’animation Suzume (すずめの戸締まり) réalisé par Makoto Shinkai. Ce morceau avait eu beaucoup de succès et l’avait tout de suite fait connaître du grand public. Je n’avais pourtant pas suivi son actualité jusqu’à ce que son nom me revienne en tête récemment car la photographe Mana Hiraki (平木希奈) a réalisé la couverture de son dernier single intitulé Dancing on the Miror, sorti le 30 Juillet 2024. Ce n’est pas la première fois que je découvre une nouvelle ou un nouveau artiste par l’intermédiaire de cette photographe, qui est donc pour moi une très bonne source d’inspiration. Dans la foulée de ce dernier single, je me lance dans l’écoute de son excellent EP Boku Dake no Ai (僕だけの愛) composé de cinq titres. Sur le morceau Cinder ella (灰かぶり), j’adore sa voix, assez exceptionnelle il faut bien le dire, pleine de nuances qu’elle maîtrise à la perfection jusqu’aux soupirs entre certaines paroles. Elle a une voix puissante et expressive qui en impose, comme si elle prenait le dessus sur les mots qu’elle prononce. J’ai commencé l’écoute de cet EP par le dernier morceau intitulé Sanagi (蛹) qui a la composition la plus atypique. Ce genre de morceaux m’attirent particulièrement. J’aime aussi beaucoup la manière dont l’atmosphère musicale varie au fur et à mesure des morceaux. Le morceau titre Boku Dake no Ai (僕だけの愛) évolue par exemple sur un rythme folk à la guitare sèche pendant sa majeure partie, mais décolle tout d’un coup sur des hauteurs inattendues. La voix de Toaka lui permet tout à fait ce genre d’envolées et c’est un plaisir de se laisser guider par son chant. Ses morceaux ont pour la plupart une densité et une tension pop qui nous accrochent immédiatement et cette composition musicale clairement axée pop possède une inventivité certaine. Sur son dernier single New Area on dirait qu’elle chante comme elle mènerait une bataille, tant elle transmet de la force à chaque mot qu’elle prononce. Et cette bataille vocale est menée avec beaucoup d’élégance.

美しく戦いましょう。Let’s fight gracefully.

Eternally Returning・Paradigm Shift

Une fois n’est pas coutume, je me suis décidé un peu au dernier moment à aller voir Haru Nemuri (春ねむ) en concert. Il restait des places pour la date de Tokyo de sa tournée 2024 Flee from the Sanctuary (サンクチュアリを飛び出して), qui est d’abord passée par Nagoya puis Osaka. Le concert de Tokyo avait lieu dans la salle de Shibuya WWW X le Vendredi 6 Septembre 2024. Son album Haru to Shura (春と修羅) sorti en 2018, le EP Kick in the World sorti la même année et les morceaux sortis avant cela dont le sublime Tokyo (Ewig Wiederkehren), m’avaient tellement marqué, que j’avais trouvé le EP Lovetheism suivant moins inspiré, à part le très beau Fanfarre. Je n’avais du coup pas écouté avec attention son album suivant Shunka Ryougen (春火燎原) sorti en 2022 et j’avais été assez partagé sur le EP INSAINT qui suivait en 2023. Depuis quelques temps, je suis la progression de la jeune compositrice et interprète rock Minori Nagashima (長嶋水徳), qui a participé en première partie à la date d’Osaka de la tournée d’Haru Nemuri. Cela m’a en quelque sorte rappelé à mes premiers souvenirs du choc qu’avait provoqué en moi la musique d’Haru Nemuri, mélangeant poésie rappée et rock parfois des plus virulents. Acheter un billet pour son concert a en quelque sorte attisé une flamme qui n’était pas éteinte, et je me suis ensuite mis à écouter son album Shunka Ryougen pour me préparer au concert, tout en me disant que j’avais eu tord de ne pas m’y être plongé plus tôt tant il regorge de morceaux puissants. Son style sur cet album est immédiatement reconnaissable, mais est en fait assez différent de Haru to Shura car plus varié dans son approche. Je me souviens avoir été un peu dérangé par les cris de type « death voice » qu’elle pratique sur quelques morceaux de INSAINT, mais ceux-ci interpellent sur les morceaux de Shunka Ryougen, notamment sur Never Let You Go (あなたを離さないで) et Shunka Ryougen (春火燎原), au point où cette rage qu’elle transmet dans sa voix me donne des frissons à chaque écoute. C’est un détail, mais le fait qu’elle utilise en interlude musical sur Shunka Ryougen une version, certes modifiée, du morceau Arabesque de Claude Debussy a fini par me convaincre que j’avais été très mal inspiré de ne pas avoir écouté cet album jusqu’à maintenant. Le morceau Never Let You Go (あなたを離さないで), ainsi que plusieurs autres, compte même parmi les morceaux que je préfère d’Haru Nemuri.

La prestation d’Haru Nemuri sur la scène de la salle WWW X de Shibuya, que je finis par bien connaître, était précédée de deux groupes. La première partie était assurée par un jeune artiste de 18 ans nommé Yatsui Ichijiku (奴居イチヂク) accompagné pour ce concert par le groupe EiQkessha (永Q結社). Suivait ensuite le groupe rock alternatif Mass of the Fermenting Dregs (en diminutif MOTFD ou Masudore), que je connais mieux même si je ne m’étais pas encore penché sur leur dernier album Awakening:Sleeping sorti en Août 2022. Le fait que Masudore joue en première partie d’Haru Nemuri m’a aussi convaincu que ce concert était une occasion à ne pas laisser passer. En fait, j’étais aussi très curieux de voir Haru Nemuri, car j’avais l’image d’une présence extrêmement dynamique et physique sur scène, du moins lors de ses tournées à l’étranger, où elle pouvait se jeter dans la foule. Je me suis demandé si elle pouvait être aussi proche du public sur une scène japonaise à priori plus réservée. Il s’avère qu’Haru a un talent certain pour animer la foule. Le concert démarrait à 19h pour une demi-heure en compagnie de Yatsui Ichijiku et de son groupe, suivi de Mass of the Fermenting Dregs à partir de 19:40 pour environ une heure de set et finalement Haru Nemuri à partir de 21:00 pour plus d’une heure.

Je suis arrivé quelques minutes avant 18h qui était l’heure annoncée d’ouverture de la salle WWW X. L’appel des numéros avait commencé avant l’heure et il n’y avait que peu de personnes regroupées devant la salle à ce moment là. Ça n’a pas empêché le staff de la salle de procéder à l’appel méthodique des numéros de places, et rapidement arriver jusqu’au numéro 300 vers lequel je me situais. Avec un tel numéro de place, j’aurais dû être placé dans la deuxième partie de la salle depuis la scène, mais le fait d’arriver tôt m’a permis de rentrer en avance et me placer proche de la scène au deuxième rang. Je ne souhaitais pas vraiment être trop près de la scène, sachant qu’Haru Nemuri fait parfois des sauts en diving dans la foule et qu’il faudrait éviter de se prendre une pointure de ses chaussures renforcées en pleine figure. J’entre au final dans la salle une heure en avance ce qui me laisse un peu de temps pour envoyer les messages traditionnels à Nicolas, et mahl également cette fois-ci, pour leur faire part de mon enthousiasme avant le début du concert. La salle se remplit petit à petit derrière moi. La proportion d’étrangers est plus importante que pour les concerts auxquels j’ai pu assister jusqu’à maintenant. Il faut dire qu’Haru Nemuri et Masudore font régulièrement des tournées à l’étranger, et ils entameront même très prochainement une tournée américaine. Je pense même qu’Haru Memuri et Masudore sont plus reconnus à l’étranger qu’au Japon. Pendant ce moment d’attente avant le début du concert, je reste attentif à la musique de fond qui nous fait patienter. Je me suis toujours demandé si ces morceaux d’attente étaient décidés par le management de salle ou par les artistes. Il semblerait que les choix de morceaux soient plutôt fait par l’artiste car Haru Nemuri partageait après le concert la playlist sur Twitter.

Pour la première partie, Yatsui Ichijiku et EiQkessha ont interprété 6 morceaux avec une énergie et une assurance assez bluffante. Le premier morceau était en fait joué par d’autres musiciens que ceux de EiQkessha puis un changement s’est opéré à partir du deuxième morceau. Les morceaux que j’ai pu écouter sur le premier et unique EP Temee no Sōmatō de mata Aou (テメェの走馬灯でまた会おう。) de Yatsui Ichijiku se base principalement sur une instrumentalisation électronique tandis que la formation lors du concert était plutôt orientée rock avec guitares et batterie. Le beat électronique était bien entendu présent et même particulièrement puissant sur certains morceaux. Yatsui Ichijuku maîtrisait très bien son set mais on sentait qu’il n’était pas complètement à l’aise lorsqu’il s’adressait à la foule pendant les quelques passages de MC. Leur set a passé assez vite car les morceaux se sont enchaînés avec beaucoup d’énergie.

Les interludes entre les groupes étaient heureusement assez courts. Pour la préparation du set de Masudore, j’étais assez surpris de voir les membres du groupe faire leurs ajustements d’instruments eux-mêmes. Il faut dire que Mass of The Fermenting Dregs est complètement indépendant, même dans la production de leurs albums, ce qui suppose qu’ils faut qu’ils fassent tout par eux-mêmes. Quelques membres du Staff étaient tout de même présents, dont une personne portant un t-shirt du feu groupe Ms.Machine, ce qui m’a bien étonné mais fait sourire. J’écoute Masudore depuis de nombreuses années et j’étais content de voir monter sur scène Natsuko Miyamoto (宮本菜津子) qui assure le chant et la guitare basse, Naoya Ogura (小倉直也) à la guitare et au chant, et Isao Yoshino (吉野功) à la batterie. Leur set est un mélange de leur dernier album Awakening:Sleeping et de quelques morceaux plus anciens. Je les connaissais tous à part un inédit qui n’est pas encore sorti en single. J’ai découvert leur dernier album Awakening:Sleeping récemment et je l’ai beaucoup aimé, notamment le long morceau quasiment instrumental intitulé 1960 qui était au centre de leur setlist de concert. Quelle puissance de guitares et de batterie! Nos oreilles n’en sortent pas tout à fait intactes, mais c’est un véritable bonheur. J’adore le jeu de guitare de Naoya Ogura, et le fait de le voir jouer sur scène, le visage caché dans ses cheveux noirs. C’est pour sûr un esthète car on a le sentiment que sa manière de se positionner sur scène est réfléchie, notamment par rapport à Natsuko Miyamoto qui se laisse entraîner par le flot des guitares et par les sensations qu’elles procurent. Il y a une certaine complémentarité dans leur manière d’être sur scène. Le batteur à l’arrière est forcément plus discret mais ça ne l’empêche pas de taper très fort. Pendant les moments de MC, Natsuko nous a rappelé la premiere rencontre de Masudore avec Haru Nemuri. C’était il y a sept ans et Haru démarrait sa carrière. Elle avait apparemment fait la première partie de Masudore et le concert d’aujourd’hui était en quelque sorte un retour d’ascenseur. Là encore, les morceaux se sont enchaînés sans temps mort avec toujours la même puissance. C’est assez agréable de reconnaître certains morceaux des premiers EPs, comme l’excellent Delusionalism par lequel j’avais découvert le groupe et que je n’avais pas écouté depuis longtemps.

À la fin du set de Masudore, la scène prend une toute autre forme. La batterie est poussée à droite et des équipements électroniques sont mis en place. Après le DJ et le batteur, Haru Nemuri entre ensuite en scène sur le morceau Destruction Sisters du dernier EP INSAINT puis enchaîne rapidement sur deux morceaux de son premier album Haru to Shura, Narashite (鳴らして) puis Sekai wo Torikaeshite Okure (せかいをとりかえしておくれ), ce qui met tout de suite la foule dans de bonnes conditions. Haru bouge beaucoup sur scène, danse en se laissant entraîner par le flot et le rythme de ses morceaux. Elle encourage d’entrée de jeu le public à montrer sa présence et à faire corps avec elle. Elle arrive très bien à engager le public, d’une manière que je n’avais pas constater sur les concerts que j’ai pu voir ces dernières années à Tokyo. Je pense que son expérience des concerts à l’étranger se ressent sur scène au Japon. Et une fois que le public est chaud, la tension ne redescend pas de si tôt et l’accompagne jusqu’au bout. Haru dépense beaucoup d’énergie sur scène, ça se voit et elle est même obligée de prendre quelques moments de pause entre deux morceaux pour souffler. Elle en profite pour s’addresser au public. On ressent qu’elle s’investit pleinement dans sa musique, ce qui me rappelle que les émotions qu’elle transmet sont tout à fait authentiques et même touchantes. Je me souviens avoir été parfois un peu agacé par ses coups de gueule nombreux sur les réseaux sociaux, mais on ressent à travers ses mots qu’il s’agit d’angoisses véritables qui la prennent au cœur et qu’elle a besoin de transmettre. Elle nous en parle un peu pendant ses passages adressés au public. Alors qu’elle semble épuisée après un morceau au milieu du set, une personne dans la foule lui demande si elle va bien: « Daijōbu ? ». Elle répond par la négative en rigolant: « Daijōbu ja nai! ». Et elle nous indique que cette question est en fait fort à propos car son prochain single prendra justement ce titre et ses paroles. Elle nous annonce qu’il s’agit d’une collaboration sur un EP avec le groupe américain Frost Children composé de deux sœurs. Le morceau Daijoubu Desu est disponible au moment où j’écris ces lignes, mais ne l’était pas au moment du concert.

Le set d’Haru Nemuri se compose de 14 morceaux sans rappels. Il faut dire que, dans sa totalité, ce concert dépasse déjà les 2h et demi. J’adore quand Haru se rapproche au plus près du public. On sent qu’elle en a besoin. Il y a une balustrade entre la scène et le public et elle n’hésite pas à monter dessus en s’aidant des mains du public pour se placer au dessus de l’audience. Elle a même fait un saut dans la foule à la fin du morceau Sekai wo Torikaeshite Okure. Comme j’étais au deuxième rang, il est arrivé plusieurs fois qu’elle se tienne debout juste devant moi. Je n’aime pas beaucoup me distraire du concert en prenant des photos ou des bouts de films mais je n’ai pas pu m’empêcher à ces moments là. Pour le dernier morceau intitulé Ikiru (生きる), elle se tenait également juste devant moi. L’émotion était très grande à ce moment là car elle retenait ses larmes à la toute fin du concert. C’est un moment très particulier que j’ai pu filmer et que je regarde encore maintenant, un peu plus d’une semaine après le concert. Encore une fois, on se dit qu’elle ne triche pas et que son attitude correspond souvent à un excès émotionnel. Le morceau Shunka Ryougen (春火燎原) qui précédait Ikiru était particulièrement prenant car elle a fondu en larmes en plein milieu. J’ai pensé à ce moment là qu’elle avait craqué, mais en fait non, elle reprend le dessus et continue à chanter. Je ressens cette dualité entre fragilité et force dans son chant, et cela a toujours été un aspect que j’ai aimé dans la musique d’Haru Nemuri. Ce concert me rappelle à tout cela, ponctué de messages existentiels entre la vie et la mort. Sa voix peut être puissante et dure sur des morceaux comme I refuse (わたしは拒絶する) et Never Let You Go (あなたを離さないで). En live, cette voix ressemblant à un cri est réminiscente du death metal. Elle donne froid dans le dos lorsqu’on l’écoute.

Une des surprises du concert était de voir le rappeur GOMESS soudainement débouler sur scène sur le morceau Rock’n’roll never dies (ロックンロールは死なない). Les deux avaient déjà chanté en duo sur le morceau sore eyes sorti en 2016. GOMESS assurait également la première partie de cette tournée d’Haru Nemuri à Nagoya et Osaka. Je connaissais son nom depuis longtemps pour des morceaux de Yackle (烏の餌 et Judge) avec la compositrice et interprète Utae dont j’ai souvent parlé sur ce blog. Pendant toute une partie de ce morceau, Haru se trouvait une nouvelle fois debout en hauteur portée par la main d’une spectatrice, tandis que GOMESS faisait des aller-retours sur scène. Il avait l’air d’être impressionné par l’ambiance qui régnait dans la salle. Sa voix puissante contribuait à mon avis très bien à faire monter la température. Je trouve que le costume de scène d’Haru et sa coiffure étaient très travaillés et vraiment magnifiques. Le costume un brin futuriste a été conçu par Lisa Tsuchiya. Alors que le concert s’achève déjà, Haru Nemuri accompagnée de son groupe descendent de la scène pour une photographie avec le public. On peut d’ailleurs me voir sur la gauche de la photo. Tout le concert a été filmé par un amateur de Glasgow qui lui avait demandé la permission préalable et qui avait déjà filmé son concert à Glasgow. J’espère que cette vidéo sera présente sur YouTube prochainement. Les photographies du billet sont prises par moi-même, par le photographe attitré Ed Sōta et par un membre du public nommé Yuasa qui a fait un travail intéressant sur le rendu de ses photos ressemblant à un traitement HDR. Je me permets de mélanger ces photos avec les miennes pour illustrer convenablement ce rapport de concert. Il est 22:30 et c’est le moment de sortir de la salle. En entrant, je n’avais pas vu un beau bouquet de fleurs au nom de NHK Venue 101. Je ne pense pas qu’Haru Nemuri soit déjà passée dans cette émission musicale de la NHK. Elle passera peut-être dans un avenir proche, ce qui serait une bonne nouvelle pour Haru en terme de visibilité locale. Sur les tables près de la sortie, des flyers annoncent déjà le prochain concert d’Haru Nemuri qui se déroulera dans cette même salle WWW X de Shibuya. Il s’agira d’un concert à deux artistes car Haru partagera l’affiche avec les rappeurs expérimentaux japonais Dos Monos, pour un concert le 11 Novembre 2024. Je ne connais pas la musique de Dos Monos, mais je connais par contre Zo Zhit, un des trois rappeurs du groupe, pour un duo avec AAAMYYY sur le morceau Tengu de son album Annihilation. Zo Zhit était également présent lors du concert Option C d’AAAMYYY. Sa voix puissante m’intéresse depuis un moment, et il faut que je jette prochainement une oreille attentive à la musique de Dos Monos.

Pour reference ultérieure, je note ci-dessous les set lists des trois groupes et artistes participant à la tournée Haru Nemuri Tour 2024 | Flee from the Sanctuary (サンクチュアリを飛び出して) le 6 Septembre 2024 dans la salle WWW X de Shibuya. Pour Yatsui Ichijuku, je lui ai en fait demandé directement et il m’a gentiment et très rapidement donné sa playlist sur Twitter.

Yatsui Ichijiku (奴居イチヂク) with EiQkessha (永Q結社):

1. テメェの走馬灯でまた会おう。
2. 首都圏絆創膏
3. TECHNICS
4. 愛いびぃ愛らゔゆぅ
5. ヨミへ…。
6. 魂のlv./永Q結社

Mass of the Fermenting Dregs (マスドレ – MOTFD):

1. Dramatic, de l’album Awakening:Sleeping
2. Sugar, de l’album No New World
3. New Order, de l’album No New World
4. Aoi, Koi, Daidaiiro no Hi (青い、濃い、橙色の日), du EP World is Yours
5. 1960 de l’album Awakening:Sleeping
6. New song
7. Delusionalism, du EP Mass of the Fermenting Dregs
8. Slow-motion Replay (スローモーションリプレイ), de l’album No New World
9. ASAHINAGU (あさひなぐ), de l’album No New World
10. World is Yours (ワールドイズユアーズ), du EP World is Yours

Haru Nemuri (春ねむり):

1. Destruction Sisters (ディストラクション・シスターズ), du EP INSAINT
2. Narashite (鳴らして), de l’album 春と修羅 (Haru to Shura)
3. Sekai wo Torikaeshite Okure (せかいをとりかえしておくれ), de l’album 春と修羅 (Haru to Shura)
4. I refuse (わたしは拒絶する), du EP INSAINT
5. Never Let You Go (あなたを離さないで), de l’album Shunka Ryougen (春火燎原)
6. Souzou suru (そうぞうする), de l’album Shunka Ryougen (春火燎原)
7. Who the fuck is burning the trees (森が燃えているのは), de l’album Shunka Ryougen (春火燎原)
8. Pandora (パンドーラー), de l’album Shunka Ryougen (春火燎原)
9. Flee from the Sanctuary (サンクチュアリを飛び出して), du EP INSAINT
10. Kick in the World (déconstructed), de l’album Shunka Ryougen (春火燎原)
11. Rock’n’roll never dies (ロックンロールは死なない) feat.GOMESS, de l’album 春と修羅 (Haru to Shura)
12. Inferno (インフェルノ), du EP INSAINT
13. Shunka Ryougen (春火燎原), de l’album Shunka Ryougen (春火燎原)
14. Ikiru (生きる), de l’album Shunka Ryougen (春火燎原)

Et quelques videos pour conclure:
En complément du billet, je montre ci-dessous trois vidéos que j’ai pris pendant le concert et que j’ai publié sur Twitter, dont je donne déjà les liens dans le billet ci-dessus.


덧붙여 대는 세공

Je fais beaucoup de nouvelles découvertes musicales en ce moment et j’ai un peu de mal à trouver le temps nécessaire pour écrire des billets spécifiques pour chacune d’entre elles. Je regroupe donc dans ce billet un certain nombre de ses nouvelles musiques qui sont pour moi à chaque fois passionnantes. On commence tout d’abord par le morceau Summer Anthem (サマーアンセム) de Mononoke. Comme son titre le suggère, ce morceau a été emblématique de mon été car il a accompagné avec beaucoup d’autres notre voyage en voiture vers la péninsule de Kii. Ce morceau a un petit quelque chose d’estival qui me convient très bien pour cette deuxième partie et toute fin d’été. La musique pop rock de ce jeune compositeur et interprète de 19 ans originaire de la ville d’Akashi dans la préfecture de Hyogo n’a bien entendu pas de lien particulier avec la princesse de l’univers Ghibli. Mononoke assure par lui-même la composition, l’écriture, les arrangements et la production de ses morceaux et les chante avec une voix à la fois forte et très mélodieuse. C’est quand même assez impressionnant à ce jeune âge et très prometteur. J’ai découvert ce morceau grâce à la playlist RADAR: Early Noise de Spotify, que je découvre un peu par hasard en consultant les playlists de l’application de streaming que je n’utilise pourtant pas d’ordinaire. Cette même playlist contient un autre excellent morceau de style rock indé intitulé Kid Blue par le groupe Enfants, sur leur 3ème EP D. sorti le 31 Juillet 2024. Ce nom de groupe en français est apparemment un diminutif du nom « Les enfants dans la lune », mais je n’ai pas réussi à obtenir plus d’information, car des recherches internet sur ce nom ne m’amènent bien sûr pas vers les pages du groupe.

J’ai également dans ma playlist le dernier single de Hitsuji Bungaku (羊文学) intitulé Burning. Il sert de thème pour l’anime Oshinoko (推しの子) et on peut d’ailleurs reconnaître le personnage d’Ai Hoshino (星野アイ) sur une de mes photographies en montage ci-dessus. Le morceau est très fort en guitares puissantes et bruyantes dès les premières notes. J’aime bien quand Moeka Shiotsuka joue dans ce registre car ça contraste idéalement avec sa voix et son chant beaucoup plus aérien. Je retrouve ensuite avec beaucoup de plaisir Emaru (エマル) et Asahi (朝日) de macaroom sur leur nouvel album intitulé Burning Chrome sorti le 7 Juillet 2024. La délicatesse vaporeuse du chant d’Emaru sur le sublime morceau Geinin (芸人) m’attire forcément. On a l’impression que sa voix effleure les choses, s’en approche très près sans les toucher, comme une pluie fine qui s’évapore avant de toucher le sol. C’est très beau et touchant. J’aime aussi beaucoup le morceau Burning Chrome reprenant le titre de l’album, dans un registre plus dynamique et moins retenu.

Depuis son single Tamashii (たましい) qui m’a beaucoup plu, je suis resté très curieux d’écouter les nouveaux morceaux d’ELAIZA (池田エライザ) et je découvre maintenant le single FREAK, qui me fait un peu penser à l’ambiance musical de Génie High. Le morceau a pourtant été écrit par Shizuku (雫) du groupe Polkadot Stingray (ポルカドットスティングレイ). Je pense que je vais continuer à la suivre pour son chant et la manière par laquelle elle s’approprie différents styles. A ce propos, Elaiza Ikeda, qui est également actrice, jouait le rôle de la policière d’investigation Kuramochi aux cotés de Lily Franky (リリー・フランキー) dans l’excellente série Les Escrocs de Tokyo (地面師たち ou Tokyo Swindlers) réalisée par Hitoshi One (大根仁) disponible sur NetFlix. Cette série prenant pour thèmes des histoires de fraude foncière à Tokyo est tout simplement passionnante et prenante au point où on a beaucoup de mal à en décrocher. Les acteurs et actrices sont excellents, Go Ayano (綾野剛) et Etsushi Toyokawa (豊川悦司), mais également Eiko Koike (小池栄子) et un certain Pierre Taki (ピエール瀧), la moitié du groupe Denki Groove (電気グルーヴ) avec Takkyu Ishino (石野卓球) qui compose d’ailleurs les musiques de la série. Pour revenir vers le rock indépendant japonais, le morceau on the beach (渚で会いましょう) de Laura day romance est une très belle découverte. Je connaissais le nom de ce groupe depuis un petit moment car il m’intriguait et je ne regrette pas de m’être plongé dans cette ambiance indie folk assez apaisé où on entend par moment le mouvement des vagues de la dite plage du titre. Laura day romance est un jeune groupe tokyoïte formé en 2017 par trois musiciens membres du même club de musique de l’Université de Waseda, Kazuki Inoue (井上花月) au chant, Jin Suzuki (鈴木 迅) à la guitare et Yūta Isomoto (礒本 雄太). Il s’agit là encore d’une affaire à suivre de près.

Dans un style pop rock plus tendu, j’écoute également le très bon morceau NOISE du mystérieux compositeur et interprète WurtS. Ce morceau est le thème du film Blue Period (ブルー・ペリオド) réalisé par Kentarō Hagiwara (萩原健太郎) et tiré d’un manga du même nom par la mangaka Tsubasa Yamaguchi (山口つばさ). On suit l’histoire de Yatora Yaguchi (矢口八虎), interprété par l’acteur Gordon Maeda (眞栄田郷敦), fils de Sonny Chiba, lycéen doué, mais qui s’ennuie, dans son aspiration à devenir artiste en passant le concours d’entrée de l’école des Beaux Arts de Tokyo. Mari m’avait conseillé d’aller voir ce film car elle a elle-même traversé les mêmes étapes pour entrer dans cette école. Regarder le film m’a donné envie de reprendre mes crayons pour revenir vers mes formes futuro-organiques. J’ai d’ailleurs à tout moment un dessin en cours que je reprends quand l’envie me vient.

Et pourquoi le titre coréen du billet? Tout simplement parce qu’il fait écho à un billet similaire dans son approche esthétique et parce que je continue à écouter les nouveaux singles de NewJeans, Supernatural et How Sweet. NewJeans est le seul groupe K-Pop actuel que j’apprécie, peut-être en raison de son approche musicale 90-00s qui me rappelle à une époque où j’étais beaucoup plus jeune.