sakura blackout

Ces photographies prises dans la pénombre datent déjà d’il y a deux semaines pendant le pic de floraison des cerisiers. Nous voulions voir les cerisiers le soir dans les allées éclairées du parc de Ueno. Malheureusement, nous sommes arrivés un peu tard et les lumières étaient déjà éteintes, malgré la foule amassée au pied des cerisiers. Dans ces moments là, je laisse volontairement glisser l’appareil photo pour voir ce que le mouvement peut donner comme nouvelles formes vivantes. J’aime découvrir après-coup les nouvelles dynamiques qui se créent sur l’image. Le résultat ne fonctionne pas toujours quand le mouvement est trop brusque ou le flou est trop accentué. Il y a une balance à trouver et qui est extrêmement suggestive. Dans un autre style, la série d’architecture de Hiroshi Sugimoto est un modèle. Elle représente d’une manière volontairement floue un grand nombre d’oeuvres architecturales connues, à un degré qui permet tout juste de les reconnaître tout en gardant à l’image l’intérêt du bâtiment. C’est cette balance idéalement ajustée qui rend les images intéressantes. Je ne prétends que mes photographies ci-dessus soient intéressantes, mais j’ai ces idées en tête quand je sélectionne celles que je vais montrer ici. Pendant que j’écris ces quelques lignes, je ressors le livre Architecture de Hiroshi Sugimoto de l’étagère derrière moi pour le feuilleter quelques instants.

Parfois envie de crier comme Courtney Love sur Violet, premier morceau de l’album Live through this de Hole sorti en Avril 1994, une semaine après la mort de son illustre époux. On ne peut pas dire que j’aime le personnage de Courtney Love, mais j’aime la force de sa voix. Je ne me souvenais que des morceaux les plus connus de l’album comme Violet, Miss World et Doll parts, mais l’album en entier est très bon. J’ai plaisir à l’écouter ce soir dans le métro du retour pour dégager silencieusement tout le stress accumulé de la semaine qui se termine finalement.

藝祭2018

Nous avons pris l’habitude tous les ans d’aller au festival Matsuri de l’école des Beaux-Arts de Tokyo, que l’on appelle Geisai. Je ne sais pas trop comment on se débrouille mais nous y allons toujours le dernier jour, le dimanche en fin d’après-midi au pas de course. J’aurais aimé prendre un peu plus mon temps cette fois encore, mais nous devions être revenu vers Shibuya à 17 heures pour la fin du matsuri du sanctuaire Hikawa. Je reviendrai certainement un peu plus tard sur cet épisode dans un autre billet. Au Matsuri de l’école des Beaux-Arts de Tokyo, située juste derrière le parc de Ueno, nous allons d’abord voir les mikoshi construits par des groupes d’étudiants et portés sur les épaules dans les rues de Ueno autour de la gare. Ce défilé se passe d’habitude le samedi donc on peut normalement voir les mikoshi au repos posés dans les cours de l’école. Malheureusement pour nous, ils étaient cette année en nombre limité, quatre seulement, et trois d’entre eux étaient exposés à la gare de Ueno. Nous n’en avons vu qu’un seul dans l’enceinte de l’école. Il s’agissait d’un étrange monstre verdâtre au visage menaçant et qu’on croirait sorti d’un laboratoire expérimental de savant fou. Ce personnage aux allures de personnage de manga fantastique ou de comic américain me disait très vaguement quelque chose, sans que je reconnaisse vraiment de quoi il pouvait s’inspirer. On pouvait quand même avoir un aperçu des trois autres mikoshi grâce à des maquettes en modèle réduit. L’éléphant blanc et doré à deux têtes avec un pavillon sur le dos avait l’air d’être très impressionnant. J’aurais aimé le voir en taille réelle mais nous n’avions malheureusement pas le temps d’aller jusqu’à la gare de Ueno. Outre les mikoshi, nous passons toujours par la cour extérieure entourée de stands de bouffe et d’une scène de concert. Une fois précédente, j’avais apprécié la musique électronique expérimentale de style IDM de Dan Kubo et Kazuki Muraoka. Cette fois-ci, l’espace devant la scène était pris d’assaut par un brouhaha de tambours et il était impossible de s’approcher ni même d’apercevoir ce qui se passait réellement. Le rythme des tambours était enjoué à l’excès comme pour libérer toute l’énergie restante avant de terminer ces journées festives de Matsuri. Nous allons ensuite vers le grand immeuble de béton blanchâtre qui couvre le département peinture de l’école. C’est le département où a étudié Mari il y a plusieurs années déjà. Nous concentrons la plupart de notre visite sur cet immeuble en commençant en général par le dernier étage, depuis lequel la vue est superbe soit dit en passant. Chacune des salles des étages sont classées par styles et années. Nous essayons de tout voir et je m’efforce à saisir les œuvres qui m’interpellent. Ce sont bien sûr des œuvres artistiques « jeunes » qui demandent à être approfondies et poussées plus loin. Mais je ne suis pas critique d’art et j’apprécie tout simplement cet enthousiasme artistique de la jeunesse.

une saveur de Tokyo

En photographies sur ce billet de haut en bas: (1) une grande fresque murale sur la nouvelle rue Shintora par Tokyo Mural Project, (2) une scène de rue à Ueno tout près du parc, (3) un autocollant de poulpe jaune par UFO907 posé sur une rambarde de rue devant la station de Ebisu, (4) le koban futuriste du parc de Ueno par Tetsuro Kurokawa, (5) un autre autocollant de la série dessinée par Kyne à Ebisu.

Je pensais que la librairie Kinokuniya près du Department Store Takashimaya à Shinjuku était entièrement fermée depuis son remplacement par un magasin de meubles et accessoires de maison, mais je n’avais pas réalisé que l’étage proposant des livres et magazines étrangers avait été conservé. C’est une bonne nouvelle car le rayon de livres en français y est assez conséquent. A vrai dire, je ne connais pas d’autres librairies avec autant de choix en français. Il y a bien le Yaesu Book Center près de la gare de Tokyo ou le Maruzen du building Oazo, mais le rayon français y est beaucoup moins important. J’avais en tête d’y trouver un livre de Michaël Ferrier. J’ai déjà lu son livre sur Fukushima, qu’il m’avait d’ailleurs envoyé avec une dédicace. A cette époque, mes articles sur l’architecture des Métabolistes japonais et sur les visions futuristes d’un Tokyo vertical construit sur la baie avaient inspiré un essai qu’il avait écrit pour un colloque et qui est également disponible dans un ouvrage de la série Croisements (le numéro 3 de l’année 2013).

Il y a quelques semaines, comme je l’indiquais dans un billet précédent, j’écoutais plusieurs épisodes de l’émission Hors-Champs de Laure Adler sur France Inter, consacrées au Japon. Laure Adler y interviewait, entre autres, le cinéaste Hirokazu Kore-Eda, l’écrivain Kenzaburo Oe ou le photographe Hiroshi Sugimoto. De fil en aiguille, je me suis mis à rechercher en podcast d’autres émissions intéressantes de Laure Adler, une interview du cinéaste Kiyoshi Kurosawa, ou une série en cinq épisodes consacrée à Roland Barthes. Dans une autre émission, Laure Adler interviewait l’écrivain Michaël Ferrier au sujet de son dernier livre Mémoires d’outre-mer. Le livre ne prend pas le Japon comme sujet ou comme décor, mais comme Michaël Ferrier habite à Tokyo, la ville y est tout de même aborder pendant l’interview. Dans la foulée de ce podcast, me revient donc en tête l’envie de lire d’autres livres qu’il consacre à Tokyo. J’avais déjà lu Tokyo, petits portraits de l’aube. Je pars donc à la recherche d’un autre roman, KIZU à travers les fissures de la ville, dont parlait Daniel il y a quelques temps. Peut-être le trouverais-je dans les rayons de Kinokuniya de Shinjuku.

Une fois là bas, je trouverais plutôt Le goût de Tokyo, car il vient d’être réédité. Je ne connaissais pas, mais il s’agit d’un épisode d’une série intitulée « Le goût de… » par différents auteurs et sur différents lieux, des villes ou des pays. Le goût de Tokyo est une anthologie de textes sur Tokyo, sélectionnés et commentés pour la plupart par Michaël Ferrier. Les textes sélectionnés sont de courts extraits de deux ou trois pages, par des auteurs français ou francophones principalement, mais également quelques écrivains japonais. Ces courts extraits nous proposent différents tableaux de la ville, sous ses aspects le plus fascinants et poétiques mais aussi les revers de cette ville. Il y a beaucoup de grands noms, des écrivains ayant fait un ou plusieurs séjours à Tokyo, comme Marguerite Yourcenar ou Claude Levis-Strauss, mais aussi des écrivains qui se sont fait connaître par leurs récits issus de longs périples au Japon, comme l’écrivain suisse Nicolas Bouvier. On apprécie beaucoup lire les impressions variées sur cette ville de la petite trentaine d’auteurs sur les 118 pages du livre. A travers ce recueil, Michaël Ferrier nous apporte un éclairage nuancé sur cette ville. Il n’hésite d’ailleurs pas à lancer quelques pics dans certains commentaires de textes sur des visions stéréotypées ou condescendantes de certains auteurs. Un problème typique est de penser détenir une vérité sur ce pays et ce peuple à travers une courte expérience parfois limitée. Il est toujours très hâté de dresser une généralité sur la totalité de ce pays à partir de cas particuliers que l’on aurait rencontré dans son expérience de vie au Japon. Ceci étant dit, la plupart des clichés existants sur le Japon sont vrai, mais le contraire l’est également, car comme pour tous pays, le Japon est composé de personnalités diverses qui ne s’inscrivent pas toutes dans le modèle de société japonais. Michaël Ferrier écrit d’ailleurs un petit paragraphe bien vu sur ce point là.

Ce livre se lit très vite, il se dévore même. Ce format est intéressant car il ouvre une porte vers d’autres auteurs. A la fin du bouquin, je remarque qu’il y a d’autres épisodes qui semblent intéressants, comme Le goût de Kyoto, Le goût du Japon mais aussi dans d’autres domaines Le goût de l’architecture, Le goût de la photo ou Le goût du rock’n’roll.

藝祭2017

L’année dernière, nous allions pour la première fois au Matsuri appelé Geisai 藝祭 de l’école des Beaux Arts de Tokyo (Geidai), où Mari avait fait ses études d’Art. Nous y retournons cette année encore. Nous gagnons l’école en traversant le parc de Ueno. Il ne me semble pas que nous avions emprunté ce chemin l’année dernière et nous sommes surpris par la multitude de petits stands installés dans le parc et dans les allées menant à l’école. Parmi les stands, nous recherchons d’abord une connaissance, la mère d’un copain d’école de Zoa dont la fille poursuit des études d’Art à Geidai. On y vend des T-shirts, fait mains, avec un design simple et géométrique qui me rappelle les premières heures de la représentation d’images en trois dimensions. Bien qu’il n’y ait pas de rapprochement direct, ces designs sur T-shirt me remettent en oreille la musique de Autechre. J’imagine aussi que ça serait une idée que de faire mes propres T-shirts avec certains de mes dessins de formes futuristes et organiques FuturOrga. L’idée me tente plutôt. En attendant, j’achète un T-shirt ou plutôt deux.

Une des attractions de ce matsuri, ce sont les mikoshi. Ici, ce sont des chars conçus et construits par les différents départements de l’école, qui défileront dans les rues de Ueno. Je les prends tous en photos un à un. Il me semble que ceux de l’année dernière étaient plus inspirés et mieux exécutés. Nous avons peu de temps mais nous allons quand même faire un tour dans le Département Peinture. A l’entrée d’un des ateliers du Département, Mari reconnait les noms d’un grand nombre de professeurs, écrits sur des petites plaquettes de bois devant la porte de l’atelier du rez-de-chaussée. Le nom de Mr Sakaguchi n’est lui plus inscrit car il a pris sa retraite au tout début de cette année. Nous étions d’ailleurs allés voir une de ses expositions à l’occasion de son passage en retraite.

Dans les salles du Département Peinture, les élèves exposent leurs oeuvres. Il s’agit bien entendu d’oeuvres jeunes, qui se cherchent souvent. Il n’y a pas que du bon ou du beau, mais on peut y voir des belles choses comme ces visages ci-dessus, très réalistes en noir et blanc.

En redescendant du bâtiment de l’école, j’entends les premières notes de guitare de Airbag de Radiohead. Dans le petit parc intérieur à l’école, un concert d’étudiants semble commencer brillamment et reprend ce morceau de OK Computer. Nous partons de l’école dans cette ambiance sonore, pour ensuite retrouver l’ambiance d’un autre matsuri dans la nuit d’une fin d’été au sanctuaire de Hikawa près de Shibuya.

des couleurs imprimées pour surmonter la ville

En revenant de Ueno en voiture, nous nous arrêtons quelques instants près d’un nouvel espace aménagé sous les voies ferrées, aperçu brièvement sur le chemin allé. L’endroit s’appelle 2k540 Aki-Oka Artisan. Comme son nom le laisse en partie deviner, il s’agit d’un espace regroupant des dizaines de boutiques artisanales, de styles variés. Les marquages au sol ainsi que tout l’intérieur de l’espace sont peint en blanc. Cela donne un assez bel effet, notamment les piliers soutenant la voie ferrée, comme on peut le voir sur les photographies ci-dessus.

Le reste des photographies de ce billet est beaucoup plus décousu. On commence par les points noirs et blancs de la boutique Comme des Garçons, à Marunouchi sur Naka-dori. Il y en a plusieurs dans cette rue. Le dessin de fleur bleue ainsi que la maisonnette très colorée au bord du canal se trouvent à Tennozu Isle. Je profitais d’une petite heure de libre pendant que Zoa assistait à son cours de programmation de robot, pour aller faire un petit tour à Tennozu Isle. Mon but était de prendre en photo la peinture gigantesque d’un sumo, ressemblant comme deux gouttes d’eau à Edmond Honda dans Street Fighter II. Malheureusement, elle avait été effacée. C’est bien dommage mais je ne suis que moyennement étonné car l’art de la rue est de toute façon éphémère. La dernière photographie montre un petit bâtiment près de Ebisu, également sur-imprimé, avec un visage et un buste dessinés. Je pense qu’il s’agit d’un bar ou d’un restaurant, mais je n’ai pas été voir de plus près.