le dragon aux neuf visages

Nous sommes ici toujours à Tokyo mais quasiment à son extrémité Ouest au bord de la préfecture de Yamanashi. Nous avions cette fois-ci dans l’idée d’aller voir un petit sanctuaire nommé Kuzuryū (九頭神社), le sanctuaire du dragon à neuf têtes, perdu dans les routes sinueuses montagneuses au delà du village d’Hinohara, et par la même occasion aller voir la cascade du même nom. Ce sanctuaire et cette cascade n’ont rien de majeurs mais nous l’avions tout de même noté sur notre carnet virtuel de lieux à aller voir car le sceau goshuin du sanctuaire montrant une figure de dragon m’intéressait. Le dragon est mon signe astrologique chinois. Mari et moi nous entendons toujours bien pour aller débusquer ce genre d’endroits improbables. Il n’est certes pas facile de s’y rendre sans voiture et le trajet fait de toute façon partie du plaisir que l’on a de s’y rendre. On ne peut pas se procurer le goshuin au sanctuaire mais un peu plus bas dans une grande maison traditionnelle faisant également chambre d’hôtes. Nous n’y passerons pas la nuit, bien que je me suis dit que passer une nuit ici loin de tout ne doit pas être désagréable. La cascade au dessus du sanctuaire était difficilement accessible car une partie du chemin en bois s’était affaissé, peut-être en raison d’un violent orage. Réparer ce chemin prendra certainement de nombreuses années car cet endroit n’est pas très touristique.

Alors que je suis en train d’écrire le texte du billet ci-dessus, ma timeline Twitter m’apprend la mort de Ryuichi Sakamoto (坂本一), et la nouvelle continuera à inonder cette timeline pendant plusieurs jours. Je ne pense pas avoir eu l’occasion d’écouter un disque de Ryuchi Sakamoto en entier, à part Solid State Survivor du Yellow Magic Orchestra. J’ai plutôt dans ma liste très étendue de morceaux sur mon iPod, quelques uns de Ryuichi Sakamoto vers lesquels je reviens régulièrement car ils ont une grande force d’attraction. Je ne prétendrais pas être soudainement un spécialiste de Ryuichi Sakamoto, car c’est très loin d’être le cas, mais je partage tout de même ces quelques morceaux que j’aime vraiment beaucoup. Il y a d’abord le très beau Normandia en collaboration avec l’autrichien Christian Fennesz pour un album Tribute à Haruomi Hosono intitulé Haruomi Hosono Strange Song Book sorti en 2008. Le morceau andata sur son album async (2017) est d’une beauté et d’une tristesse profonde, au point où j’hésite encore à entrer dans cet album. C’était peut-être prémonitoire mais j’avais justement commencé la semaine dernière à regarder le film-concert sur NetFlix Ryuichi Sakamoto: async at the Park Avenue Armory (2018). C’est le morceau qui m’est d’abord venu en tête après avoir appris son décès. Je suis ensuite revenu à l’écoute du morceau Hibari sur son album Out of Noise de 2009. Comme sur le morceau précédent, il ne s’agit pas d’une simple composition de piano car la musique de Ryuichi Sakamoto contient souvent des ambiances expérimentales qui se révèlent au fur et à mesure du morceau. Hibari commence sur quelques notes de piano d’un air plutôt simple, mais deux trames musicales répétitives se désynchronisent petit à petit. On attend que cette dualité se réajuste mais il faut attendre la fin du morceau après environ neuf minutes. Je ne peux m’empêcher d’y voir l’image d’un couple qui s’éloigne avec les années tout en restant proche et se retrouvent finalement au crépuscule de la vie. Alors qu’on roulait quelque part dans la campagne reculée de la préfecture de Yamagata, la radio locale passait le morceau The Other Side of Love de Ryuichi Sakamoto avec au chant sa fille Miu Sakamoto (坂本美雨), sous le nom de Sister M. Ce single date de Janvier 1997 et Miu Sakamoto avait 16 ans à cette époque. Cette musique là, d’inspiration pop, est très différente de la musique principalement au piano mentionnée précédemment et celle électronique de ses débuts. Ryuichi Sakamoto avait plusieurs visages. Toujours est-il que j’adore ce morceau un brin obsédant. Plus récemment, il y avait également ce superbe morceau In This World de Mondo Grosso sur son dernier album (2022) chanté par Hikari Mitsushima avec Ryuichi Sakamoto au piano. Et on ne peut bien sûr pas oublier son morceau emblématique Merry Christmas Mr. Lawrence, qui est disponible sur plusieurs albums et compilations. La version que j’ai sur mon iPod provient de l’album / 04 sorti en 2004. Ryuchi Sakamoto est né en 1952, année du dragon, et s’est éteint le 28 Mars 2023.