all for fun & sakura

Je continue inlassablement de montrer des photographies de cerisiers jusqu’à ce que mon stock s’épuise. Cette année, j’étais particulièrement motivé et je ne sais pas pourquoi. En fait si, je prends des photographies car j’ai besoin de marcher. Je ne marche pas pour photographier, je photographie pour marcher. C’est ma soupape de sécurité, elle ne dure pas très longtemps, mais elle est suffisante. Quant à l’écriture, je prends beaucoup de plaisir à écrire même sans prétention car c’est une des occasions principales pour moi d’écrire en français. J’écris pour ne pas m’éloigner trop loin et pour me rapprocher un peu. Mon équilibre fonctionne assez bien de cette manière. Je reviens donc à Daikanyama pour aller voir où en sont les cerisiers du parc Saigoyama. Les photographies ci-dessus datent du week-end dernier, donc on était encore à ce moment là en pleine floraison. Ensuite, comme je ne suis pas très loin, je descends la longue pente jusqu’à la fameuse rivière de Meguro, en apercevant au passage de jolies couleurs sur une grande maison protégée de tiges de métal noir. Comme suggéré par les écritures sur un mur du quartier, tout le fun est dans la découverte soudaine du fleuve de cerisiers en fleurs aux hasards des rues. Je les vois au loin mais hésite avant de m’approcher, étant moyennement tenté par une nouvelle plongée dans la foule. Mais il doit y avoir une certaine magie dans ce lieu qui me pousse à l’approcher. Nous sommes assez loin de la station de Naka-Meguro donc la foule est moins dense, malgré la proximité du nouveau Starbucks géant. Je n’y suis d’ailleurs jamais rentré car il faut d’abord acheter un ticket et attendre plusieurs heures avant espérer y entrer. On ne peut pas réserver pour plusieurs personnes à moins que chaque personne soit présente au moment de la réservation. Tout ceci me fait passer mon chemin. C’est bien dommage car j’aurais aimé voir la conception intérieure de ce bâtiment de Kengo Kuma.

Cette écriture « Fun for all, All for fun » écrite sur le mur près de la rivière, me fait soudainement penser à Honda Tsubasa 本田翼 dans la publicité Line Mobile, du service de messagerie LINE étendant ses activités à la téléphonie mobile low-cost. Je ne retiens en général pas les publicités, mais celle-ci, où on voit Honda Tsubasa s’amuser et danser comme elle le sent en répétant le message publicitaire, reste dans les mémoires. La photographie ci-dessus a été prise à l’iPhone à la station de Omotesando. La totalité des panneaux publicitaires et des écrans numériques étaient investis pendant une semaine par des images de Honda Tsubasa posant en personnage dédoublé pour la marque Michael Kors. C’est assez rare que tous les supports publicitaires de la station soient utilisées en même temps pour un même affichage. Ce qui me fait dire qu’on verra sans aucun doute beaucoup cette actrice, gameuse à ses heures perdues, dans les semaines ou les mois qui viennent. Elle semble avoir le vent en poupe en ce moment comme d’autres actrices de Stardust. On regarde toujours d’un œil attentif les personnalités liées à cette agence, car Zoa en fait également parti, sans avoir jamais été actif cependant. Les auditions n’ont pour l’instant jamais marché jusqu’au bout. Un jour peut être… J’écris ici pour conjurer le sort, en quelque sorte.

好きよ

Je mélange les lieux sur la série photographique ci-dessus. La première photographie montre des graffitis nouvellement dessinés sur un mur bas entre le croisement de Yarigasaki à Daikanyama et la pente qui mène à Naka-Meguro. Il s’agit de petits personnages colorés humoristiques semblant accrochés à la route au dessus ou semblant la soutenir à bout de bras. Juste à côté, je constate que la marque de vêtements Franco-japonaise Maison Kitsune lance une nouvelle fois une série d’affiches groupées au même endroit que l’année dernière. Ces visages rouges ont un côté diabolique. La troisième photographie de la série nous amène dans un tout autre lieu, à Setagaya dans le quartier de Chitose-Funabashi, alors que je recherchais la maison conçue par Kazuyo Sejima, House in a plum grove. Ce bâtiment noir avec des feuillages dessinés est un théâtre. On part ensuite vers le quartier de Hiroo, le long de l’avenue Meiji. Je pense avoir déjà pris plusieurs fois en photo cette vieille baraque en bois qui semble prête à s’effondrer au prochain tremblement de terre. Autant Tokyo est en éternelle transformation, autant certaines bâtisses sont inébranlables. Il y a plusieurs années déjà, j’aurais parié sur une démolition imminente, mais elle tient bon. Il y a un tel bazar au rez-de-chaussée que je me demande si elle est toujours habitée. Le souci est qu’elle se trouve juste à côté d’une station service et je n’ose imaginer les conséquences si elle était amenée à prendre feu pour je ne sais quelle tragique raison. Le chat de la dernière photographie habite les rues d’un quartier de l’arrondissement de Ōta. Je le trouve assis impassible sur le siège d’un vieux scooter hors-service. Il me regarde d’un drôle d’oeil mais ne bronche pas quand j’approche l’appareil photo. Je m’attends à ce qu’il passe à l’attaque à tout moment, mais il reste immobile à me regarder avec une autosuffisance certaine. Ce chat se rêve d’être un lion féroce.

J’écoute à nouveau la musique du groupe Midori ミドリ. Après avoir écouté l’album Aratamemashite, Hajimemashite, Midori Desu et les deux premiers EPs First et Second, je passe maintenant à l’album Shinsekai sorti en 2010. Cet album Shinsekai, nom emprunté au quartier surchargé d’enseignes et d’affichages d’Osaka, garde la même ambiance survoltée que l’on connaît de Midori, fusionnant de manière très étonnante et réussie punk et jazz, autour du personnage principal de cette musique, à savoir Mariko Gotō 後藤まりこ et le décalage inhérent qui l’accompagne. Ce décalage démarre dès le premier morceau Hato 鳩 avec le chant de Mariko Gotō sonnant presque mignon et innocent, mais on n’y croit pas une seconde. Dans ces moments là, connaissant Midori, on se demande quand la montée soudaine des guitares et des cris vont surgir. Mais, il s’agit, pour un premier morceau, d’une introduction calme avant le massacre sonore qui suivra. Les trois morceaux suivants sont très puissants, pas autant que le « Destroy » du deuxième morceau Yukiko-san de Ataramashite…, mais la rapidité du phasé et de la musique sont imparables. Sur le deuxième morceau Bonyo VS Boyo 凡庸VS茫洋, Gotō démarre très vite et très fort jusqu’à ce que sa voix déraille. Mais elle maîtrise tout de même étrangement bien cette violence sonore. On sent qu’elle est, à tout moment, en contrôle de ce qui se passe dans le morceau et on a même l’impression que la partie instrumentale en deuxième partie du morceau subit l’inertie générale imposée par son chant. Les Sukiyo (好きよ) au rythme atténué vient comme réguler le flot musical. J’aime beaucoup ce morceau. Le reste contient cette même menace sonore faite de chaud et de froid, à l’intérieur d’un même morceau. Il y a un peu plus de morceaux calmes que les albums précédents mais l’accalmie n’est toujours que de courte durée…

one face

Avant de traverser au croisement de deux rues sans noms, l’une montant vers Daikanyama et l’autre longeant la voie ferrée menant à Shibuya, je me sens une nouvelle fois comme observé. Je dis discrètement à Zoa de regarder au sol, l’air de rien et sans se faire remarquer. On nous observe avec des grands yeux et un air étonné. Le feux passe au bleu, nous traversons avec un petit sourire aux lèvres. Il n’a pas réalisé que nous l’avions débusqué.

En partant de la rivière Meguro au delà du Starbucks dont je parlais auparavant et en regagnant Shibuya, on peut facilement confondre le bâtiment de la deuxième photographie de l’article avec un gros buisson. Si on regarde de plus près, mais il faut bien s’approcher, on remarque une porte qui permet de rentrer à l’intérieur de ce buisson. Il y a même un bistrot au niveau de la rue. La ressemblance de ce buisson géant avec un bâtiment habité est vraiment bluffante. Il est placé dans une rue très ouverte et avec le soleil de cette journée et le froid dehors, ce moment bucolique à marcher dans cette rue était des plus agréables.

Sur le petit bâtiment de la troisième photographie du billet, on se demande si l’agacement des plaquettes de bois est volontaire ou a subi les méfaits de contraintes budgétaires. Le reste du bâtiment est en béton. Ce bois désordonné et délavé n’est placé que pour l’apparence. Cela donne peut être la fausse impression que la maison est abandonnée et qu’il fait mieux passer son chemin.

Les pruniers en fleur sont de retour avant les cerisiers. Les fleurs de pruniers n’ont qu’une seule utilité, nous préparer mentalement à l’arrivée des cerisiers le mois suivant. Celui sur la quatrième photographie du billet se trouve le long de la rivière bétonnée de Shibuya. Par sa présence, il essaie tant bien que mal d’embellir les lieux. Sur la photographie, je le confronte à son environnement immédiat, une barre d’immeuble quelconque comme on en trouve beaucoup en ville, avant sa destruction probable pour remplacement par des tours de verre quelconques.

A Daikanyama, je suis toujours attiré par le bâtiment à la forme d’une pseudo-hélicoïde, mais les tentatives de photographies ne lui rendent jamais justice. Celle du dessus non plus, mais j’abandonne les essais pour l’instant en montrant cette version sur la cinquième photographie du billet.

J’écoute de temps en temps mais assez régulièrement l’album Kūdō desu 空洞です (c’est creux) de Yura Yura Teikoku ゆらゆら帝国 datant de 2007, mais je me rends compte maintenant que je ne l’ai jamais mentionné sur ce blog. Je suis dans ma phase rock indépendant en ce moment donc cet album est également dans ce style là, mais dans une version plus nonchalante que ce que j’écoute d’habitude, notamment par la façon de chanter du leader du groupe Shintaro Sakamoto. On dit que ce groupe se classe dans le genre du rock psychédélique. Je veux bien croire que ces morceaux ont un côté hypnotisant notamment pour les répétitions musicales de riffs de guitares. Les morceaux ont une personnalité bien particulière, chantés parfois sur le ton de la plainte parfois donnant l’impression que le groupe est dans un éventuel état second. On finit par vaciller également en écoutant cet album. L’empire du vacillement est d’ailleurs une traduction du nom du groupe. Il y a une grande unité dans cet album dans le sens où bien que tous les morceaux soient bons, il n’y en a pas un qui sort du lot ou qui agit comme repère dans l’album. On se laisse plutôt engouffrer dans le flot musical répétitif jusqu’au final. Des sons différents comme de la flûte de pan ou du saxophone viennent parfois perturber ce flot tranquille. Le morceau le plus particulier et le plus psychédélique, à mon avis, est le huitième 学校へ行ってきます, qu’on traduit par « Je vais à l’école ». Il a des allures de rock expérimental dans le son, et par le phrasé grave et monocorde du chanteur sur ce morceau en particulier. Pour renforcer cette impression générale de nonchalance, les titres des morceaux et les textes en général sont d’une simplicité amusante. Je ne vais cependant pas creuser le sujet pour savoir s’il y a un sens profond derrière la simplicité de ces titres comme 美しい (c’est beau) ou できない (je n’y arrive pas). Cet album n’est pas une nouveauté mais un bel album tout de même, assez apaisant dans son ensemble.

walking in a spiral: side B

La musique de l’album The Trip de Gimgigam, sorti le 15 février sur le label japonais Local Visions, vient accompagner les éclats vifs de lumière dans la nuit, représentés sur les photographies ci-dessus composant le second épisode de cette série qui me fait marcher en spirale dans Tokyo. Je ressens dans cette musique la même sensation d’éblouissement lumineux que j’entrevois dans ces photographies de rues. Sous certains attraits, cet album de Gimgigam s’approche d’une version actualisée et modernisée de la musique city pop des années 80. The Trip fait intervenir une bonne dose de musique électronique assez enjouée, avec parfois des interventions de saxophone, des bruitages d’oiseaux ou des ensembles de bruits qui ressemblent à une jungle. Cet album est un ensemble musical particulier assez éloigné de ce que j’écoute d’habitude. Une bonne partie de l’album fait intervenir des voix extérieures de différents styles, toutes assez typées et originales dans leur manière de chanter, Yoko.T par exemple sur le deuxième morceau Orange. Je suis en fait arrivé sur cet album, disponible sur Bandcamp, par le morceau Horizon chanté par Takara Araki, que je suis sur Twitter depuis la découverte il y a quelques mois de son premier EP Paranoïa. J’aime beaucoup ce morceau et cette façon mouvante et inhabituelle de chanter. Le morceau prend vraiment son envol quand le rythme décolle au milieu du morceau. Le titre suivant Daydream prend des traits plus légers et ensoleillés mais là encore la voix invitée, celle de Yosoji est belle et typée. La dernière partie de l’album est plus instrumentale et un peu trop excessive dans l’instrumentation sur certains morceaux pour mon goût. J’ai un peu de mal avec les afflux électroniques du morceau Dancin’ par exemple. Mais le décalage entre ce ton musical sur-coloré et triomphant et les quelques paroles mentionnant une hypothétique disparition de la race humaine, est intéressant, comme si on devait par cette musique ignorer un événement tragique futur par un excès d’optimisme. Si on exclut le dernier morceau qui est une version remix, très bonne d’ailleurs, du quatrième morceau Daydream, l’album The Trip se conclut sur le morceau électronique instrumental Soiree, qui fait écho au premier titre de l’album, instrumental également, intitulé Matinee, en français dans le texte mais sans les accents (peut être par erreur d’ailleurs). J’aime beaucoup ce dernier morceau, qui est un des meilleurs de l’album pour sa dynamique très accrocheuse et le hachage musical qui intervient par moment sur les samples de voix.

why everything…

En marchant dans les rues de Daikanyama et Naka-Meguro, je redécouvre le petit bâtiment tout en distorsion, Natural Stick Ⅱ par EDH Endoh…

En écoutant le superbe album de rock indé aux accents pop de Deerhunter, Why hasn’t everything already disappeared?…