Quelques couleurs glanées à différents endroits de Tokyo sous la lumière forte et le ciel sans nuages d’hiver. Il fait froid mais l’ambiance du tout début d’année est agréable dans un Tokyo en grande partie vide de sa population. A vrai dire, comme je prends assez peu souvent les gens en photographie, on peut avoir l’impression que Tokyo est une ville vide de population à longueur d’année. Sur cette petite série de cinq photographies, j’aime particulièrement la première montrant l’arbre aux enfants こどもの樹 par Tarō Okamoto 岡本 太郎. Cette statue aux têtes colorées est prisonnière de barrières depuis quelques temps déjà. Les couleurs se répètent sur un immeuble de l’avenue Meiji à proximité du croisement de Harujuku, sur des véhicules développés par Toyota stationnés en groupe à l’arrière d’un building, sur un alignement de figurines sur le bord d’une fenêtre quelque part près de Sangūbashi. L’alignement sur cette photographie se poursuit sur la photographie d’affiches de films sur un des murs de béton d’un cinéma indépendant à Shibuya. Sur cette dernière photographie, j’aime surtout le contraste entre le papier fragile et coloré des affiches et le béton massif et grisâtre. Pour m’accompagner en musique en cette froide journée des congés de début d’année, j’écoute la musique de Susumu Hirasawa.
Je connais le compositeur et interprète Susumu Hirasawa 平沢進 depuis que j’ai vu son nom apparaître dans les crédits sur certains morceaux de YAPOOS sur l’album Dadadaism. Il a composé les musiques de deux morceaux Virus et Kondoru ga Tonde kuru sur Dadadaism, mais également des morceaux précédents à cet album comme Virgin Blues. J’écoute l’album Technique of Relief 救済の技法 (Kyuusai no Gihou) sorti en 1998. Il s’agit d’une musique électronique orchestrale extrêmement dense, que je dirais même épique, avec une approche symphonique teintée de world music. C’est un style musical assez différent de ce que j’ai l’habitude d’écouter, très efficace et dynamique sur certains morceaux, poussant à la méditation sur d’autres morceaux, comme sur le quatrième, Ghost Bridge par exemple. Sur ce morceau, j’ai l’impression de connaître cette voix depuis très longtemps, même avant mon arrivée au Japon. C’est une sensation assez bizarre. Il y a parfois dans ces morceaux une tristesse cinématographique, une intensité émotionnelle forte sur des morceaux comme Moon Time. La voix tout en nuances de Hirasawa y est pour beaucoup. Les morceaux sont tous très mélodiques, mélangeant parfois des sonorités sud asiatiques comme sur le morceau Strange Night of the Omnifiscience 万象の奇夜, un autre morceau qui me fait faire une pause dans ce que fait pour apprécier sereinement ces notes. J’ai développé une sorte d’addiction pour cet album que j’ai déjà écouté plus de vingt fois, je pense. Je ne pense pas me lancer dans la découverte méthodique de l’oeuvre musicale de Susumu Hirasawa ou de son groupe P-MODEL avant sa carrière solo, car sa discographie est extrêmement étendue. Je vais piocher au hasard quelques albums, peut être celui qui contient des morceaux de la bande originale du superbe film d’animation Paprika de Satoshi Kon 今敏.