a street supreme

Ces photographies sont des petits instants de rues, certes très classiques sur Made in Tokyo. J’aime prendre ce genre de photographies de rues sans thèmes précis, seulement des détails qui ont attiré mon oeil à un moment donné. Ce sont parfois les plantes posées devant les immeubles, ou les couleurs de certains bâtiments qui me font m’arrêter pendant quelques secondes. Les photographies suivent le rythme de ma marche et il est rare que je revienne sur mes pas pour prendre une photo que j’aurais manqué quand mon pas est trop rapide. L’acte de marcher est en fait plus important que l’acte de photographier. Si je manque une photographie cette fois-ci, je la prendrais un autre jour. J’ai d’ailleurs déjà pris en photo certains lieux montrés ci-dessus comme les immeubles rectilignes de l’avant-dernière photographie. Le léger écart (隙間) qu’on devine entre les deux barres d’immeubles m’attire. On a l’impression que ces deux constructions sont en mesure de glisser l’une sur l’autre comme des plaques tectoniques.

J’écoute intensément depuis quelques jours l’album A love supreme de John Coltrane enregistré en Décembre 1964 et sorti en Janvier 1965. Intensément car le saxophone de Coltrane, inscrit dans un quartet, opère comme une sorte d’addiction qui me fait revenir sans cesse vers cet album. Je suis complètement néophyte en Jazz mais je ne suis pas pour autant réfractaire au genre. Je pense que je ne sais tout simplement pas par où commencer. J’ai toujours eu le sentiment que je me mettrais à écouter et apprécier le jazz quand je serais plus âgé et que j’ai encore du temps devant moi. Mon attirance est plutôt pour les formes atypiques du free jazz, qui est la tendance vers laquelle se dirige la musique de Coltrane. Il y a quelque chose de magnétique dans les sonorités non évidentes de saxophone et une grande liberté harmonique qui viennent gentiment pénétrer tous les recoins de mes neurones. Il se trouve que l’album A love supreme est un grand classique du Jazz, ce qui me donne envie de continuer à chercher un peu plus dans cette direction (toute recommandation est bienvenue). On peut se demander pourquoi cette bifurcation inattendue vers cet album de jazz? Un article de Pitchfork couvrant cet album est en fait tombé sous mes yeux de manière inattendue alors que je naviguais dans les flux de Twitter ou d’Instagram. À chaque fois que je lis un roman de Haruki Murakami, il nous parle discrètement mais systématiquement de jazz avec des noms de formations que je ne connais jamais. Je me dis à chaque fois que je devrais essayer d’explorer ce qu’il nous conseille dans ses livres, mais il m’a toujours manqué un déclencheur. Le déclenchement aurait pu être le film Whiplash de Damien Chazelle, que j’adore non seulement pour les interprétations de JK Simmons et Miles Teller mais aussi pour l’interprétation musicale notamment le final tout simplement grandiose. C’est un film que je regarde régulièrement, au moins une fois par an, et je m’y suis remis cette semaine encore. Mais le véritable déclencheur de mon écoute de A love supreme est l’association des deux images ci-dessous.

En lisant l’article de Pitchfork sur A love supreme de John Coltrane et en voyant la pochette de l’album, je me suis rappelé du rapprochement évident avec la couverture du morceau A life supreme (至上の人生) de Sheena Ringo, sorti en single accompagné du morceau To Rock Bottom (どん底まで) en Janvier 2015 (soit exactement 50 ans plus tard), et qu’on retrouvera ensuite sur l’album Sandokushi (三毒史) sorti quatre ans plus tard. Le style musical de ces morceaux de Sheena Ringo n’a absolument rien à voir avec le jazz de Coltrane, car les morceaux de Sheena sont résolument rock. Mais on remarque clairement que la typographie et le cadrage des mots, ainsi que le titre anglais, font directement référence à cet album de Coltrane. Je ne connais pas la raison exacte de ce rapprochement. En repensant au morceau Flight JL005 (JL005便で) sorti l’année d’avant en 2014 sur l’album Hi Izuru Tokoro (日出処), je me souviens qu’il lui avait été inspiré par le vol JL005 reliant l’aéroport international de Tokyo et l’aéroport international John F. Kennedy à New York. J’imagine que cette influence américaine a aussi gagné ce single A life supreme. Ses influences musicales sont assez vastes mais je n’ai jamais vu John Coltrane clairement mentionné. Ceci étant dit, je ne pense pas que la photographie de couverture montre une rue enneigée de New York. Les photographies accompagnant le single ont été prises par la photographe japonaise basée à Paris, Shimmura Mari (新村真理), et je pense donc qu’il s’agit plutôt de Paris. Le site web de la photographe ne le précise malheureusement pas. D’autres photographies de nature, superbes d’ailleurs, à l’intérieur du livret sont plutôt prises en Croatie.

C’est intéressant d’ailleurs de voir que cet album de John Coltrane peut être source de diverses inspirations. Pitchfork publiait également un article sur une vidéo de skateboard en noir et blanc de 1995 réalisée par l’artiste Thomas Campbell et prenant le même titre que l’album de Coltrane. Les deux premiers morceaux des quatre mouvements de l’album sont d’ailleurs joués en accompagnement. Cette vidéo est commanditée par la marque de street wear Supreme. Bien que je n’ai aucune affinité pour cette marque, j’ai toujours eu une certaine attirance pour l’esthétique DIY du monde du skateboard. En fait, je pense que j’aime surtout la manière dont les skateboarders s’approprient l’univers urbain, à la limite de l’interdit. Le petit film ne se concentre d’ailleurs pas seulement sur les scènes de skateboard et montre de nombreuses scènes de rues comme un documentaire du New York des années 90. La musique pousse même à une certaine méditation.

just can’t help it

Je ne peux m’empêcher de prendre en photo les dessins sur les murs dès que j’en aperçois au hasard de mes promenades en ville. Les couleurs de la nature urbaine sont parfois tellement prononcées qu’on a l’impression qu’elles sont dessinées au feutre épais ou à la bombe de peinture. La cinquième photographie ne montre pas un dessin de rue mais la manière dont l’ancienne voiture apparaît derrière un fin rideau grillagé a quelque chose de très graphique qui donne l’impression qu’elle est dessinée dans un cadre de manière un peu floue. La dernière photographie montre la devanture ultra-colorée du magasin A Bathing Ape Kids à Jingumae. Je n’y suis jamais entré car j’ai passé l’âge depuis longtemps mais je sais qu’on trouve à l’intérieur une piscine de bananes de toutes les couleurs. On l’aperçoit à peine sur cette photographie. La quatrième photographie a été prise entre Shin-Okubo et Shinjuku le long de la voie ferrée. Comme je le montrais dans un billet précédent à Takadanobaba, les murs sous les ponts routiers sont assez souvent couverts d’illustrations. Et si ce ne sont pas des illustrations, ce sont des graffitis désorganisés qui envahissent ces espaces cachés du reste de la rue. Les deux premières photographies à Aobadai et à Daikanyama ne sont pas non plus des graffitis. J’aime beaucoup les personnages ressemblant à des barbapapa que l’on peut voir sur la deuxième photographie. Je pense les avoir déjà montré auparavant sur made in tokyo, mais je ne peux m’empêcher de les prendre en photo à chaque fois que je passe devant. I just can’t help it.

J’avoue qu’il m’était un peu difficile de reprendre le fil de l’écriture sur les concerts de Sheena Ringo et Tokyo Jihen après avoir vu Electric Mole. Il y avait tellement de choses à dire sur Electric Mole que le courage me manquait un peu de commencer à écrire sur le concert suivant, en pensant au temps que j’ai passé sur le billet d’Electric Mole. Mais l’envie de continuer ma découverte de ces concerts était trop forte et je poursuis donc tranquillement avec Just Can’t Help It de Tokyo Jihen. La tournée “DOMESTIC! Just can’t help it” n’est en fait pas la première tournée de la nouvelle formation de Tokyo Jihen en Phase 2 (第二期) car une courte série de deux concerts en deux dates sous le nom de « DOMESTIC! Virgin LINE » a d’abord eu lieu les 19 et 21 Février 2006 au Nippon Budokan de Tokyo et au Osaka-jō Hall respectivement. Cette mini tournée Virgin Line accompagnait en fait le nouvel album Adult (大人) sorti le 25 Janvier 2006 et était un tour d’essai pour le nouveau groupe voyant Ukigumo remplacer Mikio Hirama et Ichiyō Izawa remplacer Masayuki Hiizumi. “DOMESTIC! Just can’t help it” se déroule la même année mais sur un nombre beaucoup plus important de dates, 21 dates en tout, et couvre tout le pays en démarrant par le Hall de Kamakura (鎌倉芸術館) le 7 Avril pour terminer au Convention Center d’Okinawa (沖縄コンベンションセンター) le 30 Mai 2006. La captation vidéo sur le DVD Just Can’t Help It est sortie le 6 Septembre 2006 et montre un enregistrement de l’avant dernière date, le 26 Mai 2006 au NHK Hall de Tokyo, à Shibuya. Il s’agit quand même du premier concert de la Phase 2 de Tokyo Jihen disponible en DVD, car Virgin Line n’est jamais sorti en DVD ou Blu-Ray, à part quelques morceaux sur la compilation vidéo Live Chin Play Kō Play (珍プレー好プレー), dont je parlerais certainement dans quelques semaines. Cette compilation est sortie beaucoup plus tard en 2012 au moment de la séparation du groupe. En fait, Virgin Line a été diffusé en version tronquée (12 morceaux sur 18), mais avec une partie documentaire en plus, dans une émission spéciale intitulée “Tokyo Jihen Live in Nippon Budokan” diffusée sur la chaine Fuji Television le 25 Mars 2006. On peut voir cette émission sur internet en cherchant bien. Je comprends le titre de cette tournée comme voulant signifier que le groupe ne peut s’empêcher de vouloir se produire en live. Il n’y a pas de partie documentaire sur ce live, contrairement à ce qu’on avait l’habitude de voir sur les vidéos de Dynamite, Electric Mole ou encore Gekokujyo Ecstasy. Par contre, le DVD a la particularité d’intégrer des scènes vidéo originales dans le film du concert. Ces images additionnelles s’intègrent en fait très bien car le son n’est pas coupé ou altéré (à part sur un morceau). Elles donnent même une dimension contemplative au concert, que je trouve très bien pensée. Si dans l’ensemble, je trouve les versions des morceaux joués sur Just Can’t Help It moins percutantes que sur Dynamite Out avant ou sur un concert comme Ultra C plus tard, ce concert est extrêmement intéressant d’un point de vue visuel. Je ne dirais pas que le concert n’est pas intéressant musicalement car les interprétations sont impeccables comme toujours.

Just Can’t Help It reprend la quasi totalité des morceaux de l’album Adult sauf le troisième Keshō Naoshi et le neuvième Tasogare Naki (attention, nouvelle symétrie détectée), quelques morceaux de l’album précédent Kyōiku, quelques reprises et morceaux de la carrière solo de Sheena Ringo, et un nouveau morceau qui sortira plus tard sur le troisième album Variety. Le DVD reprend également la totalité des morceaux joués le 25 Mai 2006 au NHK Hall, sans supprimer de morceaux, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Je me suis procuré ce DVD en l’achetant à un particulier sur Mercari pour un très bon prix. En fait, je cherchais le boitier original qui est différent de la boite plastique actuelle, car j’avais déjà le DVD de ADULT VIDEO prenant le même type de packaging et de design. Le concert Just Can’t Help It et les vidéos de morceaux sur ADULT VIDEO fonctionnent un peu comme une paire, en complément de l’album Adult. ADULT VIDEO est sorti avant Just Can’t Help It, le 23 Mars 2006. En fait, j’aime beaucoup le côté un peu provocateur de la couverture de Just Can’t Help It, qui utilise des photos de modèles. Ce ne sont bien entendu pas des photos des membres du groupe. Dans le même ordre d’idée, le titre du DVD ADULT VIDEO a un nom qui peut être trompeur. Tokyo Jihen va en fait au bout de leur concept de noms d’albums s’inspirant de catégories de chaines télévisées (Discovery, News, Sports, Variety, Education et Adult). Je me demande d’ailleurs le nom qu’ils donneront à leur prochain album en 2021. En pensant au teaser du futur album, je pense à un nom en lien avec l’auto-moto. Le DVD ADULT VIDEO contient 6 vidéos, celles de Kabuki, Himitsu, Koi ha Maboroshi, Shuraba, Kenka Jōtō et Tasogare Naki. Le vidéos sont de qualités variables, celle de Shuraba étant la plus aboutie. La vidéo de Himitsu est intéressante car le morceau est différent de l’album, incluant une partie rappée par Ukigumo. Cette version aurait pu être sur l’album à mon avis. La vidéo de Koi ha Maboroshi est amusante et j’étais surpris de voir le comédien Gekidan Hitori y participer. Kenka Jōtō met Hata Toshiki à l’honneur. Il y effectue une danse Kagura dans un lieu qui semble être la mine de pierre Oya à Tochigi (qui est d’ailleurs régulièrement utilisée pour des vidéos). Mais revenons plutôt au concert Just Can’t Help It.

Le concert commence comme une scène de théâtre pour le morceau Yukiguni. Sheena Ringo y est habillée d’un kimono blanc sur un fond bleu nuit et sur un sol blanc imitant la neige. Je me suis d’abord demandé s’il s’agissait de la mise en scène actuelle que l’on pouvait voir lors du concert mais on comprend rapidement que ce n’est pas le cas car les véritables images sur la scène du NHK Hall et celles en studio se mélangent. Elle est également habillée du même kimono sur scène, ce qui fait que les images en studio et celles sur scène s’accordent très bien. Ce kimono lui sera arraché brusquement à la fin du morceau au moment où démarre le deuxième morceau Genjitsu wo Warau. L’interprétation de Yukiguni est très prenante mais c’est surtout cette mise en scène neigeuse qui laisse une forte impression. Alors qu’ils étaient dans la pénombre sur le premier morceau, les membres du groupe apparaissent plus clairement sur Genjitsu wo Warau. Ukigumo intervient d’ailleurs au chant dans la deuxième partie du morceau. Sheena reste cependant sur le devant de la scène par rapport au reste du groupe placé un peu à l’arrière. Cette disposition changera d’ailleurs au fur et à mesure dans les concerts qui suivront. Sheena est principalement au centre de la scène et elle sera plutôt placée à droite près de la batterie de Hata sur les concerts suivants. Ukigumo est placé derrière Sheena sur ce concert et on le verra se déplacer entre les claviers de Izawa et Sheena sur les concerts suivants. Shōjo Robot prend une version beaucoup plus rock que celle que l’on connaîtra bien plus tard sur la compilation Reimport 2. Ce n’est pas pour me déplaire bien que j’aime aussi la version originale de ce morceau réimporté qu’elle a initialement écrit pour sa copine Rie Tomosaka. Les morceaux s’enchainent tellement vite qu’on a du mal à saisir le démarrage du morceau suivant Kabuki. En fait, une présentation de chaque membre du groupe est faite avant le début de ce morceau. Kabuki est très réussi. Il fonctionne notamment très bien car elle sur-joue ses mouvements de visages.

Vient ensuite le morceau Himitsu. Sheena y est très mobile en effectuant ses petits mouvements saccadés de côté désormais très classique. Des scènes avec des flammes dans une sorte de vieil hangar s’intercalent avec les vrais scènes du concert de manière transparente, ce qui est assez bien fait car on ne remarque pas quand se fait la transition. On la voit même boxer dans le vide à un moment, comme sur la vidéo beaucoup plus récente du morceau Blue ID qu’on a pu voir sur Music Station le 25 Décembre 2020. Sur Himitsu, Izawa assure au piano mais reste très concentré et n’occupe pas la scène comme Hiizumi le faisait sur Dynamite. Il a l’air beaucoup plus détaché et je comprends qu’on ait pu lui reprocher cela au début de Tokyo Jihen phase 2. Ça changera plus tard dans les autres concerts. La reprise de The Lady is a Tramp suit ensuite. Ce n’est pas la première fois que je l’entends et ce morceau n’a rien d’indispensable, surtout que la version vidéo prend un effet de vieux films en noir et blanc et une altération du son le rendant moins net. Genjitsu ni Oite est un morceau composé par Hiizumi et il est excellemment interprété par Izawa. J’ai des frissons dans le dos à chaque fois que j’écoute ce morceau. Ce qui est très beau, c’est qu’Izawa engage directement sur le morceau Kao qui est un morceau que j’adore, notamment la version avec Hirama sur le concert Dynamite Out. En regardant la playlist, je me suis d’abord demandé comment le groupe allait interprété ce morceau sans Hirama, mais la version de Just Can’t Help It est seulement instrumentale. Le morceau Kao sur Dynamite Out avec Hirama est pour moi emblématique et ça aurait été difficile de l’égaler. D’ailleurs, je ne comprends toujours pas pourquoi il n’a jamais été intégré dans un album. Cette version instrumentale dans Just Can’t Help It est très belle, mais on ne peut s’empêcher de la comparer avec celle de Dynamite. Comme ces deux concerts sont assez proche l’un de l’autre, on est tenté de comparer et je pense que Dynamite était meilleur, avec plus de folie dans le groupe. En fait, c’est peut être aussi du au fait que Dynamite était accompagné de scènes de documentaire, ce qui n’est pas le cas de Just Can’t Help It. Ces scènes documentaires provoquent à mon avis un attachement plus fort.

Pendant ces deux morceaux instrumentaux, des scènes filmées en costumes d’époque nous sont montrées, notamment le kimono blanc qui accompagnera tout le concert comme un fil rouge. Sheena change ensuite de tenue et on la voit apparaitre en manteau avec un bonnet sur la tête, ce qui contraste grandement avec les costumes de la scène précédente. Jusui Negai est toujours un grand moment, cette interprétation est très réussie même si je préfère celle de Dynamite. Sheena monte en intensité dans sa voix de la même manière et écarquille les yeux à certains moments donnant une grande force à son interprétation. Il y a beaucoup de tension dans son chant et son visage, mais qui reste à mon avis un peu plus contenue que dans la version de Dynamite. Il y a quand même beaucoup de belles choses dans ce morceau, comme la force du final au piano d’Izawa, ce petit passage montrant Hata retenant ses mouvements en attendant le bon moment pour frapper, et le final où Sheena dit quelque chose hors du micro. On n’entend pas ce qu’elle dit et je me demande bien ce que ça peut être. Mirrorball est un nouveau morceau, écrit par Ukigumo, qui sera présent sur leur album suivant Variety et qui est joué pour la première fois lors de ce concert. En l’écoutant, je repense tout de suite à l’ambiance de Variety qui était une page tournée dans la carrière de Tokyo Jihen. La version est bien entendu un peu différente de celle de l’album notamment au niveau de la partition de guitare de Ukigumo et le chant plus typé de Sheena. Les images sur ce morceau en particulier contiennent beaucoup d’effets spéciaux comme pour reproduire les multiples écrans d’une boule à facettes. Avant le morceau Tegami écrit par Izawa, une scène filmée en studio montre Ukigumo assis sur une chaise longue. On retrouve en fait ce même mobilier sur scène. Sheena s’assoie par exemple sur un fauteuil individuel LC2 de Le Corbusier. L’interprétation de Tegami est très poignante. Une partie des images pendant ce morceau montrent soudainement Sheena avec sa guitare face à l’océan. Je ne sais pas où sont tournées ces images très contemplatives, certainement quelque part au Japon, mais je ne peux m’empêcher d’imaginer le Nord Ouest français.

La version de Service est très amusante car Sheena ne l’interprète pas seule, mais avec chaque membre du groupe positionné en ligne sur le devant de la scène, chacun portant un mégaphone en main. C’est la première fois que je vois Kameda, Hata, Ukigumo et Izawa chantés dans un mégaphone, ce qui était jusque là réservé à Sheena. C’est amusant d’entendre la voix très amicale de Kameda à travers le mégaphone qui est censé donner une sonorité agressive. Vers la fin du morceau, un rideau descend pendant que le groupe change de tenue. Seule Sheena reste sur le devant la scène avec deux personnes en kimono portant des lanternes. Une fois que le rideau s’ouvre à nouveau, le groupe continue le morceau d’une manière assez détendue mais qu’on sait chorégraphiée, ne serait-ce que pour la position finale qui ressemble à certaines photographies promotionnelles du groupe à cette époque. Le groupe se présente ensuite. Sheena prend la parole mais d’une manière très brève car il n’y a soit-disant pas assez de temps. Izawa commence les présentations, faisant volontairement l’imbécile en essayant de se courber le dos tout en se présentant comme s’appelant Izawa-Bauer. Il fait bien entendu référence à la patineuse artistique Arakawa Shizuka qui venait juste d’obtenir la médaille d’or aux Jeux Olympiques d’hiver au début de l’année 2006 à Turin, avec notamment cette courbure Ina Bauer qui avait beaucoup fait parler les médias à cette époque. Sheena fait un signe de la tête comme quoi ce n’est pas tout à fait ressemblant et se tourne vers Hata qui ne se présente pas correctement non plus. Sheena le traite gentiment de menteur, tandis qu’Izawa veut refaire sa présentation en faisant le mouvement Ina Bauer une nouvelle fois. Sheena lui coupe rapidement le sifflet, car il ne faudrait pas qu’il se casse quelque chose, et passe ensuite à Ukigumo qui se contente d’un « Onegaishimasu ». Kameda essaie de nous faire croire à un tour de magie, mais c’est Hata qui revient sur le devant de la scène et qui remporte très facilement ce concours de présentation en imitant un jonglage de ballon imaginaire. La vidéo du DVD représente ce ballon imaginaire en le dessinant sur l’image, mais il ne devait bien sûr pas être visible dans la salle. Cette scène est celle que l’on peut voir en fond pendant la sélection du menu sur le DVD. On savait que Hata est un habile danseur, il le montre d’ailleurs quelques fois en sautant sur scène, mais il s’avère très doué dans cette représentation assez comique de jonglage footballistique. Sheena est assise sur sa chaise LC2 d’un air assez amusé mais on la sent un peu inquiète de ce que Hata va faire. Je ne peux m’empêcher de penser que ces moments n’étaient pas prévus par Sheena et que les membres du groupe prennent un malin plaisir à saboter une présentation en bonne et due forme. C’est un moment très sympathique du concert.

Après cet intermède, le morceau C’m’on Let’s go!, qui est une reprise du groupe japonais BARBEE BOYS, est très réussie. Deux personnes du staff habillés en serveurs de restaurant entrent en scène avec des caméras vidéo, ce qui est devenu assez habituel depuis le concert Gekokujyo Ecstasy. Izawa passe à la guitare sur ce morceau et montre une certaine complicité avec Ukigumo. Je me dis à ce moment là que par rapport à Hiizumi, le groupe a gagné un deuxième guitariste en plus d’un pianiste avec l’arrivée d’Izawa dans la formation. Sheena s’est ensuite changée une nouvelle fois en une tenue noire plus formelle que celle d’avant et entame une excellente version de Blackout. Comme de nombreux morceaux de SR et TJ, c’est un morceau à la composition complexe qu’elle doit être la seule en mesure de chanter. J’avais vu dans une ancienne émission musicale du dimanche soir KanJam qui analysait certains morceaux de Sheena Ringo qu’un des chroniqueurs de l’emission comparait son travail d’écriture musicale au travail d’un architecte (en ne citant pas moins que Frank Lloyd Wright). Cette idée de dresser un parallèle entre musique et architecture me parle beaucoup, car ce sont deux sujets qui m’intéressent beaucoup. J’avais d’ailleurs auparavant parlé un peu de cette idée mais plutôt sur les musiques électroniques d’Aphex Twin et Autechre (qui n’est à mon avis rien d’autre que de l’architecture déconstructiviste retranscrite en musique). On peut parfois se demander comment un bâtiment aux formes et aux équilibres complexes peut parvenir à une harmonie visuelle et fonctionnelle. D’une même manière, on trouve ce même genre d’harmonie dans les constructions pourtant complexes et non évidentes de Sheena Ringo. Ce que disait également un des chroniqueurs de KanJam est qu’il est rare qu’un ou une même artiste puisse à la fois être capable de créer ce genre structures musicales complexes et en même temps avoir la voix nécessaire pour les interpréter. A la fin du morceau Blackout, Sheena laisse tomber le manteau noir et reste en robe plus légère blanche et engage ensuite un mouvement courbé en arrière nous rappelant le Ina Bauer qu’essayait de faire Izawa sans grand succès. Elle y arrive beaucoup mieux qu’Izawa, rappelons qu’elle a fait du ballet étant petite. Cette démonstration ressemble à un gentil pied de nez à Izawa.

Le concert continue avec Honnō, un des deux morceaux avec Marunouchi Sadistic en rappels, que Sheena reprend de sa carrière solo. Cette version n’est pas meilleure que celle de Gekokujyo Esctasy, mais ça fait plaisir de voir Hata avec le sourire taper de toutes ses forces sur sa batterie. La version de Superstar, qui suit ensuite, est peut être une des plus belles que j’ai entendu, même si Sheena n’est pas cette fois-ci à la guitare. Là encore, des images vidéo se mélangent avec les images sur scène. Elles sont raccords car Sheena est habillée exactement de la même manière. Elle force plus sa voix que d’habitude sur ce morceau entrainé peut être par les mouvements de tête d’Izawa au piano et de Ukigumo à la guitare. Le final instrumental est aussi un peu plus long que d’habitude, si je me souviens bien, ce qui laisse un peu de temps à Sheena pour faire un lent mouvement d’inclinaison avant en remerciement au public. Le morceau Dynamite ensuite se présente comme une version moins dynamique que celle qu’on connaissait sur Dynamite Out. Sheena porte le morceau seule en dansant sur le devant de la scène, même s’il y a quelques chœurs de Ukigumo à l’arrière. On n’atteint pas l’intensité de la version sur Dynamite Out, qui était de toute façon emblématique de ce concert là et difficile à surpasser. La vidéo est accompagnée de prises de vue en noir et blanc de rues américaines qui n’étaient pas non plus indispensables. On notera tout de même le ‘Bonjour’ prononcé en français par Sheena vers la fin du morceau, et le très mignon ‘Arigatō’ à la toute fin. Ce n’est peut être pas la meilleure version que j’ai entendu, mais j’aime bien cette version de Shuraba. Je trouve cependant Omatsuri Sawagi plus intéressant car Sheena la chante d’une voix plus basse que la normale, du moins au début puis l’interprétation se normalise ensuite par rapport à ce que l’on connaît sur l’album. Le petit drapeau rouge et blanc reprenant le design de la pochette de Kyōiku est de sortie et Sheena fait des mouvements tellement amples qu’ils en deviennent disgracieux. Le dernier morceau officiel du concert avant les rappels est Kenka Jōtō et c’est une version très particulière et mémorable qui est jouée. Hata puis Sheena prononcent d’abord quelques phrases dans l’esprit de ce qu’on peut entendre dans une pièce de théâtre kabuki, avec en plus un petit côté démoniaque. Comme dans le théâtre kabuki, certaines personnes du public en général les habitués répondent aux acteurs sur scène. On retrouve ce même dialogue mais je ne sais pas s’il s’agit vraiment de personnes du public, ou plutôt le staff du groupe qui crie ces phrases depuis les premiers rangs. Il s’agit peut être de voix enregistrées. Cela donne en tout cas un sacré effet. Alors que le morceau se déroule à peu près normalement mais dans une version un peu plus agressive que d’habitude, le morceau fait une courte pause et prend ensuite des allures de hard rock/metal. Cette partie est jouée par Sheena devant des écrans de fond montrant des flammes géantes. Kenka Jōtō, devenu polymorphe, reprendra à la normale un peu après. Le contraste entre l’agressivité de ce passage metal et le personnage de Sheena sur scène, toujours en robe légère, est très intéressant, surtout quand elle se permet à la fin de remercier le public avec une toute petite voix innocente.

Une petite vidéo interlude démarre ensuite avant les rappels. Elle nous montre principalement les lieux vides des scènes vidéos ajoutées au concert, notamment ce paysage en bord de mer. On voit également une image de la scène ressemblant à une maquette avec une étrange voie ferrée qui sort du décor. Le groupe revient ensuite sur scène en tenue beaucoup plus décontractée, pour jouer deux morceaux Tōmei Ningen et Marunouchi Sadistic, qui sont des grands classiques des concerts de Tokyo Jihen. La version de Marunouchi Sadistic sur ce concert est plus proche de celle qu’on entendra plus tard sur Ringo Expo 08 que celle de Muzai Moratorium. Izawa se lance dans des nouveaux arrangements au piano qui nous font découvrir Marunouchi Sadistic sous un autre jour, même si cette version n’est pas fondamentalement différente de celle qu’on connaît sur Sanmon Gossip. Les lumières s’éteignent sur ce morceau et une vidéo nous montre ensuite une image de train, comme pour montrer un départ vers de nouveaux horizons, ceux de Variety peut être. Sheena est assise sur une banquette d’un train vide et y interprète seule à la guitare acoustique le morceau Rakujitsu qu’on trouve en B-side de Shuraba. Elle est habillée de la même manière qu’à la fin du concert. Ce morceau était apparemment inclus dans les rappels car les dernières images reviennent au NHK Hall de Shibuya. La vidéo revient finalement vers le train avec Sheena seule à la guitare, comme si ça faisait référence à un souvenir d’un concert passé. L’image un peu floue joue dans ce sens. Je ne sais pas très bien ce que veut dire ce passage de train en mouvement. Il s’agit peut être seulement d’une promesse auprès des fans qu’elle restera sans cesse en mouvement créatif. On est, au moment de ce concert, qu’au début de l’aventure Tokyo Jihen et il y aura beaucoup de bonnes choses à suivre.

Pour référence ultérieure, je note ci-dessous la liste des morceaux présents sur le DVD de Just Can’t Help It:

1. Yukiguni (雪国) du 2ème album Adult (大人)
2. Genjitsu wo Warau (現実を嗤う) du 1er album Kyōiku (教育)
3. Shōjo Robot (少女ロボット), reprise du morceau composé par Sheena Ringo pour Rie Tomosaka et qu’on retrouve sur Reimport Vol. 2 ~Civil Aviation Bureau~ (逆輸入 ~航空局~).
4. Kabuki (歌舞伎) du 2ème album Adult (大人)
5. Himitsu (秘密) du 2ème album Adult (大人)
6. Sono Onna Fushidara ni Tsuki (その淑女ふしだらにつき), reprise du morceau The Lady Is a Tramp écrit et composé par Lorenz Hart et Richard Rodgers, présent en B-side du single Gunjō Biyori (群青日和)
7. Genjitsu ni Oite (現実に於て) du 1er album Kyōiku (教育)
8. Kao (顔), version instrumentale du morceau présent en B-side du single Gunjō Biyori (群青日和)
9. Jusui Negai (入水願い) du 1er album Kyōiku (教育)
10. Mirrorball (ミラーボール), morceau original de Petrolz et qu’on retrouvera plus tard sur le 3ème album Variety (娯楽/バラエティ)
11. Tegami (手紙) du 2ème album Adult (大人)
12. Service (サービス) du 1er album Kyōiku (教育)
13. C’m’on Let’s go!, reprise d’un morceau de BARBEE BOYS, écrit par Imamichi Tomotaka
14. Blackout (ブラックアウト) du 2ème album Adult (大人)
15. Honnō (本能), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ) de Sheena Ringo
16. Superstar (スーパースター) du 2ème album Adult (大人)
17. Dynamite (ダイナマイト), reprise du morceau de Brenda Lee et présent en B-side sur le single Sōnan (遭難)
18. Shuraba (修羅場) du 2ème album Adult (大人)
19. Omatsuri Sawagi (御祭騒ぎ) du 1er album Kyōiku (教育)
20. Kenka Jōtō (喧嘩上等) du 2ème album Adult (大人)
21. (Encore) Tōmei Ningen (透明人間) du 2ème album Adult (大人)
22. (Encore) Marunouchi Sadistic (丸の内サディスティック), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム) de Sheena Ringo
23. (Encore) Rakujitsu (落日), présent en B-side du single Shuraba (修羅場)

まだ始まらないふりにして

Avant d’écrire mon premier billet pour la nouvelle année qui démarre, j’ai pris l’habitude de jeter un œil sur les billets que j’ai écrit les années précédentes. Ils sont en général longs et détaillés en commençant par un passage en revue de l’émission de la NHK Kōhaku Uta Gassen. Je fais le même genre de long billet depuis Janvier 2017 et j’ai même tendance à répéter les mêmes choses. Ce début d’année est plus calme que d’habitude et la principale différence est que nous ne l’avons pas passé près de Kamakura suite au déménagement de la mère de Mari à Tokyo. Nous restons donc à Tokyo cette année et nous ne nous déplacerons pas beaucoup. Au début de l’année, je me pose toujours la question de ce que je devrais changer dans ma manière d’écrire ce blog. J’ai l’impression que les marches de manœuvre sont de toute façon assez limitées, donc je ne me formalise plus beaucoup sur ce genre de réflexion. J’aimerais quand même reprendre la création de morceaux électroniques, reprendre mes illustrations ou écrire de nouveaux épisodes de ma série sur l’histoire de Kei. Je suis d’ailleurs en train d’écrire le sixième épisode de cette histoire depuis un petit moment. L’écriture d’une fiction me prend beaucoup de temps, mais j’adore passer ce temps à imaginer petit à petit le déroulement de cette histoire. Parfois, j’aimerais transformer ce blog entier en une œuvre de fiction. Sans aller aussi loin, je vais quand même essayer de regrouper ces textes que j’ai commencé à écrire en 2017 sur une page du blog pour qu’ils puissent être lus dans la continuité.

Je vais aussi continuer ma revue des concerts de Sheena Ringo et Tokyo Jihen, le prochain sera Just Can’t Help It. Sur la vingtaine qu’il existe en tout, j’ai déjà écrit un billet sur plus de la moitié d’entre eux et il me reste huit concerts à couvrir sur ce blog. Parmi ces huit concerts, il y en a trois que je ne possède pas encore en DVD ou Blu-ray. Je ne sais pas s’il existe un autre groupe ou artiste qui a sorti autant de concerts en vidéo. J’éprouve en tout cas toujours le même plaisir à les regarder et les commenter ensuite. Je ne pense pas, par contre, m’étendre autant que j’ai pu le faire sur Electric Mole, dans mon dernier billet sur ce sujet. Tokyo Jihen a également été très actif ces derniers mois avec des nouveaux morceaux et des passages dans les émissions musicales télévisées de fin d’année, pour mon plus grand plaisir, que ça soit sur les émissions FNS ou Music Station que j’ai déjà brièvement mentionné ou lors de l’émission Kōhaku du 31 Décembre. Comme je le mentionnais dans un billet précédent, ils ont joué une version modifiée du morceau Uru Uru Urū (うるうるうるう) sous le nom de Uru Uru Urū ~ Nōdōteki Urū Shime Hen (うるうるうるう~能動的閏〆篇~ ). Le groupe était habillé en yukata avec logo de paon et jouait dans un studio séparé, entouré d’écrans similaires à ceux qu’on pouvait voir pendant les concerts de la tournée News Flash. On peut d’ailleurs acheter ces yukata sur la boutique de Ringohan, mais il faut à priori aimer se faire remarquer. Leur prestation était beaucoup plus posée que celle de Music Station où Sheena était habillée en boxeur, mais pas pour autant moins mémorable. La mise en scène était travaillée avec des danseuses Awaodori intervenant à la fin du morceau et une chorégraphie de MIKIKO. L’émission Kōhaku semblait plus courte que d’habitude, peut être parce qu’elle se passait sans public dans la salle du NHK Hall. La nouvelle année arrive enfin et on est bien content de faire notre adieu à l’année précédente bien qu’elle n’a pas été aussi mauvaise que cela sur de nombreux points, au moins pour ce blog. J’ai quand même pu prendre beaucoup (trop) de photos l’année dernière et on a démarré des activités que nous n’avions pas fait auparavant. J’aurais un certain nombre de photographies de la fin Décembre à montrer un peu plus tard, mais j’hésite un peu. Ou alors, il me faudra être plus sélectif dans les photographies que je montre. Celles de la série ci-dessus sont prises dans le quartier de Naka-Meguro et Ebisu dans les tous premiers jours de cette année (hier en fait). Les troisième et quatrième montre une maison aux formes très intéressantes. Il s’agit de SRK par ARTechnic Architects.

Le premier jour de cette année, je surveillais également ma boîte email, car je m’entendais à recevoir une annonce de Tokyo Jihen. L’année dernière, ils avaient annoncé leur réformation le 1er Janvier. Je me suis donc dit qu’il pourrait également y avoir une annonce le 1er Janvier 2021, peut être une nouvelle tournée ou un nouvel album. C’est certainement beaucoup trop tôt pour lancer sereinement une nouvelle tournée. Tokyo Jihen a plutôt annoncé un nouvel album en préparation sans donner de date précise, sous le nom de code 2O2O+X. Le court teaser pourra difficilement nous faire patienter et j’espère qu’une date sera bientôt annoncée. Toujours pour nous faire attendre, le groupe partage une photo, celle ci-dessus, toujours avec un brin d’extravagance dans leur accoutrement (apparemment totalement en Gucci).

Ces dernières semaines, j’ai un peu moins parlé des découvertes musicales que j’ai pu faire mais j’ai quand même écouté de très belles choses. Avec le début d’année, de nombreux blogs ou sites musicaux que je suis attentivement font leur top 10 ou 100 des meilleurs albums de l’année 2020. Je ne me lancerais pas à lister le mien car il donnerait une vue très partielle de l’année 2020, mais j’aime beaucoup lire ceux des autres en gardant un regard critique, voire très critique parfois, ce qui fait partie du plaisir de découvrir ces classements. Je me questionne souvent sur la justesse des goûts musicaux des personnes faisant ces classements, mais je me rends compte aussi qu’il est très difficile d’avoir une influence sur son public. Je me pose souvent la question du nombre de personnes qui ont découvert un nouveau groupe ou un/une artiste grâce à mon blog. Je pense qu’on a tendance à s’aventurer vers des noms que l’on connaît déjà mais qu’il est plus difficile, à travers la simple recommandation d’un blogger ou d’un tweet, de se plonger naturellement dans la découverte d’un nouvel artiste dont on n’a jamais entendu parler. C’est certainement une question de temps disponible. Quand un blogger nous donne une liste de 100 albums, on a guère le temps ou le courage de se mettre à les écouter un à un. En ce qui me concerne, la couverture d’un album peut être un déclencheur. Il est rare que j’apprécie un album si je déteste la couverture. Cela fait partie d’un tout et si la couverture du disque me déplaît, c’est souvent parce que l’univers de l’artiste ne correspond pas exactement à ce que je recherche. Il y a de nombreuses exceptions et beaucoup de couvertures d’albums qui sont beaucoup plus fades que leur contenu. Mais le mauvais goût graphique est souvent synonyme pour moi d’une insuffisance qualitative de la musique. Dans les listes de fin d’année, je suis en général très attentif à celle de Pitchfork, sauf cette année. En fait, j’ai inconsciemment pratiquement tourné le dos à la musique occidentale pendant toute l’année dernière. Dans les 20 premiers albums du classement 2020 de Pitchfork, je n’en ai écouté aucun et aucun de ces albums ne me fait vraiment envie. J’ai certainement tord mais je me suis un peu déconnecté de la musique occidentale en 2020, un peu de la même manière qu’en 1999/2000 à mon arrivée à Tokyo où je n’écoutais également que de la J-Pop (terminologie qui ne veut rien dire). Je suis persuadé que les goûts fonctionnent par cycles, d’où parfois la difficulté de conseiller un artiste ou un album à quelqu’un. La découverte doit se faire au bon moment, qui correspond à une situation personnelle adaptée. En 2020, j’ai tout de même eu le plaisir de découvrir les nouveaux albums de Grimes, Autechre ou encore Thurston Moore.

Quant aux quatre découvertes musicales ci-dessus, ce ne sont pas des artistes ou des groupes que je ne connaissais pas mais plutôt des nouveaux morceaux ou albums d’artistes que je suis déjà depuis un petit moment et dont j’ai déjà parlé sur made in tokyo. 4s4ki sort le 16 Décembre 2020 un nouvel album intitulé Hyper Angry Cat qui s’avère en fait être une compilation incluant son album précédent Your Dreamland (おまえのドリームランド) sorti en Avril 2020 et d’autres morceaux, nouveaux ou inclus dans des EPs précédents. Je réécoute assez régulièrement Your Dreamland, dont je parlais ici l’année dernière et qui est un des albums que je préfère de l’année 2020. De Hyper Angry Cat, je n’écoute pour l’instant que trois morceaux dont le morceau titre de l’album Hyper Angry Cat (超怒猫仔) en collaboration au chant avec Mega Shinnosuke et Nakamura Minami. On retrouve le style hip-hop et les sons électroniques que l’on connaît sur Your Dreamland mais en beaucoup plus agressif et détonnant. Il y une multitude de sons 8bits, de glitches, de voix qui partent dans tous les sens et c’est particulièrement inspiré. Les associations de voix fonctionnent très bien, et c’est un plaisir d’écouter ce morceau en boucle. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai le sentiment que 4s4ki est en avance sur son temps musicalement, pas spécialement pour la nouveauté des sons, mais pour sa mise en forme qui donne un ensemble extrêmement cohérent alors qu’il se base sur une cacophonie apparente de sons. Je pense que sa voix plus douce vient lier tous ces éléments d’une manière cohérente. J’écoute ensuite le troisième morceau Cat Jesus Cat (猫Jesus猫) qui a des apparences plus calmes, jusqu’à ce que les machines électroniques se réveillent. J’écoute aussi depuis plusieurs semaines le morceau 35.5, au rythme très soutenu, proche de l’EDM. C’est un morceau particulièrement prenant, et dès qu’on met une oreille dedans, il est difficile de s’en échapper. Le reste des morceaux de cette petite playlist peut paraître un peu fade par rapport à la musique de 4s4ki qui provoque une certaine addiction, mais continuons quand même car il faut bien varier les styles. Revenons vers le rock avec le morceau I want to touch you and be sure (触れたい 確かめたい) de Asian Kung-Fu Generation en duo avec Moeka Shiozuka (塩塚モエカ) de Hitsuji Bungaku. Je ne suis pas sûr d’avoir déjà parlé ici de Ajikan (diminutif indispensable pour les groupes de rock alternatif japonais qui ont l’idée saugrenue d’avoir des noms à rallonge) mais j’aime beaucoup leur album de 2004, Sol-fa (ソルファ). Ce morceau en duo de voix ne révolutionne pas le genre mais reste très accrocheur. Cela me rappelle que Hitsuji Bungaku a également sorti un nouvel album récemment et il faut que j’y jette une oreille. Ensuite, je reviens encore sur l’album de AiNA The End qui sortira le 3 Février 2021 et qui s’annonce comme un très bel album, du moins à l’écoute des deux premiers morceaux disponibles. Osmanthus (金木犀), qui vient juste de sortir, n’est pas aussi prenant et viscéral que le précédent Niji (虹) mais reste un très beau morceau surtout lorsque AiNA laisse filer sa voix légèrement voilée. Pour terminer cette petite série, on change encore de registre en passant à l’electro de Utae sur un nouveau morceau intitulé Just a Dream? (夢だとおもうの?). Elle crée ses nouveaux morceaux au compte-gouttes et j’en parle presqu’à chaque fois ici, car j’y trouve une certaine sérénité et un apaisement qui fait du bien. La voix de Utae joue dans ce sens, ainsi que les nappes électroniques qui évoluent doucement en changeant légèrement de rythme en cours de route. Je me rends compte en écrivant ces lignes que je couvre des styles très opposés dans cette playlist… Et au fait, une très bonne et heureuse année 2021 aux fidèles lecteurs de made in tokyo ainsi qu’aux plus occasionnels. Espérons que je maintienne le même rythme pour cette nouvelle année.

閏年エンディング ~其ノ参~

Elle est charmante cette petite coccinelle jaune garée devant les bureaux des architectes Klein Dytham à Ebisu. On ne le remarque pas toujours très facilement mais j’applique régulièrement une certaine symétrie dans l’agencement des photographies de mes billets. Sur celui-ci, je place volontairement les photographies avec une voiture sur le premier et le dernier billet, la coccinelle jaune orientée vers la droite pour signifier le début du billet et la Nissan bleue dirigée vers la gauche pour la fin de la série. L’architecture monolithique de béton en deux photographies est placée au centre et les scènes pleines de verdure viennent faire une transition avec ce béton brut. Ce bâtiment de béton est extrêmement intéressant car on a l’impression que cette masse sans ouverture est en lévitation au dessus du sol. Il s’agit en fait d’une coque de béton maintenue par des piliers au centre du bâtiment. Les murs ne touchent donc pas le sol et sont maintenus par le haut. Il s’agit de nouvelles toilettes publiques ouvertes cette année, situées à côté de la gare de Sendagaya et conçues par les architectes Makoto Tanjiri et Ai Yoshida de l’atelier Suppose Design Office.

Alors que j’appréciais beaucoup écouter les émissions radio de découverte musicale comme celle de Bernard Lenoir sur France Inter quand j’étais étudiant en France ou plus tard sur le feu podcast des Inrockuptibles dans la deuxième partie des années 2000, je n’en ai pas beaucoup écouté ces dernières années faute de connaître de bonnes émissions. On m’avait conseillé d’écouter l’émission Very Good Trip de Michka Assayas sur France Inter et je me suis mis à l’écouter assez assidûment ces derniers temps. L’émission fonctionne souvent par thème ou présente des groupes ou artistes en particulier. Je passe mon tour quand ce sont des artistes que je n’apprécie pas beaucoup (par exemple Kate Bush) mais l’émission devient un vrai plaisir quand elle permet de découvrir des artistes que je connaissais sans connaître (par exemple Dead Can Dance). J’ai beaucoup aimé les émissions rétrospectives sur John Lennon, à l’occasion des 40 ans de sa mort, car Michka Assayas évite les classiques qu’on a trop entendu et nous fait découvrir d’autres facettes moins connues de Lennon, du moins pour un néophyte comme moi. Le podcast de l’émission est même l’occasion d’écouter des morceaux d’albums que je n’aurais sinon probablement jamais écouté, comme le dernier de Paul McCartney dont certains morceaux sont étonnamment très bons (par exemple le morceau Slidin’ au tout début de l’émission). Et puis, il y a des émissions sublimes comme celle en duo avec Philippe Katerine. Je ne connais pas beaucoup la musique de Philippe Katerine, mais le personnage en lui-même est génial et son approche atypique de la musique est très intéressante, sans parler de l’humour qui remplissait l’air de rien toute l’émission. Il y a des émissions que j’ai écouté plusieurs fois car les découvertes y étaient très nombreuses, comme celle où j’ai découvert dans un même podcast, les morceaux Don’t Run and Hide de la norvégienne Ane Brun, le morceau electro On de Kelly Lee Owens sur son album Inner Song ou encore le superbe single Robber de The Weather Station. En fait, j’aime beaucoup le ton de Michka Assayas dans ses émissions. Il arrive, je trouve à transmettre sa passion musicale sans pour autant en faire trop et en restant mesuré dans ces commentaires en général très bien documentés. Il m’a aussi rappelé dans son émission du 18 Novembre que Thurston Moore avait sorti un nouvel album solo intitulé By The Fire, que je me suis dépêché de me procurer. A l’écoute du premier morceau de l’album, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un morceau de Sonic Youth, tant le son de sa guitare me semblait familier et proche des sonorités entendues chez Sonic Youth. Il y a d’ailleurs quelque chose de confortable à réentendre ce son après presque 10 ans que le groupe s’est séparé. Je ne ressentais pas ce genre de similitudes sur l’album précédent de Thurston Moore, Rock n Roll Consciousness sorti en 2017, ni sur l’album de Kim Gordon, No Home Record sorti en 2019 car il partait sur des pistes musicales très différentes de celles de Sonic Youth. Au final, après la séparation de Sonic Youth, on se retrouve avec deux artistes indépendants (Thurston et Kim) créant tous les deux d’excellents albums. Thurston donne une grande part à l’instrumental dans les compositions de By The Fire. Sur la partie instrumentale au début du troisième morceau, je m’attends toujours à entendre la voix de Kim Gordon, mais c’est bien Thurston seul qui assure les voix sur la plupart des morceaux sauf le dernier de l’album qui est purement instrumental. Les parties instrumentales jouent sur la puissance des guitares, et peuvent parfois être un peu difficiles à appréhender dès la première écoute, notamment le sixième morceau Locomotives. Thurston vit à Londres depuis quelques années, et est entouré par l’anglaise Debbie Gouge de My Bloody Valentine à la guitare basse et par Steve Shelley, rescapé de Sonic Youth, à la batterie. Steve Shelley joue aussi le rôle d’archiviste des oeuvres de Sonic Youth, qui sont ajoutées petit à petit sur le compte Bandcamp du groupe, notamment de nombreux live et la collection des SYR (dont le 9ème pour la bande originale du film ‘Simon Werner a disparu’ dont je parlais dans un billet précédent). By The Fire s’écoute d’un bloc. On y trouve de nombreuses accroches qui m’y font revenir très régulièrement ces dernières semaines.

真夏.9

(ラ) Ebisu (恵比寿): Les yeux de la pieuvre du building Octagon à Ebisu par Shin Takamatsu. (リ) Ebisu (恵比寿): Proposition de Fumihiko Maki pour le parc Tako à Ebisu, pour le projet Tokyo Toilet lancé par The Nippon Fondation pour le quartier de Shibuya. (ル) Gaien (外苑): Immeuble de béton regardant la rue au dessus d’une rangée d’arbres. (レ) Ebisu (恵比寿): Version bétonnée des toilettes publiques de Shibuya par Masamichi Katayama au parc Ebisu. (ロ) Gaien (外苑): Face à face du stade de Kengo Kuma avec le gymnase de Fumihiko Maki. (+) Accompagnement musical: deux morceaux de BiSH, TOMORROW et Super hero music sur leur album LETTERS sorti en Juillet 2020.