un palmier au dessus des immeubles

Ici, Azabu Jūban. C’est le seul nom de lieu à Tokyo que je prononce exprès à la française pour énerver tout le monde à la maison. Je ne suis pas le seul à prononcer ce nom de lieu de cette manière, volontairement ou pas, mais je ne sais pas d’où vient cette image française, que je vois plutôt, en général, associée aux quartiers d’Ichigaya et Kagurazaka, où se trouve l’Institut Français (et anciennement le Lycée Français). C’est peut-être dû à la relative proximité de l’Ambassade de France. Au croisement Ichinohashi, un nouvel immeuble a fait son apparition depuis déjà plusieurs mois. Les plaquettes recouvrant la façade nous font tout de suite penser à Kengo Kuma, et il s’agit bien entendu de Kengo Kuma. J’aime beaucoup son architecture (et je vais encore en parler bientôt) mais je commence à me dire qu’il vient standardiser l’image de Tokyo vu la quantité de bâtiments qu’il conçoit. Je suis loin de critiquer car nombre de ses créations architecturales sont tout à fait originales. Le pilier, au milieu du grand croisement à quelques mètres de là, m’attire à chaque fois. Son aspect massif et son emplacement m’impressionnent toujours au point où j’ai à chaque fois envie de le prendre en photo, quitte à ennuyer les visiteurs. La troisième photographie montre l’étrange temple bouddhiste Reiyūkai Shakaden aux formes noires futuristes. Le sanctuaire Nishikubo Hachiman Jinja (西久保八幡神社) situé sur une petite colline juste à côté a été complètement refait. Il faut dire que le quartier limitrophe d’Azabudai est en plein redéveloppement par Mori Building. Un immense espace derrière Reiyūkai a été complètement rasé et de nouvelles tours ont fait leur apparition. Mori fait malheureusement beaucoup en terme de standardisation urbaine. Le petit moment de poésie sur ce billet intervient sur la quatrième photographie, en la présence d’un petit palmier posé tout en haut d’un immeuble. Il semble appeler l’été de ses voeux. Il faut lever les yeux vers le ciel pour le voir. Apprécier l’architecture oblige à regarder vers le ciel. Je continue encore un peu ma marche en direction de la Tour de Tokyo que je montrais précédemment.

Outre les albums de Tricot que je découvre petit à petit et qui m’accompagnent quasiment tous les jours depuis plusieurs semaines, j’alterne avec d’autres musiques qui ont attiré mon attention ces derniers temps. Ce sont souvent des artistes que je suis depuis plus ou moins longtemps et qui sortent de nouveaux morceaux. Ce n’est pas systématique mais j’aime en général beaucoup les nouvelles compositions de Vaundy, ici avec son nouveau morceau Koikaze ni Nosete (恋風邪にのせて) sorti le 7 Mars 2022. Il s’agit du morceau thème d’une émission de télé-réalité sur Abema TV intitulée Kare to ōkami-chan ni ha Damasarenai (彼とオオカミちゃんには騙されない). A vrai dire peu importe. Je pense que Vaundy a un véritable don pour la composition musicale car ses morceaux sont presque immédiatement accrocheurs tout en maintenant cette accroche après de multiples écoutes. Je ne suis en général pas attiré par la pop pure, mais la musique de Vaundy m’attire pratiquement à chaque fois. Sa voix joue pour beaucoup, car on y ressent une passion certaine. Après le très bon morceau intitulé Walpurgis qu’il a écrit pour Aimer, je me dis qu’il devrait par exemple aussi composer pour Milet. Elle a une voix très puissante et particulière mais je n’ai pour l’instant pas entendu de morceau intéressant.

Après avoir écouté quelques morceaux de son nouvel album, je continue maintenant en piochant des morceaux de l’album précédent de Mondo Grosso, aka Shinichi Osawa (大沢伸一), celui intitulé Reborn Again and Always Starting New (何度でも新しく生まれる). Je connais déjà le superbe morceau Labyrinth (ラビリンス) avec Hikari Mitsushima (満島ひかり) au chant, et je découvre maintenant Wakusei Tantra (惑星タントラ) avec Asuka Saito (齋藤飛鳥) de Nogizaka46. Asuka Saito chantait déjà sur le morceau d’inspiration shoegazing STRANGER, sur le dernier album de Mondo Grosso. Sur ce morceau Wakusei Tantra (ou Planet Tantra), elle a une manière similaire de chanter, plutôt neutre et sans fioritures. Cette manière de chanter dans un flot continu est vraiment intéressante. La musique de Shinichi Osawa est très délicate et accompagne bien cette voix, la contrebalance même. Asuka Saito devrait s’échapper de Nogizaka46 pour venir chanter dans ce genre de projets. Tout comme pour Hikari Mitsushima, Shinichi Osawa semble être fidèle aux chanteuses qu’il fait intervenir sur ces albums, donc on peut présager d’autres morceaux à l’avenir. Il faut que je tente maintenant d’écouter un peu plus ces deux albums de Mondo Grosso.

On change encore complètement de style avec Minakekke. Depuis son EP Oblivion de 2019, j’avais un peu perdu de vue ses compositions, mais elle n’a pas sorti de nouvel EP ou album depuis celui de 2019. Son nouveau morceau Memorabilia, sorti le 15 Mars 2022, ne dépareille pas vraiment du style du EP Oblivion. La voix de Minakekke est chargée d’émotion, presque tremblotante, et il en ressort quelque chose de très beau. Alors que le début du morceau est plutôt minimaliste avec une guitare acoustique et un son unique de percussion, mettant l’accent sur le chant de Minakekke, l’accompagnement musical s’étoffe petit à petit. La deuxième partie de Memorabilia fait intervenir le bruit assourdissant des guitares de style shoegazing, sans pour autant altérer sa voix. Je me demande si ce n’est qu’au Japon que l’influence shoegazing est encore si présente. Je ne vais pas me plaindre car j’adore ces sonorités bruitistes.

Le dernier morceau part encore dans une direction complètement différente. Il s’agit de Sakura Burst du groupe Cö Shu Nie. Ce groupe, son nom du moins, m’intrigue depuis longtemps mais je n’avais jamais vraiment essayé d’écouter attentivement leur musique. Il se trouve que la chanteuse de Cö Shu Nie, Miku Nakamura (中村未来), est une amie de longue date d’Ikkyu Nakajima et cette dernière l’avait invité sur l’émission de J-Wave Wow Music pour justement présenter ce nouveau single Sakura Burst. Il ne m’en fallait pas beaucoup plus pour aller écouter ce morceau attentivement et l’apprécier. Sakura Burst est le thème final d’un anime télévisé intitulé Code Geass: Lelouch of the Rebellion (コードギアス 反逆のルルーシュ) dont je n’ai jamais entendu parlé. A vrai dire peu importe (2). Le style est upbeat, contrastant complètement avec le morceau que j’évoquais juste avant. Musicalement, c’est très fouillé, voire symphonique, et la voix de Miku Nakamura va chercher très haut dans les aigus. Je trouve que ce morceau correspond bien à l’archétype des morceaux utilisés pour des films d’animation, mais celui-ci me plaît beaucoup.

C’est assez inattendu de voir Sheena Ringo sortir un nouveau morceau en solo, et j’espère que ça n’annonce pas une nouvelle pause de Tokyo Jihen. Après le dernier single Futsū ha (ふつうとは) de Tokyo Jihen, il s’agit encore d’un thème musical pour une émission de la NHK adressée au jeune public. Le nouveau morceau intitulé Ito wo Kashi (いとをかし) sera le thème final de l’anime Ojarumaru (おじゃる丸) sur NHK E Tele (Eテレ). Ce thème sera diffusé à partir du 4 Avril donc j’imagine que le morceau entier sera disponible à ce moment là. Cet anime existe depuis très longtemps, apparemment depuis 1998 ce qui correspond au début de la carrière de Sheena Ringo. La photo promotionnelle ci-dessus semble avoir été prise en même temps que celle accompagnant le single précédent de Tokyo Jihen qui est également la photographie de nouvelle année du groupe. Je ne sais pas trop à quoi on peut s’attendre pour ce dernier morceau, mais j’ai un peu peur qu’il soit trop consensuel. Le fait que ça soit le thème final plutôt que le thème d’ouverture permettra peut-être un peu plus de liberté, mais j’avoue avoir assez peu d’attente.

un Fuji rouge au bord de la rivière

Ce billet avec cette sélection de photos est le dernier que j’avais gardé dans mes brouillons depuis plus d’un mois. J’ai pris beaucoup de photos ces deux derniers week-ends mais elles sont encore précieusement conservées sur la carte mémoire de l’appareil photo sans les avoir transférées vers l’ordinateur. J’en oublierais presque ce que j’ai pris et les endroits où je suis allé. Comme sur une pellicule de film argentique, on oublie ce qu’on a pris en photo lorsqu’on la fait développer des mois après, et la surprise est d’autant plus grande. Ceci me rappelle que j’ai justement une pellicule en cours depuis de nombreux mois, peut-être même plus d’un an, et je n’ai strictement aucun souvenir de son contenu. Une idée aurait été de prendre toutes ces photos et ne les développer au fur et à mesure que 20 ans après. L’impact visuel que l’on doit éprouver en découvrant ses propres photographies 20 ans après les avoir prises doit être surprenant, si on compare à l’impact de voir une photographie d’un lieu qu’on vient juste de traverser la journée même. Faire reposer des photographies dans un billet en brouillon pendant plus d’un mois a l’intérêt de se laisser le temps nécessaire pour se questionner sur la qualité des photos que l’on veut montrer. Je l’ai déjà mentionné auparavant mais l’interêt que je peux trouver dans certaines photos que je montre n’est certainement considéré que par moi-même, et tant mieux si d’autres y trouvent également un intérêt ou, au mieux, une certaine poésie.

Il y avait initialement quelques photographies supplémentaires sur ce billet, mais j’en ai retiré plusieurs pour ne conserver que celles ci-dessus prises principalement le long de la rivière Meguro, mais également à Udagawachō à Shibuya. La première photographie est prise près de la grande jonction Ikejiri-Ōhashi. On aperçoit les portions d’autoroutes en hauteur juste avant leur plongée dans l’énorme jonction. Ces portions d’autoroutes se superposant passent au dessus de la grande route 246 qui elle-même traverse la rivière Meguro. Cette accumulation de voies superposées rend cet endroit visuellement intéressant, mais j’aime en fait surtout l’insecte vert dessiné sous le pont au niveau de la rivière. On le devine à peine, car il n’est pas immédiatement visible depuis la rue. A quelques mètres de cet insecte, deux engins mécaniques sont installés dans la rivière. J’imagine qu’ils sont utilisés pour nettoyer la rivière, mais on peut se demander comment ils ont été déplacés à cet endroit là. On ne le voit pas sur la photographie, mais deux grues sont disposées juste à côté. Un peu plus loin, plus près de Naka Meguro, je retrouve la mosaïque du Mont Fuji rouge de Invader s’inspirant directement du Gaifū kaisei (凱風快晴) de Katsushika Hokusai. La dernière photographie nous fait revenir à Shibuya dans le quartier de Udagawachō. Quand je passe dans ce quartier, je jette systématiquement un œil au magasin de disques Manhattan Records, car un des murs du building est toujours décoré d’un graph élaboré, et celui-ci change régulièrement. Il y a trois ans, on pouvait y voir un avion de chasse à tête de requin. Cette fois-ci, il s’agit d’un grapheur venant lui-même dessiner sur ce mur.

Dans le billet précédent, je mentionnais le livre de photographies éponyme de Mika Ninagawa sorti en Octobre 2010. Au moment de l’écriture de ce billet, j’avais recherché si ce livre était disponible sur Mercari et avait trouvé une version à un très bon prix. Je l’ai reçu le lendemain. La rapidité de réception dépend de celle de l’envoyeur mais on atteint dans ce cas là une rapidité digne d’Amazon. J’avais même reçu le photobook avant d’avoir fini l’écriture de mon billet. Ce livre est un sacré pavé de 352 pages, avec en préface une interview de Mika Ninagawa avec Daido Moriyama. Ce livre n’était en fait pas publié au Japon et il est en anglais, mais je l’avais quand même vu en librairie comme je le mentionnais dans mon billet précédent. Il s’agit en quelque sorte d’une rétrospective du travail photographique de Ninagawa, mélangeant photographies de fleurs et portraits de personnalités, comme Chiaki Kuriyama ou Anna Tsuchiya (qui jouait le rôle principal dans Sakuran, le premier film de la photographe), entre beaucoup d’autres. L’impression papier met bien en valeur les couleurs extra vives des photographies de Mika Ninagawa. Parmi les personnalités photographiées, je mentionnais dans le billet précédent une photo de Sheena Ringo (椎名林檎), que je montre ci-dessus. Elle est accompagnée sur cette photo par les acteurs Shun Oguri (小栗旬), Lily Franky (リリーフランキー) et Kenichi Matsuyama (松山ケンイチ). Cette photo est tirée d’une série montrée dans le livre magazine (mook) sorti en Novembre 2006, Kaze to Rock to United Arrows (風とロックとユナイテッドアローズ). Il s’agissait apparemment d’une collaboration avec la marque de vêtements United Arrows. Je n’avais pas acheté de livres de photographies depuis longtemps et ça m’ouvre l’esprit de le voir posé sur la petite table du salon et de le feuilleter progressivement tous les soirs.

危なく無い街へ

J’ai en ce moment beaucoup de mal à me lancer dans l’écriture d’un nouveau billet. Les nouvelles récentes du monde font que tout le reste prend peu d’importance. Le fait d’être très occupé en ce moment professionnellement me donne également peu de temps le soir pour me mettre à écrire sur ce blog. L’allergie soudaine et inexpliquée qui m’a saisi depuis lundi n’arrange rien non plus. Mais ce blog a toujours été pour moi une porte d’évasion nécessaire et je me dis qu’elle est d’autant plus nécessaire en ce moment. Alors je me force un peu à écrire et le rythme revient. Tout est une histoire de rythme, il ne faut pas le perdre sinon on risque de tout arrêter. Les photographies ci-dessus datent déjà d’il y a plusieurs mois. Elles ont été prises de la gare de Shinagawa jusqu’à l’île artificielle de Tennōzu (天王洲アイル). J’avais en tête de passer voir plusieurs lieux pendant cette marche au trajet relativement bien défini à l’avance. Tout d’abord, passer sur les hauteurs de Gotenyama pour constater l’avancement d’une maison individuelle, celle que je montre sur les deux premières photographies. La dernière fois que je l’ai vu, le bâtiment en lui-même était déjà construit mais la fresque montrant des formes de vagues était en cours d’élaboration. En regardant de près, on remarque que cette surface est constituée d’une multitude de pierres taillées et on imagine très clairement qu’il fallait de longs mois pour la terminer. Cette façade maintenant terminée me rappelle les flots d’un océan au dessus desquels viennent voler des oiseaux. Ces oiseaux de couleurs bleues et vertes sont des objets posés à différents endroits de la parois. Cette surface est très belle, comme un tableau, mais je trouve que la porte d’entrée principale flanquée de deux tigres d’Okinawa ne s’accorde pas très bien avec l’ensemble. Dans le petit jardin derrière le muret de pierre, on remarque quelques statues posées dans les herbes folles. Cette maison se trouve à quelques mètres seulement de l’ancien musée d’art Hara, qui a malheureusement fermé ces portes. C’est bien dommage car en plus des expositions que l’on pouvait y voir, j’aimais beaucoup marcher à l’intérieur du vieux bâtiment et accéder au jardin intérieur. J’ai notamment des souvenirs d’y avoir vu une exposition de créatures bizarres de l’artiste australienne Patricia Piccinini en 2004. Je me souviens très bien avoir marché dans ce jardin intérieur en 2015 lorsque nous étions allés voir en famille l’exposition de photographies de Mika Minagawa intitulée Self-image. C’était un peu limite pour les enfants en y repensant maintenant et en revoyant les photographies de l’exposition publiées en photobook, mais le petit était encore petit. De Mika Ninagawa, je me souviens avoir beaucoup hésité à acheter son book éponyme sorti en 2010. Je l’ai souvent feuilleté en librairie à cette époque où j’achetais plus régulièrement que maintenant des livres de photographies, mais je ne l’ai malheureusement jamais acheté. En écrivant ces lignes, je le trouve par chance sur Mercari et je n’ai pas pu résister. On peut voir les photographies du book sur le site de la photographe, la mission étant de trouver celle avec Sheena Ringo, mais il y a également plusieurs photographies tirées de son film Sakuran. Des souvenirs du musée Hara, le plus marquant était un étrange concert mélangeant bruits d’insectes, des voix humaines et des expérimentations sonores, se déroulant pendant une soirée de l’été 2005. Nous étions assis dans l’herbe dans le noir à écouter cette musique très particulière.

En parlant de Sheena Ringo un peu plus haut, l’autre but de ma marche cette journée là était d’aller voir le bâtiment des anciens studios d’enregistrement Toshiba EMI appelés TERRA (東芝EMI 寺田スタジオ), qu’elle a utilisé. On les voit sur les cinquième et sixième photographies du billet. Ce bâtiment, comme de nombreux autres dans ce quartier, sont la propriété de la compagnie TERRADA (寺田倉庫). TERRADA était initialement spécialisée dans les entrepôts, mais a diversifié ses services ces dernières années. Certains des entrepôts sont maintenant utilisés comme galeries d’art. L’ultime objectif de ma marche était de visiter le TERRADA Art Complex contenant plusieurs galeries, dans l’ensemble intéressantes. L’installation mécanique formant les lettres du mot « Tokyo » était montrée dans une de ces galeries. Les galeries sont disposées à plusieurs étages du bâtiment, mais comme il s’agissait auparavant d’un entrepôt, les ascenseurs sont extrêmement vastes, lents et ne s’arrêtent qu’à un seul étage à la fois. Il faut donc une certaine motivation pour visiter chaque étage, mais chaque galerie valait quand même le détour. Pour revenir aux anciens studios TERRA de Toshiba EMI, on pouvait voir l’intérieur dans une séquence vidéo d’un des DVDs Seiteki Healing de Sheena Ringo. Un des morceaux de son album Heisei Fuzoku (平成風俗) est également sous-titré « TERRA ver. » en référence à ce studio.

Musicalement parlant, je continue bien entendu à découvrir la musique du groupe rock alternatif Tricot, dont je ne me lasse pas et qui accapare presque complètement ma playlist quotidienne en ce moment. Je continue à rechercher les CDs des albums et EPs chez les disquaires Disk Union de Tokyo. Le magasin Disk Union de Shimokitazawa est une bonne pioche car j’y trouve de nombreux CDs que je recherchais. Cette fois-ci, j’y trouve l’album Makkuro (真っ黒) qui, comme son nom l’indique, a une couverture entièrement noire. C’est le quatrième album du groupe sorti en 2020. Je trouve également KABUKU EP sorti quelques années auparavant en 2016. L’album Makkuro commence très fort côté guitares dès le premier morceau et se calme un peu vers la deuxième partie de l’album. Dès la première écoute, l’album s’envole avec le morceau Watch (みてて) car Ikkyu Nakajima y pousse très loin sa voix. Ce genre de morceaux m’attirent beaucoup. Des morceaux plus apaisés comme Abunakunakunai Machi he (危なくなく無い街へ) se révèlent par contre vraiment après plusieurs écoutes. Le morceau Himitsu (秘密) est un de mes préférés et me fait dire que Tricot est un des meilleurs groupes rock alternatifs japonais. On plonge au milieu de ce morceau dans un magma de guitares qui me rappelle ceux de Sonic Youth. Musicalement, c’est toujours impeccable et très inspiré, avec ces saccades de guitares et les rythmiques compliquées de Montifour Kida désormais typiques de l’ambiance sonore du groupe. Makkuro (真っ黒) part aussi vers des directions plus pop rock, et l’album est un peu plus varié que ceux que je connais jusqu’à maintenant notamment le plus agressif A N D. J’aime aussi les liens subtils qui se tissent entre les albums. Sur le sixième court morceau Teisokudōro (低速道路), les voix vers la fin du morceau reprennent quelques paroles du morceau Kobe Number de l’album A N D. Le deuxième morceau intitulé Right Brain Left Brain (右脳左脳) est un des singles immédiatement accrocheur de l’album. Sa vidéo a été tournée sur un vieux pont piéton au dessus des lignes de chemins de fer près d’Ebisu. Je connais très bien cet endroit et j’emprunte très souvent ce petit pont. Je l’ai pris en photo de nombreuses fois notamment dans ce billet de Juillet 2020 où il était envahi par la végétation (sur la cinquième photographie). Je suis plutôt content de voir les membres du groupe évoluer dans un décor qui m’est très familier. Ce genre de liens entre mon expérience urbaine et la musique que j’écoute est pour moi très important. Les morceaux Afureru (あふれる) et le morceau titre Makkuro (真っ黒) sont également des singles de l’album, tout comme le dernier morceau de l’album Potage qui est pourtant dans la partie bonus. Je me moquais un peu dans un précédent billet du titre de ce morceau, mais il s’avère qu’il est excellent. Difficile de trouver des points faibles dans cet album, qui est peut-être mon préféré, bien que j’adore ceux que j’ai déjà écouté. Je n’oublie pas non plus le EP KABUKU composé de 5 morceaux dont Setsuyakuka (節約家) qui sera également inclu dans l’album suivant 3 sorti l’année suivante. Il n’y a pas de différence majeure entre les EPs et les albums mais certains morceaux s’aventurent parfois vers des horizons un peu différentes, comme le premier morceau Nichijo_Seikatsu chanté à plusieurs voix simultanées. J’écoute tous ces EPs et albums de Tricot à la suite et j’ai même un peu de mal à définir les limites entre eux. Le prochain album à découvrir est leur troisième intitulé très naturellement 3, que j’ai déjà trouvé au Disk Union d’Ikebukuro. J’ai un peu peur d’aller trop vite dans mes découvertes, mais j’ai du mal à me retenir.

Avec cette découverte progressive des albums de Tricot, mon amour pour la musique du groupe s’intensifie de plus en plus. Il se trouvait justement que Tricot était en tournée nationale avec une dernière date à Tokyo pour le concert final, le dimanche 27 Février 2022. J’ai eu beaucoup de chance car il restait encore quelques places et j’ai pu m’en procurer une. J’ai quand même hésiter car la situation sanitaire actuelle n’encourage pas beaucoup à se regrouper en nombre dans des espaces fermés. Mais j’ai encore maintenant beaucoup de regrets de ne pas avoir été au concert de Tokyo Jihen en 2020 à cause de cette pandémie, et je n’avais pas vraiment envie de laisser passer cette occasion qui se présentait à un excellent timing. Tricot a commencé en 2021 cette tournée nationale de neuf dates appelée WALKING × WALKING TOUR 2021-2022. Elle se termine donc le 27 Février 2022 à Tokyo, dans la salle de Toyosu Pit (豊洲ピット). C’est la première fois que j’assiste à un concert dans cette salle située près de la station Shin-Toyosu de la ligne Yurikamome et au bord d’un large canal donnant sur la baie de Tokyo. Toyosu Pit peut apparemment accommoder 3,103 personnes debout ou 1,328 personnes assises. Lors de ce concert, il y avait des chaises disposées avec une place condamnée entre deux personnes, donc j’imagine qu’il devait y avoir à peu près 700 personnes dans la salle. Il fallait bien entendu porter le masque en permanence, ne pas crier et donc se contenter d’applaudir ou de lever les bras pour essayer d’attirer l’attention du groupe. J’étais plutôt placé vers le fond de la salle mais par chance juste après une marche qui donnait un peu de hauteur. La majorité du public semblait avoir une vingtaine ou trentaine d’années, mais il y avait également des personnes de mon âge. Les membres du groupe ont entre 32 et 33 ans (je ne suis pas sûr pour le batteur Yusuke Yoshida), soit une dizaine d’années de moins que moi. Le designer Masamichi Katayama était également présent en spectateur dans la salle car il montrait une photo sur son compte Instagram. Comme je le suis depuis longtemps sur Instagram et que je suis passé récemment devant les bureaux de Wonderwall pour prendre le bâtiment en photo, j’étais surpris de cette coïncidence. Je ne l’ai par contre pas vu ou reconnu dans la salle.

Je suis arrivé 30 minutes avant le début du concert, pour avoir assez de temps pour m’imprégner des lieux. Pareillement, quand je vais au cinéma, j’aime arriver en avance pour regarder les bandes-annonces. Arriver 30 minutes en avance m’a permis de boire tranquillement une bière dans le hall d’entrée en observant la foule, et de m’asseoir un peu après dans la salle encore à moitié vide en écoutant la bande sonore qui nous passait des morceaux de Wednesday Campanella (nouvelle version avec Utaha) et de Chai, entre autres. Les trois premières photos ci-dessus sont prises à l’iPhone, pendant cette période d’attente (les deux premières photos) et après la fin du concert en sortant vers 19h. Le concert était relativement long, durant deux heures en tout. Le groupe a joué 20 morceaux en tout, incluant 3 en rappel, et Ikkyu assurait le rôle de MC. Elle parle en fait beaucoup, peut-être parce qu’il s’agissait du concert final de la tournée. En fait, Ikkyu lançait à chaque fois la discussion et Kida intervenait régulièrement en réponse. Hiromi et Yoshida étaient par contre beaucoup plus discrets. Elles revenaient principalement sur la tournée qui s’achève en évoquant certains lieux et le fait que le groupe était satisfait d’avoir pu tourner malgré les contraintes sanitaires. La tournée précédente avait apparemment été annulée en raison de la pandémie. En fait, cette tournée WALKING × WALKING TOUR 2021-2022 était censée être mondiale avec plusieurs dates en Europe (plusieurs en Grande Bretagne, une date à Paris et d’autres ailleurs) immédiatement après celles au Japon, mais elles ont été repoussées à partir du mois de Septembre. Pour les parisiens intéressés, Tricot sera en concert le samedi 24 Septembre 2022 au Point Éphémère dans le 10ème arrondissement de Paris. Pour combler cette attente supplémentaire, Tricot annonça pendant ce concert que trois autres concerts seront joués dans des petites salles de Setagaya et retransmis en live aux heures européennes (donc très tôt au Japon, vers 4h du matin). Cette petite tournée principalement destinée à être online se déroulera les 2, 10 et 23 Avril 2022 et se nomme STOP x STEP tout for UK & EU in TOKYO.

Je n’ai pas assisté à un concert depuis un petit moment et entendre le son live des premières percussions de la batterie de Yusuke Yoshida a réveillé une petite flamme en moi. Le premier morceau démarre dès l’entrée du groupe sur scène. Je ne connais pas Tricot depuis longtemps mais j’ai regardé un grand nombre de music vidéos et autres émissions sur YouTube, ce qui me donne l’impression de déjà bien les connaître. Je reconnais bien l’emplacement des membres du groupe car Ikkyu Nakajima se place toujours sur la droite, à l’opposé de Motifour Kida à la toute gauche. Hiromi Hirohiro à la basse se trouve toujours entre Ikkyu et la batterie de Yusuke Yoshida. Je reconnais aussi tout de suite la guitare d’Ikkyu car la sangle est imprimée de motifs empruntés à la couverture de l’album Revolver des Beatles (on peut notamment la voir sur la vidéo de Potage). Sur les 20 morceaux qui seront joués, la moitié provenait du dernier album Jōdeki (上出来), que je n’ai pas encore écouté à part les trois singles déjà sortis, notamment Kayoko et Inai (いない) qui sont d’excellents morceaux que j’aime vraiment beaucoup. Le son live de Tricot est très présent et puissant, je dirais même englobant tant le son occupe tout l’espace. La batterie est percutante, la voix d’Ikkyu ne manque pas d’intensité et de nuances, comme sur les albums. Comme sur les albums, la technique impeccable des guitares et de la batterie se mélange parfaitement avec l’émotion palpable qui se dégage du chant des trois filles de Tricot.

Il y a beaucoup de morceaux que j’écoute pour la première fois mais ils m’accrochent tout de suite. Le grand classique Ochansensu-su (おちゃんせんすぅす) du premier album THE est également interprété avec beaucoup de malice de la part de Kida qui commande le reste du groupe avec ses arrêts et redémarrages de guitare. Quelques autres morceaux de l’album THE sont également interprétés, mais bizarrement aucun des deuxième et troisième albums A N D et 3. Entendre des morceaux que j’ai beaucoup écouté a forcément une saveur particulière et je jubile en écoutant les deux morceaux joués à la suite de l’album Makkuro, Right Brain Left Brain (右脳左脳) et surtout Himitsu (秘蜜), qui est comme je le disais ci-dessus le morceau que je préfère de cet album. L’entendre sur scène me donne des frissons. Les morceaux s’enchaînent sans temps morts à part les pauses que s’autorise le groupe pour parler au public. Le dernier single End roll (エンドロールに間に合うように) sorti peut avant ce concert est bien entendu interprété. Il s’agissait de la première interprétation sur scène du morceau pour le groupe et Ikkyu semble prendre un malin plaisir a taquiner Hiromi car elle a le tract lors des premières interprétations sur scène de morceau. Ça ne se ressentait par pour autant. Les membres du groupe ne se déplacent pas beaucoup sur scène mais sont loin d’être immobiles notamment Motifour Kida qui se laisse emporter par le son de sa guitare. Elle vient quand même à un moment embêter Ikkyu de l’autre côté de la scène. Ikkyu fait d’ailleurs de même à un autre moment. Il se dégage une énergie positive du groupe qui me plaît beaucoup et qui fait même beaucoup de bien. Les interprétations sur scène étant impeccables, je ne regrette pas de m’être plonger dans cette énergie rock étourdissante.

Comme je le disais plus haut, les trois photos prises à l’iPhone sont les miennes (Tricot a d’ailleurs laissé un ‘like’ sur mon tweet les remerciant). Les suivantes proviennent des comptes Twitter et Instagram de Tricot et d’Ikkyu Nakajima. Je me permets aussi de montrer les quatre petites photos suivantes provenant du site Realsound.jp qui fait une revue de ce concert. Pour référence ultérieure, je note aussi ci-dessous les titres des morceaux interprétés lors de ce concert.

WALKING × WALKING TOUR 2021-2022 – Toyosu Pit (豊洲ピット) – 27 Février 2022:

1. Talk (言い尽くすトークします間も無く), de l’album Jōdeki (上出来)
2. Super Summer (スーパーサマー), de l’album Jōdeki (上出来)
3. Summer Night Town (サマーナイトタウン), de l’album 10
4. Omotenashi (おもてなし), de l’album THE
5. Right Brain Left Brain (右脳左脳), de l’album Makkuro (真っ黒)
6. Himitsu (秘蜜), de l’album Makkuro (真っ黒)
7. Kayoko (カヨコ), de l’album Jōdeki (上出来)
8. Dogs and Ducks, de l’album Jōdeki (上出来)
9. Ochansensu-su (おちゃんせんすぅす), de l’album THE
10. WARP, de l’album 10
11. Walking (餌にもなれない), de l’album Jōdeki (上出来)
12. Inai (いない), de l’album Jōdeki (上出来)
13. Night Monster (夜の魔物), de l’album Jōdeki (上出来)
14. POOL, de l’album THE
15. Itsumo (いつも), de l’album Jōdeki (上出来)
16. Bakuro (暴露), de l’album Jōdeki (上出来)
17. Omae (おまえ), de l’album 10
18. End roll (エンドロールに間に合うように), nouveau single
19. Hitoyasumi (ひとやすみ), de l’album Jōdeki (上出来)
20. Oyasumi (おやすみ), de l’album THE

風を切って行くわよ

Le béton brut de House in Minami-azabu par l’architecte Hitoshi Wakamatsu. La forme en polyèdre du toit a été calculée pour maximiser la hauteur permise par les régulations urbaines du quartier tout en minimisant l’ombre projetée sur les maisons alentours. L’impression brutaliste de l’extérieur est conservée dans certaines pièces à l’intérieur, notamment le living au deuxième étage ouvert des deux côtés par d’immenses baies vitrées dont une aux formes obliques. Le rez-de-chaussée contient une pièce traditionnelle japonaise en tatami plutôt sombre. Le dernier étage sous le toit est peint en blanc avec quelques fenêtres de taille réduite.

Une cérémonie bouddhiste de quartier à Ikegami pour commencer la nouvelle année sous les meilleurs auspices. Comme elle durait plus d’une heure, je me suis discrètement éclipsé pour aller explorer le quartier. Cette cérémonie aux portes d’un temple suscitait la curiosité de certains passants.

Détails d’une rue du quartier d’Ikegami dans l’arrondissement d’Ōta. La zone que je parcours est presque exclusivement résidentielle et ne m’a pas apporté beaucoup d’opportunités photographiques. Mais il faut parfois plusieurs passages pour que les choses se révèlent à moi. J’ai même souvent tendance à voir des choses différentes à chaque passage dans une même rue ou quartier.

Façade du magasin d’instruments de musique Ikebe à Shibuya. Je fais un détour volontaire pour voir les affiches géantes montrant les visages de Hana et Hikam Watanabe de Tamanaramen (玉名ラメン). Ces photographies aux couleurs fortement modifiées reprennent le style du single The light behind my eyelids, que je mentionnais dans un récent billet.

Quand je marche dans le centre de Shibuya, je passe presque systématiquement derrière le grand magasin PARCO pour voir quelle affiche y est montrée. Cette fois-ci, il s’agissait d’une affiche publicitaire pour une réédition en cours de l’oeuvre manga complète de Katsuhiro Ōtomo « The Complete Works« . Bien que j’aime beaucoup son œuvre, il est fort improbable que je me lance dans cette collection là. J’ai d’ailleurs l’impression qu’il y a déjà eu des rééditions du manga AKIRA et d’autres books commémoratifs.

Je fais ces détours rapides en coupant le vent dans Shibuya pour finalement arriver au Tower Records. Des costumes de scène de Tokyo Jihen y étaient exposés au huitième étage pendant une période limitée. Ce genre d’exposition se déroule en général plutôt au Tower Records de Shinjuku, mais depuis la réduction de l’espace du magasin, il ne devait pas y avoir assez de place pour tout montrer. Il faut dire que ça doit être la plus grande exposition que j’ai pu voir jusqu’à maintenant. On y retrouve les kimonos portés par Tokyo Jihen lors de l’émission Kōhaku sur NHK le 31 Décembre 2021, les tenues au début et à la fin de cette même émission, et quelques autres utilisées dans d’autres émissions en 2021. J’étais particulièrement curieux de voir le skateboard de Sheena, qui apparaît régulièrement dans des émissions ou des vidéos. On peut également apprécier les Reebok Pump futuristes, les sacs à dos NASA et les tenues de sport colorées dérivées de celles de la période Sports. J’ai également montré quelques unes de ces photos prises à l’iPhone sur mon compte Instagram. J’y suis allé un dimanche à l’ouverture à 11h et il n’y avait donc qu’assez peu de personnes. Comme l’espace n’est pas très grand tout de même, j’ai fait de mon mieux pour ne pas inclure les visages des autres visiteurs sur mes photos sur Instagram, sauf une photo qui montrait l’affiche à l’entrée et sur laquelle on pouvait voir une fille de profil avec le visage à moitié caché par un masque. Quelques heures après publication, je reçois un DM de cette même personne me demandant de flouter la photo sur Instagram sur laquelle on voyait une partie de son visage ou d’enlever complètement la photo en question, ce que j’ai finalement fait car je ne pense pas qu’on puisse éditer une photo déjà publiée sur Instagram. Deux amis ou connaissances de cette personne m’ont également contacté pour la même raison, de manière fort aimable mais insistante tout de même. Je n’avais pas l’intention de créer de problème donc effacer la photo rapidement a rassuré tout le monde. Mais je ne m’étais jamais vraiment posé la question des problèmes éventuels de montrer des visages sur Instagram ou sur ce blog. Le problème sur Instagram est que j’utilisais le tag #椎名林檎 comme tous les autres personnes ayant montré des photos de cette exposition, ce qui fait que la personne en question a rapidement vu ma photo et a réagi. Je ne prends pas souvent des personnes en photo sur ce blog et encore moins sur Instagram, mais je ne me suis jamais empêché de montrer des visages sortant d’une foule par exemple. Cette remarque va peut-être modifier mon approche, du moins je suis sûr que je vais beaucoup plus y penser, ce qui est pour sûr un peu dommage.

Le titre de ce billet n’a pas grand chose à voir avec le contenu mais j’aime tout simplement la manière dont Nanako Matsushima (松嶋菜々子) prononce cette phrase au guidon d’une moto dans une publicité récente. Je garde cette phrase comme titre pour m’en souvenir.

そちは危ない、立ち入り禁止

Les photographies de ce billet datent pour sûr du 10 Janvier car on y voit des jeunes filles porter un kimono à manches longues qu’on appelle furisode (振袖) pour le Seijin Shiki (成人式), la cérémonie du passage à la majorité à 20 ans au Japon. Ma destination ce jour là était le sanctuaire Meiji Jingu pour aller y chercher un goshuin qui viendrait compléter mon carnet. Il me restait une seule page vide et l’idée de le terminer avec le sceau de Meiji Jingu me convenait plutôt bien. J’hésite un peu à scanner mon carnet maintenant terminé, car c’est une tâche qui me prendrait beaucoup de temps et je ne suis pas certain que ça intéresserait beaucoup de visiteurs. Une fois terminé, le carnet de goshuin est un bel objet que j’aime feuilleter de temps en temps. Je l’ai posé en apparence sur une petite étagère juste au dessus de l’ordinateur familial. Tous les dieux shintoïstes et bouddhistes me tomberont d’un coup sur la tête si un tremblement de terre survenait soudainement pendant que je travaille le développement numérique de mes photographies. Pour me rendre au sanctuaire de Meiji Jingu, je remonte à pieds la rue Kōen Dōri (公園通り) qui me fait passer devant la salle de spectacle Shibuya Public Hall (渋谷公会堂). Tokyo Jihen s’y était produit en 2005 pour la tournée Dynamite Out. Le bâtiment a été renommé en C.C. Lemon Hall en 2006 puis fermé pour reconstruction en 2015. Depuis sa reconstruction en 2019, cette salle s’appelle maintenant LINE Shibuya Cube et devait être utilisée ce jour là pour la cérémonie Seijin Shiki des résidents de Shibuya, car nombreux étaient les garçons et filles de 20 ans en kimono à attendre leur tour devant la salle. Après avoir traversé la très large allée piétonne longeant les studios de la NHK et volontairement marché au plus près du gymnase olympique de Kenzo Tange, j’arrive finalement au sanctuaire de Meiji Jingu accolé au parc de Yoyogi. Nous sommes au dixième jour de l’année mais il y a toujours foule dans le sanctuaire. Je n’ose pas imaginer la foule qu’il doit y avoir ici les trois premiers jours de l’année. Nous ne nous sommes jamais aventurés à Meiji Jingu pendant cette période là. En sortant du sanctuaire, j’aperçois une troupe d’hommes et de femmes en tenue traditionnelle, marchant au pas avec un long arc à la main. Je ne suis pas le seul à les prendre en photo. Je ne sais pas de quelle cérémonie il s’agissait exactement mais elle ne semblait pas visible au public, car le groupe disparu rapidement dans une allée privée s’enfonçant dans la forêt. Les première et dernière photographies sont prises dans un tout autre lieu: en remontant le cimetière d’Aoyama pour l’une et en apercevant le grillage blanc d’un bâtiment commercial de Kazuyo Sejima à Aoyama, pour l’autre.

Je connais le groupe tricot depuis quelques temps mais je n’avais pas jusqu’à maintenant poussé la curiosité jusqu’à écouter un album en entier. J’avais certes tenté de rentrer dans leur univers musical, plutôt à base de math rock, en écoutant quelques morceaux par-ci par-là sans pourtant aller plus en avant. Je ne sais plus exactement les raisons pour lesquelles je n’avais pas approfondi mon écoute mais ça ne devait pas correspondre à la phase musicale dans laquelle je me trouvais à ce moment-là. Ou peut-être pensais-je qu’un groupe s’appelant tricot et utilisant des titres de morceaux comme « Potage » ne pouvait pas jouer un rock qui m’intéresserait. Mais mon avis a pourtant complètement changé depuis la discussion entretenue avec Nicolas dans les commentaires d’un ancien billet intitulé ネタバレしてる人生. On parle d’abord du groupe Genie High mené par le producteur (et guitariste) Enon Kawatani dans lequel chante la guitariste et interprète de tricot, Ikkyu Nakajima. Cette discussion à propos de Genie High me rappelle un morceau que le groupe a interprété avec AiNA The End, Fubenna Kawaige (不便な可愛げ). J’étais également passé à côté de ce morceau à sa sortie en Novembre 2019, ce que je regrette maintenant vu le nombre de fois où j’ai pu l’écouter ces dernières semaines, depuis cette discussion dans les commentaires. Comme quoi, j’ai parfois des idées préconçues sur certaines formations musicales alors qu’elles mériteraient quand même que je m’y attarde. Le morceau Fubenna Kawaige fonctionne extrêmement bien car les voix de AiNA et de Ikkyu sont complémentaires. Il y a une grande fluidité dans les échanges vocaux qui fait grand plaisir à écouter. Le morceau est excellent et musicalement, c’est impeccable même si ce sont deux comédiens qui jouent de la batterie et de la basse. Je pense que mon à priori était dû à la présence de ces comédiens dans ce super-groupe de Kawatani que j’avais initialement eu du mal à prendre au sérieux. Le deuxième album de tricot intitulé A N D m’est ensuite conseillé, pour la simple raison que H Zett M y joue du piano sur deux morceaux. Il ne m’en fallait pas plus pour y jeter une oreille et réaliser que j’étais passé à côté de quelque chose en ne m’étant pas penché sur la musique de tricot un peu plus tôt. Mieux vaut tard que jamais! J’adore tout simplement ce que j’étends sur ce septième morceau Pain (ぱいーん): le rythme frénétique, les coupures inattendues et le piano aux accords compliqués de H Zett M s’accordant excellemment avec les guitares de tricot prenant le relai. En écoutant le piano de H Zett M se mélanger aux guitares et ne pas perdre le dessus, je repense à ses prestations lors des concerts de Tokyo Jihen, Dynamite Out, et de Sheena Ringo, Electric Mole (Sugoroku Xstasy). En fait, je ne soupçonnais pas que la musique de tricot était aussi puissante et prenante. Ikkyu pousse très souvent sa voix et les guitares sont rapides et imprévisibles (ça doit être le côté math rock). Il y a même un côté sauvage et instinctif dans la manière dont Ikkyu chante. Les douze morceaux de l’album A N D défilent à toute vitesse sans qu’on décroche une seconde. Le rythme est soutenu sans vrais moments de répit, mais mélangent le chaud et le froid en alternant des voix plus éthérées avec des chœurs et des montées en puissance soudaines des voix. Des morceaux comme le troisième Hashire (走れ) ou le sixième Kieru (消える) en sont de bons exemples, et sont tout simplement excellents. Comme sur Hashire (走れ), il y a une sorte d’urgence et de danger imminent dans beaucoup de morceaux. « C’est dangereux par là, défense d’entrer » (そちは危ない、立ち入り禁止) comme le chante Ikkyu sur ce morceau. Et les guitares et batterie accompagnent et transcendent cette frénésie sonore qui nous envahit. On ne s’ennuie pas parce que même s’il y a une grande continuité de style dans l’ensemble de l’album résolument de style rock alternatif, on y trouve quand même des moments particuliers comme le neuvième morceau intitulé Niwa (庭) où Ikkyu chante de manière très rapide à la limite du rap. Il y a une sorte de folie contagieuse dans ce morceau là. Il y a des moments un peu plus pop comme le morceau Kōbe Number (神戸ナンバー), qui est également un point remarquable de l’album, notamment quand les trois filles du groupe chantent ensemble le titre du morceau en chœurs (神戸ナンバー、思い出すわー). Mais, j’aime beaucoup de toute façon les morceaux avec des noms de plaques d’immatriculation (笑), que ça soit Hashire wa Number (走れゎナンバー) de Sheena Ringo ou Shinagawa Number (品川ナンバー) du groupe Sōtaisei Riron (相対性理論) d’Etsuko Yakushimaru.

J’oubliais presque de mentionner que tricot (トリコ, Toriko prononcé en japonais) est composé de trois filles à l’époque de ce deuxième album sorti en 2015: Ikkyu Nakajima (Ikumi Nakajima en réalité) au chant et à la guitare, Motifour Kida (Motoko Kida) à la guitare et Hiromi Hirohiro (Hiromi Sagane) à la basse, sachant que tout le monde chante au moins dans les chœurs. Le groupe est originaire de Kyoto et ça s’entend clairement en interview car Ikkyu a bien l’accent du Kansai (enfin, je ne suis pas spécialiste ceci étant dit). Le batteur ayant quitté le groupe avant ce deuxième album, A N D fait donc intervenir des batteurs invités pour les sessions d’enregistrement. Un batteur officiel, Yusuke Yoshida, rejoindra ensuite le groupe à partir de 2017. En écoutant le premier morceau de l’album, Noradrenaline, je me suis tout de suite dit que les premières percussions de batterie sonnaient un peu comme le début de Tadashii Machi (正しい街) de Sheena Ringo. Comme je savais, avant cette première écoute, que les batteurs étaient différents en fonction des morceaux de l’album, j’ai d’abord pensé que Noriyasu « Kasuke » Kawamura (batteur régulier des sessions d’enregistrement et de certains concerts de Sheena Ringo) était aux commandes. En vérifiant sur Wikipedia, la surprise m’emporte en apprenant qu’il s’agit en fait de Toshiki Hata à la batterie sur ce morceau. Comme quoi, même s’il n’y a pas de véritable ressemblance ou inspiration directe visible entre la musique de Sheena Ringo ou Tokyo Jihen et celle de tricot, il y a au moins des liens intéressants en la présence de H Zett M et Toshiki Hata. Mais ce n’est pas tout car Ikkyu dit elle-même apprécier Sheena Ringo. Depuis l’écoute de A N D, je me suis mis en tête d’acheter tous les albums et d’écouter des interviews pour comprendre un peu plus l’esprit du groupe et son inspiration. Je n’ai pour l’instant que les deux albums THE (premier album de 2013) et A N D (deuxième album de 2015) ainsi que le EP School Children and the Cosmos (小学生と宇宙) sorti en 2012, tous achetés en même temps et pour un très bon prix au Disk Union de Shimokitazawa. J’ai eu un peu de mal à trouver A N D, car je suis d’abord allé sans succès aux Disk Union de Shinjuku et de Shibuya, pour finalement le trouver à Shimokitazawa. Acheter ces albums m’a fait beaucoup marcher, mais je retrouve le plaisir presque obsessionnel d’aller fouiller les disquaires pour trouver les CDs qui me manquent (comme je le faisais pour Sheena Ringo et Tokyo Jihen).

Ma curiosité me pousse à écouter des interviews d’Ikkyu Nakajima. L’excellente surprise qui m’attend est une interview d’Ikkyu par AiNA The End, suite à leur morceau en commun pour Genie High que je mentionnais ci-dessus. L’émission s’appelle Wow Music et passe sur la radio J-Wave, mais est également retransmise en vidéo sur YouTube et c’est là que je la regarde. Cette émission est très intéressante car l’hôte faisant les interviews est à chaque fois une personnalité du monde musical et décide des invités qu’il ou elle interviewera pendant l’émission. L’hôte change apparemment tous les mois. On se souvient que pour la même émission, Seiji Kameda avait invité et interviewé Sheena Ringo. Cette fois-ci, il s’agit donc de AiNA avec Ikkyu. Dès le début de l’émission, AiNA nous fait part qu’elle est fan de tricot et de Nakajima en particulier. Après avoir évoqué des anecdotes sur leur morceau commun Fubenna Kawaige (on apprend que les deux ne se sont rencontrées pour la première fois que pendant le tournage de la vidéo), Ikkyu nous fait part de ses débuts en répondant aux questions relativement standards de l’émission (le format est plus ou moins défini). On apprend la signification de son surnom Ikkyu. Elle s’appelle en fait Ikumi mais à l’école primaire à cette époque, c’était la monde de remplacer les hiragana par les chiffres équivalents. Son prénom « I-ku-mi » devient donc « 1-9-3 », ce qui se prononce donc Ikkyu-san. Ce surnom est resté jusqu’à maintenant. On sait qu’elle a fait du judo étant jeune (je le mentionne car je le ressens dans le son du groupe) et a réellement commencé la musique au club de musique (軽音楽部) de son lycée. Elle voulait être chanteuse dès son plus jeune âge mais a réellement commencé à chanter dans les groupes qui se sont formés dans ce club de musique. Elle nous dit qu’elle voulait chanter du Sheena Ringo à cette époque, mais les autres membres du club de musique ne l’ont pas laissé faire parce qu’elle ne chantait pas assez bien (ce qu’on aurait bien du mal à croire maintenant). A la place, elle s’est plutôt retrouvée à chanter des reprises de Mettalica, ce qui fait bien rire AiNA et Ikkyu pendant l’interview. Le groupe tricot s’est formé à cette période là car Motifour Kida jouait de la guitare dans le même club de musique et Hiromi Hirohiro jouait de la basse dans un club d’une autre école. Ikkyu a appris la guitare un peu plus tard grâce à son grand frère qui en avait une à la maison. Une des questions typiques des interviews de cette émission est de demander au musicien/ne invité quel morceau a été le plus marquant. Ikkyu cite le morceau 17 de Sheena Ringo comme morceau marquant, à l’époque où elle était lycéenne. Ce morceau est en anglais, langue qu’elle ne comprenait pas, mais les paroles lui ont paru très adulte. Ce morceau est en b-side de Tsumi to Batsu (罪と罰) sorti en 2000. Ça me plaît forcément de voir des liens se dresser entre des artistes que j’aime et ça me motive d’autant plus à explorer la musique de tricot. Cet interview est très intéressante car on comprend que Ikkyu est plutôt une personne instinctive et spontanée, et n’aime, par exemple, pas répéter à outrance les morceaux avant un live. Elle nous explique pendant l’interview que trop répéter ou se préparer la pousse à réfléchir plus que nécessaire aux paroles qu’elle doit chanter et elle finit dans ces cas là par paniquer et se mélanger les pinceaux (oublier des morceaux de paroles ou se tromper de mots). Je trouve qu’on entend bien ce côté instinctif dans les morceaux de A N D, et sur ce point là, Ikkyu Nakajima me paraît être très différente de Sheena Ringo.

En comparaison, le premier album du groupe THE est moins percutant que A N D, plus « apaisé » que A N D mais n’en reste pas moins excellent. L’album THE est souvent cité comme étant l’album préféré des fans, ce que je peux très bien comprendre, et ce dès le premier morceau POOL accompagné de son introduction pool side. En y retrouve toute la technicité math rock du groupe et une manière particulièrement intéressante de chanter d’Ikkyu. Je dirais que l’approche sur THE est plus classique dans le style rock alternatif. Je suis très bon public pour ce genre de sons, car c’est clairement ma zone de comfort stylistiquement parlant, ayant été baigné dans le rock alternatif américain pendant une bonne partie de mon adolescence. Je dis ci-dessus que l’album est plus apaisé que A N D, mais il ne faut pas croire non plus qu’il s’agit d’une ballade de santé, car les guitares sont toujours très présentes. L’énergie déborde de l’album morceau après morceau. Un morceau comme le cinquième art sick me rappelle un peu les compositions de SPOOL, peut-être en raison de la mélancolie qui le traverse et la manière de chanter d’Ikkyu qui me rappelle par moments celle d’Ayumi Kobayashi sur les morceaux de SPOOL. Ce morceau me donne des frissons à chaque écoute quand la voix décolle. Le septième morceau Ochansensūsu (おちゃんせんすぅす) doit être le plus connu de l’album. C’est également celui qui a la construction la plus particulière et originale, et peut-être bien le meilleur morceau de l’album (quoique mon appréciation doit changer à chaque écoute). Je trouve que ce morceau représente bien une certaine liberté qu’on retrouve dans l’ensemble des compositions du groupe. Ikkyu disait également dans une interview qu’elle et le groupe savaient très bien dans quelle style musical elles voulaient évoluer, mais étaient également désireuses d’expérimenter de nouvelles choses. L’album THE fait 48 minutes, exactement comme A N D, et on ne s’ennuie pas une seconde. Pendant mes marches urbaines du week-end, j’écoute à la suite de THE, le EP Children and the Cosmos (小学生と宇宙) sorti juste avant en 2012. Le style est relativement similaire à celui de THE. Son écoute me fait penser qu’il ne faudra pas que je passe à côté des nombreux EPs du groupe, car on peut aussi y découvrir des pépites comme Yumemi-gachina shōjo, maiagaru, sora he (夢見がちな少女、舞い上がる、空へ). Ikkyu y parle rapidement d’une manière rappée et à la limite de l’émotion (ça me rappelle un peu ce que Haru Nemuri fera plus tard sur Haru to Shura). En écoutant ce type de compositions, je me dis qu’il faut absolument que j’écoute toute la discographie du groupe car même les EPs sont excellents. En écoutant cette musique, j’ai même l’impression de retrouver mon enthousiasme musical d’adolescent.

Cette découverte du monde musical rock de tricot ne me fait pas oublier que Tokyo Jihen a récemment sorti un nouveau morceau (le 4 Février 2022) intitulé Futsū toha (ふつうとは) destiné à l’émission de la NHK Minna no Uta (NHKみんなのうた). Il est composé par Ichiyō Izawa et chanté à deux voix par Sheena et Watchi (le surnom d’Izawa), ce qui est très inhabituel. J’avoue avoir été surpris par la voix d’Izawa, pratiquement parlé et assez grave au chant. Ce morceau prend son temps à se faire apprécier, et se révèle un peu plus à chaque écoute une fois passée cette surprise d’entendre chanter Izawa. Le refrain revient cependant vers des terrains plus classiques pour Sheena. Ce morceau est loin d’être le meilleur du groupe et je l’aurais plutôt vu en b-side d’un single. Je dirais qu’il est agréable sans être transcendant. Mais après les guitares intenses de tricot, une petite pause avec ce morceau est bienvenue. La sortie de ce morceau m’a rappelé qu’il fallait que je prenne en photo ma discographie personnelle de Sheena Ringo et Tokyo Jihen. Il me manque bien quelques CDs (des compilations ou des Box) mais j’ai presque tout en CD/DVD/Blu-ray. Je possède certains CDs et DVDs depuis plus de vingt ans mais j’ai acheté de nombreux autres ces dix dernières années avec une concentration ces trois dernières années. J’ai beaucoup aimé fouiller les Disk Union et autres disquaires de Tokyo pour trouver les disques qui me manquaient. Il y avait à chaque fois une excitation certaine quand je trouvais un disque que je n’avais pas à un bon prix. Je pense notamment au concert Spa & Treatment de Tokyo Jihen trouvé au Disk Union de Shinjuku. Je ne suis pas vraiment satisfait des photos que j’ai pris ci-dessus à l’iPhone, car je me suis rendu compte après-coup que j’ai laissé l’album Kyōiku de Tokyo Jihen posé sur Electric Mole. Je ne montre pas les objets que j’ai reçu du fan club Ringohan ni les quelques livres ou magazines que je possède, car je ne cherche pas particulièrement à faire la collection de ces objets dérivés. Je n’irais pas non plus vers les vinyles, car on n’a pas de platine à la maison, bien que ça me tente à chaque fois que je passe au Tower Records. L’important pour moi est d’avoir tous les morceaux sortis, peu importe le support physique. Tout ces CDs prennent bien sûr beaucoup de place. Certains ont une collection impressionnante et le montre sur Twitter. Je ferais peut-être de même sur Twitter ou Instagram mais il faudrait que je m’applique un peu plus dans l’organisation de mes photos, en mettant par exemple les disques en ordre chronologique.