suivre les voix

Ces voies surélevées au dessus de Tokyo qui traversent les rivières et survolent les routes peuvent nous amener très loin en dehors de la ville si on ne s’y perd pas. Naviguer sur cette autoroute intra-muros donne la sensation particulière d’être entré dans un labyrinthe. On ne peut pas s’arrêter en route pour réfléchir à la direction qu’on va prendre, il faut s’inscrire dans le flot routier et bifurquer au bon moment. Les voies surélevées sont parfois très étroites, parfois inclinées pour faciliter les virages, se regroupent par moment et se découpent ensuite en deux sans crier gare. Du haut de l’autoroute, on devine parfois le paysage en dessous de nous, lorsqu’on passe par exemple près de Ginza. L’autoroute qui nous amène vers le nord de Tokyo longe la rivière Sumida. Ce paysage est assez unique mais, ayant le vertige, me fait également un peu peur. On n’a de toute façon pas le temps à l’angoisse sur cette route là, il faut suivre le flot routier, ne pas louper les virages et les bifurcations inattendues. Suivre ces voies pour sortir de Tokyo m’emmène vers d’autres voix, celles de Tokyo Jihen.

Tokyo Jihen vient juste de sortir sur YouTube la vidéo de leur dernier morceau intitulé Ryokushu (緑酒), sous-titré Awakening, pourtant sorti il y a plus d’un mois le 30 Mars 2021. Je reçois comme d’habitude un petit email de notification de Ringohan à 4h du matin. Je ne sais pas pour quelle raison les emails du fan club sont aussi matinaux en ce moment. Il se trouve que j’ai renouvelé pour une nouvelle année mon adhésion à Ringohan le soir d’avant et cette vidéo inattendue arrivait d’une certaine façon comme une récompense. La vidéo est tout simplement superbe et embellit même le morceau qu’elle vient illustrer, au point où j’ai le sentiment de le redécouvrir sous un autre jour. Alors que j’avais eu un avis un peu mitigé à la première écoute de Ryokushu, j’adore maintenant ce morceau, même le passage ressemblant à une interprétation de Queen car je trouve qu’il vient s’inscrire dans une sorte d’apogée, dans la composition musicale du morceau. La vidéo est bien évidemment réalisée par Yuichi Kodama, le compagnon de Sheena Ringo, mais elle est assez différente des précédentes qui représentaient plutôt un univers proche du fantastique. La vidéo est tournée dans la ville de Yorii dans la préfecture de Saitama. Cette petite ville est située dans une courbure de la rivière Arakawa en aval de Nagatoro, dans un lieu pittoresque appelé Tamayodogawara (玉淀河原). La plupart des scènes sont tournées au bord de la rivière Arakawa et dans un ryokan appelé Chinryusō Kyōtei (枕流荘 京亭). Les lieux sont magnifiques, que ça soit le ryokan en lui-même, les jardins ou le bord de la rivière où se produit le groupe. On voit dans la vidéo chaque membre de Tokyo Jihen arriver les uns après les autres au ryokan pour ce qui ressemble à une réunion d’amis de longue date. Sheena est la maitresse de maison qui attend ses invités, fait même un tour dans les cuisines avant de se changer pour un superbe kimono. Hata Toshiki semble être le premier arrivé et donne à manger aux carpes de l’étang du jardin. Izawa Ichiyō passe ensuite la porte d’entrée décorée de symboles de paon de Tokyo Jihen. On voit d’ailleurs ces symboles un peu partout dans le ryokan. Kameda Seiji est le prochain à arriver au ryokan. Ils sont tous très bien habillés en costume d’une autre époque, pour ce qui ressemble à un jour de fête. Une scène montre d’ailleurs un calendrier dont une page est tournée pour changer la date. Le calendrier montre d’abord la date du 29, sans indiquer le mois, avec le symbole de Tokyo Jihen en fond, puis on passe au 1er du mois suivant. Le 29 doit forcément faire allusion au 29 Février de l’année 2020, qui était bissextile et qui a marqué le démarrage de la tournée News Flash malheureusement annulée en cours de route en raison de la crise sanitaire. C’était également la date de fin du dernier concert Bon Voyage en 2012 avant la dissolution du groupe. Les allusions à cette année bissextile ou Urūdoshi (閏年) ont été nombreuses chez Tokyo Jihen, notamment sur un titre de morceau du EP News (ニュース), UruUruUru (うるうるうるう). Le calendrier du jour de cette réunion de Tokyo Jihen, le premier jour du mois donc, est illustré par des petits drapeaux qui nous feraient penser à un jour férié. Le calendrier sous-titre cette journée des mots Hare no Hi (ハレの日) qui indique qu’il s’agit d’un jour spécial. Il n’y a, comme jour férié au Japon, que le 1er Janvier qui correspond au premier jour du mois, et il ne doit pas s’agir du 1er Janvier dans la vidéo car le jour précédent est le 29. On peut supposer qu’il s’agit du 1er mars, mais cette date montrée volontairement sur la vidéo reste assez mystérieuse car il n’y a pas à ma connaissance de fête ou célébration le 1er Mars (la fête la plus proche étant Hina Matsuri le 3 Mars). Le détail qui m’amuse, c’est de voir Kameda monter rapidement à l’étage pour boire une petite coupelle de sake en attendant les autres, assis sur le tatami avec vue sur le jardin. On aurait très envie de partager ce sake avec lui dans ce lieu magnifique. Il y a une certaine décontraction qui se dégage de cette vidéo, car on voit également Izawa prendre un bain au début de la vidéo dès son arrivée au ryokan. L’autre détail intéressant est la plaque d’immatriculation de la vieille voiture de Ukigumo qui arrive le dernier au ryokan. La plaque indique un numéro de Tokyo “じ 02-29” qui fait forcément référence encore une fois au 29 Février, le “Ji” (じ) pourrait faire référence à Jihen. La couleur de sa voiture est d’un jaune similaire à la Mercedes de Sheena sur Tsumi to Batsu, mais il ne s’agit pas du tout du même modèle de voiture. Ukigumo conduit ici une Subaru FF-1 G, un modèle produit en 1971-72. On sait depuis OSCA que Ukigumo aime les voitures vintage. Il y a beaucoup de symboles très japonais dans cette vidéo, notamment dans le décor du ryokan, des katana posés sur un présentoir, un bonsaï, des ukiyo-e, un repas japonais, les kimono et les fleurs de cerisiers. Cette représentation ne me parait pourtant pas clichée, parce que ces images traditionnelles sont parfois détournées. Par exemple, les katana que je mentionnais plus haut seront à un moment donné remplacés par les guitares Vox Phantom de Ukigumo. C’est aussi relativement inhabituel de voir un groupe en kimono jouer un morceau de rock avec guitares, batterie et mégaphone. Cette vidéo nous donne vraiment l’impression que le groupe voulait se faire plaisir en jouant tous ensemble en extérieur près de la rivière après un bon repas bien arrosé. Hata nous fait également le plaisir d’effectuer sur cette vidéo la danse théâtrale shintoïste Kagura (神楽) dans un kimono très coloré. Ce n’est pas la première qu’il nous montre cette danse en vidéo ou en concert. Ce qui marque avant tout dans cette vidéo, c’est l’ambiance festive d’une réunion d’amis qui rigolent ensemble après avoir bu quelques verres de sake (ce qui fait allusion au titre du morceau qui évoque un alcool vert). Ukigumo dira d’ailleurs à la fin de la vidéo qu’il aurait dû venir en train plutôt qu’en voiture, une allusion au fait qu’il ne pourra pas conduire après tout l’alcool qu’il a bu. Il pourra toujours passer une nuit dans ce ryokan. La nuit pour une personne avec deux repas démarre à la modique somme de 20,000 yens hors taxes.

Je me suis demandé la raison pour laquelle Tokyo Jihen avait choisi cet endroit. Il s’avère que des scènes du drama Watashitachi ha douka shiteiru (私たちはどうかしている) avec Minami Hamabe et Ryusei Yokohama ont été tournées à cet endroit et que Tokyo Jihen a justement créé le thème musical du drama, avec le morceau Aka no Doumei (赤の同盟 – Alianza de Sangre) qui se trouvera également dans le nouvel album de Tokyo Jihen qui sortira début Juin 2021. J’imagine qu’il y a eu un échange de bonnes adresses, ce qui a amené Tokyo Jihen à tourner dans le même ryokan que le drama. C’est amusant comme ce drama, que je n’ai pourtant pas suivi, me poursuit. Pendant la Golden Week, j’étais parti acheter des wagashi à la pâtisserie Aono d’Akasaka, sur les conseils de Mari, et je me rends compte en entrant à l’intérieur que cette pâtisserie était conseillère en wagashi pour ce drama, qui se passait dans le monde des pâtisseries japonaises. Un petit article de journal dans la pâtisserie Aono le mentionnait et quelques recherches sur internet m’ont permis de le confirmer. Mes recherches me font aussi découvrir que Steve Jobs était fin amateur des wagashi de cette pâtisserie qu’il appréciait quand il voyageait au Japon.

Pour revenir sur Tokyo Jihen, ils interprétaient ce Vendredi 14 Mai dans l’émission Music Station de la chaine Asahi TV, ce même morceau Ryokushu (緑酒). Comme on peut le voir sur les quelques captures d’écran ci-dessus, leurs tenues très colorées étaient très différentes de celles de la vidéo officielle du morceau au ryokan. Sheena était bien entendu habillée en tenue Gucci, avec les mêmes lunettes de soleil et coiffure courte blonde que lors de l’interprétation de Gunjō Biyori (群青日和) lors de l’émission FNS du 9 Décembre 2020. Ukigumo avait la tenue la plus exubérante, le faisant ressembler à un chef indien, ce qui m’a rappelé la coiffure que portait Sheena à la fin de la tournée Discovery. L’interprétation du morceau était impeccable comme on pouvait s’en douter, mais sans avoir cette fois-ci d’effet de surprise, comme lors de cette interprétation de Gunjō Biyori en Décembre dernier où Hata Toshiki tombait soudainement de sa batterie à la fin du morceau. Il se mettra en fait à jouer debout sur une partie du morceau Ryokushu et à s’allonger de toute sa taille sur le tabouret de sa batterie comme pour s’étirer à la toute fin du morceau. L’émission faisait intervenir la YouTubeuse très populaire et excentrique Fuwa chan, qui débordait de qualificatifs pour décrire Sheena Ringo. Elle avait l’air un peu gênée devant ces compliments. Fuwa chan s’était fabriquée des lunettes avec une grosse chaine dorée comme celles que portait Sheena lors d’une émission précédente de Music Station en 2020 pour une reprise d’un ancien morceau Nōdōteki Sanpunkan (能動的三分間). Fuwa chan est intervenue à plusieurs reprises pendant l’émission, notamment pour nous donner le top 3 des tenues de scènes de Sheena qu’elle préfère, dont celle avec ces très étranges lunettes avec chaine. L’intervention du groupe, surtout Sheena en fait, était beaucoup plus longue qu’à l’habitude. Elle est restée sur le plateau la plupart du temps en commentant par moment, comme lors de la séquence avec Hirai Ken avant qu’il interprète son nouveau morceau 1995. La vidéo de son nouveau morceau est des plus étranges. On pouvait sentir une certaine complicité entre Hirai Ken et Sheena Ringo car ils ont déjà interprété des morceaux ensemble sur scène. C’était lors d’un concert J-Wave Live de Hirai Ken le 18 Août 2007. Il avait invité Sheena sur scène à la surprise du public pour interpréter à deux voix une reprise du groupe Southern All Stars, puis Killer Tune de Tokyo Jihen avec également Ukigumo et Izawa.

アルキミュージック

Les photographies orientées Architecture de ce billet ont été prises dans des lieux divers et n’ont pas vraiment de liens entre elles. Enfin si, on peut les grouper par deux. Les deux premières photographies prises à Aoyama se concentrent sur le motif et la forme des vitrages. Les deux suivantes ont été prises à Funamachi, quartier proche d’Arakichō dont je parlais récemment. Je suis persuadé d’avoir déjà vu cette maison individuelle blanche dans un magazine d’architecture mais je n’en retrouve malheureusement pas la trace. J’enverrais peut être une bouteille à la mer sur Instagram au cas où quelqu’un reconnaîtrait ce bâtiment, mais il arrive souvent que je retrouve moi-même l’architecte avant qu’on ne me l’indique ou que mes bouteilles se perde en pleine mer pour aboutir au point Nemo. Les deux maisons se trouvant derrière ont également des formes intéressantes, mais la légèreté blanche de la première m’intrigue et m’intéresse beaucoup plus. Sur les deux dernières photographies, je reviens à vélo de Yotsuya vers Shinanomachi. Dans la courbe de l’autoroute intra-muros, un temple s’est installé à l’abris des regards. On ne le devine pas de l’avenue principale et sa découverte était inattendue. La dernière photographie montre la gare JR de Shinanomachi conçue par l’architecte Shinichi Okada. La gigantesque colonne donnant sur l’avenue au coin du building est impressionnante. Je n’ai pas pu la prendre en entier au format horizontal, car je n’avais malheureusement pas assez de recul. Je n’ai pas insisté car ça me donnera l’occasion d’y revenir un peu plus tard.

Tokyo Jihen nous annonce par un petit email envoyé à 4h du matin par l’intermédiaire du fan club Ringohan que le nouvel album que l’on attend impatiemment arrivera plus vite que prévu. Je pensais qu’il sortirait pendant l’été 2021, mais on apprend avec joie qu’il est déjà terminé et qu’il sortira le 9 Juin 2021. Le nouvel et premier album complet depuis la reformation du groupe le 1er Janvier 2020 s’intitulera tout simplement Music (ミュージック) mais s’écrira en kanji 音楽 (Ongaku, c’est à dire musique). Ce n’est pas inhabituel qu’un album de Tokyo Jihen ait un titre en kanji et en anglais écrit en katakana. C’était le cas notamment de Adult (大人) et de Variety (娯楽). On sait que chaque album prend pour nom un type de chaine de télévision: Discovery, News, Education, Adult, Sports, Variety et Color Bars reprenant l’image de la mire de télévision. Le nouvel album prend donc le nom d’une hypothétique chaine télévisée musicale. Si on ne tient pas compte des mini-albums News et Color Bars, c’est le premier album complet de Tokyo Jihen depuis Daihakken sorti il y a exactement 10 ans en Juin 2011. On sait que l’album comprendra 13 morceaux et qu’on en connait déjà 5 sortis en singles (Inochi no Tobari, Ao no ID, Yaminaru Shiro et Ryokushu) ou maxi-single (Aka no Dōmei). Il y a donc 8 nouveaux morceaux qui nous attendent. On apprend aussi que le groupe travaille sur cet album depuis deux ans, c’est à dire qu’ils ont commencé à écrire les morceaux avant la reformation du groupe. Alors que toutes les paroles des morceaux sont écrites par Sheena Ringo, la composition est par contre distribuée entre les membres du groupe, sauf Toshiki Hata sans surprise. Sans surprise non plus, Ichiyō Izawa est la force créative de cet album car il en compose exactement la moitié, c’est à dire 6.5 morceaux, suivi par Sheena qui compose 2.5 morceaux puis Ukigumo et Kameda avec 2 morceaux chacun. Je ne suis pas surpris de cette distribution car la quasi totalité des singles déjà sortis sont composés par Izawa. Sans surprise également, on retrouve une symétrie parfaite dans les titres et leurs emplacements dans la playlist. C’est le cas par exemple des titres composés de plusieurs mots reliés avec un “no” (の). Il y aura une version limitée première presse qui contiendra en plus du CD, le maxi-single Aka no Dōmei (赤の同盟) déjà sorti l’année dernière seulement en digital et un livret de 40 pages intitulé Shigotochū (仕事中) qui devrait montrer des photos du groupe en plein travail. La photo utilisée pour la couverture de l’album, montrant une table de mixage, le laisse en tout cas penser. C’est cette version limitée que je viens de commander sur Tower Records. J’étais également très surpris par la photographie promotionnelle montrant le groupe sur le toit du Sky Building No. 3 (ou New Sky Building). On l’appelle également encore GUNKAN Higashi Shinjuku car il ressemble à un cuirassé. Ce building brutaliste de béton fut conçu par Yōji Watanabe en 1970 en suivant l’inspiration du mouvement architectural des Métabolistes. Je suis allé le voir de près il y a 14 ans en Juin 2007, et il était en mauvais état. Ça avait été une expérience assez marquante car l’immeuble est tout simplement unique. Il a été rénové depuis et les peintures verdâtres recouvrant les blocs d’habitation sur les façades ne sont pas du meilleur goût. Je me souviens avoir vu des photos de l’intérieur, qui semblait lugubre, mais les appartements ont apparemment été complètement rénovés. Le toit sur lequel la photographie de Tokyo Jihen a été prise n’est pas accessible au public (du moins c’était le cas à l’époque où j’y suis allé). En regardant cette photo, j’apprécie le contraste entre la massivité de la tête du building et légèreté apparente du groupe. Je parle de la légèreté des tenues et une certaine légèreté humoristique dans le fait qu’ils sont tous affublés d’un instrument à vent n’ayant pas grand chose à voir avec leurs instruments de prédilection. Le sens de tout ça m’échappe, mais j’y vois quand même une image de paix où la musique vient envahir les vieux navires. En tout cas, je garde en tête que cette photo vient faire un lien bienvenu entre deux des sujets principaux de Made in Tokyo, l’architecture tokyoïte et la musique de Sheena Ringo et Tokyo Jihen.

La liste des morceaux annoncés pour le nouvel album Music (音楽) est la suivante:

1. 孔雀 (Kujaku) (Paroles: Sheena Ringo, Composition: Ukigumo, Sheena Ringo)

2. 毒味 (Dokumi) (Paroles: Sheena Ringo, Composition: Kameda Seiji)

3. 紫電 (Shiden) (Paroles: Sheena Ringo, Composition: Izawa Ichiyō)

4. 命の帳 (Inochi no Tobari) (Paroles: Sheena Ringo, Composition: Izawa Ichiyō)
5. 黄金比 (Kōgonhi) (Paroles: Sheena Ringo, Composition: Ukigumo)

6. 青のID (Ao no ID) (Paroles & Composition: Sheena Ringo)
7. 闇なる白 (Yaminaru Shiro) (Paroles: Sheena Ringo, Composition: Izawa Ichiyō)
8. 赤の同盟 (Aka no Dōmei) (Paroles: Sheena Ringo, Composition: Izawa Ichiyō)
9. 銀河民 (Gingamin) (Paroles: Sheena Ringo, Composition: Ukigumo, Izawa Ichiyō)
10. 獣の理 (Kemono no Kotowari) (Paroles: Sheena Ringo, Composition: Kameda Seiji)
11. 緑酒 (Ryokushu) (Paroles: Sheena Ringo, Composition: Izawa Ichiyō)
12. 薬漬 (Kusurizuke) (Paroles: Sheena Ringo, Composition: Izawa Ichiyō)

13. 一服 (Ippuku) (Paroles & Composition: Sheena Ringo)

Les formes du bâtiment de la gare JR Shinanomachi sur la dernière photographie me rappellent l’image ci-dessus présente dans la bibliothèque Radiohead Public Library. Cette image d’architecture de l’époque de l’album In Rainbows attire tout de suite mon attention pour sa symétrie et son traitement en noir et blanc, et j’ai envie de l’associer aux blocs ascendants de la gare de Shinanomachi. Je connais cette librairie d’archives du groupe Radiohead depuis un petit moment, mais ne sachant pas par où commencer, je ne l’avais jamais vraiment exploré. Je me rends compte maintenant que l’on peut y voir des concerts entiers comme celui de Coachella le 14 Avril 2012 que je me suis mis à regarder en le choisissant au hasard. Ce concert se place chronologiquement après la sortie de The King of Limbs et de son album de remixes TKOL RMX 1234567 sortis respectivement en Février et en Septembre 2011. Je ne suis pas certain d’avoir déjà vu en vidéo un concert entier de Radiohead, seulement des extraits. Voir ce concert me rappelle à certains morceaux du groupe que j’avais un peu oublié mais qui me reviennent immédiatement dès les premières secondes d’écoute. Les interprétations sur scène sont plutôt fidèles aux versions des albums, mais c’est surtout la présence de Thom Yorke qui impressionne. Il se laisse complètement emporté dans son interprétation et envahit la scène avec des danses qui semblent improvisées. Sa manière de danser atypique ressemble même à un combat. Entre les morceaux, Thom laisse s’échapper quelques petites phrases et commentaires pince sans rire. Par exemple, en réponse à quelques personnes dans la foule qui lui crient leur amour, il nous dit « I love you then… Possibly not quite as you hope ». Au sujet d’un nouveau morceau que le groupe interprète pendant ce concert, il nous dit « We play new songs to be sure we are still alive… We are in fact still alive ». Il me semble qu’il y a de nombreux concerts disponibles en streaming gratuit dans la librairie d’archives web du groupe. Je vais piocher par ci par là, pour me replonger dans l’univers de Radiohead, ce qui est pour moi un exercice récurrent. Et puis, je prends un malin plaisir à parler volontairement de Radiohead sur un billet évoquant Tokyo Jihen, car Sheena Ringo a déjà fait des reprises de Radiohead en particulier Creep dans un des ses premiers concerts, puis elle était signée chez EMI tout comme Radiohead, et également parce que j’avais déjà parlé auparavant des deux groupes dans un seul billet abordant le souci donné au livret et au packaging accompagnant le CD d’un album. J’adore tout particulièrement la direction artistique des albums de Radiohead et en particulier celle de l’album The King of Limbs.

Aoyama & Spa

Sur les deux premières photographies du billet, on aperçoit en partie l’immeuble Prada dessiné par Herzog & De Meuron. C’est un landmark distingué du quartier et il n’a pas pris une ride même s’il a maintenant presque 20 ans. Il a été construit en 2003, pour être précis. Je passe assez régulièrement devant, sans le prendre en photo car il représente tellement l’évidence photographique que j’ai l’impression que ça ne m’apportera rien de le photographier une nouvelle fois. En passant devant le building voisin désormais occupé par Audi, l’envie me vient tout de même de le saisir en composition avec cet autre building. L’immeuble Prada a, en lui-même, tellement d’attrait qu’on ne pense pas forcément à l’inscrire, en photo, dans son environnement urbain. Un peu plus loin dans la même rue, je passe ensuite devant la boutique Comme des Garçons de Kawakubo Rei. J’aime beaucoup sa devanture en verre, courbe et oblique. L’intérieur m’intrigue toujours, pas particulièrement pour les vêtements qu’on y vend mais plutôt pour les tenues vestimentaires des vendeuses et vendeurs qui y travaillent. Ils et elles suivent tous à la lettre le style et le design à base de noir et blanc de Rei Kawakubo. Je ne pense pas qu’on les oblige, mais qu’ils et elles admirent profondément ce style vestimentaire. Ce style qui refuse les couleurs n’est pas chose rare à Tokyo et m’intéresse visuellement car il y a quelque chose d’assez fort qui s’en dégage. Personnellement, j’aurais par contre du mal à le suivre religieusement tous les jours. J’admire cette dedication à un genre sans en dévier. Je vois aussi un style un peu similaire chez Yohji Yamamoto, bien que plus masculin. J’aime personnellement beaucoup Y3, le croisement de la marque avec Adidas, mais les prix me font attendre les soldes, tout en hésitant encore. Un peu plus loin dans le quartier d’Aoyama, dans les rues à l’arrière où personne ne va, je découvre un autre endroit qui m‘intrigue. Je me laisse facilement intriguer dans les rues de Tokyo, ce qui fait que je ne me lasse pas encore de photographier cette ville. Il s’agit d’un étroit building de quelques étages, en béton sans ouvertures à part une porte d’acier accessible grâce à un petit escalier. Ce building à Minami Aoyama se nomme CAP, du nom du collectif artistique qui l’occupe. Une galerie appelée Rocket se trouve au sous-sol. Elle est surnommée « Gallery of the Night » en raison de son manque d’ouverture vers l’extérieur. Je ne sais pas si elle était ouverte à mon passage mais si la porte reste en permanence fermée, il doit être très difficile d’y pénétrer sans avoir l’impression désagréable de gêner. Toujours est-il que ce genre d’architecture de béton sans compromis attire mon œil photographique. Ce petit immeuble était par contre difficile à saisir dans son intégralité depuis la petite rue qui le dessert.

J’essaie de passer le moins de temps possible sur Twitter car je trouve ce réseau social en grande partie nocif, mais j’y trouve parfois des petites choses interessantes qui me font sourire et qui me donnent tout de même envie d’y revenir de temps en temps. A vrai dire, je ne tombe pas directement sur le tweet ci-dessous d’Utada Hikaru datant d’il y a plus de dix ans, mais à travers d’autres liens internet qui m’y amènent. L’anecdote et réflexion d’Utada sur son nom est assez amusante.

Le passe-temps de ma mère était apparemment de me trouver des prénoms qui auraient pu être « Ichigo » (fraise) ou « Melon » ou « Suika » (pastèque). Je suis bien contente qu’elle m’ait choisi le prénom « Hikaru ». Pourquoi est ce que Sheena Ringo sonne cool alors que Utada Suika sonnerait vraiment très ringard?

Tout est question d’habitude et on aurait très bien pu s’habituer à Utada Suika, sans que ça impacte vraiment sa carrière. Ce côté décalé aurait d’ailleurs plutôt bien collé à sa personnalité plutôt atypique. Il suffit de voir à ce propos son compte Instagram qui montre principalement une collection d’objets trouvés dans les rues de Londres (où elle habite toujours à ma connaissance) ou ailleurs. C’est plutôt inhabituel pour une star de sa renommée mais ça me rassure aussi de voir qu’elle suive ainsi ses passions les plus inattendues et anecdotiques sans vraiment se soucier de ce qu’on peut en penser. Elle avait d’ailleurs participé à l’émission Matsuko no Shiranai Sekai (マツコの知らない世界) pour présenter cette passion sous les yeux particulièrement étonnés de Matsuko Deluxe, qui a pourtant vu passer beaucoup de personnes particulières dans son émission. Nous regardons d’ailleurs cette émission très régulièrement et j’aurais très certainement l’occasion d’en reparler plus tard.

Pour revenir à ce commentaire d’Utada Hikaru évoquant Sheena Ringo, la vidéo de leur dernier morceau en duo, Roman to Soroban (浪漫と算盤) me revient en tête. C’est intéressant comme les crédits à la fin de cette vidéo viennent justement brouiller les pistes sur l’appellation de Sheena Ringo. On sait que son nom réel est Shiina Yumiko, Shiina étant son nom de famille et Yumiko étant son prénom changé dès le début de sa carrière en Ringo. La transformation de son nom de Shiina en Sheena (il y a eu une étape intermédiaire en Shéna) vient faire ressembler son nom de famille à un prénom (le prénom Sheena serait d’origine écossaise apparemment). La disposition des noms à la fin de la vidéo de Roman to Soroban, avec le prénom en premier pour Utada Hikaru laisse penser que le prénom de Sheena Ringo est Sheena plutôt que Ringo. C’est d’autant plus mis en évidence que le nom entier de Utada Hikaru se dit en général avec le nom de famille en premier, ce qui n’est très bizarrement pas le cas ici. Tout ceci reste tout à fait anecdotique, mais m’intrigue depuis très longtemps. Je suis donc assez content de trouver ce genre de pistes, même si je ne sais pas dans quelle mesure c’est volontaire. Enfin, j’ai bien appris que rien n’était jamais vraiment laissé au hasard chez Sheena Ringo.

Sur un thème similaire, un autre tweet m’interpelle. Il est plus récent et écrit par la compositrice interprète Ako (a子), que je suis sur Twitter depuis la sortie de son premier EP Misty Existence (潜在的MISTY), que j’avais d’ailleurs beaucoup aimé. Elle répondait par le commentaire ci-dessous sur la présence d’un de ses morceaux sur une playlist Spotify sur laquelle se trouvait également des morceaux de Sheena Ringo et Tokyo Jihen.

Quand la vie devient difficile, ça va mieux en regardant un live de Ringo san ou de Jihen.

J’ai eu exactement la même réflexion il y a quelques temps en me posant la question du pourquoi je ressentais le besoin de regarder en DVD ou Blu-ray tous ces concerts de Sheena Ringo et de Tokyo Jihen. Je pense qu’il y a un lien avec cette crise sanitaire qui nous épuise le cerveau à petit feu. J’éprouve en quelque sorte ce besoin de laisser s’échapper mon esprit dans quelque chose qui me réchauffe le cœur et le cerveau. Il n’y a bien sûr pas que des choses négatives dans cette crise, et même de nombreuses choses positives, mais l’accumulation de news anxiogènes finit par peser sur notre moral. Je pense que cette crise nous a tous obligé à trouver des échappatoires, qu’on peut poursuivre en général sans sortir de chez soi. Mais voir ces concerts en vidéo me donne énormément l’envie de refaire l’experience du live. Il faudra juste prendre son mal en patience pour une période indéterminée pour l’instant.

Je n’avais d’ailleurs pas parlé ici des concerts de Sheena Ringo et Tokyo Jihen depuis ma revue de Ringo Expo 18, peut être parce que cette dernière revue détaillée m’avait demandé beaucoup de temps et d’efforts, et que c’est forcément difficile de continuer sur ce rythme. Une petite pause était nécessaire mais l’envie de revenir vers ces concerts se faisait trop forte. La sortie du Blu-ray de la dernière tournée News Flash, que je viens d’acheter après réservation au Tower Records de Shibuya, me donne envie de revoir un nouveau concert. Je ne vais pas revoir tout de suite News Flash, mais me tourne plutôt vers un concert plus ancien de Tokyo Jihen, Spa & Treatment (スパ・アンド・トリートメント). Ce DVD couvre la tournée Tokyo Jihen live tour 2007 Spa & Treatment qui se déroulait en 14 dates dans tout le Japon du 18 Octobre au 21 Novembre 2007, juste après la sortie le 26 Septembre 2007 de Variety, le troisième album du groupe. La tournée commença à Yokohama, pour ensuite aller à Nagoya, Osaka, Fukuoka, puis Tokyo, Sendai, Sapporo et reviendra une dernière fois pour deux dates à Tokyo. La particularité de cette tournée est qu’elle se déroule dans des Live House, des salles de concerts plus petites plutôt orientées rock dans leur ambiance intérieure sombre et épurée. Il s’agissait, dans chacune des villes, des salles de concert Zepp opérées par Sony Music Entertainment Japan, sauf à Yokohama où il s’agissait du Blitz. Le Blitz de Yokohama a fermé ses portes en Octobre 2013. Il y avait également une salle Blitz à Akasaka tenue par les studios de télévision TBS juste à côté, mais elle a également fermé, en Septembre 2020. J’avais vu Sonic Youth dans cette salle de concert le 20 Février 2001, à l’époque de la sortie de A thousand Leaves que je ne connaissais pourtant qu’assez peu à ce moment là. Ou peut-être était-ce le concert du 17 Février 2003, ma mémoire me fait défaut.

Le DVD Spa & Treatment est une captation vidéo du dernier concert de la tournée, le 21 Novembre 2007, au Zepp Tokyo, mais il est sorti beaucoup plus tard le 26 Mars 2010, date qui correspond au début de la tournée suivante Ultra C couvrant le quatrième album Sports. Le DVD Spa & Treatment n’était en fait pas vendu dans le commerce mais seulement pendant la tournée Ultra C du 26 Mars au 25 Août 2010 et sur le site du fan club Ringohan. Ceci explique que ce DVD est un peu plus difficile à trouver que les autres concerts vendus dans le commerce en version neuve. Spa & Treatment est seulement disponible d’occasion à des prix parfois élevés. Je le vois régulièrement sur Mercari à 14,000 Yens. J’ai eu la chance de le trouver à un prix raisonnable de 4,500 Yens au Disk Union de Shinjuku dans une version quasi-neuve. Le prix raisonnable typique de ce DVD est plutôt aux alentours de 6,500 Yens, ce qui est plus élevé que le prix de vente de l’époque (3,800 Yens). Shinjuku est décidément le meilleur endroit pour trouver des CD/DVD ou Blu-ray de SR/TJ.

Tous les titres de l’album Variety (娯楽) sont interprétés sur Spa & Treatment, ainsi que quelques B-sides des singles de cet album et quelques morceaux seulement des deux premiers albums de Tokyo Jihen à savoir Kyōiku (教育) et Adult (大人). Il n’y a pas de reprise de morceaux sur cette tournée à part Marunouchi Sadistic de la carrière solo de Sheena Ringo. La tournée est vraiment concentrée sur l’album Variety, qui reste l’album le moins populaire du groupe. Sur le dernier sondage du fan club Ringohan, l’album Variety se trouvait en dernière position des albums préférés du groupe (sans compter les mini-albums comme Color Bars ou News, et les compilations). En ce qui me concerne, j’aime cet album même s’il n’est pas très consistant, notamment parce qu’il contient des morceaux qui sont clés dans la discographie du groupe comme OSCA ou Killer Tune, que j’avais beaucoup apprécié à sa sortie notamment pour sa vidéo. Il y a bien entendu sur ce DVD de nombreux morceaux qui ne sont présents sur aucun autre DVD ou Blu-ray de concerts, ce qui le rend forcément indispensable.

Le concert commence par le morceau Fukushū à l’ambiance très rock. Sheena y chante en anglais en poussant et exagérant sa voix, jusqu’à l’excellente partie solo à la guitare de Ukigumo qui termine le morceau en larsen. Le morceau s’enchaîne directement avec Sake to Geko dans une ambiance rouge sur scène, mais les couleurs sont changeantes. Sur ce morceau, c’est plutôt le piano d’Ichiyō Izawa qui est mis en avant. La voix de Sheena se fait aussi changeante en prenant parfois cet air ressemblant au kabuki. L’ambiance générale est très sombre comme dans un concert de rock underground, mais les tenues de scène en satin beige contrastent assez franchement avec cette ambiance. Le morceau finit aussi en larsen et dans un brouhaha de batterie qui nous amène très rapidement sur l’excellent Kabuki où chaque membre du groupe fait une petite démonstration de son instrument. Sheena prend le mégaphone sur ce morceau et le gardera pour OSCA qui s’enchaîne également directement et sans aucun arrêt. Le set n’a pour le moment fait aucune pause. C’est chronologiquement le premier concert, à ma connaissance, où OSCA est interprété. Sheena défile sur scène avec son mégaphone devant un public qui semble très proche. Elle prend un air volontairement hautain comme pour narguer les spectateurs, mais tout en leur faisant un signe de la main. On retrouve dès ce concert la scène habituelle de OSCA où elle retourne le mégaphone vers le public pour obtenir que leur voix soit amplifiée vers la scène. Le solo de basse de Seiji Kameda est également un classique, qui marque un petit répit avant la reprise rapide finale du morceau où chaque membre du groupe se donne à fond. Ce n’est pas la version la plus agressive que je connaisse de OSCA, mais elle n’en est pas moins très bonne.

Le rythme non-stop des premiers morceaux fait une pause avec un premier message de Sheena vers le public. Comme on pouvait s’en douter, le message se contente de remerciements et est très court. Elle semble chercher ses mots et conclut rapidement en demandant au public de faire attention à ne pas se blesser car la salle est bien remplie. On sait que la spontanéité lorsqu’elle s’adresse verbalement au public n’est pas son fort, et cette configuration de salle ne fait pas exception. Je le dis certainement à chaque fois mais je suis toujours énormément intrigué par ce contraste entre ces messages qui s’embrouillent et l’extrême aisance avec laquelle elle interprète les morceaux sur scène. Je pense que quand elle interprète ses morceaux, elle devient un personnage et est très préparée pour être sûre de ne pas décevoir. Tandis que les messages au public demandent à ce qu’on se dévoile beaucoup plus, au delà du personnage sur scène. Il s’agit là seulement de mon interprétation en tant qu’observateur très lointain, mais le contraste est également très frappant lors des scènes de préparation ou d’enregistrement de morceaux qui sont parfois incluses sur les DVDs de concerts. Ces scènes en comité restreint (les membres du groupe et les ingénieurs du son) montrent Sheena d’une manière assez différente, plaisantant et rigolant sans arrêt, attitude très éloignée de celle sur scène lors des messages. Encore une fois, devant un public aussi important, elle est peut être seulement prise par l’émotion et a, à chaque fois, du mal à trouver ses mots pour traduire cette émotion. Le morceau Ramp poursuit le set. Hata est hilare et Sheena sourie également en réponse, car le public apprécie le morceau en réagissant lorsque Sheena fait des pauses dans son chant. Tous ces sourires sont assez charmants, tout comme la coupe de cheveux très courte de Sheena. Ça contraste d’ailleurs beaucoup avec la coupe hirsute de Ukigumo. Ramp s’enchaîne directement avec Mirrorball. La mise en scène du concert est relativement simple avec une caméra qui bouge beaucoup et s’approche souvent au plus près du groupe. On s’immerge aussi souvent dans la foule, ce qui nous fait parfois voir le groupe derrière les mains tendues du public. Mirrorball a un son que je trouve très typique de Variety. Comme je le disais plus haut et comme son nom l’indique, l’album Variety part dans plusieurs directions et c’est aussi ce que j’aime.

Sheena prend ensuite sa guitare fétiche sur Kingyo no Hako, mais seulement pour quelques riffs. Ukigumo a également en mains sa guitare fétiche Vox Phantom. J’aime beaucoup observer Ukigumo sur scène, car il a parfois des mouvements brusques de la main comme s’il loupait une corde. Il n’en est rien, bien entendu, car son jeu est parfait voire même meilleur que sur l’album, mais ses mouvements semblent parfois peu naturels. Pendant Kingyo no Hako par exemple, il avance soudainement vers le devant de la scène d’une manière directe, un peu maladroite, que je trouve assez caractéristique. Il joue ensuite à côté de Sheena en la regardant jouer par dessus l’épaule, presque comme un professeur qui vérifie les progrès de son élève. Sheena n’a clairement pas le même niveau en guitare que Ukigumo et elle dit elle-même qu’elle s’est progressivement perfectionnée à la guitare grâce aux leads guitaristes de ses groupes (et de son ex-mari également, j’imagine). Le morceau Kingyo no Hako se termine sur un regard perçant de Sheena sur les dernières paroles, puis ce regard semble ensuite se perdre au loin. Elle garde la guitare pour Gunjō Biyori, qui est tout de suite acclamé par la foule, ce qui fait plaisir à Kameda. Ukigumo change de guitare pour une autre Vox Phantom verte pomme. Le morceau est superbe, mais les morceaux rock vont de toute façon si bien au chant de Sheena. Ukigumo reste stoïque en toute circonstance, Izawa est polyvalent et le rejoint à la guitare, Kameda est tout sourire, Sheena est sérieuse et théâtrale avec sa guitare et Hata se déchaîne encore une fois à la batterie. Il semble infatigable et c’est lui qui donne tout le rythme au morceau. Pinocchio, une B-side du single OSCA, ralentit ensuite un peu la cadence. La foule est un peu dissipée pendant ce morceau car on entend des personnes parlées dans la salle, ce qui reste rare sur les DVD/Blu-ray du groupe. J’aime beaucoup ce morceau dont le chant fait des vagues. Il aurait très bien pu être sur l’album. On sent l’émotion monter lorsque Sheena pousse sa voix parfois très haut. Ceux qui aiment la voix de Sheena Ringo pourront trouver une certaine addiction dans ce morceau. J’aime énormément quand elle pousse sa voix à la limite.

Toshiki Hata prend maintenant la parole et demande à chaque membre du groupe de donner un petit message improvisé aux fans de tout le pays, sous un petit air de batterie. Mais Ukigumo se défile avec une excuse (« Gomen nasai ») et Izawa s’en tire avec un mot qui ne veut rien dire. Seul Kameda (bien sûr) fait un remerciement en bonne et due forme. Sheena échappe à ce petit exercice assez peu concluant en arrivant sur scène un peu après. Je ne doute pas que c’était volontaire. Nous sommes maintenant à la moitié du concert et Bōtomin démarre avec Izawa et Ukigumo assurant d’abord les voix. Sheena complète ensuite la formation sur ce morceau qui me semble un peu plus lent et tranquille qu’à l’habitude. Sheena a revêtu une nouvelle tenue jaune comme une chemise trop grande pour elle. Elle laissera tomber cette chemise sur le morceau suivant, Tsukigime Hime, pour ne garder sur scène qu’une tenue plus légère de couleur violette. Le violet a l’air d’être la couleur de la tournée car tout le groupe porte au moins un vêtement de cette couleur. Souvenons-nous que le vert était la couleur de la tournée Dynamite. J’ai toujours beaucoup aimé ce morceau sur l’album, notamment quand Ukigumo chante en français les mots « la princesse ». Sur ce morceau, Sheena reprend par intermittence cette voix de kabuki qu’elle complète même avec un petit mouvement de tête. L’ambiance est plus cool sur le morceau qui suit, Metro, chanté à plusieurs voix. On est là dans un moment plus calme du concert, peut être un peu trop calme d’ailleurs et le morceau Kaban no Nakami qui démarre ensuite reste également assez détendu. Ce ne sont pas forcément les morceaux qui fonctionnent le mieux en concert. Ce sont plutôt les sourires du groupe que je remarque dans ces morceaux, notamment Sheena lorsqu’elle joue du tambourin en regardant Hata à la batterie pendant que Ukigumo fait son solo sur sa guitare Vox. Kameda lui gardera toujours sa même vieille basse qui a certainement beaucoup vécu.

Marunouchi Sadistic est la partie obligée de chaque concert et la version ici est proche de celle qu’on connaît sur Sanmon Gossip, qui sortira deux années plus tard en 2009. On commence à bien connaître cette version et il n’a plus vraiment maintenant l’effet de surprise qu’il pouvait y avoir à l’époque. Mais le morceau est souvent l’occasion pour les membres du groupe de se connecter avec le public, ce qu’ils font bien ici. Sheena fait des mouvements de bras pendant pratiquement tout le morceau en défilant. Comme je le disais un peu plus haut, je trouve qu’elle est de manière générale beaucoup plus souriante sur ce concert. Le concert s’interrompt ensuite très brièvement comme si un morceau avait été coupé. Sheena reprend sa chemise jaune trop grande, ce qui est assez bizarre et qui ressemble à une coupure au montage. Mais on regardant la liste des titres joués pendant le concert, il n’y pourtant aucune omission sur le DVD. Le morceau suivant Senkō Shōjo est excellent, notamment pour le solo de guitare final. C’est un grand classique des concerts de Tokyo Jihen et il s’agit en fait d’un morceau inédit en concert à l’époque car il sortira plus tard sur l’album Sports. Sur Shiseikatsu, Sheena chante dans des rayons de lumière comme si elle était seule sur scène. C’est un morceau qu’on ne retrouvera pas sur d’autres concerts mais qui fonctionne pourtant très bien en live pour l’émotion qui se dégage de sa voix et l’imprégnation qu’elle y met. Le public applaudit. Suit un autre grand classique, Shuraba de l’album Adult, en version très rythmée car je trouve la batterie de Hata très présente sans pour autant être aggressive. J’aime beaucoup le petit passage au piano de Izawa sur ce morceau comme une deuxième voix quand il vient se conjuguer avec celle de Sheena. Kuronekodō démarre par un long passage de batterie sous les applaudissements. Le morceau est court mais au chant très rapide comme un chat qui s’échappe lorsqu’on l’a aperçu. Le fond d’écran derrière le groupe montre d’ailleurs un petit chat qui court. Sheena crie même « Nya » à un moment des paroles comme pour imiter le cri d’un chat. Ce morceau a une construction bizarre et atypique comme peut l’être Variety.

Toshiki Hata reprend une dernière fois la parole pour le dernier morceau du set, Killer Tune. L’interprétation de ce morceau apprécié du public est bonne mais pas forcément la meilleure que j’ai pu entendre. Les mouvements de mains sont nombreux et Sheena conclut le morceau par un message vers le public avant de sortir de scène en premier. Mais il y a quand même les rappels. Hata revient sur scène en premier en courant et vient se prendre en photo en selfie avec le public. Il n’est décidément jamais à court d’énergie. Tout le monde s’est changé pour une tenue plus relax. Le morceau B-side du single Killer Tune, Karada, chanté en anglais démarre les rappels dans une ambiance posée et tamisée et me donnerait envie de l’écouter en buvant un verre de whisky (en consommant bien sûr avec modération). L’accent est mis sur le clavier de Izawa, qui accompagne aussi à la voix avec Ukigumo par moments. Le maquillage de Sheena est joli avec des petites pastilles argentées au coin des yeux ce qui lui changent beaucoup le visage. Pendant une pause entre deux morceaux, des personnes dans le public lui crie des félicitations mais je ne comprends malheureusement pas à quoi ils font référence. Sheena répond « thanks » en anglais d’une manière presque inaudible, mais qui n’échappe pas à la capture du DVD. SSAW est ensuite chanté à deux voix avec Izawa. Ce morceau ressemble à une ancienne chanson japonaise Kayōkyoku et il est très beau morceau. Sheena sort ensuite de scène pour la vraie fin du concert. En fait non. Ils reviennent tous une dernière fois, Hata courant toujours sur scène devant les autres. C’est Tōmei Ningen, également un classique, qui conclura le set. Sheena chante en position de côté avec le petit drapeau rouge qui n’avait pas fait encore fait son apparition jusqu’à maintenant. Elle accentue le chant un peu enfantin sous le regard satisfait de Kameda. Il est souriant car c’est un morceau qu’il a composé. On le voit même s’empresser à venir sur le devant de la scène avec Ukigumo dans la deuxième partie du morceau. A la fin de ce dernier morceau du concert, Sheena sort en sautillant mais le reste du groupe prend son temps. Izawa reste volontairement le dernier sur scène pour imiter l’air de rien le comique Dandy Sakano (ダンディ坂野) avec son mouvement un peu ringard « Gets » (ゲッツ), mais les autres membres du groupe ne sont déjà plus là pour le voir. Le concert se termine sur ce petit geste comique presque dissimulé, comme si Izawa avait insisté pour le faire contre l’avis général.

Deux morceaux supplémentaires sont inclus en bonus sur le DVD. Ils proviennent du concert Countdown Japan 09/10 à Makuhari Messe. Il s’agit de Nōdōteki Sanpunkan (能動的三分間) de l’album Sports, qui est en fait un montage vidéo de ce live. Sheena a les cheveux très courts, ce qui lui va très bien, et porte une robe rayée horizontalement noire et blanche avec les épaules découvertes. Toshiki Hata a les cheveux rouges à cette époque et les membres du groupe ont des tenues de scène originales. Le deuxième morceau est encore une fois Tōmei Ningen. La salle de Makuhari Messe est gigantesque, ce qui donne une impression très différente du concert à Zepp Tokyo sur Spa & Treatment. Je me demande si ce concert est visible en entier car il me semble avoir également vu Killer Tune sur YouTube, ou peut être est-il disponible sur le DVD de compilation live de 2012, Chin Play Kō Play (珍プレー好プレー que je n’ai pas encore regardé.

Une autre partie bonus intitulée Nude: X-2 (ヌード:X-2) est présente sur le DVD. Il s’agit d’un enregistrement vidéo et d’un montage de photos créés par Toshiki Hata. Les photos sont tirées principalement des photographies de promotion de Sports avec Ikiru (le premier morceau de Sports) en fond sonore. Rappelons que le DVD était vendu pendant la tournée de Sports. On y voit aussi des photos prises pendant des sessions d’enregistrement. La vidéo amateur prise par Hata montre des scènes au Studio TERRA à Shinagawa, opéré par une filiale de Toshiba EMI. Ce studio a fermé ses portes le 30 Juin 2010, pendant la tournée Sports. Peut être que cette petite vidéo a été prise en souvenir avant la fermeture des lieux. Je me souviens avoir entendu ce studio mentionné dans d’autres vidéos de concerts de SR/TJ. La vidéo montre principalement Ichiyō Izawa préparant les paroles de FOUL. Sheena est à côté, cigarette à la main et rigole beaucoup avec lui, sur apparemment une histoire d’ovni, entre autres. La vidéo étant centrée sur Izawa, on le voit du coup sous un autre jour car il est en général plutôt réservé sur scène. L’ambiance est détendue et ça fait plaisir à voir. J’aime beaucoup ce genre de scènes, qui me paraissent même indispensable pour saisir l’atmosphère dans laquelle se trouve le groupe.

Pour référence ultérieure, je note ci-dessous les morceaux interprétés sur Spa & Treatment:

1. Fukushū (復讐), du 3ème album Variety (娯楽)
2. Sake to Geko (酒と下戸), du 3ème album Variety (娯楽)
3. Kabuki (歌舞伎), du 2ème album Adult (大人)
4. OSCA, du 3ème album Variety (娯楽)
5. Ramp (ランプ), du 3ème album Variety (娯楽)
6. Mirrorball (ミラーボール), du 3ème album Variety (娯楽)
7. Kingyo no Hako (金魚の箱), du 3ème album Variety (娯楽)
8. Gunjō Biyori (群青日和), du 1er album Kyōiku (教育)
9. Pinocchio (ピノキオ), présent en B-side du single OSCA
10. Bōtomin (某都民), du 3ème album Variety (娯楽)
11. Tsukigime Hime (月極姫), du 3ème album Variety (娯楽)
12. Metro (メトロ), du 3ème album Variety (娯楽)
13. Kaban no Nakami (鞄の中身), présent en B-side du single OSCA
14. Marunouchi Sadistic (丸の内サディスティック), du 1er album de Sheena Ringo Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
15. Senkō Shōjo (閃光少女), du 4ème album Sports (スポーツ)
16. Shiseikatsu (私生活), du 3ème album Variety (娯楽)
17. Shuraba (修羅場), du 2ème album Adult (大人)
18. Kuronekodō (黒猫道), du 3ème album Variety (娯楽)
19. Killer Tune (キラーチューン), du 3ème album Variety (娯楽)
20. (rappel) Karada (体), présent en B-side du single Killer Tune (キラーチューン)
21. (rappel) SSAW, du 3ème album Variety (娯楽)
22. (rappel 2)Tōmei Ningen (透明人間), du 2ème album Adult (大人)

movement through immobility

L’irrégularité des cerisiers placés le long de la grande avenue Meiji entre Shibuyabashi et Tengenjibashi me fait penser à une longue vague immobile. Les cerisiers ont tous des tailles et des intensités de branchages et de floraison différentes. À certains endroits, des tunnels se forment sur les trottoirs. L’avenue est cependant trop large pour former un tunnel continu sur la route, comme ça peut être le cas pour la petite rue sakurazaka entourant Roppongi Hills par exemple. C’est très agréable de marcher le long de l’avenue Meiji mais je préfère y conduire. On a tendance à rouler plus doucement pour en profiter au maximum. L’architecte Mark Dytham qui a ses bureaux à Ebisu à proximité de l’avenue Meiji nous montrait d’ailleurs en vidéo sur son compte Instagram le déroulement des sakura lorsque l’on passe dessous en voiture. Les dernière et avant dernière photographies s’éloignent un peu des cerisiers bien que nous sommes toujours ici à Ebisu. L’avant-dernière photo montre une vieille baraque que j’aime souvent prendre en photo pour les jets de plantes qui l’accompagnent. Je pense que le contraste des couleurs m’attire, le vert dense de cette végétation par rapport à l’aspect grisâtre du mur et du muret. Cette vieille maison se trouve à côté de la librairie et galerie NADiff a/p/a/r/t. J’y passe régulièrement mais elle est en général à chaque fois fermée à mon passage. Il faudra que j’y revienne pour voir l’exposition Before 1968 DAIDO MORIYAMA’s works from magazines qui démarre le 15 Avril.

Tokyo Jihen est décidément très actif depuis leur réformation en Janvier 2020, et je ne vais pas m’en plaindre. Le nouveau morceau intitulé Ryokushu (緑酒), sous-titré Awakening vient de sortir le 30 Mars 2021. Le morceau s’engage d’emblée vers le terrain de la pop, ce qui m’avait un peu déconcerté au début surtout pour le final à plusieurs voix qui me rappelle un peu ce qu’on pourrait entendre chez Queen (que je n’aime pas beaucoup). Le morceau ressemble à un mélange de morceaux existants de Tokyo Jihen, c’est à dire qu’il nous semble familier sous de nombreux aspects. Mais après plusieurs écoutes, il finit par complètement m’accrocher notamment pour sa construction musicale qui ne suit pas des formats traditionnels. Izawa Ichiyō compose ce morceau, comme c’est le cas pour la plupart des morceaux récents, et j’imagine assez bien ce morceau s’intégrer avec les autres déjà sortis pour construire le futur album, dont on ne sait d’ailleurs toujours pas la date de sortie. Comme Tokyo Jihen a annoncé un autre nouveau morceau cet été, composé par Kameda Seiji cette fois-ci, j’imagine que le groupe sortira le nouvel album après l’été. Et j’espère qu’ils annonceront une nouvelle tournée dans la foulée. J’ai toujours le regret de ne pas avoir été au concert de la tournée News Flash l’année dernière, mais j’ai réservé au Tower Records de Shibuya le Blu-Ray 『2O2O.7.24閏vision特番ニュースフラッシュ』 qui sortira dans deux semaines le 14 Avril 2021. Pour revenir au morceau Ryokushu, Sheena Ringo écrit bien entendu les paroles et interprète seule à part le final groupé. En fait, c’est la complexité et la diversité de son chant qui m’attire à chaque fois, et c’est aussi le cas sur Ryokushu. J’ai maintenant assez hâte de voir comment ce morceau s’intégrera dans le futur album, qui s’annonce excellent vu les morceaux déjà sortis en single.

along the expressway

L’autoroute Metropolitan Expressway Route No.2 Meguro Line borde le grand parc de l’Institute For Nature Study à Meguro, qui contient dans son enceinte le Teien Art Museum. Le parc ressemble plutôt à une forêt laissée à elle-même, sauf pour la surface entourant le musée Teien qui est par contre très bien entretenue. Le parc-forêt est ouvert au public et permet de s’échapper des bruits de la ville pourtant proche. L’autoroute No.2 qui borde le parc se situe à l’étage, bordée elle-même de plaques de métal blanches tracées d’une ligne bleue interrompue. On s’engouffre souvent, au moins deux fois par week-end, dans le tunnel passant sous l’autoroute et bordant également le parc-forêt. À chaque passage, on renforce un peu plus la frontière entre l’espace urbain et le naturel envahissant de la forêt qui voudrait certainement reprendre ses droits. Si aucune voiture ne passait ici pendant de nombreuses années, la nature reprendrait pour sûr le dessus et viendrait envahir petit à petit cette autoroute et ce tunnel jusqu’à ce qu’ils deviennent inutilisables. J’imagine les racines de la forêt pousser petit à petit les remparts de l’autoroute, créer des fissures pour y laisser s’échapper d’autres racines qui viendraient faire éclater les parois de béton et l’asphalte des routes. Une barrière naturelle se créerait au milieu du tunnel et viendrait s’étendre vers les entrées et sorties à la recherche de la lumière. Cette autoroute et ce tunnel ne seraient bientôt qu’un lointain souvenir. On mettrait une petite plaque explicative à l’entrée des ruines du tunnel pour ne pas oublier l’urbanisme passé de ces lieux.

Au hasard d’une marche urbaine, je découvre la maison Tsuchiura conçue en 1935 par l’architecte Kameki Tsuchiura, disciple de l’architecte américain Frank Lloyd Wright. Une petite plaque explicative devant l’entrée de la maison nous explique qu’il s’agit d’une propriété culturelle tangible. Cette maison est donc un lieu protégé et elle est également référencée par la branche japonaise de l’association Docomomo qui liste les créations d’architecture moderne qu’on se doit de protéger pour leur importance culturelle. Cette maison est une des premières maisons d’architecture moderne construite au Japon. Tsuchiura l’a construite pour lui-même et son épouse. Elle se compose de deux étages avec deux chambres et un bureau à l’étage et la partie salle à manger, cuisine et salon au rez-de-chaussée. La salle de bain est au sous-sol. Cette maison, avec une structure en bois et des revêtements entièrement peints de couleur blanche, a une apparence extérieure simple. Mais l’espace ouvert à l’intérieur pour la partie salon avec une grande baie vitrée donnant sur le jardin est beaucoup plus intéressant. Un escalier intérieur nous amène à un demi-étage qui donne ensuite, dans une progression fluide, accès aux chambres au deuxième étage avec des ouvertures donnant sur l’espace ouvert du salon. Ce design intérieur et cette composition de l’espace en séquences étaient une nouveauté au Japon à cette époque. Le mobilier intérieur choisi par l’architecte était aussi d’inspiration moderniste. On le note également dans le design de la rampe d’escalier. Les quelques photographies en noir et blanc ci-dessus donnent une bonne idée de cet agencement intérieur. On peut également voir quelques photos plus récentes de l’intérieur sur le site du magazine Domus. La maison était en vente en 2016 mais a trouvé preneur. Elle se situe dans l’arrondissement de Shinagawa, mais elle est assez proche de Yebisu Garden Place. Située dans un quartier résidentiel de Kamiosaki derrière une grande résidence construite récemment, elle n’est pas facile à trouver. Je ne la cherchais pas mais mon intuition m’y a amené.

Je reviens ensuite vers Yebisu Garden Place en passant devant la grande place couverte d’un gigantesque arche d’acier et de verre. Ça faisait plusieurs mois que je n’étais pas passé ici. Je ne m’attarde en général pas à prendre le château français du restaurant Robuchon en photo car je l’ai déjà pris et montré maintes fois sur ce blog. Mais cette fois-ci, la lumière qui éclairait le château a attiré mon regard photographique. Sous cette perpective, il vient se cadrer parfaitement sous l’arche de verre. La démesure de l’endroit, dont la construction fut achevée en 1994 après l’éclatement de la bulle économique, m’étonne encore maintenant, notamment en hiver lorsque le gigantesque chandelier Baccarat est de sortie sur la place.

Je termine ma marche matinale en allant acheter du pain à la boulangerie Kobeya Kitchen du Department Store Atre de la gare d’Ebisu. Avec l’air sec de l’hiver, mes mains ont tendance à s’assécher ce qui crée parfois des cicatrices. J’avais déjà un pansement à une main mais un des doigts de mon autre main se met à saigner légèrement sans que je m’en rende compte, au moment où je m’apprêtais à payer mon pain. La jeune vendeuse de Kobeya l’avait apparemment remarqué et s’eclipse brièvement à l’arrière pour dénicher un petit pansement bleu qu’elle me propose ensuite gentiment. Je suis à la fois surpris et un peu gêné, d’autant plus qu’elle me demande de prendre mon temps pour l’appliquer sur mon doigt. C’était une charmante attention qu’on ne verrait certainement pas ailleurs. Ce genre de petite anecdote n’est à mon avis pas fréquente, ce qui m’a donné l’envie de l’écrire ici.

Difficile de passer à côté du nouveau single de Utada Hikaru, One Last Kiss, sorti récemment en parallèle au nouveau film d’animation de la série Evangelion, intitulé Evangelion: 3.0+1.0 Thrice Upon a Time. Ce morceau en est un des thèmes musicaux. En fait, on aurait tord de passer à côté de ce nouveau single tant il est bon. Je suis toujours épaté par la manière dont Hikki arrive à écrire des morceaux immédiatement accrocheurs qui ont en même temps une composition musicale intéressante, ce qui fait qu’on ne se lasse pas de les écouter même après de nombreuses écoutes. Il est le fruit d’une collaboration avec le producteur électronique AG Cook que je ne connaissais pas (car il s’est fait connaître pour ses collaborations avec Charli XCX que je n’ai jamais écouté). En fait, je suis plus familier du nom de son père Peter Cook, architecte anglais fondateur du groupe Archigram. Les pochettes du single reprennent les visages dessinés de personnages d’Evangelion, Shinji Hikari pour le CD et Rei Ayanami pour le vinyl. Les images de la vidéo du morceau ont été prises par Utada mais montées par Hideaki Anno, le réalisateur de ce nouveau film Evangelion. Je crois bien avoir vu tous les films et anime de la série Evangelion, il faudrait donc que j’aille voir celui-ci au cinéma.

Le morceau Uta (唄) de Sheena Ringo est une surprise car il est sorti l’année dernière en Janvier sans que je le remarque. Il s’agit en fait d’une reprise d’un morceau du groupe Buck-Tick pour un album tribute intitulé Parade III: Respective Tracks of Buck-Tick. Buck-Tick est groupe de la mouvance Visual Kei, formé en 1983 et toujours actif actuellement, ce qui est assez exceptionnel comme longévité. Le chanteur du groupe Atsushi Sakurai avait déjà participé à un morceau avec Sheena sur son dernier album Sandokushi. Il s’agissait du quatrième morceau Kakeochisha (駆け落ち者). J’aime beaucoup cette reprise du morceau Uta, même s’il n’est pas évident à la première écoute, tout comme le morceau original de Buck-Tick d’ailleurs. La composition à base de flûte nous ramène étonnamment à l’ambiance de l’album Hi Izuru Tokoro, mais la manière de chanter plus sombre de Sheena est plus proche de Sandokushi. On peut entrevoir ce morceau comme une curiosité mais il s’avère très intéressant après plusieurs écoutes. Je ne sais pas vraiment comment sont nés ces collaborations successives entre Atsushi Sakurai et Sheena Ringo, mais ça aiguise en tout cas ma curiosité pour la musique de Buck-Tick. Après avoir écouté quelques morceaux, je pense quand même avoir un peu de mal à m’y plonger. Je n’ai pas de mauvais à priori pour la mouvance musicale visual Kei voire gothique japonaise, car j’aime beaucoup LUNA SEA par exemple. Mais, je n’ai pour l’instant pas trouvé de morceaux du groupe qui m’ont inspiré.