白狐と黒猫

Le temple Toyokawa Inari est rempli de statuettes de renards car il est dédié au dieu renard. Il s’agit d’une branche du temple du même nom situé dans la ville de Toyokawa dans la préfecture de Aichi. C’est plutôt inhabituel de voir le dieu renard dans un temple bouddhiste car cette figure animale est plutôt présente et vénérée dans le culte shinto et donc plutôt présente dans les sanctuaires. Il se trouve qu’historiquement la divinité bouddhiste vénérée dans ce temple chevauchait un renard blanc et que l’imagerie bouddhiste de ce renard est venue se mélanger avec celle shintoïste du renard Inari. La lumière forte de fin de matinée vient jouer avec ces figures de renards alignées méthodiquement. Il y a une multitude de statuettes dans ce temple. J’aime beaucoup le désordre ambiant qui règne dans ce temple très chargé en autels de toutes sortes. On le trouve près d’Akasaka, en face de la pâtisserie japonaise Toraya et à côté d’une des vastes demeures impériales. On pourrait penser que le bâtiment de la pâtisserie reconstruit récemment est une nième création architecturale de Kengo Kuma, mais Hiroshi Naito en est l’architecte. On ne manque jamais une occasion d’aller dans cette pâtisserie lorsque nous passons dans les environs, mais nous n’avons malheureusement pas assez de temps pour nous asseoir dehors au balcon. J’aurais beaucoup aimé m’asseoir et regarder de loin le temple Toyokawa Inari, en pensant à cette histoire de renard blanc. Dans mes songes, les renards blancs des temples viendraient jouer avec les chats noirs des sanctuaires en dansant et en chantant à tue-tête comme dans un matsuri, comme dans une ukiyo-e pleine de fantaisie de Kawanabe Kyōsai. Et part association d’idées, ces chats noirs doués du sens du spectacle me font penser à l’agence Kuronekodō (黒猫堂) de Sheena Ringo et à la musique du concert qui va suivre.

Ce n’est parfois pas facile de trouver le DVD ou Blu-Ray d’un concert que l’on recherche. On trouve bien sûr la totalité des CD, DVD et Blu-ray au Tower Records de Shibuya, mais je recherche avant tout des versions d’occasion en bon état et je me dirige donc en général vers les Disk Union de différents quartiers, ceux de Shibuya, Shinjuku, Shimokitazawa ou Ochanomizu à la recherche de ce qui me manque. Pour les disques d’occasion, il y a des indicateurs d’état général inscrits sur les CD/DVDs. Un état A est quasiment neuf avec tous les petits feuillets à l’intérieur (stickers éventuellement ou autres) ainsi que le petit carton couvrant un des bords de la boîte (le obi, comme sur un kimono). Un état B aura éventuellement une ou plusieurs petites rayures ou le petit carton de bord manquant, mais je ne m’en soucis en général assez peu. On peut de toute façon demander au vendeur d’ouvrir la boîte pour vérifier l’état. Jusqu’à maintenant, et j’ai acheté pas mal de CDs/DVDs au Disk Union, je n’ai jamais eu aucun problème sur la qualité de la marchandise, même sur des CD/DVDs marqués B. Un de mes petits plaisirs en ce moment, vous l’aurez sans doute déjà compris et certainement un peu marre de me l’entendre dire, est de partir à la recherche des vidéos de Sheena Ringo et Tokyo Jihen, principalement celles des concerts, mais également les DVDs des clips vidéos. Autant tous les albums sont en général facilement trouvables dans n’importe quel Disk Union, autant il est beaucoup plus difficile de trouver les DVD/Blu-ray de certains concerts. J’ai beaucoup cherché Ultra C, le concert de Tokyo Jihen sorti dans la foulée de l’album Sports en 2010. Je pensais vraiment le trouver au Disk Union de Shinjuku, qui a en général le plus grand nombre de disques de Sheena Ringo et Tokyo Jihen (peut être parce qu’on associe cette musique à un soi-disant style ‘Shinjuku-kei’), mais ce n’était malheureusement pas le cas. La seule solution était de le commander sur le site Internet de Disk Union, pour le retirer quelques jours plus tard dans un des magasins de son choix. On peut aussi acheter d’occasion sur Amazon, mais les revendeurs sont multiples et je crains un peu que la qualité annoncée ne soit pas celle réelle. Je voulais absolument me procurer Ultra C, car je savais que ce concert couvrait principalement l’album Sports qui est un des albums que je préfère du groupe.

Ultra C est sorti en DVD le 25 Août 2010 et en Blu-ray le 8 Septembre 2010. C’est le premier concert du groupe disponible au format Blu-ray et c’est la version que j’ai entre les mains. Il s’agit d’une captation vidéo de la tournée nationale Tokyo Jihen Live tour 2010 Ultra C (東京事変 live tour 2010 ウルトラC) qui se composait de 22 dates couvrant tout le Japon du 26 Mars au 23 Mai 2010. Le concert montré sur le DVD/Blu-ray est celui qui se déroulait à Tokyo le 12 Mai, au Tokyo International Forum Hall A, comme pour les dates de Tokyo sur la tournée News Flash de 2020. La configuration de la salle explique certainement certaines similitudes entre ces deux concerts. Le concert est montré en intégralité sans coupures, ce qui est une bonne chose et qui n’est pas toujours le cas sur les concerts de Sheena Ringo. Le groupe y joue 22 morceaux (restons symétrique si possible) en incluant les rappels, ce qui correspond à environ 1h40, à peu près similaire à ce qu’on a pu voir sur News Flash mais nettement moins long que les 2h de Bon Voyage. Yuichi Kodama était en charge de la mise en scène et en vidéo de ce concert. On peut se demander quelle est la signification de ce titre Ultra C (ウルトラC) qui ne correspond pas à un nom de titre de morceau ou d’album. Il s’agit en fait d’un terme sportif japonais, ce qui correspond assez bien au thème graphique de l’album Sports sorti juste avant la tournée en Février 2010. En gymnastique, les niveaux de difficulté des figures étaient autrefois notées de A à C (A étant un niveau facile par rapport à C étant difficile). Pendant les Jeux Olympiques de Tokyo en 1968, l’équipe japonaise de gymnastique décrivait sa stratégie comme étant ‘Ultra C’, pour montrer que leur ambition était de dépasser tous les standards de l’époque. Cette stratégie a d’ailleurs fonctionné car l’équipe japonaise a remporté la médaille d’or, et le terme est rentré dans le langage par la même occasion. Avec un nom pareil, on pouvait donc s’attendre à un concert hors du commun.

Alors que la pochette du DVD/Blu-ray d’Ultra C montre les tenues sportives devenues désormais emblématiques du groupe (on peut les acheter en version 2020 sur la boutique en ligne), le groupe ne les revêt pas pendant le concert. Assez étonnamment d’ailleurs, il n’y a, pendant le concert, aucune allusion visuelle au monde du sport ou de l’olympisme, qui est quand même une constante dans les concerts qui vont suivre (par exemple, dans le thème couleur de certaines tenues sur News Flash, ou dans l’utilisation du drapeau comme sur un podium sur Bon Voyage). La mise en scène du concert est très sobre, un peu comme celle de News Flash plus tard, dans le sens où il y a aucune décoration sur scène, les effets spéciaux sont assez peu nombreux et le groupe ne change pas de tenues pendant tout le concert sauf une fois pour les rappels. Il n’y a absolument rien de gênant la dedans, tant que la qualité musicale est là, ce qui est bien entendu le cas ici. Le groupe en formation rock est habillé d’une manière ‘sauvage’ et j’adore la manière dont ils sont coiffés, surtout Ukigumo et Toshiki Hata ayant des mèches dépassant soudainement comme des fuites d’eau. Sheena Ringo est blonde coupée court, ce qui lui va très bien. Je vois un parallèle entre cette coupe courte et l’approche générale plus aggressive du concert, qui n’est pas pour me déplaire. Sur ce concert, le fait que le groupe ne change pas de tenue devient un même un concept, dans le sens où ils se concentrent uniquement sur les sensations délivrées par la musique et les voix.

J’essaie là d’expliquer tant bien que mal, en quoi ce concert est un des meilleurs que j’ai vu du groupe. Dès leur entrée sur scène sur le premier morceau Kachiikusa avec Sheena à la guitare, on se dit que c’est difficile de faire plus ‘cool’ (les mots かっこよすぎる me viennent tout de suite en tête en japonais). Elle prend assez souvent la posture de chant de côté sur ce concert mais reste assez mobile sur beaucoup de morceaux, tout en prenant certaines pauses assez emblématiques, notamment figée à la guitare sur la fin de certains morceaux. On ne pourra pas reprocher à Sheena Ringo de ne pas habiter ses interprétations sur scène. Je trouve même que c’est exacerbé sur ce concert où elle se tord littéralement sur scène comme pour faire sortir cette voix de son plus profond intérieur. La playlist est relativement classique avec beaucoup des morceaux que j’adore comme Denpa tsūshin. L’ambiance visuelle est assez sombre pendant ce morceau avec des flashs de lumière extrêmement nerveux. J’aime beaucoup l’interprétation de Season Sayonara, car la tension vocale est palpable, et on sent une grande concentration dans l’exécution. Cette concentration de l’ensemble est comme si le groupe avait pour but de faire un ‘ultra c’ comme en gymnastique olympique. Ce concert me rappelle un peu Zazen Ecstasy en ce sens, Sheena Ringo semblant pareillement concentrée, tout en étant assez avare en commentaires pendant le set à part quelques mots par-ci par là. Je vois cette concentration comme un respect profond envers le public (je dis ça car c’est ce que je ressentais lors d’interview où elle évoquait les concerts). C’est intéressant d’ailleurs de voir comment elle est à l’aise pendant les morceaux, comme si elle jouait un rôle d’actrice, mais semble un peu timide pendant les commentaires entre les morceaux. C’est très certainement assez typique d’artistes qui deviennent une toute autre personnalité sur scène. Je pense à ça car son nom Ringo est apparement emprunté au fait qu’elle rougissait facilement étant plus jeune. Mais pendant tout le concert, elle contrôle complètement ce qui s’y passe sans temps morts. L’association des morceaux OSCA et FOUL met toujours le feu aux foules, et Izawa ne tient pas en place debout sur son clavier (enfin à côté du clavier). Hata est extrêmement rapide à la batterie et on le voit souffrir. L’énergie est frénétique et on sent bien que ça ne peut pas durer très longtemps sur ce rythme.

Une des surprises de ce concert est l’interprétation du morceau Ariamaru Tomi, qui n’est pas de Tokyo Jihen, mais de Sheena Ringo en solo. Le morceau n’est pas encore sorti sur un album à cette époque et on le retrouvera quatre ans plus tard sur Hi Izuru Tokoro (日出処). Ce morceau calme le rythme d’ensemble du concert. Une autre excellente surprise de ce concert est l’interprétation des morceaux d’ouverture et de fermeture de l’album Sports, à savoir Ikiru (生きる) et Kiwamaru (極まる). C’est sur ces morceaux, que je la trouve la plus habitée par ce qu’elle chante, les morceaux étant très difficiles. Ce sont quelques uns des très beaux moments du concert, car très chargés émotionnellement au point où on se demande si elle s’en sortira complètement indemne (elle reste courbée un moment pendant le final instrumental de Ikiru). Zettai Zetsumei poursuit le set mais ne lâche pas vraiment la tension. La totalité des morceaux de l’album Sports sont interprétés (incluant également une b-side), mais il faut dire qu’il y a beaucoup de morceaux adaptés au Live sur cet album, Nōdōteki Sanpunkan avec son compteur de 3mins ne fonctionne vraiment bien qu’en concert d’ailleurs. Il y a toujours le faux suspense de savoir si ils vont bien terminer le morceau dans les 3 minutes imparties, mais vu le niveau technique du groupe, on a en fait assez peu de doutes. A chaque concert, je suis toujours marquer par le fait qu’il n’y ait aucun faux pas, que ça soit dans l’interprétation musicale ou vocale. Ou alors les erreurs sont si discrètes que je ne les détecte pas, à part peut être sur les sourires parfois. Je guette d’ailleurs toujours le sourire de Seiji Kameda, que je ne peux m’empêcher de voir comme la figure de proue du groupe, certainement car il suit Sheena Ringo depuis ses débuts.

Le concert reprend aussi quelques morceaux des albums précédents à Sports, comme les classiques Shuraba d’Adult ou Killer Tune de Variety, mais pas Gunjō Byori de Kyōiku. Sur Kyōiku, un seul morceau est interprété, Sounan, qui est je pense moins classique des concerts. Sheena reprend la guitare en deuxième partie du concert sur le morceau Gaman, en b-side de Nōdōteki Sanpunkan, qui aurait pu complètement intégré l’album ou alors est ce l’interprétation live à plusieurs voix qui rend le morceau remarquable. Là encore, j’aime beaucoup quand Sheena regarde Hata à batterie pour s’adapter à son rythme pour démarrer ou clôturer un morceau. Ceci explique peut être d’ailleurs cette position caractéristique de côté, le corps positionné en face de la batterie. Vient ensuite l’interprétation de Superstar, que je préfère quand même sur News Flash. Il y a d’ailleurs beaucoup de morceaux communs à ces deux concerts et ils se ressemblent assez dans leur forme assez sobre (par rapport à Bon Voyage par exemple). Dans les deux concerts, on retrouve également des morceaux comme Bōtomin et Noriki. Et pour le final dans les rappels, le groupe reprend les immanquables classiques que sont Marunouchi Sadistic, toujours dans une version proche d’Expo 8, et Senkō shōjo. Vers la fin du concert, on sent également l’ambiance se détendre, notamment quand les petits drapeaux avec le symbole de Sports commencent à apparaitre sur les morceaux.

Le DVD/Blu-ray contient également un bonus vidéo avec quelques autres morceaux interprétés à certaines dates de concert, en fonction de l’origine de chacun des membres. Pour le concert à Chiba, Ukigumo reprend un morceau américain country d’eddie Miller intitulé Release Me (morceau qui ne m’intéresse pas beaucoup). A Fukuoka, Sheena parle au public du fait qu’elle a passé son enfance dans cette ville et se demande s’il y a dans le public des personnes qui la suivent depuis les débuts, qui ont le même âge qu’elle et ont peut être des enfants. Elle interprète ensuite Tasogare Naki (黄昏泣き) accompagné par Izawa au piano. A Osaka, c’est au tour de Seji Kameda d’interpréter lui même au chant et à la guitare sèche le morceau Senkō shōjo (閃光少女) dont il a écrit la musique. A Okayama, Ichiyō Izawa interprète seul un morceau intitulé Haha no Hikari (母の光) que je ne connaissais pas et qui n’est pas au répertoire de Tokyo Jihen. L’interprétation la plus surprenante et intéressante est celle de Toshiki Hata à Shimane, effectuant une danse théâtrale du rite shintoïste Kagura (神楽) en kimono très coloré, accompagné aux sons du taiko et par un chant traditionnel. Hata est plein de surprise. J’aurais bien vu cet épisode en particulier inclus dans la totalité du concert. Toujours est il qu’Ultra C est comme je le pensais un des meilleurs concerts du groupe, parmi ceux que j’ai pu voir pour le moment (qui ne sont pas encore très nombreux, je le conçois). Son esthétique générale donne envie d’y revenir. Je pensais me limiter dans la longueur de mes billets décrivant les concerts mais je me trouve à chaque fois emporté dans mon enthousiasme.

Pour référence ultérieure, la liste des morceaux du concert Ultra C sont notés ci-dessous

1. Kachiikusa (勝ち戦) du 4ème album Sports (スポーツ)
2. FAIR du 4ème album Sports (スポーツ)
3. Denpa tsūshin (電波通信) du 4ème album Sports (スポーツ)
4. Season Sayonara (シーズンサヨナラ) du 4ème album Sports (スポーツ)
5. OSCA du 3ème album Variety (娯楽/バラエティ)
6. FOUL du 4ème album Sports (スポーツ)
7. Ariamaru Tomi (ありあまる富), morceau qui sera plus tard inclus sur le 6ème album studio de Sheena Ringo Hi Izuru Tokoro (日出処)
8. Ikiru (生きる) du 4ème album Sports (スポーツ)
9. Zettai Zetsumei (絶体絶命) du 4ème album Sports (スポーツ)
10. Sounan (遭難) du 1er album Kyōiku (教育)
11. Shuraba (修羅場) du 2ème album Adult (大人/アダルト)
12. Nōdōteki Sanpunkan (能動的三分間) du 4ème album Sports (スポーツ)
13. Gaman (我慢), b-side du single Nōdōteki Sanpunkan, également inclus sur la compilation Shinya Waku (深夜枠)
14. Superstar (スーパースター) du 2ème album Adult (大人/アダルト)
15. Bōtomin (某都民) du 3ème album Variety (娯楽/バラエティ)
16. Killer Tune (キラーチューン) du 3ème album Variety (娯楽/バラエティ)
17. Noriki (乗り気) du 4ème album Sports (スポーツ)
18. Uten Kekkō (雨天決行) du 4ème album Sports (スポーツ)
19. Sweet Spot (スイートスポット) du 4ème album Sports (スポーツ)
20. Marunouchi Sadistic (丸の内サディスティック), version modifiée du morceau de Muzai Moratorium
21. Senkō shōjo (閃光少女) du 4ème album Sports (スポーツ)
22. Kiwamaru (極まる) du 4ème album Sports (スポーツ)

永遠コンティヌウム

L’automne est une des meilleures saisons pour marcher en ville à Tokyo, quand les typhons se mettent en pause temporaire et que la pluie retient ses gouttes le temps du week-end. Nous avons eu beaucoup de week-ends pluvieux ces dernières semaines, donc une journée froide mais ensoleillée devient une opportunité immanquable de marcher à l’extérieur. Je suis malheureusement un peu à court d’idée d’endroits où aller marcher et je me retrouve donc encore une fois à parcourir les rues d’Aoyama jusqu’à Shibuya. En fait, j’avais initialement l’intention de marcher jusqu’à Shinjuku mais le temps me manquant, je m’arrête au niveau de Killer street pour aller revoir d’un peu plus près l’immeuble de béton TERRAZZA de l’architecte Kiyoshi Sei Takeyama (Amorphe). Je suis toujours impressionné par la puissance du béton dans la petite cour intérieure avec murs à l’oblique. J’essaie ensuite de me perdre dans les rues à l’arrière du building, mais je finis toujours par retrouver mon chemin dans Jingumae. Il y a beaucoup d’architecture intéressante dans ces rues. J’ai déjà pris ces endroits en photo plusieurs fois et je me retiens donc pour cette série. Je passe quand même revoir Small House de Kazuyo Sejima, car je veux vérifier si l’arrière de la maison est toujours visible. Jusqu’à maintenant, on pouvait emprunter un petit chemin de terre près d’un sanctuaire donnant accès à un terrain vague depuis lequel on pouvait voir l’arrière de Small House et donc apprécier sa forme asymétrique. Un petit immeuble a malheureusement été construit sur le terrain vague et le chemin de terre transformé en petite allée couverte de pavés. La dernière fois que j’ai pris l’arrière de cette maison en photo était en Août 2018. Cette vue n’est désormais plus possible. En revenant vers l’avenue Aoyama, je passe brièvement devant le grand temple Baisouin dessiné par Kengo Kuma, dont l’allée bordée de bambous est très agréable au regard. Les bureaux de l’architecte se trouvent d’ailleurs dans ce quartier, dans la rue parallèle à l’allée de bambous du temple. Je finis ensuite par regagner le centre névralgique de Shibuya devant le Department Store PARCO. La foule est de retour, comme à la normale, sauf qu’il n’y a pas de touristes. Mon regard se noie dans les mouvements de la foule, mais des petits détails accrochent parfois mon attention, comme ce petit smiley jaune à la fois agressif et sympathique.

Je ressors de mon tiroir le DVD du documentaire et live Hatsuiku Status: Gokiritsu Japon (発育ステータス 御起立ジャポン) de Sheena Ringo, sorti le 7 Décembre 2000 en même temps qu’un autre live Gekokujō Ecstasy. J’avais acheté ces deux DVDs en même temps à leurs sorties simultanées. Chronologiquement parlant, les scènes de concert filmées dans Hatsuiku Status: Gokiritsu Japon se déroulent en Juin et Juillet 2000, environ deux à trois mois après celles de Gekokujō Ecstasy. La principale différence est que Gekokujō Ecstasy était un concert de Sheena Ringo, tandis que le concert intitulé Gokiritsu Japon (Standup Japon) est celui d’un groupe inconnu appelé Hatsuiku Status (Growth Status), qui ne met pas en avant la présence de Sheena Ringo. Ce groupe a en fait été créé spécialement pour composer des nouveaux morceaux qui seront ensuite interprétés en concert lors de quatre dates à Fukuoka, Hiroshima, Kobe et Shinjuku. A cette époque, Sheena Ringo est déjà très connue car ses deux premiers albums Muzai Moratorium et Shōso Strip sont déjà sorti, mais elle ne révèle apparemment pas sa présence dans ce groupe Hatsuiku Status lors des premiers concerts. J’imagine que le secret a du être gardé pour la première date à Fukuoka, mais que le mot a dû se donner peu après.

Hatsuiku Status est loin d’être le seul groupe rock créé par Sheena Ringo. On connait bien sûr Tokyo Jihen, mais elle a aussi l’habitude de créer et de donner des noms particuliers aux formations créées pour chaque album (ou partie d’albums), pour les concerts et parfois pour les enregistrements de certains morceaux. Par exemple, le groupe Gyakutai Glycogen (虐待グリコゲン) s’est formé pour les concerts des tournées Zazen Ecstasy et Gekokujō Ecstasy de l’année 2000, le groupe Tensai Präparat (天才プレパラート) jouait l’année précédente sur la tournée Manabiya Ecstasy (学舎エクスタシー). Sur l’album Muzai Moratorium, il y avait même trois groupes listés, à savoir Zetsurin Hectopascal (絶倫ヘクトパスカル), Zekkyō Solfeggio (絶叫ソルフェージュ) et Momoiro Spanner (桃色スパナ). Les orchestres avec Neko Saito prennent aussi des noms particuliers comme Noraneko Orchestra (ノラネコオーケストラ) sur le concert Baishō Ecstasy. Pour revenir aux noms de groupes, il s’avère qu’ils suivent tous la même construction dans leurs noms, à savoir deux Kanji et un mot en katakana. Les noms des formations orchestrales ont une autre convention de noms utilisant seulement des katakana. Arrêtons nous là sur les noms de groupes, car il doit y en avoir plus d’une trentaine. Et on pourra aussi noter que certains noms d’albums et de morceaux suivent également cette même composition kanji & katakana (丸の内サディスティック, 無罪モラトリアム, 三文ゴシップ…). Il s’agit là encore d’un exemple d’une des spécialités de Sheena Ringo de jouer avec la composition et les associations de mots, et je m’amuse à faire de même avec le titre de ce billet.

Hatsuiku Status a également la particularité d’avoir trois bassistes: Sheena Ringo, Yasunobu Torii et Junko Murata. Cette dernière faisait partie de Hachiōji Gulliver (八王子ガリバー), groupe des débuts de Sheena Ringo à Fukuoka. En parlant des débuts, le premier groupe de lycée de Sheena Ringo s’appelait Marvelous Marble (マーベラス・マーブル) et faisait des reprises. On peut d’ailleurs voir sa première apparition au chant à la télévision dans une émission intitulée Teens’ Music Festival en 1995. Elle avait 16 ans et est à peine reconnaissable. Sur Hatsuiku Status, on trouve également Yuka Yoshimura à la batterie et Hisako Tabuchi du groupe Number Girl à la guitare électrique. Il faut noté que Number Girl est également originaire de Fukuoka, qu’ils ont déjà sorti à cette époque quelques albums comme School Girl Distortional Addict et que Sheena allait à leurs concerts. Hisako Tabuchi est en quelque sorte senpai de Sheena Ringo et elle est de trois ans son aînée, mais on ne ressent pas du tout ce genre de rapport de force dans le documentaire du DVD. Le groupe est principalement féminin, ce qui n’est pas le cas sur les groupes qui vont suivre. En fait, je m’étais toujours demandé pourquoi Sheena Ringo avait soudainement ressenti le besoin de créer un groupe avec Tokyo Jihen en 2004, mais je me rends compte que ce besoin existe depuis ses débuts et qu’elle n’a jamais vraiment été soliste car chaque formation l’accompagnant a un nom et donc une identité. Il y a quelque chose d’intéressant à creuser là, car, vu la singularité des morceaux de sa discographie, on imagine plutôt Sheena Ringo comme étant solitaire dans l’exercice d’écriture des morceaux, qui n’accepterait pas les compromis que le travail en groupe demande. Malgré cela, depuis Tokyo Jihen à partir de la deuxième formation, on sait que sous son impulsion le travail d’écriture est beaucoup plus distribué entre les membres du groupe, surtout à partir du EP Color bars.

Sur ce projet Hatsuiku Status qui ne durera que le temps des quatre concerts que je mentionnais ci-dessus, les morceaux sont en très grande partie écrits par Sheena Ringo, en suivant vaguement le thème de la croissance (comme l’indique le nom du groupe). Le DVD commence par une partie documentaire qui nous montre les répétitions et l’exercice collectif de création musicale. En fait le deuxième morceau de la playlist Warui Nae Yoi Moe (悪い苗 良い萠) est le seul morceau dont les paroles sont écrites par la totalité du groupe et on voit quelques scènes montrant le processus de création. Les paroles sont d’ailleurs assez hétéroclites, citant des mots et bouts de phrases sans liens apparents les uns avec les autres. On peut entendre par moment des noms de personnes, comme ‘Mukai kun’ en référence à Shutoku Mukai de Number Girl, ou ‘Furuya kun’ en référence à Kenji Furuya qui est le chanteur de Dragon Ash. Le nom du 15ème président sud coréen, en fonction à l’époque du concert, est également cité mais on ne l’entend pas sur la vidéo car son nom est couvert d’un deep sonore. Les paroles de ce morceau n’étant que composés de mots divers et variés, je n’y perçois pas de messages particuliers. Ce documentaire peut paraitre anecdotique mais je trouve très intéressant d’observer les relations de Sheena avec le groupe, notamment avec Hisako Tabuchi. Ce DVD doit d’ailleurs être le seul à montrer ce type de documentaire et il est donc assez unique. Les répétions mélangent moments de sérieux et moments d’amusement, avec notamment quelques passages dans un espace de pause qui doit être celui du Shinjuku Liquid Room (qui s’est déplacé à Ebisu en 2004). J’aime beaucoup les moments où Sheena et Hisako sont habillées de la même chemise à carreaux rouges, quand les membres du groupe tentent les unes après les autres de faire les yeux blancs (comme dans la vidéo de Yattsuke Shigoto) tout en mangeant des choux à la crème, ou quand Sheena raconte une histoire sur la perte d’un pendentif en forme de coeur qui l’amène à imiter une scène de comédie musicale.

Vers la fin du documentaire, on voit le groupe préparer la playlist du concert et celui-ci commence peut de temps après dans la salle du Liquid Room de Shinjuku. La captation vidéo est volontairement assez peu modifiée pour donner une impression d’immersion dans la réalité du concert (c’est apparemment l’effet voulu). Le set de la tournée Gokiritsu Japon se compose de 11 morceaux originaux, mais seulement 9 sont montrées en vidéo sur le DVD. Deux morceaux au milieu ont été enlevés, à savoir le cinquième intitulé Fukurande kichatta (膨らんできちゃった) et le sixième intitulé Hai Hai (はいはい), ce qui est extrêmement bizarre. On retrouve cependant ces deux morceaux sur le troisième disque du EP Zecchōshū (絶頂集) sorti quelques mois avant le DVD en Septembre 2000. Peut être que l’inclusion dans le EP Zecchōshū justifie la non inclusion dans le DVD, mais c’est tout de même étrange d’avoir coupé le concert au milieu. Ceci étant dit, on ne s’en rend pas compte. Ce qui est un peu dommage, c’est que le morceau Fukurande kichatta est le plus emblématique et marquant du set, et on l’entend d’ailleurs en extrait au début du DVD. Le EP contient par contre un autre morceau du set, le 11 morceau (ou neuvième sur le DVD) intitulé Kōgōsei (光合成). Le septième morceau du DVD, Konya Dō (今夜だふ), est lui inclus sur la compilation live Mitsugetsu-shō (蜜月抄). Le reste des sept morceaux n’est disponible sur aucune autre compilation live à ma connaissance. Même si le son enregistré est assez brut, j’aurais quand même aimé les avoir en piste audio. Il ne s’agit pas non plus des meilleurs morceaux de Sheena Ringo, du niveau de ceux des deux premiers albums, mais ils sont tout de même très bons. Les morceaux ressemblent plutôt à des b-sides qu’on trouverait sur une compilation comme Watashi to Hōden, mais personnellement j’ai toujours eu une attirance pour les b-sides qui explorent parfois de nouveaux territoires sans concessions. En regardant cette vidéo, on a l’impression de regarder un concert de rock indépendant, ce qui me rappelle avec un peu de nostalgie les fois où nous étions allés voir des concerts rock de jeunes groupes inconnus au Loft de Shinjuku ou au 100000V de Koenji. Ça devait être à peu près à cette époque d’ailleurs. Les morceaux de Gokiritsu Japon sont parfois chantés à plusieurs voix, avec Hisako Tabuchi en accompagnement. Le cinquième morceau du DVD, Haenuki (生え抜き), est celui que je trouve le plus proche au niveau de sa voix des morceaux solo des deux premiers albums. Le concert est en lui-même assez court et la totalité du DVD ne fait que 70 minutes. Le tout se termine par des images supplémentaires après le générique de fin où les membres du groupe discutent des morceaux. L’autre morceau manquant du DVD, Hai Hai, est d’ailleurs joué pendant le générique de fin. Ce DVD a quelque chose d’unique pour sa valeur documentaire, et l’énergie live brute qui s’en dégage est palpable par le rendu de la captation vidéo.

Pour référence ultérieure, la liste des morceaux du concert Gokiritsu Japon sont notés ci-dessous (seulement les morceaux présents sur le DVD):

1. Hatsuga (発芽)
2. Warui Nae Yoi Moe (悪い苗 良い萠)
3. Gaichū Kujo (害虫駆除)
4. Takai Takai (たかいたかい)
5. Haenuki (生え抜き)
6. Sakasetemite (咲かせてみて)
7. Konya Dō (今夜だふ) est inclus sur la compilation live Mitsugetsu-shō (蜜月抄)
8. Mebana yue Obana (雌花 故 雄花)
9. Kōgōsei (光合成) est inclus sur le troisième disque du EP Zecchōshū (絶頂集) et sur la compilation Watashi to Hōden (私と放電)

人間は意外と強い

Cette affiche géante se trouvant sur la place de Hachiko devant la gare de Shibuya et proclamant en très grande écriture que « les humains ne sont pas faibles”, provient apparemment d’un manga appelé Yakusoku no Neverland (約束のネバーランド, The Promised Neverland) écrit par Kaiu Shirai (白井 カイウ) et dessiné par Posuka Demizu (出水 ぽすか) dans le magazine Weekly Shōnen Jump de Shūeisha. A vrai dire, je ne connais pas du tout ce manga et j’en ai même jamais entendu parler, mais j’aime beaucoup l’idée d’interpeller les passants par des écritures démesurées. Lors de cette marche dans Shibuya, de retour de Shinsen un peu plus haut, je traverse le quartier des Love Hotels à Maruyamachō et je concentre mon objectif photo sur les grandes affiches, notamment celle d’un cinéma appelé Kinohaus, ainsi que sur les petites affichettes collées en abondance sur certains murs de vieilles bâtisses. Devant le complexe Bunkamura, j’aperçois le bâtiment aux vitrages à l’oblique que j’avais utilisé pour une de mes premières compositions urbano-végétales, il y a plus de dix ans. J’y repense avec une certaine nostalgie à chaque fois que je passe devant ce bâtiment. Comme indiqué sur la façade, on trouve dans ce bâtiment une galerie d’art tenue par Atsuko Barouh, la compagne de l’auteur-compositeur-interprète Pierre Barouh. Je savais que Pierre Barouh avait des liens avec le Japon, mais je ne savais pas par contre qu’il avait passé son enfance en Vendée et que certains lieux aux Herbiers et aux Sables d’Olonne portent son nom. Sheena Ringo avait écrit et interprété un morceau intitulé 13 jours au Japon (~2O2O日本の夏~), inclus dans la compilation 50 ans de Saravah, la maison de production de Pierre Barouh. Cette compilation était sorti en Septembre 2016, quelques mois avant la mort de Pierre Barouh en Décembre de la même année. Le morceau 13 jours au Japon que Sheena Ringo chante en français et en japonais nous parle déjà des futurs Jeux Olympiques de Tokyo et est en fait une reprise du morceau Treize jours en France de Francis Lai pour un documentaire du même nom de Claude Lelouch sur les Jeux Olympiques de Grenoble en 1968. La musique du documentaire est sorti aux éditions Saravah et Pierre Barouh y écrit et interprète un morceau. Le documentaire est traduit en japonais en Shiroi Koibitotachi (白い恋人たち – Les amoureux blancs). Je me suis toujours demandé et me demande toujours pourquoi Sheena Ringo a été amené à interpréter un morceau sur cette compilation. Elle doit certainement être amatrice des compositions de Pierre Barouh. La chanson Un homme et une femme du film de Lelouch, sur une musique de Francis Lai et des paroles de Pierre Barouh, est d’ailleurs utilisée pendant les interviews en interlude du concert de Tokyo Jihen Domestic! Virgin Line de 2006. L’utilisation de ce morceau m’avait étonné mais je vois maintenant quelques liens se dressés. Toujours est il que Sheena Ringo utilise souvent des mots français et c’est notamment le cas du concert qui va suivre.

Je continue donc tranquillement ma revue des concerts de Sheena Ringo et de Tokyo Jihen. J’ai trouvé le Blu-Ray du concert Bon Voyage de Tokyo Jihen sorti le 13 Juin 2012 chez le disquaire Disk Union de Shibuya. Il s’agit d’une captation du dernier concert de la tournée Domestique Bon Voyage qui se déroulait du 14 au 29 Février 2012 en six dates à Yokohama, Osaka et Tokyo. Le dernier concert de la tournée, le 29 Février, se déroulait au Nippon Budokan de Tokyo et était en effet le dernier concert de Tokyo Jihen car le groupe avait annoncé leur séparation un peu plus tôt en Janvier. On sait maintenant que ce n’était en fait pas le dernier, le groupe s’étant reformé le 1er Janvier 2020 et ayant démarré la tournée News Flash à partir du 29 Février 2020, soit 8 ans très exactement après leur dernier concert et pendant une même année bissextile. Comme Bon voyage est une tournée d’adieu, le concert au Budokan ne manque pas de grandiose, surtout si on le compare à celui de News Flash au NHK Hall, qui était beaucoup plus sobre dans sa présentation. Nippon Budokan est d’abord environ 4 fois plus grand que le NHK Hall de 3800 places ou 3 fois plus grand que le Tokyo Forum de 5000 places, et c’est un lieu qui a un certain prestige. Il date de 1964, construit initialement pour les compétitions de judo des Jeux Olympiques de Tokyo. Les caméras pendant le concert ne manquent pas de montrer l’intérieur arrondi du Budokan dans toute sa grandeur, surtout pendant le deuxième morceau Atarashii bunmeikaika où l’espace est très éclairé et envahi de confettis. Les tenues du groupe pour les premiers morceaux sont flamboyantes, très colorées. Le chapeau fait de formes de fleurs que porte Sheena Ringo est rempli de couleurs et c’est une des plus belles tenues de scène que j’ai pu voir pour l’instant. Neko Saito et son orchestre d’une quarantaine de personnes est également présent à l’arrière de la scène derrière le groupe, mais n’intervient pas sur tous les morceaux.

OSCA est le quatrième morceau interprété et fonctionne toujours très bien dans les concerts que j’ai vu. Une des particularités de cette version est le solo de basse de Seiji Kameda juste avant la reprise sur la deuxième partie rapide du morceau. Les quatre danseuses du groupe Idevian Crew qui apparaissaient dans la vidéo du morceau sont également sur scène et courent dans tous les sens pendant que Sheena chante et crie au mégaphone. Au passage, OSCA est, je pense, le premier morceau écrit par Ukigumo pour Tokyo Jihen et la vidéo est la première dirigée par Yuichi Kodama, le futur mari de Sheena Ringo. OSCA enchaine directement sur FOUL, exactement comme sur le concert News Flash. L’énergie des deux morceaux fonctionne bien dans la continuité. FOUL se termine sur un “Thank you” furtif de Sheena à la foule. Season sayonara continue le set avec Neko Saito au violon. Ce qui m’impressionne toujours dans ces concerts, c’est que le groupe introduit beaucoup de variations dans leurs interprétations et que ces interprétations sont toujours impeccables au point où je les trouve même meilleures que sur les albums. Tokyo Jihen serait il meilleur Live qu’en studio?

Sur une interprétation instrumentale du morceau Carnation par l’orchestre, les membres du groupe sont présentés les uns après les autres sur les écrans géants montrant des photos des différentes périodes de chaque album. Pendant cette présentation, le groupe se change pour une tenue de type music hall qui surprend au premier abord par son côté un peu kitch. Ce n’est pas la partie que je préfère du concert surtout que le morceau Kaisei ni Sukū Otoko n’est pas non plus inoubliable. Par contre, ce qui suit est extrêmement interessant. Sheena remplace Ichiyō Izawa au piano et c’est Izawa qui passe sur le devant de la scène pour interpréter son morceau de Color Bars, Kai Horror Dust, en tenue noire et violette dans un style Visual kei avec chaussures à talons hauts. Puis la surprise continue quand l’écran se noircit et laisse maintenant apparaitre Toshiki Hata au milieu de la scène pour l’interprétation à son tour de son morceau pour Color Bars, Honto no Tokoro. Son interprétation de ce morceau des plus étranges est habitée. Il y met tout son coeur et sa puissance vocale. Sheena passe à la batterie et on voit qu’elle regarde Hata assez fixement, peut être avec un peu d’appréhension sur la manière dont il va interpréter le morceau. Le meilleur morceau de Color Bars, sa_i_ta, écrit par Ukigumo suit ensuite, interprété à deux voix. Les petits drapeaux sont de sortie à ce moment là et Sheena bat la mesure en rythme. Comme elle se met à chanter de coté pendant un moment sur ce morceau, je pense d’abord qu’il s’agit là des prémices de cette posture que l’on verra prédominante plus tard dans les concerts et interprétations télévisées de Sheena ou du groupe. Mais en fait non, elle est relativement mobile pendant ce concert. Je me demande à quoi est dû cette posture statique récente.

Dans les morceaux incontournables, il y a bien sûr Shuraba et Nōdōteki Sanpunkan, mais l’interprétation de ce dernier manque un peu de pêche par rapport à la version que je connais sur News Flash. J’aime bien par contre l’interprétation de Zettai Zetsumei où elle danse mécaniquement au début sur un rythme électronique. Les quatre danseuses de la troupe Idevian Crew réapparaissent sur certains morceaux, mais je trouve que leur présence n’est en général pas indispensable. L’orchestration de Neko Saito reprend derrière et le reste du groupe s’est effacé car ils préparent l’interlude suivant, une interprétation d’une chanson pour enfant écrite par Yoshimi Satō intitulée Ice Cream no Uta. Ils sont tous les quatre habillés entièrement en rouge. C’est rigolo de les voir chanter, surtout Kameda qui perd un peu le fil à un moment, mais on pouvait s’en passer tout comme la partie instrumentale montrant une scène du jeu vidéo Ice Climber sur Famicom, sous le titre Bon Voyage. Il s’agit seulement d’une courte interlude. je n’aime pas beaucoup le morceau qui suit, Oishii Kisetsu, reprise du morceau que Sheena a écrit pour Chiaki Kuriyama et qui sortira en single beaucoup plus tard en 2017. Mais l’interprétation ici le rend un peu plus intéressant. Avec ces quelques morceaux, on comprend pourquoi un logo de glace est utilisé sur le livret accompagnant le blu-ray.

Après Onnanoko ha Daredemo, le concert continue sur des morceaux que j’aime beaucoup plus comme Omatsuri Sawagi de l’album Kyōiku ou Tengoku he Yōkoso de Discovery, beaucoup plus posé en apparence mais mélangeant l’orchestre et le guitare électrique de Ukigumo. La voix de Sheena est impressionnante, comme sur la totalité du concert d’ailleurs. L’orchestration me fait penser à une musique de film d’espionnage et alors qu’elle s’allonge, une vidéo repasse en accéléré en arrière tout le concert, comme si on rembobinait la bande. Le groupe se change pendant ce temps là pour la dernière partie qui sera plus rock en commençant par le morceau Time Capsule écrit par Kameda. Tous les morceaux de Color Bars sont donc interprétés. Le concert reprend un tournant que je préfère. Sheena prend la guitare pour la première fois sur Denpa tsūshi, qui est très bon comme toujours. Cette partie du concert est beaucoup plus rock, un peu comme sur News Flash, et c’est à mon avis bienvenu. Le petit passage qui suit où le groupe parle devant le public est vraiment sympa et amusant. Ils parlent notamment, avec un ton un peu moqueur, du nom du concert “Bon voyage” qui ressemblerait à un mot du kansai. Hata lui ne parle pas beaucoup mais prend une photo de la foule derrière sa batterie. Les morceaux assez classiques s’enchainent ensuite Senkō shōjo où le groupe s’approche du public pendant le petit solo de guitare, puis Kachiikusa où Sheena reprend la guitare pour la deuxième fois, Killer Tune avec une intervention de cuivres et Sora ga natte iru, toujours immensément cool (je repense toujours à la vidéo du morceau en entendant ce morceau) et qui semble être le dernier morceau du concert comme pour News Flash (peut être parce qu’il y a les paroles 終わらせないで – Ne terminez pas). Sheena quitte d’abord la scène mais le groupe reviendra pour le final habillé en tenue marine qui va bien avec l’image du bateau de Bon Voyage. L’orchestre est également habillé en moussaillon.

On peut voir ensuite une version de Marunouchi Sadistic, qui n’est pas la version Expo ni celle de Muzai Moratorium, mais reste d’inspiration jazz. Dans l’ensemble, le groupe est plus décontracté. Sheena vient toucher les mains de la foule pendant ce morceau. Gunjō Biyori suit ensuite et c’est à ce moment là que je remarque que Ukigumo est habillé en kilt écossais. Pendant ce morceau, j’aime bien quand Sheena regarde Hata pour accorder sa guitare à la batterie. J’avais remarqué la même chose sur News Flash. Seishun no Mabataki est l’avant dernier morceau et je l’aime beaucoup car il m’avait fait revenir vers la musique de Sheena Ringo lorsque je l’avais entendu à Kōhaku sur NHK. Le concert se termine sur le classique Tōmei Ningen. Avant cela, Izawa adresse un court message à la foule nous disant que la musique continue en nous même si le groupe s’arrête, mais que si on est en manque, on peut toujours appeler directement Sheena Ringo au téléphone. Izawa parle pour le groupe, car Sheena ne trouve apparemment pas ses mots et remercie seulement à la fin. Le concert se termine ensuite sur quelques images prises en studio ou pendant les moments de pause. Le concert aura duré plus de 2h, beaucoup plus long que News Flash, beaucoup plus extravagant dans ses bons et mauvais côtés. On a beaucoup plus l’impression d’un spectacle, avec une petite dose de divertissement et des interventions avec le public (qui n’étaient bien entendu pas possible sur News Flash). Toujours est il que, comme je le disais ci-dessus, la qualité est tellement bonne que je l’ai déjà revu plusieurs fois. J’ai en fait assez hâte de voir d’autres concerts, mais je ne garantis pas écrire autant à chaque fois.

Pour référence ultérieure, ci-dessous est la playlist des morceaux de Bon Voyage:

1. Ikiru (生きる) du 4ème album Sports (スポーツ)
2. Atarashii bunmeikaika (新しい文明開化) du 5ème album Daihakken (大発見)
3. Konya ha karasawagi (今夜はから騒ぎ) du mini-album Colors
4. OSCA du 3ème album Variety (娯楽/バラエティ)
5. FOUL du 4ème album Sports (スポーツ)
6. Season Sayonara (シーズンサヨナラ) du 4ème album Sports (スポーツ)
7. Carnation (Inst.) (カーネーション) [inst.], version instrumentale du single Carnation qui sera inclus dans l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
8. Kaisei ni Sukū Otoko (海底に巣くう男) du 5ème album Daihakken (大発見)
9. Kai Horror Dust (怪ホラーダスト) du mini-album Colors
10. Honto no Tokoro (ほんとのところ) du mini-album Colors
11. sa_i_ta du mini-album Colors
12. Nōdōteki Sanpunkan (能動的三分間) du 4ème album Sports (スポーツ)
13. Shuraba (修羅場) du 2ème album Adult (大人/アダルト)
14. Zettai Zetsumei (絶体絶命) du 4ème album Sports (スポーツ)
15. Ice Cream no Uta (アイスクリームの歌) est une chanson pour enfants écrite par Yoshimi Satō
16. Bonus Stage (tiré de Ice Climber) (ボーナスステージ(アイスクライマーより) [inst.] ), morceau instrumental tiré du jeu Famicom Ice Climber sorti sur NES en 1985
17. Oishii Kisetsu (おいしい季節), reprise du morceau composé par Sheena Ringo pour Chiaki Kuriyama et qui sortira en single en 2017 et sera inclu sur Gyakuyunyū: Kōkūkyoku (逆輸入 〜航空局〜)
18. Onnanoko ha Daredemo (女の子は誰でも) du 5ème album Daihakken (大発見)
19. Omatsuri Sawagi (御祭騒ぎ) du 1er album Kyōiku (教育)
20. Tengoku he Yōkoso (天国へようこそ) du 5ème album Daihakken (大発見)
21. Time Capsule (タイムカプセル) du mini-album Colors
22. Denpa tsūshin (電波通信) du 4ème album Sports (スポーツ)
23. Senkō shōjo (閃光少女) du 4ème album Sports (スポーツ)
24. Kachiikusa (勝ち戦) du 4ème album Sports (スポーツ)
25. Killer Tune (キラーチューン) du 3ème album Variety (娯楽/バラエティ)
26. Sora ga natte iru (空が鳴っている) du 5ème album Daihqakken (大発見)
27. Marunouchi Sadistic (丸ノ内サディスティック), version modifiée du morceau de Muzai Moratorium
28. Gunjō Biyori (群青日和) du 1er album Kyōiku (教育)
29. Seishun no Mabataki (青春の瞬き), reprise du morceau composé par Sheena Ringo pour Chiaki Kuriyama et qui sera inclus dans Gyakuyunyū: Kōwankyoku (逆輸入 ~港湾局~)
30. Tōmei Ningen (透明人間) du 2ème album Adult (大人/アダルト)

林檎の発電

Comme première sortie hors de Tokyo depuis des mois, nous n’allons pas très loin, à Chiba, pendant une journée du long week-end de quatre jours. On dirait malheureusement que tout le monde a eu la même idée en même temps de sortir de Tokyo pendant ce long week-end car les routes et autoroutes sont très occupées. Il faudra prendre son mal en patience sur le trajet du retour, tout en passant son temps à consulter le système de navigation pour voir s’il n’y a pas un raccourci qui ne serait pas marqué de rouge en signe de bouchon. Je déteste quand le système de navigation rajoute soudainement 30 minutes de plus à notre trajet après avoir découvert un nouvel embouteillage. Outre ces désagréments routiers qui sont inévitables en toutes saisons de toute façon lorsqu’on rentre sur Tokyo, nous avons quand même bien profité de cette petite escapade en nature. Nous ne nous sommes pas enfoncés dans les recoins oubliés de Chiba, mais nous avons quand même trouvé un espace qui nous a changé de l’urbanité tokyoïte, dans l’enceinte du Kawamura Memorial DIC Museum of Art, situé à Sakado (nom forçant au jeu de mots qu’on a feint d’ignorer lorsque je l’ai tenté dans la voiture). Le musée n’est desservi par aucune station de train et il est donc préférable d’y aller en voiture bien qu’une navette a l’air de connecter le musée à la station la plus proche. Coronavirus oblige, il faut réserver son billet à l’avance pour la tranche du matin ou de l’après-midi. Il n’y avait pas foule de toute façon. Ce musée montre principalement la collection permanente de l’industriel Kawamura qui a donné son nom au musée. Et quelle collection! On y trouve un portait du 17ème siècle par Rembrandt, quelques peintures impressionnistes de Monet et Renoir, quelques Picasso et un Chagall, entre autres. Une salle entière sombre et arrondie est consacrée aux fresques murales rouges de Mark Rothko. Il faut s’asseoir pendant quelques instants au milieu de la pièce sombre pour voir les couleurs rouges des tableaux se charger petit à petit de lumière. A l’étage juste au dessus de cette pièce, une autre salle montre, à l’opposé, des peintures blanchâtres baignées dans la lumière. Une grande baie vitrée donne une vue sur la forêt bordant le musée. Cet endroit est très agréable car on a l’impression de se trouver dans un autre espace-temps tournant au ralenti, où on aurait tout le temps que l’on veut pour se promener dans les couloirs et les salles pratiquement vides de monde. A vrai dire, je suis très surpris de voir des œuvres d’artistes aussi renommés au milieu de ´nulle part’. Il y a aussi dans le musée un espace pour des expositions temporaires. Celle du moment s’intitulait Overlapping Circles, où cinq artistes contemporains japonais viennent collaborer à travers leurs créations avec les œuvres de la collection permanente. Je ne connaissais pas les cinq artistes mais on a pu voir de belles choses que je n’ai malheureusement pas pu prendre en photo. Les musées au Japon autorisent rarement la prise de photo, bien que ça change un peu ces dernières années avec les réseaux sociaux. Les musées et galeries comprennent l’intérêt d’autoriser les photos qui seront ensuite probablement montrées sur Instagram, Twitter ou Facebook et qui par conséquent feront venir de nouveaux visiteurs. Le musée ici reste un peu en retard sur son temps, mais c’est en même temps agréable de ne pas avoir à se soucier de prendre des photos.

Le jour précédent notre passage rapide à Chiba, nous avons également pris la route pour la ville d’Ōme situé dans la partie Est de Tokyo au pied des montagnes d’Okutama. Nous allons régulièrement faire une visite au cimetière familial se trouvant dans ce coin de Tokyo. Il nous faut en général une heure pour nous y rendre par l’autoroute Chuo. Cette fois-ci, l’autoroute était complètement bouchée depuis le départ au centre de Tokyo. Nous avons donc bifurqué vers les routes normales, ce qui nous a pris environ 3 heures à l’allée et 2 heures au retour. Pendant ces moment là, on saisit bien le sens des mots japonais ‘gaman suru’ (prendre sur soi, supporter), mais ça ne nous a pas empêché de reprendre la route le lendemain. Sur la route du retour, nous sommes donc passés par la ville d’Ōme, un peu tard malheureusement. Je voulais voir les décorations d’une vieille rue montrant des reproductions d’affiches de cinéma. Elles étaient un peu moins nombreuses que ce que je pensais. En fait, plutôt que des affiches de cinéma, on voyait plutôt des dessins de chats noirs, comme cet étrange bâtiment aperçu à un croisement de rues. La nuit qui commençait à tomber apportait une ambiance particulière à ces dessins de rue. Et en parlant de chats noirs, je ne peux m’empêcher de parler (encore) de la musique de Sheena Ringo.

En haut et de gauche à droite, des photos extraites des vidéos de Kōfukuron (幸福論), Tsumi to Batsu (罪と罰). En bas, deux photos extraites de Yattsuke Shigoto (やっつけ仕事).

Dans le billet précédent, je m’interrogeais sur l’existence de la vidéo du Morceau Yattsuke Shigoto (やっつけ仕事) de Sheena Ringo, dont on apercevait quelques extraits dans une vidéo additionnelle du DVD du concert Zazen Ecstasy joué au théâtre Kaho Gekijou de Fukuoka. La discussion qui suivit dans les commentaires de ce billet attisant ma curiosité, je suis parti à la recherche de cette vidéo sur internet. Elle n’est pas montrée sur le compte officiel YouTube de Sheena Ringo mais on peut voir une version d’assez mauvaise qualité sur Vimeo, extraite de la chaîne musicale du câble Space Shower TV, mais avec des sous-titres en espagnol ajoutés et plutôt envahissants. En recherchant un peu plus, je comprends que cette vidéo de Yattsuke Shigoto est disponible sur les DVDs Watashi no hatsuden (私の発電) et Seiteki Healing ~sono san~ (性的ヒーリング~其ノ参~) qui sont des collections de vidéos de ses singles. Il me semble les avoir aperçu dans le passé dans un Disk Union de je ne sais quel quartier de Tokyo. La curiosité m’amène à jeter un coup d’œil au Disk Union de Shibuya. Le DVD Watashi no hatsuden y était justement en vente pour un peu moins de 1000¥ et je me suis laissé tenter (après quelques fausses hésitations). La version musicale de Yattsuke Shigoto sur la vidéo est complètement différente de celle qu’on connaît sur le troisième album KSK, beaucoup plus dynamique et orientée rock. Sur la vidéo, Sheena et le groupe sont habillés de Yukata. Elle est à la guitare devant un public de personnes, tous habillés de rouge, n’ayant pas pu assister au concert car il était limité à la capacité de 1000 personnes du théâtre. Au début de la vidéo, on voit bien les reporters internationaux devant le théâtre dont les voix cosmopolites seront reprises sur la version de KSK. Par contre, on n’entend pas le son de l’aspirateur, opéré par Ukigumo, de la femme du frêre Junpei de Sheena Ringo (à en croire la fiche Wikipedia). La version musicale de la vidéo est enregistrée en concert pendant la tournée Gekokujyo Ecstasy au Shibuya Public Hall (渋谷公会堂) le 15 Avril 2000. Le son n’est donc pas enregistré au théâtre Kaho Gekijou qui était un concert unique le 30 Juillet 2000. On trouve cette version de la vidéo sur le triple mini-CD sr/zcs (Ze-Chyou Syuu) avec la formation Gyakutai Glycogen qui jouait aussi bien sur Zazen Ecstasy que sur Gekokujyo Ecstasy. Ce qui m’étonne un peu, c’est que Yattsuke Shigoto n’est pas présent dans la playlist du DVD de Gekokujyo Ecstasy, peut être parce que le DVD est filmé à des endroits et moments différents pendant la tournée (au NHK Hall de Shibuya et à Fukuoka, les 26 Avril et 31 Mai 2000) et la playlist devait varier suivant les jours (ou alors le DVD était sélectif). Je ne me lasse pas de revoir cette vidéo. Par rapport au concert dans ce même théâtre, cette vidéo prise quelques jours avant semble plus décontractée. Vers la fin du morceau, dans un instant d’emportement vocal, on voit Sheena faire les yeux blancs pendant un bref instant, comme montré sur la capture d’écran ci-dessus. C’est la petite touche surnaturelle voire fantomatique de cette vidéo.

Sur le DVD Watashi no Hatsuden (私の発電), Yattsuke shigoto est la seule vidéo que je ne connaissais pas. Le DVD regroupe toutes les vidéos des singles de la première partie de la carrière solo de Sheena Ringo, de Muzai Moratorium jusqu’à Heisei Fūzoku. La plupart des vidéos sont disponibles sur YouTube donc le DVD n’est pas indispensable mais c’est agréable de revoir ces vidéos à la suite dans une meilleure qualité (les premières vidéos n’ont tout de même pas une qualité d’image exceptionnelle) et sans publicités. En respectant la chronologie, le DVD montre d’abord Kōfukuron (幸福論), dont une bonne partie a été au parc olympique de Komazawa utilisé pour les Jeux de Tokyo de 1964 (déjà ce thème de l’olympisme). Elle a dans le dos, les petites ailes d’anges qu’on retrouvera en plus grand format vingt ans plus tard sur la couverture de Sandokushi. Chaque morceau est lancé par une petite scène vidéo, avec bruitages vocaux, montrant l’ouverture de la boîte du single pour mettre le CD dans le lecteur d’un ordinateur Apple différent pour chaque morceau. Le disque 8cm de Kōfukuron est inséré dans le le lecteur d’un Macintosh Classic II, ensuite le CD de Kabuki-chō no Joō (歌舞伎町の女王) est inséré dans un Power Macintosh G3 Desktop. Koko de Kiss shite. (ここでキスして。) utilise un iMac rouge et Honnō (本能) est lancé sur un Powerbook. Gips (ギブス) et Tsumi to Batsu (罪と罰) sont tous les deux joués sur un iBook orange. L’ouverture prend un peu plus de temps pour lancer Yattsuke Shigoto sur le Power Mac G3, car le morceau se trouve sur un des trois CDs 8cm de la boite Ze-Chyou Syuu qu’il faut d’abord ouvrir (elle est difficile à ouvrir d’ailleurs). Mayonaka wa Junketsu (真夜中は純潔) semble être lancée sur un iMac de 2001, STEM (茎 ~大名遊ビ編~) sur un iMac G5, Ringo no Uta (りんごのうた) sur un portable noir que je ne reconnais pas, Kono Yo no Kagiri (この世の限り) sur un Powermac G5 et finalement Mellow (メロウ) sur un iPhone (sans support physique car le morceau n’est pas sorti en single). Je ne suis pas certain que la chronologie des singles soit en ligne avec les modèles d’ordinateur sortis à l’époque, mais l’ordre de sortie des Mac à l’air a peu près respecté. Ça fait plaisir de revoir toutes ces vidéos, notamment les grands classiques de Muzai Muratorium et Shōso Strip, même si tous les morceaux du DVD ne font pas partie de mes préférés. A l’époque, bien que je l’avais immédiatement acheté en CD single, je n’avais pas très bien compris le virage jazz de Mayonaka wa Junketsu et la vidéo toute en dessin animé. Un peu lus tard, je n’aime pas trop non plus Kono Yo no Kagiri de Heisei Fūzoku qu’elle chante avec son frêre Junpei Shiina dans une vidéo ressemblant à une comédie musicale. La vidéo de STEM contient bien entendu des extraits de petit film Hyaku Iro Megane (百色眼鏡) et est tournée dans les décors du film. La version du single en anglais est différente de la version de KSK ou Heisei Fūzoku, ce qui veut dire qu’il n’y a aucune version de morceaux de KSK en video (les vidéos de Yatsukke shigoto et STEM utilisant des morceaux de version différente). J’avais un peu oublié la vidéo rétrospective de Ringo no Uta mélangeant des images d’anciennes vidéos avec des passages graphiques animés. Le DVD finit en beauté tout en puissance avec Mellow, morceau sorti en 2000 sur Ze-Chyou Syuu, dont la vidéo a été créée à l’occasion de la sorti de ce DVD Watashi no Hatsuden. La vidéo est un peu troublante car Sheena Ringo est coiffée comme Utada Hikaru et du coup lui ressemble un peu.

街は生き物

Portée de justesse par le vent de traîne du dernier typhon, elle survole l’immensité urbaine de Tokyo. Elle roule, solitaire mais déterminée, dans le creux des nuages qui se désagrègent petit à petit. L’équilibre est imparfait mais elle fait de son mieux pour ne pas lâcher prise. Mais un dernier coup de vent la fait vaciller et elle commence sa chute irrémédiable vers l’immensité grise de la ville. La chute sera terrible si elle vient à frapper de plein fouet le bitume. Le hasard de sa descente lui accorde un court répit lorsqu’elle vient amortir sa chute sur les toitures en pente d’un temple. Les tuiles noires emboitées les unes dans les autres lui offrent un chemin qu’elle se doit de suivre. Elle négocie brillamment les virages quand deux parties de toitures se connectent entre elles et voit même sa vitesse ralentir doucement. Elle évite de justesse la gouttière qui l’aurait amené vers les entrailles de la ville. Elle préfère les surfaces du monde d’en haut, et si possible le contact de la peau humaine. Elles rêvent toutes d’attirer l’attention en tombant sur une partie de visage, de préférence sur une joue, ou une main, et de fondre ensuite lentement sous la chaleur du corps. Mais beaucoup ou même la plupart d’entre elles disparaissent anonymement sur les murs des immeubles ou sur le goudron des rues. Dans le quartier d’Hiroo, je regarde en l’air pour prendre un nouvel immeuble que je ne connaissais pas en photo. Il y a aussi un petit temple dans une rue à l’écart dont la toiture m’attire beaucoup. Je décide de m’approcher de ses formes faites de tuiles, pour essayer de trouver un nouvel angle photographique. En levant les yeux vers le toit aux formes compliquées du temple, une petite bulle entre soudainement dans mon champ de vision. La goutte d’eau tombe délicatement sur ma joue juste en dessous de l’oeil. Cette petite trace humide me rafraîchit légèrement le visage. Je n’ai aucune envie de l’essuyer. Elle provoque même en moi un petit sourire inexpliqué.

Le titre de ce billet 街は生き物 peut se traduire de la manière suivante: « la ville est un être vivant ». Je tire ce titre d’une phrase du photographe Masataka Nakano, entendue dans l’émission Jōnetsu Tairiku du dimanche 27 Septembre 2020, qui lui était consacrée. Dans cette émission que j’aime beaucoup car elle est fondamentalement positive et inspirante, on suivait le photographe de Tokyo Nobody et Tokyo Windows dans une quête photographique, celle de prendre en photo le Godzilla en haut de l’immeuble du cinéma Toho de Shinjuku Kabukichō à travers une fenêtre en montrant le contexte intérieur de l’endroit où est pris la photo. C’est le concept de son livre Tokyo Windows de montrer des vues extérieures à travers l’intérieur intime d’un appartement ou autres espaces commerciaux ou professionnels. Nakano s’intéresse à la sensation procurée par le fait d’avoir tous les jours sous le nez une vue d’exception sur Tokyo. Ce reportage indique donc que Nakano travaillerait sur une suite de Tokyo Windows. Pendant la période de l’état d’urgence où la population était priée de rester chez elle, Nakano prenait des photos de la ville sans la présence humaine confinée. Le reportage montre une de ses vues, prise près des tours Atago. Mari me fait remarquer que j’aurais dû en profiter pour en faire de même. L’idée m’a effleuré l’esprit mais je devais avoir l’esprit tout à fait ailleurs à ce moment si particulier de l’année. Là encore, Nakano nous préparerait il une suite à Tokyo Nobody? Ces photographies seront peut être plutôt destinées à une prochaine exposition comme celle que j’avais été voir en Janvier 2020 au musée de la photographie de Yebisu Garden Place. On peut être initialement surpris par l’utilisation de cette expression de ville comme être vivant, connaissant le travail de Nakano se privant plutôt de présence humaine visible. Elle s’y accorde pourtant très bien, car on nous parle plutôt ici de la présence humaine à travers ce que l’humain construit et crée. C’est une approche qui me parle beaucoup car la diversité des personnalités développées par les constructions humaines, notamment architecturales, est un sujet que je privilégie depuis longtemps dans mes photographies.

Continuons l’exploration des concerts de Sheena Ringo. Je trouve le DVD du Live Zazen Ecstasy (座禅エクスタシー) de Sheena Ringo au Disk Union de Shibuya pour environ 1500¥. Le concert a été enregistré le 30 Juillet 2000 mais est sorti en DVD beaucoup plus tard en Septembre 2008, à l’occasion de ses dix ans de carrière musicale. Chronologiquement, Zazen Ecstasy se place avant le Live Baishō Ecstasy (賣笑エクスタシー) sorti le 25 Mai 2003 (dont j’ai parlé un peu plus tôt) et après les deux autres Live de l’année 2000 sortis tous les deux le 7 décembre, Hatsuiku Status Gokiritsu Japon (発育ステータス 御起立ジャポン) enregistré les 4 et 8 Juillet 2000 et Gekokujyo Ecstasy (下剋上エクスタシー) enregistré les 26 Avril et 31 Mai 2000. J’avais acheté ces deux Live en même temps à l’époque et il faudrait que j’y revienne un peu plus tard. Au moment où Zazen Ecstasy est joué, Sheena Ringo a déjà sorti ses deux premiers albums: Muzai Moratorium (無罪モラトリアム) en Février 1999 et Shōso Strip (勝訴ストリップ) en Mars 2000. Le concert vient donc pioché dans les morceaux de ces deux albums mais sans pourtant jouer les trois singles majeurs de Shōso Strip pourtant sortis avant ce Live, à savoir Gips (ギブス), Honnō (本能) et Tsumi to Batsu (罪と罰). Marunouchi Sadistic (丸の内サディスティック) de Muzai Moratorium n’y est pas joué non plus bien qu’il s’agisse d’un grand classique des concerts qui vont suivre. De la même manière, plutôt que d’interpréter le single qui l’a fait connaître du grand public, Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。), elle privilégie pendant le concert deux faces B présentes sur ce single, à savoir Memai (眩暈) et Remote Controller (リモートコントローラー). Le seul single qu’elle interprétera est Kabuki-chō no Joō (歌舞伎町の女王).

Le concert est particulier car il a lieu dans un théâtre traditionnel de 1000 places de la préfecture de Fukuoka, dans la ville de Iizuka (飯塚市), le théâtre Kaho (Kaho Gekijou 嘉穂劇場) datant de 1931. On ressent cette ambiance particulière pendant tout le concert, accentué par le fait que Sheena Ringo et les membres du groupe l’accompagnant sous le nom Gyakutai Glycogen (虐待グリコゲン) sont tous habillés de yukata. La mise en scène générale est assez sobre. Au début du concert, Sheena Ringo entre sur scène devant une longue paroi en shōji, sous une lumière de projecteur très forte jusqu’à l’éblouissement. Elle interprète d’abord Tsumiki-asobi (積木遊び) et les parois s’ouvrent ensuite pour dévoiler le reste de la scène sur un fond sombre de bambous. Le groupe apparait à ce moment là. Le visage du bassiste m’est familier. Il s’agit déjà de Seiji Kameda qui accompagne Sheena Ringo depuis ses débuts, jusqu’à Tokyo Jihen actuellement, mais je suis surpris par sa coupe de cheveux en iroquois. Le guitariste du groupe est Junji Yayoshi, qui n’est autre que son premier mari mais ils ne sont pas encore mariés à l’époque de ce concert. Le concert montre beaucoup de gros plans sur le visage de Sheena et ses yeux transpercent l’écran. Elle ne sourit pas beaucoup et on a l’impression qu’elle est comme possédée par la musique qu’elle interprète. Il y a une intensité palpable dans son interprétation qui me donne des frissons à de nombreux moments. La mise en scène du concert présage à mon avis ce qui va suivre ensuite sur Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花).

Par rapport aux interprétations plus récentes où elle chante de manière statique de côté, elle est ici beaucoup plus mobile au point où l’assistant a un peu de mal à la suivre avec le fil du micro. Elle danse même en sautillant sur place sur le morceau Yokushitsu (浴室), tout en souriant par moment ce qui donne l’impression qu’elle redevient normale pendant quelques instants. Elle ne saisit la guitare que sur quatre des seize morceaux du set: Identity (アイデンティティ) et Byōshō Public (病床パブリック) dans la première partie du set, puis Benkai Debussy (弁解ドビュッシー) et Stoicism (ストイシズム) à la toute fin du concert. Il n’y a par contre que peu d’interactions avec les autres membres du groupe. On a l’impression d’une grande concentration. L’interprétation est parfaite, habitée est le moins qu’on puisse dire. Il y quatre morceaux qui sont des reprises: tout d’abord Shōjo Robot (少女ロボット) qui est un morceau qu’elle a composé pour Rie Tomosaka (et qu’on connait sur Reimport Vol. 2), puis unconditional love de Cindy Lauper présent sur les B-sides de Kabuki-chō no Joō et donc sur Watashi to Hōden (私と放電). Elle interprète ensuite un morceau d’Hatsumi Shibata que je ne connaissais pas intitulé My Luxury Night (マイラグジュアリーナイト). C’est peut être le moment le plus faible du concert. Par contre dans les rappels, elle interprète un autre morceau que je ne connaissais pas non plus, qu’elle a également composé pour Rie Tomosaka et qui n’est pas présent sur les albums Re-import 1 et 2. Il s’agit d’un morceau intitulé Nippon ni Umarete (日本に生まれて), qu’elle interprète au piano. Après s’être poliment excusée de s’asseoir et avoir remercié pour les appels au rappel (‘encore’ en japonais), Sheena interprète un des plus beaux morceaux du concert. A ce moment là, le fond de l’écran montre un personnage blanc crucifié qui doit faire référence au concert précédent Gekokujyo Ecstasy (下剋上エクスタシー) d’Avril/Mai 2000. Ce concert sera certainement le prochain que je vais revoir. Il y a un seul extra sur le DVD montrant les coulisses et les préparations du concert, qui donne une image beaucoup plus joyeuse et même bon enfant par rapport à la densité du concert en lui-même. Une vidéo de promotion pour le morceau Yattsuke Shigoto (やっつけ仕事) de l’album KSK a apparemment été prise dans ce théâtre et cette petite vidéo additionnelle prise en public nous en montre quelques images. Je n’ai malheureusement jamais vu cette vidéo pour Yattsuke Shigoto en entier et je me demande si elle est disponible quelque part. C’est un petit mystère de plus a élucider dans un prochain épisode.

Pour référence ultérieure, ci-dessous est la playlist des morceaux de Zazen Ecstasy (座禅エクスタシー):

1. Tsumiki-asobi (積木遊び), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
2. Memai (眩暈), en B-side du single Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。)
3. Shōjo Robot (少女ロボット), reprise du morceau composé par Sheena Ringo pour Rie Tomosaka et qu’on retrouve sur Reimport Vol. 2 ~Civil Aviation Bureau~ (逆輸入 ~航空局~).
4. Remote Controller (リモートコントローラー), en B-side du single Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。)
5. Akane-sasu Kiro Terasaredo… (茜さす 帰路照らされど…), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
6. Identity (アイデンティティ), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
7. Byōshō Public (病床パブリック), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
8. Unconditional Love, en B-side du single Kabuki-chō no Joō (歌舞伎町の女王) (Reprise de Cyndi Lauper)
9. Sakana (サカナ), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
10. Kabuki-chō no Joō (歌舞伎町の女王), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
11. Benkai Debussy (弁解ドビュッシー), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
12. Yokushitsu (浴室), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
13. My Luxury Night (マイラグジュアリーナイト), reprise d’un morceau interprété par Hatsumi Shibata et composé par Takao Kisugi.
14. Sid to Hakuchumu (シドと白昼夢), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
15. Stoicism (ストイシズム), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
16. (Encore) Nippon ni Umarete (日本に生まれて), reprise du morceau composé par Sheena Ringo pour Rie Tomosaka.