初夢を覚えていますか?

L’année 2018 vient juste de démarrer et nous sommes déjà au milieu du mois de janvier. Il en faudrait de peu pour que j’oublie de publier un billet ici avant la fin du mois pour souhaiter aux quelques visiteurs qui me suivent et ceux qui se sont égarés par ici, une bonne et heureuse année 2018. Les congés de fin et de début d’année se sont passés d’une manière des plus classiques en ce qui nous concerne, et je pourrais même reprendre le billet du début d’année 2017 et reprendre une bonne partie du contenu sans qu’on s’en rende compte.

C’est en quelque sorte un rituel de fin d’année. Tous les ans pour le dernier jour de l’année, le dernier soir, nous regardons l’émission de la NHK Kōhaku Uta Gassen. C’était la 68ème édition cette année. Nous regardons l’émission qui dure plus de 4 heures d’un air distrait certes, mais nous ne la manquons sous aucun prétexte, du début à la fin. C’est comme une obligation tous les ans, et je pense que c’est la même chose dans beaucoup de foyers japonais. J’aime cette petite tradition que l’on applique l’air de rien. On retrouve un peu toujours les mêmes chanteurs, chanteuses et groupes tous les ans. J’écoute avec un peu plus d’attention quand Sheena Ringo interprète un morceau avec Tortoise Matsumoto (du groupe Ulfuls), ou que Yoshiki de X Japan se remet à la batterie pour un morceau, après de longues périodes de réhabilitation. En raison de faiblesses au niveau du cou dû au rythme trop percutant qu’il assène à sa batterie, il porte une prothèse et semble bien épuisé après la fin du morceau. L’événement de Kōhaku cette année était la présence de Namie Amuro qui a annoncé sa retraite musicale en 2018. Comme d’habitude, la présentation de la soirée par les hôtes Kasumi Arimura, Kazunari Ninomiya et Teruyoshi Uchimura était très convenue et préparée, mais l’exercise veut cela. Je me souviens que l’émission de l’année dernière m’avait donné envie de redécouvrir les disques de Sheena Ringo et de partir à la découverte de ceux de X Japan, mais je n’ai pas vraiment fait de découvertes cette fois-ci. A vrai dire, le morceau de Sheena Ringo de cette année intitulé « The Main Street » 目抜き通り (Menukidoori) n’était pas des plus intéressants. Je pensais qu’elle aurait plutôt interprété le morceau « Jinsei wa Yume Darake » 人生は夢だらけ (sous-titré « Ma vie, mes rêves » en français – je ne sais pas pourquoi elle sous-titre des morceaux en français) de son nouvel album « Reimport vol.2 Civil Aviation Bureau » 逆輸入 〜航空局〜 (Gyakuyunyū: Kōkūkyoku) sorti à la fin 2017. Cet album, comme le volume 1 sorti en 2014, reprend des morceaux que Sheena Ringo a écrit pour d’autres artistes mais qu’elle re-interprète elle-même ici sur cet album. Le morceau « Jinsei wa Yume Darake » était initialement interprété par Mitsuki Takahata sur une publicité de compagnie d’assurance vie. C’est d’ailleurs un peu le problème de la création musicale de Sheena Ringo ces dernières années. Elle semble concentrer son activité sur des morceaux qui seront utilisés à des fins publicitaires, ou en génériques de drama japonais, et qui finissent par se répéter dans la forme. D’ailleurs, le morceau « The Main Street » a été créé pour le lancement de l’énorme Department Store Ginza Six (à Ginza donc).

A part ça, l’émission Kōhaku mélange beaucoup de genres, mais il y a quand même beaucoup de chansons de style Enka. C’est assez surprenant d’ailleurs de voir comme ce style d’une autre époque se perpétue avec une nouvelle génération de chanteurs et chanteuses, sans que pourtant le genre se renouvelle. La construction d’une chanson Enka me semble invariable d’un morceau à l’autre. Les groupes d’idoles, masculins ou féminins, sont également très présents dans le programme de l’émission qui reflète d’une certaine manière les ventes de l’année et ce qui a été populaire dans l’année. On ne pourra donc pas éviter les groupes de garçons de l’agence Johnny’s Entertainment, qui domine sans partage le marché depuis de très nombreuses années. On se demande d’ailleurs quel genre de lobbying est en place entre cette agence et toutes les chaines de télévision, car il y a très peu de place pour les autres agences de groupes masculins (à part Exile qui joue sur un angle différent). Côté féminin, ce sont les groupes créés par le producteur Yasushi Akimoto qui dominent le marché depuis quelques années, après les AKB48, c’est maintenant les groupes en « 46 » qui prennent la relèvent, les Keyakizaka 46 et Nogizaka 46. Et ce n’est pas le sourire de Mai Shiraishi qui nous fera oublier la pauvreté de cet univers musical qui se copie-colle d’un groupe à l’autre, même s’il y a certainement de subtiles différences que je ne saurais pas remarquer.

L’émission se termine un peu avant minuit et on nous montre ensuite des images de sanctuaires aux quatre coins du pays, en commençant par Shirakawa-go sous la neige, ou Kawasaki Daishi un peu plus près de Tokyo. La foule commence à se réunir dans chaque sanctuaire pour la première prière de l’année. Dès les premières minutes de l’année 2018, nous affrontons également le froid pour aller au sanctuaire de Aoki, dans un des quartiers de Ofuna près de Kamakura. Nous n’y restons pas très longtemps car il fait très froid, le temps de boire un verre de amazake en observant la foule autour du feu de bois ou attendant leur tour pour la prière devant le sanctuaire. En cette période de nouvelle année, on trouve souvent des vendeurs de amazake dans les sanctuaires, parfois il est même offert comme à Aoki. J’aime prendre le temps de boire cette boisson chaude non-alcoolisée debout dans le froid tout en observant tout autour de moi.

Le matin du 1er Janvier, c’est difficile de sortir du futon. En général, je me lève toujours à 6h du matin, que ça soit les jours de semaine ou le week-end. C’est devenu mon rythme biologique, mais j’ai dormi quelques heures de plus ce matin là. Une des raisons est qu’on fait un unique repas le midi, sans petit déjeuner, donc il est inutile de se lever trop tôt. Les plats traditionnels du nouvel an s’appellent osechi. Nous les avions commandé cette fois-ci à un petit restaurant d’une rue piétonne de Hiroo. Les journées du nouvel an sont tranquilles et on pourrait se laisser aller à ne rien faire, mais il nous faut quand même aller au sanctuaire (shintoïste) ou au temple (bouddhiste). Nous repassons d’abord par le sanctuaire du quartier, celui de Aoki, et marchons ensuite pendant une petite heure jusqu’à Kamakura et le grand temple Engakuji, dont proviennent les six premières photographies de ce billet.

Nous sommes allés de nombreuses fois au temple Engakuji et nous le connaissons donc assez bien. Mais, nous n’y étions jamais allés le premier jour de l’an. La bonne surprise est que certaines zones habituellement fermées au public en temps normal sont ouvertes au public. L’accès à l’intérieur des dépendances du temple ne sont pas autorisés mais on peut apercevoir l’intérieur lorsque les portes coulissantes sont entre-ouvertes. Certaines parties du temple sont accolées à la forêt et au pied d’une montagne abrupte. On a l’impression que le temple est entouré de remparts de verdure. Ce mur de végétation est impressionnant, on dirait que l’espace du temple a été creusé dans cette forêt de montagne. Prendre en photographie cet espace ne rend malheureusement pas bien l’impression que l’on ressent dans ces lieux. Je me suis donc abstenu.

L’année dernière j’avais ouvert un compte Netflix après le mois d’essai dans l’espoir de pouvoir facilement regarder un peu plus de films et de séries. J’ai certes pu y voir la deuxième saison de la série Stranger Things que j’adore pour son ambiance fantastique et années 80, et quelques bons films signés Netflix comme Okja du Sud coréen Bong Joon-ho, ou des films un peu plus anciens comme Ennemy de Denis Villeneuve, qui est un vrai petit chef d’oeuvre comme le plus récent film de science fiction Arrival, ou Premier Contact en français (je n’ai pas encore vu Blade Runner 2049, mais ça ne saurait tarder). Mais, dans l’ensemble, je me suis souvent trouvé dans la situation où les films que je voulais voir n’étaient tout simplement pas disponible dans la vidéothèque du Netflix japonais. J’ai finalement annuler mon abonnement Netflix en me rappelant que l’on a accès aux vidéos sur Amazon Prime. Vu que les films mis en avant sur l’interface de l’application iPad de Amazon Prime Vidéo sont pratiquement tous japonais, cela m’a quelque part motivé à en regarder quelques uns. Pendant les congés de fin d’année, j’ai regardé plusieurs films de Hirokazu Kore—eda dont celui primé à Cannes, Soshite chichi ni naru そして父になる (Tel père, tel fils) avec Masaharu Fukuyama, Lily Franky et les actrices Machiko Ono et Yôko Maki racontant l’histoire d’un échange d’enfant à la naissance par erreur. C’est un très beau film, une réflexion dur la paternité, qui prend son temps, ce qui semble être une constante chez le réalisateur comme pour cet autre film que j’ai vu intitulé Umimachi diary 海街ダイアリー (Ma petite sœur). Ce deuxième film est certainement moins fort que Soshite chichi ni naru et il n’y a pas vraiment d’histoire à part celle de montrer des tranches de vie de trois sœurs accueillant dans leur maison de Kamakura une petite sœur issue du deuxième mariage de leur défunt père. Le film tient par le jeu des actrices Haruka Ayase, Masami Nagasawa, Kaho et la petite sœur Suzu Hirose que l’on apprécie tout simplement voir partager cette vie ensemble dans l’ambiance tranquille d’une vieille maison de Kamakura. Mon avis est peut être influencé par le fait que je reconnais certains endroits, la vieille ligne de train Enoden et la station Gokurakuji où les quatre sœurs semblent habiter. Le troisième film de Hirokazu Kore-eda que j’ai regardé s’intitule Kiseki 奇跡 (Miracle). Il s’agit ici encore d’une histoire de famille, l’histoire de deux petits garçons séparés par un divorce, le plus jeune vivant avec son père musicien à Fukuoka tandis que le plus âgé vit avec sa mère dans la partie Sud du Kyushu, à Kagoshima. Le miracle pour un des deux garçons serait que le volcan Sakurajima, toujours actif et crachant de la poussière de temps à autre, se mette soudain en éruption pour les pousser à quitter la ville et à rejoindre son frère et son père dans le Nord du Kyushu à Fukuoka. L’histoire se concentre sur les deux enfants confrontés au monde adulte et prêts à tout pour se retrouver, en espérant que le futur train Shinkansen qui connectera bientôt les villes du Kyushu viendra leur exhausser leurs vœux et leurs rêves. Mais Amazon Prime Vidéo m’entraîne aussi vers des comédies populaires qui se laissent volontiers regarder comme Biri Gyaru ビリギャル (Flying colors), l’histoire d’une jeune fille (Kasumi Arimura, qui présentait également Kōhaku dont je parlais plus haut) en échec scolaire qui sous la bonne influence d’un professeur de Juku, de cours du soir, se lancera dans le rêve, qui semble impossible, de réussir le concours d’entrée de la grande université Keio. Je découvre également la comédie Shōnen Merikensaku 少年メリケンサック avec Aoi Miyazaki en représentante d’une maison de disque à la recherche de nouveau groupe. Par erreur et malgré de nombreux obstacles, elle s’obstine à se lancer dans la réhabilitation et la remise en scène d’un groupe de punk qui n’a plus fait de musique ni de scène depuis plusieurs dizaines années. Sous les aspects de comédies légères qu’elles sont complètement, ces deux comédies mettent en scène la volonté d’essayer durement sans abandonner même si la tâche peut paraître impossible. C’est ce que traduit exactement le mot Ganbarimasu 頑張ります qui revient très souvent dans le language japonais et que j’ai souvent du mal à traduire en français.

Il y a une constante dans nos visites de temples et sanctuaires au tout début de l’année, c’est notre passage depuis quelques années au sanctuaire de Enoshima sur l’île du même nom. On peut s’y rendre depuis la station de Ofuna en monorail, un train assez atypique car le rail se trouve au dessus des wagons, qui y sont donc suspendus. Il serpente dans les collines boisées de Kamakurayama à une vitesse folle et ça peut surprendre au début. D’ailleurs, un touriste coréen assis à côté de nous semblait se trouver mal à l’aise au démarrage du train. On s’habitue assez vite ceci dit et le spectacle du Mont Fuji apparaissant derrière les collines nous fait oublier les éventuels désagréments du voyage. On verra également le Mont Fuji un peu plus tard au couché du soleil, sur le pont reliant l’île. Depuis la station de monorail de Enoshima, il faut marcher un peu pour atteindre ce pont et l’entrée du sanctuaire. La foule est bien présente comme tous les ans sur le pont menant à l’île et dans l’allée principale étroite menant au sanctuaire. Cette année est la dernière année de ma période Yakudoshi, trois années de suite différentes pour les hommes et les femmes qui sont à priori néfastes. Pour les hommes, il y a trois périodes de trois ans, et en ce qui me concerne, il s’agit de la dernière période correspondant au début de la quarantaine. Pour la troisième et dernière année de cette période, nous assistons à une cérémonie particulière à l’intérieur du sanctuaire pour exorciser en quelque sorte le mauvais sort. Un des avantages d’assister à cette cérémonie est que l’on peut accéder rapidement au sanctuaire par un chemin dédié sans avoir à patienter une heure dans la file d’attente. Il y a bien entendu un prix (ou plutôt plusieurs niveaux de prix), mais en échange on reçoit une petite plaquette de bois avec l’inscription du sanctuaire qui viendra nous protéger de tous les démons qui nous entourent. On aurait tord de se priver de cette magie protectrice. Pendant la cérémonie dans le sanctuaire, nous sommes assis en rangée avec une trentaine d’autres personnes à écouter une musique traditionnelle accompagnée de quelques phrases récitées en japonais ancien par le moine shintô et de gestes venant purifier les personnes assises la tête inclinée. Vers la fin de la cérémonie, les noms, prénoms et adresses de chacune des personnes présentes sont exprimés à voix haute pour bien indiquer notre présence à la divinité des lieux.

Une autre activité récurrente du début d’année est de regarder la course Hakone Ekiken à la télévision. Il s’agit d’une course de relai en dix étapes sur deux jours faisant s’affronter des universités de Tokyo, depuis les environs de la gare de Tokyo jusqu’aux montagnes de Hakone et de retour ensuite à Tokyo. Comme tous les ans, nous supportons l’équipe de Aoyama Gakuin Daigaku qui a déjà remporté le titre trois années de suite. Cette année, Aoyama Gakuin Daigaku a été malmené sur la première partie de la course remportée par Toyo Daigaku, équipe championne il y a quelques années, mais reprendra la main sur la route du retour de Hakone vers Tokyo pour finir finalement en première position pour la quatrième fois. Le trajet de la course est toujours le même tous les ans, celui de la route nationale 1. Comme la course passe pas très loin de Ofuna, nous allons systématiquement au bord de la route pour apporter un peu de force aux coureurs avec nos modestes cris d’encouragement. Il S’agissait en 2018 de la 94ème édition de la course Hakone Ekiden.

Les 4 et 5 janvier ne sont pas fériés mais je fais un long pont jusqu’au week-end. Nous passerons deux jours et une nuit à Hakone, au Prince Hôtel Ashinoko, qui comme son nom l’indique se trouve au bord du lac Ashinoko. Nous y allons en voiture et l’arrivée vers l’hôtel sera longue et pénible en raison des embouteillages au alentour du sanctuaire de Hakone. Nous ne pensions pas qu’il y aurait autant de monde pour aller au sanctuaire pendant un jour travaillé. Après deux heures à rouler au pas, nous arrivons finalement près de l’hôtel. Au Japon, en voiture, il faut savoir prendre son mal en patience et ne pas s’énerver. Nous arriverons tout de même à temps pour prendre le téléphérique qui nous amènera en haut du Mont Komagatake. Tout en haut sur cette montagne, à 1357m, on y trouve un sanctuaire, le Mototsumiya Jinja. Cela paraît totalement improbable de trouver un sanctuaire de cette taille au sommet d’une montagne sans rien aux alentours à part des roches.

Mais cette montagne est sacrée et je dirais même magique pour la vue que l’on peut avoir de la haut. À vrai dire, je ne soupçonnais pas l’existence de cet endroit. Je connaissais bien sûr le téléphérique qui nous amène jusqu’à Owakudani où le sol volcanique est fumant, mais pas cette montagne Komagatake, un peu en dehors du circuit touristique habituel. Depuis la montagne, on peut apercevoir le Mont Fuji mais il se cachait malheureusement derrière les nuages. Étrangement, son sommet ne semblait pas très enneigé pour la saison, tandis que les tempêtes de neige sont annoncées dans une bonne partie du pays. Depuis les hauteurs de Komagatake, et dans un froid glacial, nous gravissons les escaliers qui nous mènent au sanctuaire sous un soleil déclinant. Il est déjà 4h30 de l’après-midi et le soleil se couche officiellement dans quelques dizaines de minutes. Tout en bas de la montagne, le lac Ashinoko prend de nouvelles couleurs. L’océan au loin se laisse découvrir et notre regard se perd dans l‘infini. Les derniers rayons de soleil viennent éclairer le sanctuaire sous un ciel de plus en plus nuageux et menaçant. Le contraste est magnifique. Le téléphérique fait sa dernière descente à 4h50 et il faut presser le pas par ne pas louper le dernier service.

J’aime associer une musique aux lieux où nous allons, sans que ça soit volontaire. Par exemple, j’associe très clairement dans ma mémoire un morceau de l’américain Benoit Pioulard, RTO sur l’album Lasted, à la végétation luxuriante de Nasu-Shiobara. Il n’y a pas de lien particulier entre ce lieu et ce morceau, mais j’ai un souvenir très clair d’être assis dans fauteuil à regarder avec attention les arbres dans la pénombre en écoutant ce morceau. Le réécouter maintenant me remet en tête cette sensation paisible. Je me dis parfois que je devrais noter toutes ces associations entre lieux et musiques pour ne pas les oublier. Je me demande s’il peut y avoir un morceau orphelin d’espace. Mais il y a des espaces orphelins de musiques. Étonnement, je n’ai aucun souvenir musical de notre très court séjour à Hakone. La fatigue des embouteillages de l’après-midi m’a peut être empêché de prendre le temps nécessaire pour créer cette capsule musicale mémorielle. Pourtant, j’aurais adoré associer un morceau comme An ending (Ascent) de Brian Eno au paysage lisse de la surface du lac Ashinoko, vu à travers les arbres depuis la fenêtre de l’hôtel au petit matin.

Mon désir inarrêtable de découverte musicale s’était un peu tari pendant la période de fin d’année. Avant cela, j’ecoutais presqu’exclusivement les albums de Beck. Je ne connaissais que son album Mellow Gold des années 90, celui avec le morceau Loser qui avait fait un carton planétaire. Je ne me souvenais pas que cet album était aussi intéressant et expérimental. À vrai dire, je ne pense pas l’avoir beaucoup apprécié et écouté à l’époque où je me l’étais procuré, donc je le redécouvre maintenant et je me mets ensuite à découvrir et écouter tous les autres albums de Beck avec les nombreux changements de style qu’il opère sur sa musique. Odelay, dans la lignée de Mellow Gold, est certainement un des meilleurs albums de Beck, mais j’aime aussi beaucoup les plus classiques Sea Change ou Morning Phase. Le dernier album de Beck, Colors, est beaucoup plus Pop, mais se laisse apprécier volontiers. C’est un disque que je passe souvent pour les longs trajets en voiture. J’écoutais beaucoup la musique de Beck pendant mes promenades urbaines au mois de décembre, notamment près de Shinagawa ou vers Roppongi ou Nishi-Azabu, que l’on peut voir dans la petite série de deux billets « avant la fin de l’année (1 & 2) ». Certains morceaux comme Round The Bend sur l’album Sea Change s’associe maintenant dans ma mémoire a un lieu et un type d’espace, en l’occurence dans cet exemple du morceau de Sea Change, je repense aux espaces vides de population de Gotemyama près de Shinagawa, espaces ouverts près de la voie ferrée sur une route fermée à la circulation des voitures. Le soleil d’hiver ébloui un peu et il fait juste assez froid pour saisir le visage. Il n’y a personne dans les rues de ce quartier qui semble résidentiel, aucun train sur la voie ferrée. Pendant la durée de ce morceau écouté au casque, je marche lentement et observe les lieux et les matières. Pendant 5 minutes 15 secondes de pleinitude, cet espace temporel est le mien. Dans 20 ou 30 ans, je repenserais peut être à ce moment, il sera idéalisé et magnifique.

Le matin du 5 janvier, il fait froid sur Hakone, -1 ou 0 degré. Le onsen rattaché à l’hôtel où nous avons passé la nuit est le bienvenu. Il y a un espace de bain à l’extérieur mais la vue n’est pas dégagée, il faudrait se lever les pieds dans le bain pour apercevoir le lac. Nous marcherons ensuite après le petit déjeuner vers le sanctuaire Kuzuryu dans une forêt aménagée au bord du lac Ashinoko. Le ciel est très couvert et il commence à neiger, comme des petits grains de pluie gelée. Le chemin qui nous mène au sanctuaire longe le lac. Un torii rouge les pieds dans l’eau annonce l’entrée du sanctuaire. Dans le parc boisé entourant le sanctuaire, une biche nous regarde au loin. Elle n’a pas l’air de s’inquiéter de notre présence. Elle doit certainement être la propriétaire des lieux, une divinité des forêts qui aurait pris forme animale certainement. Mais le dragon blanc est également présent dans ces lieux, ou du moins le petit sanctuaire portant ce nom au tout début du chemin nous menant vers Kuzuryu. Devant le sanctuaire du dragon blanc, des plaquettes avec divers vœux et remerciements écrits à la mains sont accrochés sur trois ou quatre rangées. Un des messages, que l’on penserait avoir été mis en évidence, remercie le dragon blanc pour avoir gagné au Takarakuji, ou autre loto japonais, la coquette somme de 600 millions de yens. Zoa n’en revient pas. Je pense à une entourloupe pour démontrer les pouvoirs extraordinaires du dragon blanc. Pensez à acheter 10 billets de takarakuji de retour à Tokyo, on ne sait jamais. Nous arriverons après quelques minutes au sanctuaire Kuzuryu alors que la neige devient plus forte. Une journée par mois, on peut accéder au sanctuaire par barque. Il y a une passerelle et un point d’amarrage. Le sanctuaire est tout petit mais il s’agit d’un des « power spot » que nous avions prévu de visiter pendant notre court séjour à Hakone. Plus que le sanctuaire en lui même, c’est l’environnement naturel tout autour, la forêt sous la neige et la proximité du lac qui donnent à cet endroit quelque chose de magique.

Le Prince Hôtel Ashinoko où nous avons passé une nuit est un chef d’œuvre architectural de Togo Murano, composé de deux bâtiments cylindriques comportant les chambres, reliés par un couloir. Il a été construit au pied du lac Ashinoko en préservant les arbres. Lorsque l’on prend le bateau sur le lac, on peut l’apercevoir. Je l’avais d’ailleurs aperçu pour la première fois en novembre 2007 lorsque j’avais pris ce bateau du lac Ashinoko avec ma sœur Emilie et Karim pendant leur visite au Japon. Depuis cela, j’ai toujours gardé en tête l’idee d’approcher cet hôtel de plus près pour le prendre en photo. Le hall principal est un long couloir dont les murs sont en pierres apparentes et le plafond couvert de boiseries recourbées. Nous sortons dans le jardin pour apprécier toute la rondeur des cylindres de l’hôtel. Il n’y a que deux étages de chambres et elles n’ont pas toutes une vue sur le lac. Nous n’avions initialement pas réservé une chambre avec vue, mais un concours de circonstance nous a permis d’en bénéficier. Se réveiller le matin avec cette vue paisible sur le lac est vraiment agréable et inspirant.

J’avais amené mon matériel de dessin à Ofuna pour le nouvel an, en espérant trouver un peu de temps pour terminer un des dessins format A3 que j’avais commencé. Je savais d’avance que je ne trouverais pas le temps de m’y mettre mais amener ce matériel de dessin me rassure d’une certaine manière. Plus que de dessiner, je voulais m’assurer la possibilité de pouvoir dessiner à tout moment si j’en ai l’envie. C’est un peu la même chose avec mon petit carnet de notes et le stylo plume que j’amène toujours avec moi dans mon sac. Rare sont les fois où j’ai sorti ce carnet pour me mettre à écrire, car ces situations ne se présentent qu’assez peu finalement. L’avoir avec moi me satisfait, mais je n’arrive pas vraiment à en comprendre la raison. Tout comme je n’arrive pas à comprendre ce qui me pousse à dessiner ces formes organiques et futuristes. Il s’agit peut être de la possibilité de se mettre en parenthèse du monde pendant quelques minutes ou quelques heures, de s’extraire pendant quelques instants de l’agitation et des obligations quotidiennes. Je pensais en avoir terminé avec ces dessins FuturOrga et avec mon utilisation de Instagram mais j’ai encore changé d’avis. On dit bien qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis et je ne pense pas être un imbécile. J’ai donc changé d’avis. Je montre mes deux dernières créations sur Instagram en attendant de les scanner et de les montrer proprement sur ce site. J’ai décidé, un peu à contre cœur, de me remettre à Instagram car Instagram m’apporte ce que je ne trouve plus ici sur ce blog, le feed-back des visiteurs. Il est possible que j’écrive moins souvent sur Made in Tokyo, mais on verra bien. J’ai de toute façon besoin d’écrire ici, c’est mon complément mémoriel. J’ai créé un petit book de 36 pages sur Blurb.com composé pratiquement uniquement de dessins scannés. Les personnes intéressées pourront jeter un œil sur la page blurb.com. Il s’agit des dessins montrées sur ma page FuturOrga.

Après notre visite du sanctuaire de Kuzuryu, nous terminons notre petit voyage à Hakone par le sanctuaire principal de Hakone, le Hakone Jinja. Plus que le sanctuaire en lui-même, c’est la encore l’environnement qui laisse une forte impression. L’allée piétonne en escalier de pierre est bordée d’arbres géants. Elle démarre depuis le lac Ashinoko, où se trouve un grand torii rouge les pieds dans l’eau et remonte sur quelques dizaines de mètres vers le bâtiment principal du sanctuaire. A mi-trajet, il y a un feu de bois autour duquel des petits groupes viennent se réchauffer en buvant un gobelet de amazake. Je prendrais mon verre un peu plus tard, au retour du sanctuaire. Comme je le disais un peu plus haut, j’aime prendre ce moment à boire un verre de amazake chaud tout en regardant la foule dans les sanctuaires. Et il y a foule à Hakone Jinja aujourd’hui, mais certainement moins qu’hier, le premier jour travaillé de l’année. Il faut tout de même attendre une petite demi-heure en file d’attente pour accéder à l’intérieur et faire part de nos vœux pour que cette nouvelle année soit heureuse et prospère.

Nous prenons le chemin du retour en passant par Miyanoshita. On s’arrêtera très rapidement devant l’hôtel Fujiya, que nous avions déjà visité il y a 12 ans en 2006. Je me souviens de cette visite guidée nous montrant de nombreuses pièces de ce vieil hôtel, notamment la Suite Chrysanthème où ont séjourné John lennon et Yoko Ono. J’écoute d’ailleurs beaucoup les Beatles en ce moment, plus précisément Sgt. Pepper. L’envie de réécouter cet album me vient après la lecture de quelques articles du magazine Les Inrockuptibles, le numéro de Juin 2017 que m’avait gentiment offert mon cousin Mickael avec quelques autres numéros du magazine. Nous ne visiterons pas l‘intérieur cette fois-ci, manque de temps, bien que ça m’aurait bien tenté d’y refaire un tour. Nous prendrons notre déjeuner un peu plus loin, près de la gare Touzan de Miyanoshita, dans une vieille maison de bois reconvertie en café avec galerie d’artistes.

Comme cadeau de Noël, le petit qui vient d’avoir 10 ans avait commandé une Nintendo Switch. La situation s’est peut-être améliorée depuis, mais au moment où nous l’avions commandé, la console était toujours en rupture de stock et il fallait attendre plus d’un mois avant d’avoir une confirmation qu’on puisse la recevoir pour Noël. Cet un choix de cadeau du petit qui n’est pas pour me déplaire, car j’ai tendance à ne pas pouvoir résister quand un nouveau système Nintendo est disponible, d’autant plus avec un nouveau jeu de la lignée des Super Mario Bros. Cette fois, il s’agit du Super Mario Odissey qui sévit sur la Switch, et c’est un très bon jeu. La Switch permet le multi-language, ce qui est très appréciable. Zoa et moi comparons nos progrès dans le jeu et nos découvertes. Le prochain jeu dans notre vidéothèque sera certainement le Zelda Breath of the Wild. Je garde toujours en tête l’epique Zelda 3 sur la Super Nintendo, qui reste pour moi le meilleur jeu de tous les temps toutes plateformes confondues. Mais ce nouveau Zelda me semble aussi fabuleux, du moins c’est ce que les nombreuses critiques laissent comprendre et plaçant régulièrement ce jeu en première place des meilleurs jeux vidéo de l’année 2017. J’ai revendu pour presque rien malheureusement la PS2 et les quelques jeux que je possédais pour faire un peu de place à la maison, mais je garde toujours dans un coin les Game Cube et Wii U achetées ici. Je regrette toujours d’avoir revendu la Sega Dreamcast, que j’avais tant apprécié à l’époque. Du moins dans mes souvenirs sûrement très idéalisés.

Nous terminons nos petites vacances de la nouvelle année avec une cérémonie du thé sur le tatami de la maison de Ofuna. Zoa participe à la préparation du thé. On apprécie le thé tout en dégustant un gâteau japonais en forme de Mont Fuji. Il aura décidément été très présents pendant ces journées de congés. En souhaitant une nouvelle fois aux visiteurs de Made in Tokyo une excellente année 2018.

une semaine en mars (9ème)

Le vendredi de cette semaine de mars, nous sommes allés au National Art Center Tokyo (NACT) à Nogizaka pour voir l’exposition consacrée à l’artiste japonaise Kusama Yayoi 草間彌生, intitulée My Eternal Soul わが永遠の魂. La dernière fois que nous avons pu voir une retrospective de Kusama Yayoi, c’était en février 2004 dans un Roppongi Hills qui venait d’ouvrir à l’époque. L’exposition s’appelait Kusamatrix. Depuis, nous avons aperçu des oeuvres de Kusama Yayoi par-ci par là dans Tokyo, comme à Tokyo Mid-Town en 2008 mais en dehors des salles d’exposition. Kusama Yayoi est connue et reconnue notamment pour ses formes rondes en poix de différentes couleurs (des polka dots rouges ou jaunes notamment) dessinées sur des objets, comme par exemple sur des grandes citrouilles. Ces citrouilles géantes sont semées à différents endroits au Japon, comme à Hakata près de Fukuoka ou sur l’île de Naoshima. Pour l’exposition au NACT, on pouvait voir quelques unes des oeuvres emblématiques de Kusama Yayoi.

L’exposition est composée de deux parties intitulées « Kusama au 21ème siècle » et « Kusama au 20ème siècle ». La première et principale partie de l’exposition « Kusama au 21ème siècle » nous montre la série My Eternal Soul composée de peintures d’un très grand format carré. L’exposition a sélectionné environ 130 peintures, sur les 500 qu’elle a créé de 2009 jusqu’à maintenant, et les a disposé dans une grande pièce centrale sur tous les murs et sur deux rangées. Cet agencement, par son impact visuel pour le visiteur qui entre dans la pièce, me rappelle un peu ce que le Mori Art Museum a pu nous montrer avec les fresques géantes de Takahashi Murakami fin 2015.

Sur ces grandes peintures, on retrouve quelques uns des motifs dessinés en répétition et vus dans des oeuvres précédentes. Au milieu de la grande pièce centrale, sont disposés de grands objets très colorés en forme de fleurs à poix. Elles semblent inoffensives sauf si on s’en approche un peu trop près. Les photographies au smartphone étaient autorisées dans cette salle seulement. Ca a l’air de devenir une norme dans les musées au Japon d’autoriser les photos au smartphone, mais pas les appareils réflex en raison de leur taille certainement. C’est la deuxième fois que je rencontre ce cas. En général, les photographies sont tout simplement interdites.

Le reste de l’exposition nous montre Kusama au 20ème siècle, depuis ses débuts à Matsumoto avec les peintures représentant ses visions, son départ et ses années passées à New York, jusqu’à son retour à Tokyo. Parmi les oeuvres montrées, j’en reconnais quelques unes pour les avoir déjà vus dans d’autres lieux. Les oeuvres de Kusama Yayoi laisse un fort impact sur les visiteurs.

Dans un billet précédent publié il y a quelques mois après avoir vu le film d’animation Kimi no na ha (Your name), je parlais d’une forme de lien qu’on appelle musubi 結び. J’aime aller à la recherche de ces formes de liens entre les différentes choses que j’aime, notamment en musique. Parfois ces liens sont très faibles ou subtils, mais j’ai souvent utilisé ces formes de liens dans mes recherches et découvertes musicales. Quand j’étais plus jeune, au début des années 90, j’aimais lire les crédits à la fin des livrets accompagnant un CD de musique pour essayer d’y trouver des signes de collaboration avec d’autres artistes, que je pourrais ensuite découvrir. Ces liens sont un fil conducteur qui relie les choses pour leur donner une certaine logique.

En exemple, j’essaie d’illustrer avec le diagramme ci-dessus fait maison des liens que j’ai recherché et trouvé récemment entre différents artistes que j’aime, qui m’ont amené de fils en aiguille de l’oeuvre d’un(e) artiste vers un(e) autre. Le point de départ étant Kusama Yayoi, justement, dont on vient de voir l’exposition.

Il y a de cela quelques mois alors que je continuais sans répit à explorer la discographie complète de Sheena Ringo 椎名林檎 (je dois maintenant avoir à peu près tous les disques), je découvre la compilation Ukina 浮名 sortie en 2013 qui comprend exclusivement des collaborations entre Sheena Ringo et des artistes invités de différents horizons musicaux. Parmi eux, un groupe appellé Zazen Boys. Sous ce nom un peu douteux se cache le nouveau groupe de l’ancien leader de Number Girl, Shutoku Mukai 向井秀徳 qui interprète deux morceaux sur Ukina. Number Girl suivait l’influence du rock indépendant américain des Pixies et de Sonic Youth, deux groupes clés que je chéris dans ma discothèque personnelle depuis le début des années 90, où mon intérêt pour les musiques alternatives rocks a pris naissance. C’est intéressant comme les liens entre Number Girl et Sheena Ringo sont multiples, car avant cette collaboration avec le groupe de Shutoku Mukai, Sheena Ringo avait déjà fait équipe avec Hisako Tabuchi 田渕ひさ子, guitariste de Number Girl, pour le groupe éphémère Hatsuiku Status 発育ステータス pour une série de concerts appelée Gokiritsu Japon 御起立ジャポン en Juin 2000 et immortalisée sur un DVD du même nom.

Une autre collaboration sur Ukina, peut être plus inattendue, est celle du morceau Apple avec l’artiste électronique japano-américain Towa Tei テイ・トウワ. Au sujet de Towa Rei, j’avais un à priori sur sa musique comme étant plutôt légère et orientée « dance floor ». Il y a en effet ce côté là, mais ce morceau Apple a poussé un peu plus en avant ma curiosité et mon intérêt pour ce musicien. En recherchant un peu sur Youtube, je me prends de passion pour quelques morceaux de son nouvel album EMO, notamment le très particulier REM avec la jeune chanteuse idole alternative Ano. Ce morceau a quelque chose de très en phase avec l’idée que je me fais de l’électro japonaise. J’écoute également le mouvementé morceau Brand Nu Emo avec les soeurs Kiko et Yuka Mizuhara et deux membres du groupe METAFIVE Leo Imai au chant et Keigo Oyamada (alias Cornelius) à la guitare. Il y a quelques liens entre Towa Tei et le mouvement Shibuya Kei des années 90 (ex: Pizzicato Five) par la présence de certains invités sur cet album (comme Keigo Oyamada du feu groupe Flipper’s guitar, pionnier de ce mouvement). A vrai dire, je n’ai que très peu d’intérêt musicalement parlant pour le mouvement Shibuya Kei mais j’ai beaucoup apprécié la lecture d’une série d’articles sur le blog Neojaponisme (qui est désormais assez peu actif malheureusement comme la plupart des blogs que je suis depuis très longtemps). Des anciens membres du YMO (Yellow Magic Orchestra) comme Yukihiro Takahashi participent également à cet album. Yukihiro Takahashi est en fait assez présent dans la discographie de Towa Tei, au chant notamment, car il participe également au morceau Radio de l’album Lucky de Towa Tei, sorti en 2013. Lucky contient le morceau Apple interprèté avec Sheena Ringo. Lucky prend pour couverture l’art de Kusama Yayoi, des poix blancs de formes inégales sur un fond rouge, si caractéristiques de l’artiste. La voix de Kusama Yayoi intervient également sur le dernier morceau de l’album intitulé « Love Forever » qui n’est autre que le nom d’une exposition passée de Kusama. L’air de rien, des passerelles semblent se créer et je me pose maintenant la question si une collaboration entre Sheena Ringo et l’art de Kusama Yayoi pourrait voir le jour. On en est peut être pas très loin quand l’on voit que le tout nouveau Department Store Ginza 6 prend pour thème un morceau de Sheena Ringo et prend pour décor des lampes à poix rouges de Kusama Yayoi. Ces liaisons infimes n’ont peut être pas beaucoup de sens, mais j’aime les débusquer.

Pour pousser encore un peu plus les liaisons, un des derniers morceaux de Sheena Ringo, pas encore sorti sur un album, s’intitule en français dans le texte « 13 jours au Japon » et apparait sur la compilation « Les 50 ans de Saravah » en hommage à Pierre Barouh. Je me suis demandé quels pouvaient bien être les liens entre Sheena Ringo et Pierre Barouh. Je reconnais chez Sheena Ringo une certaine attirance pour la langue française car de nombreux morceaux de ses derniers albums sont sous-titrés en français. Pierre Barouh a aussi des liens avec le Japon. Ceci dit, je ne connais pas quels liens ont amené cette participation à l’album hommage du label Saravah. Sans essayer de trouver une explication très précise, je reste intrigué par la découverte de liens indirects comme le fait que Yukihiro Takahashi, dont je parlais un peu plus haut pour sa participation aux albums de Towa Tei, a lui même intitulé son premier album solo « Saravah! » (après le YMO), en référence au label de Pierre Barouh. Ces liens ne veulent pas forcément dire grand chose à part indiquer des influences et des connexions artistiques présentes ou éventuelles dans le futur, mais les déceler me fascine.

JR新宿駅の東口を出たら

Une promenade photographique à Shinjuku avec Eddie un jeudi soir, ce n’est pas fréquent car il habite depuis quelques années à Hong Kong mais revient par ici de temps en temps. Le prétexte de cette sortie photo était pour lui de tester son nouveau bijou Leica, et pour moi d’essayer de voir ce que je peux faire avec mon modeste EOS50D en pleine nuit sous les néons de Shinjuku. Je ne prends pas souvent de photographies de nuit à vrai dire. Je sers donc de guide bien que je ne connaisse pas très bien le quartier de Kabukichō 歌舞伎町 où nous entrons d’abord. On laisse de côté le quartier de Golden Gai pour s’enfoncer plutôt dans le dédale des rues du centre de Kabukichō. Plus on rentre à l’intérieur de Kabukichō, plus les rabatteurs se font présents et pressant en essayant de nous attirer dans des établissements de petite vertu. Nous sommes de toute façon ici pour la photographie, donc les discussions forcées avec ces rabatteurs tournent court. J’aurais voulu retrouver au hasard des rues de Kabukichō, les deux immeubles Ichiban-Kan et du Niban-Kan de l’architecte Minoru Takeyama, pris en photos de jour au tout début 2010, mais je ne les ai pas retrouvé.

Depuis la sortie Est de la gare JR de Shinjuku (JR新宿駅の東口を出たら), en descendant la rue piétonne après le Studio ALTA, on arrive assez rapidement à l’entrée de Kabukichō, délimité par l’avenue Yasukuni. Kabukichō tient son nom d’un projet passé d’y construire un théâtre Kabuki. Ce projet n’aura jamais lieu mais le quartier garde ce nom. Je ne pense pas avoir traversé en entier ce quartier qui a mauvaise réputation, bien que certaines actions ont été prises ces dix dernières années pour l’assainir de la présence de yakusa et des établissements affiliés. On pouvait deviner leur présence dans les rues, il y a une quinzaine d’années. J’allais de temps en temps à Kabukichō avec Pierre pour aller voir et écouter des concerts rock dans la salle exiguë et en sous-sol du Loft Shinjuku (à ne pas confondre avec la chaine de magasins). La salle existe toujours, mais je ne sais pas si la programmation générale a changé. Ca pouvait être assez underground à l’époque. Je me souviens d’un groupe dont le batteur jouait fort sur sa batterie avec un masque à gaz sur le visage (depuis le feu mouvement Visual Kei des années 90, le déguisement n’est pas surprenant pour les groupes de rock au Japon). Nous allions également dans un petit bar de 5 ou 6 places maximum appelé MOTHER en souterrain dans le noir. On pouvait y choisir la musique rock que l’on souhaitait écouter parmi une multitude de CDs classés derrière le bar et listés sur un catalogue. On commençait souvent par Scentless Apprentice de Nirvana, sur In Utero (le morceau que je préfère sur cet album). Parfois, nous essayions le karaoké du coin en revenant invariablement sur le morceau Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王 Queen of Kabukicho) de Sheena Ringo (en version catastrophique cependant).

Mais revenons sur ce jeudi soir. Après quelques photos dans Kabukichō, nous traversons la voie ferrée au niveau de l’avenue Yasukuni pour rejoindre l’allée étroite de Shinjuku Omoide Yokocho 思い出横丁, bordée de restaurants minuscules. Dans ces mini-restaurants ouverts sur l’allée centrale, il faut se serrer au comptoir. On y mange principalement des yakitori, grillés par le maitre des lieux sous le regard des clients. Nous remontons l’allée tranquillement en prenant quelques photos. En revenant vers la gare, nos chemins se séparent, car je retourne vers la sortie Est de la gare JR de Shinjuku (JR新宿駅の東口に入ったら).

L’album Heisei Fūzoku (平成風俗) de Sheena Ringo 椎名裕美子 en collaboration avec le meneur d’orchestre et violoniste Neko Saito 斎藤ネコ est un album studio particulier dans sa discographie. Sorti en 2007, il fait office de bande sonore pour le film Sakuran de Mika Ninagawa, connue pour son univers photographique aux couleurs ultra-saturées. Il y a beaucoup de reprises de morceaux déjà sortis sur les trois albums studio précédents ou sur les EPs des singles, mais également quelques morceaux inédits dont une collaboration avec son frère ainé Junpei Shiina 椎名純平. La particularité de l’album est que tous les morceaux reçoivent une nouvelle orchestration par Neko Saito. Certains morceaux voient leurs paroles traduites et chantées en anglais. Dès la première écoute, le premier morceau du disque, ギャンブル Gamble, que l’on connaissait déjà sur le premier disque de l’EP SR/ZCS (絶頂集 Zetchōshū), fonctionne extrêmement bien avec cette orchestration étendue et avec les accents de voix de Sheena Ringo qui s’étirent jusqu’à la cassure. L’orchestre est également accompagné des guitares. Le morceau suivant est Kuki (茎 Stem) que l’on connait déjà du troisième album de Sheena Ringo, Karuki Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花). Il était déjà très orchestré mais il est plus fourni sur cette version et traduit en anglais. Il faut une certaine période d’adaptation pour s’habituer à cette nouvelle orchestration et aux versions anglaises de certains morceaux, et beaucoup de morceaux semblent au premier abord plus efficaces dans leur version originale. Mais après plusieurs écoutes, cette impression évolue petit à petit et on apprécie cette ambiance différente. Hatsukoi Shōjo (ハツコイ娼女) est peut être le morceau que je préfère avec cette voix de Sheena Ringo qui s’évapore et semble flotter au dessus de la ville. Je ne connaissais pas ce morceau, tout comme le suivant sur l’album, Papaiya Mangō (パパイヤマンゴー) qui est une reprise mais que, par contre, je n’aime pas beaucoup. Sheena Ringo s’essaie à quelques phrases en français, ce qui est assez amusant à l’écoute, mais je persiste à penser qu’elle n’excelle pas dans les reprises. Dans la discographie de Sheena Ringo, le double album composé uniquement de reprises Utaite Myouri (唄ひ手冥利) me laisse insensible à part quelques exceptions de qualité comme Momen no Handkerchief (木綿のハンカチーフ). Mais au final, Heisei Fūzoku est un album que j’écoute souvent. J’aime y revenir pour son approche différente.

Changeons un peu de sujet pour terminer ce billet. Des blogs Japon que je suivais dès début 2003, il n’en reste pratiquement aucun. Soit leurs auteurs ont arrêté d’écrire ou de montrer leurs photographies, soit ils sont passés sur les plateformes des réseaux sociaux, soit ils ne sont plus au Japon. Malgré quelques interruptions, je continue à suivre assez régulièrement le site web de Karl Dubost et un de ses derniers billets sur une mise en parallèle entre les sollicitations de la rue et celle de réseaux sociaux m’interpèle. Les sollicitations trop grandes des réseaux sociaux, notamment Instagram, sans y trouver une forme d’épanouissement, m’en éloignent. J’en parlais dans un billet précédent.

à la tombée de la nuit

Je ne prends pas souvent de photographies à la tombée de la nuit, mais l’occasion s’est présentée un dimanche soir pour une promenade improvisée entre Shibuya et Shinjuku, en empruntant la ligne de métro Fukutoshin entre les deux quartiers. Pour rejoindre Shibuya, j’emprunte une rue parallèle à l’avenue Meiji, une rue que je connais très bien mais que je n’ai pas emprunté depuis plusieurs mois. Je scrute les façades des buildings dans l’espoir d’y percevoir un changement. Tokyo étant en éternelle destruction et reconstruction, il n’est pas rare de découvrir des nouveaux visages dans le paysage urbain lorsqu’on n’a pas emprunté une rue depuis quelques temps. Et c’est d’autant mieux si ce nouveau visage possède des lignes architecturales remarquables.

Mais en cette fin de journée de dimanche à la tombé de la nuit, mon regard photographique se tourne plutôt vers un sanctuaire, celui de Konnō Hachiman-gū 金王八幡宮. Je ne l’avais jamais remarqué auparavant mais ce sanctuaire fut autrefois le château de Shibuya (château est un bien grand mot cependant) et une des pierres de l’édifice reste visible dans le sanctuaire qui le remplace maintenant. Le site internet du sanctuaire nous apprend qu’ici est né le quartier de Shibuya, reprenant le nom du clan Shibuya. Par le hasard des recherches internet, je trouve un blog en anglais « Japan This! » d’un certain Marky Star qui tente d’expliquer avec une dose d’humour le sens et l’origine de certains quartiers de Tokyo, notamment celui de Shibuya. Sur la photographie ci-dessus du sanctuaire Konnō Hachiman-gū, j’aime beaucoup les couleurs des dernières lumières du jour qui se reflètent sur le toit humide, après la pluie. Tokyo est très photogénique après la pluie, quand l’eau de pluie accentue les marques et l’âge des murs de béton. Me reviennent en tête quelques photographies prises pendant la saison des pluies en 2009 pour ma série Made in Tokyo Series.

Les lumières de la ville se reflètent également au grand carrefour routier de Shibuya. La voie suspendue de l’autoroute intra-muros surplombant la route 246 est aussi très photogénique d’une certaine façon, par ses dimensions imposantes qui découpent le tissu urbain. Tout autour, on construit. La gare de Shibuya continue sa mutation lente et progressive, sans affecter les nombreuses lignes de train et de métro qui traversent la station. C’est déjà en soi une prouesse. Des nouvelles tours vont voir le jour d’ici 2020 avant les Jeux Olympiques de Tokyo, et vont répondre à la tour Hikarie située de l’autre côté de l’avenue Meiji. Depuis un restaurant au 8ème étage de la tour Hikarie (le restaurant d47食堂 que je recommande chaudement), on peut apprécier une vue d’ensemble des travaux de la gare à travers les grandes baies vitrées.

Depuis les sous-sols de la tour Hikarie, on rejoint la ligne de métro Fukutoshin, une des plus récentes de Tokyo. Etonnament, c’est peut être la première fois que je l’emprunte, bien que j’y sois venu plusieurs fois pour prendre en photo l’oeuvre architecturale de Tadao Ando pour cette station. Lorsque j’arrive à Shinjuku Sanchōme, la nuit est déjà tombée. En remontant à la surface au niveau de l’avenue Meiji, j’aperçois trois punks iroquois colorés. Ils ont l’air plus étonné de mon regard, que moi de les voir ici à Shinjuku. Il y a apparemment une salle de concert en sous-sol dans le coin. Ma marche me fait passer devant l’immeuble IDC Otsuka, qui prend des couleurs vertes un peu extra-terrestres. Un peu plus loin près de la station de Shinjuku, on ne manquera pas un passage devant le Yasuyo Building de Nobumichi Akashi. Pour ceux et celles qui me suivent depuis longtemps, j’ai utilisé cet immeuble en image d’en-tête de Made in Tokyo pendant de nombreuses années. J’aime ses formes très accentuées et agressives. Mais sous les lumières de la nuit, ses formes s’adoucissent et l’immeuble revêt même une couleur dorée du plus bel effet. Et si ce petit immeuble noir au centre de Shinjuku serait le joyau du quartier révélant toute sa splendeur une fois la nuit venue?

Tout en continuant ma marche dans Shinjuku, j’ai en tête la musique de Sheena Ringo 椎名林檎. Pendant mon petit périple dans les rues sombres jusqu’aux panneaux ultra lumineux de Kabukichō, j’écoute Shōso Strip 勝訴ストリップ et Kalk Samen Kuri no Hana 加爾基 精液 栗ノ花. Je reviendrais certainement avec Eddie un soir de février pour prendre des photos vers Kabukichō (Golden Gai probablement). Près de sortie Sud de la station de Shinjuku, la rue pratiquement piétonne où l’on peut voir un magasin remplie de lanternes en façade (Beams) cache également plusieurs disquaires que je viens explorer régulièrement ces derniers temps.

Le double album Microcastle / Weird Era Cont. de Deerhunter n’est pas une nouveauté, mais je ne le découvre en entier que maintenant, après l’avoir trouvé en CD dans un Disk Union de Shinjuku. La couverture de l’album est à la fois étrange, inquiétante et superbe. Peut être s’agit il du visage du leader du groupe Bradford Cox, affublé d’une tête de mort à la place d’un oeil. Microcastle, accompagné du disque bonus Weird Era Cont., est le troisième album de Deerhunter, sorti en 2008. On y découvre une musique indie rock faite de guitares sur des paroles très souvent désespérées et d’une grande sensibilité. C’est également le cas pour les autres projets et groupes de Bradford Cox, comme Atlas Sound. Les voix y sont souvent frêles et répétitives et on ressent une certaine douleur qui demande à être expulsée par des flots de guitares terminant assez régulièrement les morceaux. On est proche de morceaux instrumentaux dans certains cas. Le très beau morceau « Nothing ever happened » en est un bon exemple.

終わらせないで

Le gymnase olympique de Yoyogi 国立代々木競技場 par Kenzo Tange est très certainement une des oeuvres architecturales les plus élégantes de Tokyo. Alors que nous remontons à pieds une rue longeant la voie ferrée depuis le centre de Shibuya jusqu’à la gare de Harajuku, on peut voir la pointe de l’édifice. Une foule éparse s’alignait devant le mur de l’enceinte du gymnase, comme des oiseaux sur un muret. Le gymnase sera normalement utilisé pour les Jeux Olympiques de 2020 après ceux de l’été 1964 pour lesquelles il a été conçu, comme un faire-valoir du savoir-faire architectural japonais. Il a d’ailleurs été remis à neuf et repris ses couleurs ces dernières années. Outre les événements sportifs, il est également utilisé pour divers spectacles. Ce jour là, la foule se réunissait pour celui d’une idole japonaise dont je ne retiendrais pas le nom.

Le mur suivant est celui de la façade du Musée National des Beaux-Arts de l’Occident 国立西洋美術館 par Le Corbusier, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis juillet 2016, tout comme 16 autres œuvres architecturales de Le Corbusier. Bien que je sois passé maintes fois devant, en traversant le parc de Ueno, je ne suis jamais entré à l’intérieur du bâtiment. Ce jour là également, nous passons devant ce musée depuis la gare de Ueno pour rejoindre le Musée national de la nature et des sciences, juste à côté, pour y voir l’exposition consacrée à Lascaux. J’ai déjà pris ce bâtiment de Le Corbusier en photographie plusieurs fois, mais c’est peut être cette photographie ci-dessus que je préfère, avec ces deux parties bien distinctes. La composition de cette photo se rapproche de celle au dessus du gymnase de Tange, avec une même ligne horizontale murale.

Il y a une certaine mode en ce moment du retour au disque vinyle (et même, mais en plus anecdotique, un retour à la cassette audio). En ce qui me concerne, le vinyle n’étant pas vraiment de ma génération, je me retourne plutôt vers le Compact Disc depuis quelques temps. En fait, je me suis rendu compte que le prix des morceaux dé-matérialisés étaient vraiment excessifs. Des morceaux à 250 Yens ou un album à 2,100 Yens sur iTunes, alors qu’on peut trouver un CD, d’occasion certes, pour 400 ou 600 Yens. Bien sûr, on ne trouvera que difficilement un album récent dans un magasin de disques d’occasion, auquel cas, je me retourne vers le dé-matérialisé d’iTunes, mais avec une pointe d’hésitation.



The King of Limbs by Radiohead

Mais surtout, et c’est peut être générationnel, j’aime avoir et voir ce qui accompagne le CD, le livret avec photos et/ou dessins, le design du disque, le format des textes, qui à mon avis font pleinement partie de la musique que l’on écoute. Avant de découvrir un artiste que je ne connais pas, la couverture de l’album revêt une importance certaine à mes yeux, car elle donne déjà une idée assez précise de la direction artistique, de la sensibilité de l’album et de la musique qu’il contient. Les deux, musique et présentation de la musique, ne sont pas décorrélées. On perd tout cet aspect sur la musique dé-matérialisée, en plus du fait de ne rien posséder du tout au final. Bien sûr, j’écoute cette musique sur un iPod qui est bien dé-matérilisé sans beaucoup utiliser le CD d’origine d’où vient cette musique, qui reste dans sa boîte la plupart du temps. Mais le fait de connaître le contenu du livret tout en écoutant la musique, influence en quelque sorte mon écoute. Le meilleur exemple est très certainement Radiohead, par la qualité de la mise en page (parfois un peu foutraque volontairement) et de ses illustrations (par exemple sur The King of Limbs) que l’on peu apprécier comme une oeuvre d’art sur papier. Autre exemple sur les albums de Sheena Ringo ou Tokyo Jihen, que j’écoute beaucoup en ce moment vous l’aurez compris, et que j’achète exclusivement en CDs. Sur les livrets et couvertures des disques, je remarque des symétries volontaires dans les titres des morceaux de l’album. Par exemple sur Sports スポーツ de Tokyo Jihen dont je parlais dans le billet précédent, le premier morceau est titré 生きる (Living) et le dernier par symétrie se nomme 極まる (Dying). Ces deux morceaux entrent en correspondance par leurs titrages. La longueur des 13 morceaux sur Sports est également symétrique par rapport au morceau central de l’album. Ce souci volontaire de composition est très visible sur papier sur le disque CD mais passe malheureusement inaperçu sur une track-list iTunes. Pour la petite histoire, J’ai une certaine sensibilité pour le symétrique: Les kanji du prénom de Mari sont symétriques et nous avons choisis les kanji du prénom de Zoa (空亜) notamment pour la symétrie qui les compose.



スポーツ by 東京事変

Le dé-matérialisé ne peut remplir ce vide visuel. Dans le même principe d’idée pour ce blog, j’apporte autant d’importance aux contenus (les photos, les textes, les illustrations) qu’au contenant (le design du site, l’agencement des photos et des textes) car cela fait partie entière d’un tout pour le visiteur. C’est également une des raisons pour lesquelles je n’apprécie que moyennement les contenants standardisés et pré-formatés que sont Flickr, Instagram et encore moins Facebook. J’ai du mal à apprécier mettre un contenu dans un contenant que je n’apprécie pas et sur lequel je n’ai aucun prise.

Pour revenir au Compact Disc, ce que j’apprécie également beaucoup, c’est la quête, la recherche du CD qui me manque, à un bon prix dans un magasin d’occasion. Que ça soit au Disk Union de Shimo Kitazawa, Shinjuku, Shibuya, Ikebukuro ou Kichijoji, ou Dorama de Shimo Kitazawa, on ne trouve pas toujours facilement ce que l’on cherche. Puisqu’on est au Japon, les CDs d’occasion sont dans l’ensemble bien entretenus et notés par qualité. Un niveau A est proche d’un disque neuf et au pire, je remplace une boîte plastique rayée par une neuve. J’ai très rarement été déçu et ça reste beaucoup plus abordable que les 3,500 Yens pour un album neuf au Tower Records. En contre partie, les CDs achetés maintenant n’ont strictement aucune valeur à la revente (par rapport au disque vinyle je pense) et les CDs accumulés finissent par prendre de la place. Mais il s’agit avant tout d’une collection que j’aime revoir régulièrement.

En continuant ma découverte méthodique des albums de Sheena Ringo 椎名林檎 (ça me rappelle l’époque où je faisais la découverte méthodique morceau par morceau d’Autechre, dans un autre genre), je trouve Sanmon Gossip 三文ゴシップ dans une boutique perdue dans une rue à l’écart du centre à Kichijoji. Cette boutique au nom improbable s’appelle Coconuts Disk. La pochette rose pâle de Sanmon Gossip où l’on voit la chanteuse recorquevillée nue est superbe. Le contenu du livret et le disque suive le même style minimaliste. Sanmon Gossip, sorti en 2009, marque le retour de Sheena Ringo à sa carrière solo avec un véritable nouvel album. On sent très clairement l’influence de son groupe Tokyo Jihen sur cet album, résolument moins alternatif rock, avec des accents jazz et une orchestration d’envergure sur certains morceaux comme sur le très beau Shun 旬 (Season). J’aurais très certainement été perturbé par cet album il y a de cela quelques années, mais je l’aime beaucoup maintenant, peut être même autant que les premiers albums. Le style est certes très différent et touche à différents genres, le premier morceau Ryūkō 流行 (Vogue) contient des passages hip hop par un certain Mummy-D. Mais Sheena Ringo garde en musique son monde si particulier et reconnaissable, et il a beaucoup de très bon morceaux sur cet album.

A peu près en même temps, je continue également ma collection des albums de Tokyo Jihen 東京事変 avec Dai Hakken 大発見 (Great Discovery), le cinquième album du groupe, sorti en 2011. J’ai trouvé ce disque au Disk Union de Ochanomizu, en rentrant du bureau un vendredi soir. Une curiosité sur la pochette du disque est que tous les titres en kanji, hiragana ou katakana sont exactement de la même longueur. Comme sur la symétrie que je mentionnais auparavant, ça fait partie de l’esprit joueur du groupe. Je ne pourrais pas dire si c’est toujours le cas avec Tokyo Jihen, mais Sheena Ringo a la réputation d’apporter une grande attention dans le choix des kanji utilisés pour les mots des paroles de ses morceaux, en utilisant parfois des anciens kanji peu utilisés actuellement. Que ça soit la musique, les textes ou le visuel des vidéos, le style joue avec les époques. Après quelques écoutes, Dai Hakken n’est pas l’album que je préfère. Il y a de très bons morceaux, que je connaissais déjà d’ailleurs, comme Atarashii Bunmei Kaika 新しい文明開化 (Brand New Civilization), un morceau plein de folie contagieuse, ou le beaucoup plus rock et fidèle au style originel du groupe Sora ga Natte Iru 空が鳴っている (Reverberation). Sur ce deuxième morceau, on peut difficilement faire plus « cool » dans le style détaché. J’ai un peu de mal par contre avec le morceau intitulé 21 Seiki uchū no ko 21世紀宇宙の子 (The child of the 21st century universe) qui me parait complètement à côté de l’esprit du groupe. On dirait une commande en fait et c’est assez dommage car ce morceau gâche un peu l’ensemble de l’album. Comme les styles assez différents se mélangent sur la plupart des disques de Tokyo Jihen et de Sheena Ringo, le risque qu’un morceau s’inscrive moins bien dans l’ensemble est latent. En même temps, c’est cette diversité bien maitrisée qui fait toute la beauté et l’intérêt de cette musique parfois étrange. 終わらせないで (do not end it), dirais je en dernier mot.