色々ウォーク❸

Ma série de quatre épisodes continue mais change légèrement de titre car je m’écarte de Shibuya tout en restant dans le centre de Tokyo. Les deux premières photographies sont prises à Shinjuku, la même journée que ma visite au Tower Records près de la gare où se déroulait l’exposition de costumes de Tokyo mentionnée précédemment. L’exposition se terminait le 28 Juin donc j’imagine que les affiches que l’on pouvait voir à l’extérieur de l’immeuble Flags ont toutes été enlevées. Cette même journée ensoleillée, j’avais fait un tour à Kabukichō pour y voir l’exposition murale de photographies de Daido Moriyama. Sur le retour vers la station de Shinjuku, on fait face à l’immeuble tout en courbes Yunika et sa série d’écrans. A la sortie du DVD/Blu-ray de News Flash de Tokyo Jihen, des vidéos extraites du concert étaient montrées sur ces écrans à certains moments de la journée pendant quelques jours. Je n’avais pas eu le courage ni le temps d’aller voir aux heures de diffusion. Les deux photographies suivantes sont prises le soir à Aoyama un peu avant le couché de soleil. Les surfaces en ondulation sont celles du petit building Dear Jingu-mae rénové en 2014 par Amano Design Office. Le trait lumineux rouge sur le bâtiment de la photographie suivante m’intrigue beaucoup. On dirait un rayon de sabre laser du côté obscur de la force. Le mur noir sur lequel il est posé et le reflet sur la surface lisse perpendiculaire renforcent cette impression presque futuriste du lieu. La cinquième photographie est une vue des plus classiques de Tokyo qu’on est souvent tenté de prendre lorsqu’on lève un peu les yeux. La photographie de câbles électriques et transformateurs prise par Daido Moriyama sur le mur de Kabukichō est beaucoup plus impressionnante que ma photographie ci-dessus. Je me demande d’ailleurs s’il y a un site ou un compte Instagram répertoriant les arrangements électriques les plus compliqués et les poteaux électriques les plus beaux. Il y a bien des comptes Instagram répertoriant les conduits de ventilation des buildings tokyoïtes ou les maisons et immeubles envahis par la végétation. Ce sont des comptes que j’ai découvert récemment sur Instagram et que je suis distraitement depuis. Sur la dernière photographie de cette série, il s’agit de la zone de bureaux de Shinagawa Inter-city, vue depuis la passerelle reliant les deux parties principales du complexe. La passerelle passe au dessus du parc intérieur et on a l’impression de survoler une mer verte. On obtient un contraste intéressant entre les contours irréguliers de cette végétation dense et l’uniformité des buildings de verre qui limitent l’espace du parc. Je viens souvent à cet endroit mais ça faisait assez longtemps que je n’y avais pas pris de photos.

En écrivant mon billet sur l’émission spéciale de KanJam avec Tokyo Jihen, je m’étais demandé quels pouvaient être les liens entre Sheena Ringo et King Gnu, le groupe de Daiki Tsuneta. Parmi les liens identifiés, l’emission nous mentionnait le fait que Sheena avait assisté à un concert de Daiki Tsuneta à Tokyo, quelques années avant la formation de King Gnu. On sait également que Tokyo Jihen a déjà été invité à l’émission Music Station en même temps que King Gnu (le 25 Décembre 2020). On a également déjà vu une photo réunissant Sheena et Tsuneta, photo qui a dû être prise au moment de l’émission KanJam bien que j’ai le sentiment qu’elle soit plus ancienne. En cherchant un peu plus, je vois que Sheena Ringo et King Gnu ont participé au même album hommage au chanteur et compositeur Inoue Yōsui (井上陽水), figure importante de la scène musicale japonaise. Le morceau Shōnen Jidai (少年時代) de Inoue Yōsui est tellement connu qu’il est en quelque sorte entré dans l’inconscient collectif japonais. Utada Hikaru interprète d’ailleurs ce morceau sur la compilation hommage. A vrai dire, ce genre de morceaux ne m’intéresse pas beaucoup et l’interprétation qu’elle en fait est plutôt peu inspirée. Je préfère à la rigueur la version plus récente de Suis du groupe Yorushika pour le nouveau film d’animation Luca produit par Pixar. L’album hommage à Inoue Yōsui s’intitule Inoue Yōsui Tribute (井上陽水トリビュート) et est sorti en Novembre 2019. J’y sélectionne trois morceaux que j’aime beaucoup, dont Kazari Janai no yo Namida ha (飾りじゃないのよ涙は) interprété par King Gnu. Le morceau original fut écrit et composé par Inoue Yōsui pour la chanteuse Nakamori Akina (中森明菜) en 1984. Inoue interpréta également lui-même ce morceau sur un album de reprise sorti la même année. Ce morceau sortit également en single beaucoup plus tard en 2002. L’interprétation par Daiki Tsuneta et Satoru Iguchi est très personnelle et on reconnaît tout de suite l’approche musicale de King Gnu, ce qui me plait beaucoup.

Le quatrième morceau de la compilation, qui suit celui de King Gnu, s’intitule Wine Red no Kokoro (ワインレッドの心) et est interprété par Sheena Ringo. Inoue Yōsui a écrit les paroles de ce morceau datant de 1983 mais la musique est composée par Tamaki Koji du groupe Anzen Chitai (安全地帯). Ce groupe qui accompagnait Inoue sur scène se fait connaître du grand public grâce à ce morceau. L’interprétation de Sheena Ringo est magnifique. Elle ne chante pas ces paroles à la légère et on sent que le ton de chaque mot est mesuré. J’aime beaucoup cette tension qui nous accroche à l’écoute. Ce morceau me refait penser à l’album de reprises Utaite Myōri: Sono Ichi (唄ひ手冥利 ~其ノ壱~) qu’elle avait sorti en 2002 juste avant KSK. Je me souviens avoir été assez déconcerté par cet album quand je l’avais acheté à l’époque, certainement un peu déçu du fait que ce n’étaient pas des morceaux originaux qui le composaient. Il y a tout de même de nombreux excellents morceaux, comme Haiiro no Hitomi (灰色の瞳) ou Momen no Handkerchief (木綿のハンカチーフ), mais également des choix plus discutables. En fait, j’aime beaucoup quand Sheena Ringo reprend des morceaux du répertoire populaire japonais. La reprise du morceau Kurumaya-san (車屋さん) de Misora Hibari par Tokyo Jihen sur la tournée Dynamite! de 2005 reste pour moi une des meilleures reprises qu’elle ait faite. Comme l’album Utaite Myōri de 2002 était le premier volume et qu’il n’y a jamais eu de deuxième volume, je me demande si elle a en tête de sortir une nouvelle compilation de ce style. Je me suis mis à réécouter Utaite Myōri il y a quelques mois et je l’apprécie beaucoup plus qu’avant. Dans l’enquête du fan club Ringohan (celle de l’année dernière que je mentionne sans arrêt), la question était posée de suggérer un ou une artiste dont Sheena pourrait reprendre un morceau. J’avais suggéré Jun Togawa sans grande conviction car cette possibilité me paraît plutôt improbable, mais pas totalement impossible. La réalisatrice Mika Ninagawa du film Sakuran dont Sheena a écrit les musiques a déjà signé une compilation de morceaux de Jun Togawa (elle assurait la sélection des morceaux) et je vois donc là un lien qui ouvre des possibilités.

Pour revenir à la compilation Inoue Yōsui Tribute, le troisième morceau que j’apprécie beaucoup est une reprise de Higahi he Nishi he (東へ西へ), écrit par Inoue en 1972, et interprété par iri. Elle a une voix remarquable et laisse vraiment son empreinte sur ce morceau en lui donnant un rythme très accrocheur. Je suis toujours très curieux d’écouter ses nouveaux morceaux. Il se trouve qu’elle vient de sortir un nouveau single intitulé Uzu (渦), qui a l’air de bien fonctionner au niveau des ventes, si on en croit le classement Hot 100 de la radio J-Wave. Ce morceau est excellent et je l’écoute très régulièrement dans ma playlist personnelle. J’ai le sentiment qu’elle mériterait d’être un peu plus reconnue car on ne la voit pas beaucoup dans les émissions musicales télévisées, comme Music Station ou Music Day hier Samedi. Enfin, on pourrait aussi comprendre l’envie d’éviter le tourbillon des apparences médiatiques.

白黒になる東京 (3)

Je continue cette série montrant Tokyo en noir et blanc avec un nouvel épisode et sans savoir combien de billets au total composeront cette série. Peut-être deviendra t’elle une série au long cours qui réapparaîtra de temps en temps sur ce blog après quelques mois ou années écoulées. J’ai un peu perdu le fils des séries passées car la particularité de ce blog est d’être relativement désorganisé, ce qui est assez différent de ma vie réelle dont je parle volontairement assez peu. Enfin, les billets sont peut-être désorganisés les uns par rapport aux autres, mais les contenus de chaque billet suivent des logiques assez bien définies. Changer cette logique interne sur certains billets provoque parfois de longs débats au sein de la rédaction de Made in Tokyo. Certaines photographies du billet, notamment les premières, sont plutôt anciennes (de quelques mois) tandis que les trois dernières prises à Shinjuku sont plutôt récentes. La première photographie montre un long sous-sol du grand magasin Ginza6. Je ne soupçonnais pas l’existence de ce long couloir plutôt photogénique. J’ai pris une vingtaine de photos dans ce tunnel avec des effets de flou, des effets de mouvements en zoom et en rotation, avec l’intention de les utiliser plus tard comme matériaux pour des compositions avec d’autres photographies. Dans ma librairie de photographies sur l’iMac, j’ai beaucoup de photos prises uniquement pour servir de motifs éventuels, notamment des photos de ciel avec nuages, des photos rapprochées de murs de pierre ou de béton, comme sur la deuxième photographie. L’hortensia de ce billet, comme celle du premier billet de cette série, provient du sanctuaire Hakusan dont je parlerais très certainement dans un prochain billet. Je vais régulièrement à Shinjuku mais plus rarement à Kabukichō. Le quartier change petit à petit depuis l’implantation du grand building des cinémas Toho au printemps 2015. Je me dirige vers un nouvel immeuble en construction pour aller voir les palissades de protection qui l’entourent, mais j’en parlerais également dans un prochain billet. Les trois photographies de Shinjuku montrées sur ce billet sont en fait prises en marchant depuis la gare vers Kabukichō. Le building noir aux contours agressifs, le Yasuyo Building de l’architecte Nobumichi Akashi, est un bâtiment que j’ai déjà montré plusieurs fois sur ce blog. Je l’ai en fait montré plus que plusieurs fois car ce building était l’image d’entête de Made in Tokyo pendant 6 ans de 2010 à 2016, pour les versions 5 et 6 du blog. A cette époque, j’avais même enlevé le titre du blog pour ne laisser que cette image de building noir, positionnée à l’envers. Ce building est tellement symbolique qu’il me paraissait suffisant et il a encore maintenant pour moi une valeur particulière. Sur la dernière photographie ci-dessus, on devine une de raisons de mon passage à Shinjuku.

Le magasin de disques Tower Records de Shinjuku avait monté une petite exposition sur Tokyo Jihen à l’occasion de la sortie de l’album Music (音楽) et il fallait bien évidemment que je vienne voir à quoi tout cela ressemblait. L’exposition est toujours en cours et se terminera le 28 Juin. Je m’étais décidé, pour cet album, à suivre le chemin typique de l’OTK, ce qui est assez fatiguant tout en étant assez amusant. Je n’étais pas le seul à venir prendre en photo les tenues du groupe qui étaient présentées. Le Tower Records de Shinjuku occupe les 7ème et 8ème étages du Department Store Flags, et on pouvait trouvé quatre set de tenues d’émissions aux 4ème et 7ème étages. Au quatrième étage, on pouvait voir les tenues récentes très colorées utilisées pour le morceau Ryokushu (緑酒) interprété pendant l’émission Music Station sur la chaine Asahi TV, le Vendredi 14 Mai 2021. Au 7ème étage, dans un espace aménagé du Tower Records, on pouvait voir trois autres sets de tenues, celles portées pour Gunjō Biyori (群青日和) lors de l’émission FNS du 9 Décembre 2020 (certainement mes préférées), et d’autres plus traditionnelles: des yukata blancs portés pour l’émission Music Station du 14 Août 2020 et les kimono bleus marqués de l’année 2020 pour la 71ème édition de l’émission la NHK Kōhaku du 31 Décembre 2020. On pouvait également y voir devant une affiche géante du groupe sur le toit du New Sky Building de Shinjuku, des néons reprenant l’écriture du titre de l’album et deux tourne-disques pour vinyles marqués des signes des membres du groupe. Ce tourne-disques aux allures vintage n’est pas en ventre à ma connaissance, tout comme la broche en forme de plume de paon sur le yukata blanc. Cette broche était apparemment vendue ou donnée aux membres du fan club Ringohan il y a quelques années, et on ne peut pas l’acheter maintenant, à part d’occasion et pour un prix assez élevé sur Mercari. Dans ce magasin Tower Records de Shinjuku, j’ai pu constater que le poster des 20 ans de carrière de Sheena Ringo ainsi que la cartographie des liens musicaux, que je montrais dans un billet précédent, sont toujours présents.

白黒になる東京 (2)

Le noir et blanc continue à gagner Tokyo sur les photographies de cette petite série de quelques épisodes. Elles sont prises dans des lieux différents avec l’objectif 40mm que j’aime utiliser en ce moment. J’y ajoute parfois des éléments d’architecture comme sur quelques photographies du premier épisode. Je n’avais pas mentionné dans le premier billet qu’il s’agissait sur la première photographie du musée d’art Watarium conçu par l’architecte suisse Mario Botta en 1990. La grande fresque composée de photographies de visages collées sur la façade du musée a presque entièrement disparu. Il ne reste que quelques traces de papier qui demanderaient à être nettoyées, mais le concept de cette œuvre était apparemment de voir comment elle allait se décomposer avec le temps. L’autre photographie d’architecture du premier billet de cette série montrait la petite maison futuriste Delta à Meguro par l’architecte Akira Yoneda d’Architecton et l’ingénieur de structure Masahiro Ikeda. Je passe de temps en temps devant cette petite maison qui a l’attrait de ne pas être trop connue, par rapport à Reflection of Mineral de l’Atelier Tekuto, dans un esprit futuriste miniature un peu similaire. J’y suis passé alors que la nuit commençait doucement à tomber et les lumières révélaient un peu l’espace intérieur. Il y a également des éléments d’architecture dans ce deuxième billet de cette série en noir et blanc. La première photographie montre une partie de la maison House in Nishiazabu construite en 2006 par l’architecte Ryōji Suzuki, dont j’avais déjà parlé pour une de ses œuvres les plus emblématiques, Azabu Edge, également située à Nishi Azabu. La tête robotisée de la troisième photographie provient du cinquième étage du building Spiral à Aoyama, conçu par Fumihiko Maki et dont je montrais déjà la terrasse située juste en dessous. En parlant de Fumihiko Maki, mahl montre sur son blog une belle série de photographies en noir et blanc du premier bâtiment de Fumihiko Maki au Japon. Il s’agit du Nagoya University Toyoda Memorial Hall. Sur la dernière photographie de ce billet, je montre une nouvelle fois la tour Heian 51 près de Naka-Meguro. Cette tour de béton conçue par Shin Takamatsu est plus sobre que celle d’Akasaka que j’ai été voir récemment. Elle n’en demeure pas moins élégante par sa finesse et ses ouvertures rondes futuristes.

Sur le dernier album Music (音楽) de Tokyo Jihen, Sheena Ringo évoque une personnification du Panthéon bouddhique appelée Mahāmāyūrī, dans la courte partie rappée du premier morceau intitulé 孔雀 (Kujaku). Kujaku désigne en japonais le paon qui est également le symbole utilisé par le groupe. Mahāmāyūrī, également appelée Kujaku Myōō (孔雀明王), est une reine du savoir représentée chevauchant un paon comme le montre les deux représentations ci-dessus. A gauche, il s’agit d’une peinture en couleurs sur soie sur un rouleau datant de la période Heian (794-1185) au 12ème siècle, exposée au musée national de Tokyo à Ueno. A droite, la photo montre une statue de 78 cm en cyprès hinoki créée par le moine bouddhiste Kaikei (快慶) à l’époque Kamakura (1185-1333) en 1200. Cette statue est la propriété du temple Kongōbu-ji (金剛峯寺) situé au Mont Kōya dans la préfecture de Wakayama et elle est exposée au musée Koyasan Reihokan. Mahāmāyūrī est une personnification pacifique vénérée au Japon pendant l’époque de Nara (710-794). Elle a le pouvoir de protéger des intoxications physiques ou spirituelles. Elle permet donc de protéger des poisons, comme par exemple des morsures de serpent. Comme je le mentionnais déjà, le lien entre le dernier album Sandokushi (三毒史) de Sheena Ringo et ce nouvel album de Tokyo Jihen devient tout d’un coup évident. Le terme bouddhiste ‘Sandoku’ utilisé dans le titre de l’album fait référence à trois poisons (l’ignorance, l’avidité et la colère) également représentés par trois animaux (le poulet, le serpent et le cochon) que l’on trouve visuellement montrés dans la vidéo du premier morceau de Sandokushi, Niwatori to Hebi to Buta (鶏と蛇と豚). Mahāmāyūrī, la reine paon, vient elle protéger de ces poisons. Sheena Ringo a mentionné quelques fois en interview et pendant l’émission Hanakin Night Ajito Nau que certains fans avaient déjà deviné le retour de Tokyo Jihen à la sortie de Sandokushi en 2019 du fait de l’utilisation de ce nom d’album à référence bouddhique. Il est vrai qu’en 2019, Tokyo Jihen se réunissait déjà en cachette pour composer des morceaux avant leur re-formation officielle. Pour nous éclaircir un peu plus sur ce lien, la vidéo du morceau Kujaku montre des petites statuettes de porcelaine Herend posées sur un tourne-disques (les mêmes que celles posées sur la table pendant l’émission Ajito Nau) représentant les trois poisons (serpent, poulet et cochon) et le paon. Il s’agit d’un trait d’union intéressant entre sa carrière solo et le redémarrage du groupe.

Parmi toutes les émissions radio et télévision que j’ai pu voir et écouter pour la sortie de leur nouvel album, l’émission spéciale Gatten! sur NHK le Jeudi 10 Juin était une des plus intéressantes, surtout pour les morceaux qui y étaient interprétés. Gatten! est une émission de vulgarisation scientifique abordant divers sujets touchant à la vie quotidienne, à la santé et médecine entre autres. Les sujets sont expliqués de manière amusante et ludique avec des expérimentations auxquelles les membres de Tokyo Jihen se sont fait porter volontaires malgré eux. Parmi les sujets de cette émission, l’animatrice posait la question de quelle était la manière la plus efficace de passer l’aspirateur, ou comment éliminer le gaz d’une bouteille de Coca Cola avant de l’ouvrir si on l’a malencontreusement secoué auparavant. Ce sont des sujets très anecdotiques et l’utilité de la présence du groupe est des plus discutables, mais ils se sont quand même bien prêtés au sujet, à part peut-être Ukigumo qui a toujours l’air de s’ennuyer sur les plateaux de télévision. Le sujet suivant, le plus intéressant, était une explication de comment naît dans notre cerveau le plaisir, Kaikan (快感) en japonais. J’aime beaucoup ce mot car il me rappelle une scène culte du film Sērā-fuku to kikanjū (セーラー服と機関銃) où l’actrice Hiroko Yakushimaru le prononce juste après avoir descendu à la mitraillette les membres d’un clan adverse de yakuza. Pour expliquer le mécanisme du plaisir dans notre cerveau, une image illustrée géante de la tête de Kameda était montrée sur le plateau avec une ouverture sur son cerveau pour laisser apparaître des petites capsules rondes et animés représentant la dopamine et l’endorphine. Cette petite présentation se déroulait sous le sourire parfois surpris des membres du groupe.

Gatten! était plusieurs fois interrompue par des séquences présentées par Izawa Ichiyō et intitulées Musica Piccolyno. Il s’agit de mini-épisodes consacrés à l’éducation musicale, tentant de susciter l’intérêt des enfants pour la musique. Il y avait une autre séquence, un peu plus intéressante à mon avis, intitulée Warau Yōgakuten (笑う洋楽展) et présentée par le mangaka et illustrateur Jun Miura (みうらじゅん) ainsi que par Hajime Anzai (安齋肇), illustrateur mais également musicien et “Soramimiste”. “Soramimiste” fait référence à l’émission de télévision Sora Mimi Awa (空耳アワー) sur la chaîne Asahi. Cette émission présentée par Tamori et son Tamori Club (タモリ倶楽部) recherchait dans des morceaux de musique étrangère des mots qui pourraient être compris comme du japonais. Je me souviens qu’on regardait souvent cette émission. Tous les exemples de ré-interprétation en japonais de paroles en anglais ou autres langues n’étaient pas tous extrêmement réussis, mais nous faisaient souvent rigoler. Une autre séquence de l’émission, Warau Yōgakuten, parle également de musique. Jun Miura et Hajime Anzai y parlent librement en regardant des vidéos musicales qu’ils commentent. Pendant cette émission en particulier, ils évoquaient le morceau Baba O’Riley en version Live des anglais de The Who. L’émission spéciale passait donc son temps à jongler entre ces séquences en montrant au passage une reproduction assez fidèle en marionnettes de Tokyo Jihen habillé des tenues blanches qu’ils portaient au moment de leur re-formation au début de 2020. Il doit y avoir des fans motivés à la NHK pour créer des marionnettes de cette qualité.

Et l’émission nous montrait bien évidemment des interprétations de quelques morceaux de Tokyo Jihen. Il y en avait quatre en tout: Eien no Fuzai Shōmei (永遠の不在証明) extrait du EP News, une inévitable reprise de Marunouchi Sadistic (丸の内サディスティック) de Sheena Ringo, et deux morceaux du dernier album: Ryokushu (緑酒) et Yaminaru Shiro (闇なる白). Le titre de ce dernier morceau m’inspire d’ailleurs le titre des billets de cette série photographique. Sur Marunouchi Sadistic, le groupe était habillé des tenues blanches inspirées de la marine que l’on voyait sur l’affiche de l’album Music, sur le toit de l’immeuble Sky Building à Shinjuku. Les tenues qui m’ont le plus impressionné sont celles de Ryokushu et de Yaminaru Shiro. Sur Ryokushu d’abord, ils étaient tous les cinq habillés en tenues complètes roses. Ça pourrait paraître ridicule pour la plupart des groupes qui s’imagineraient se vêtir ainsi, mais ça passe pour Tokyo Jihen. Certainement parce qu’ils nous ont habitué à toutes sortes d’extravagances vestimentaires sans que ça paraisse déplacé. J’aime assez quand ils partent vers ces folies visuelles et j’y trouve même un certain esprit Visual Kei dans le sens où leur apparence ne répond pas à une mode du moment, reste particulièrement unique et essaie de susciter une réaction auprès du public. L’apparence visuelle du groupe redevient plus ‘normale’ sur le morceau Yaminaru Shiro. La mise en scène est très intéressante. On voit Sheena assise avec une veste en cuir et des lunettes de soleil ronde devant un ordinateur portable Apple où la pomme est remplacée par un paon. Elle porte sur une de ses mains des armor rings, étendus par rapport à ce qu’elle portait à ses débuts. On voit qu’Izawa est très musclé et son entraînement journalier sera même le sujet de la vidéo YouTube Hanakin du Vendredi 18 Juin. Avec ses petites lunettes rondes et sa musculature développée, il me rappelle un peu le personnage de RanXerox de Liberatore. Kameda est lui volontairement très statique debout sur un bloc avec un regard de tueur. Cette mise en scène est la meilleure des quatre morceaux joués dans l’émission. J’essaierais de parler un peu plus tard d’une autre émission très intéressante avec Tokyo Jihen, Kan Jam dont la deuxième et dernière partie passera dimanche soir.

I’m nobody. Who are you? I’m the ocean.

白黒になる東京 (1)

Un léger flou sur les photographies en noir et blanc essaie de traduire l’humidité ambiante de la ville alors que la saison des pluies n’a pas encore officiellement commencé. Je continue à marcher sans but précis dans les rues de Tokyo avec mon objectif 40mm qui a l’avantage d’être très léger et donc facile à transporter. Comme je le mentionnais dans mon avant-dernier billet, je me pose souvent la question de montrer mes photos en noir et blanc plutôt qu’en couleur. Je me décide souvent au final à garder la version en couleur, car j’ai l’impression, lorsque je les passe en noir et blanc, de perdre une partie de l’atmosphère que j’ai vécu des lieux au moment de prendre ses photos. Les photos en noir et blanc rendent le paysage urbain intemporel et même parfois symbolique. Elles s’éloignent ainsi de la réalité vécue. La couleur, surtout celle qui est vive et déborde de l’image, m’est nécessaire mais le noir et blanc s’impose de temps en temps car il me donne l’impression de remettre les compteurs à zéro et de repartir sur une nouvelle base, de faire une pause dans la réalité actuelle pour profiter d’une accalmie. Montrer des images en noir et blanc devient ensuite une sorte d’évidence qui me donne envie de ne plus utiliser la couleur. J’aimerais parfois avoir la volonté nécessaire de ne montrer que des images faites de noirs et de blancs granuleux, car j’aime beaucoup ce côté intemporel. Je n’affiche d’ailleurs jamais la date de publication des billets sur la page principale de Made in Tokyo, et j’essaie d’évoquer le moins possible l’actualité du moment, sauf celle qui est musicale ou architecturale.

L’actualité musicale du moment est bien entendu la sortie du nouvel album de Tokyo Jihen, Music (音楽) le 9 Juin. Comme j’avais commandé la version limitée il y a longtemps sur le site de Tower Records, je l’ai reçu le jour d’avant la sortie officielle, le 8 Juin donc. C’est ce qu’on appelle Furage (フラゲ) en japonais, qui est le diminutif de Flying Get qui veut dire recevoir un CD, un jeu ou un DVD par exemple, une journée avant la sortie officielle. La version limitée consiste en un boîtier solide comprenant le CD de l’album, un livret montrant des photos d’une session d’enregistrement et le EP de Aka no Dōmei. C’est un bel objet et je suis content de voir que l’album est numéro un des ventes chez Tower Records. J’écoute l’album tranquillement en évitant de regarder les réseaux sociaux. J’avais pris la mauvaise habitude d’aller regarder et lire un peu trop souvent les commentaires des forums anglophones dédiées à SR/TJ sur Facebook et Discord, mais ça m’a beaucoup fatigué, notamment un ou deux commentateurs qui se plaignent sans cesse et qui essaient en général de mobiliser toute l’attention au détriment de ceux et celles qui apprécient. Je ne suis pas sûr d’écrire une revue entière de l’album mais plutôt l’évoquer petit à petit, car il faut laisser mûrir plutôt que se précipiter. Je peux juste dire que je trouve l’album excellent, ce qui ne m’a pas trop étonné car les singles déjà sortis étaient déjà excellents, bien meilleurs que les morceaux du EP News, que j’ai tout de même appris à apprécier depuis. Il y a beaucoup de morceaux en duo sur le dernier album. Ukigumo intervient souvent au chant au côté de Sheena, ce qui fonctionne très bien. Ukigumo apporte même beaucoup sur les refrains de certains morceaux, comme un élan inattendu. C’est le cas par exemple sur le neuvième morceau 銀河民 (Gingamin) composé par Ukigumo et Izawa, que le groupe jouera d’ailleurs sur Music Station la semaine prochaine, le Vendredi 18 Juin. Izawa fait de belles choses au piano avec un son plein de réverbération. Certaines partitions de piano font s’envoler les morceaux. Kameda écrit les musiques de deux morceaux de l’album. On reconnaît d’ailleurs tout de suite sa touche musicale sur le dixième morceau, 獣の理 (Kemono no Kotowari), qui a une certaine légèreté pop que l’on retrouve sur d’autres morceaux de Kameda sur les albums précédents de Tokyo Jihen. Il y a un morceau vraiment poignant sur l’album, l’avant dernier 薬漬 (Kusurizuke), qui commence doucement mais fait intervenir la force des guitares à la fin comme un cri de douleur. Dans une émission de radio sur Tokyo FM le 9 Juin, l’animatrice LOVE, de son vrai nom Nakamura Fukiko (également compositrice et interprète) évoquait pour ce morceau une analogie avec les perturbations météorologiques, comme une tempête soudaine suivie d’une accalmie. Elle évoquait également cet album comme pouvant devenir la bande son de notre propre vie (自分の人生のBGM), reconnaissant dans l’agencement des morceaux un cheminement d’étapes de la vie. Sheena nous disait également dans d’autres interviews que la première partie de l’album évoquait plutôt des sujets proche de la jeunesse, par rapport à une deuxième partie plus mature.

Tokyo Jihen multiplie les apparitions média, ce qui est assez inhabituel à ma connaissance, et je pense les avoir toutes vu ou écouté jusqu’à maintenant. Lundi, Sheena Ringo passait seule dans l’émission radio Dear Friends animée par Miu Sakamoto, fille de Ryuichi Sakamoto et Akiko Yano. L’émission passant à 11h du matin, je n’ai pas pu l’écouter en direct mais un peu plus tard dans la journée sur Radiko. On a l’impression qu’elles se connaissent déjà bien, Miu Sakamoto étant également chanteuse, ce qui n’a rien d’étonnant. Dans les anecdotes que ce genre d’émissions peut contenir, on apprend que le premier disque que Sheena achète à l’âge de 14 ans est un album de Marvin Gaye, car son frère Junpei voulait bien lui prêter ses disques de Soul R&B mais il fallait lui rendre aussitôt une fois écoutés. Elle voulait posséder ce disque pour pouvoir l’écouter autant qu’elle le voulait. Dans un tout autre style, Sheena mentionne un peu plus tard avoir apprécié Pearl Jam, à l’époque. L’anecdote amusante est que Miu écoutait Marylin Manson en cachette, imaginant que ses parents n’auraient pas approuvé. Elle nous parle également avoir écouté Buck-Tick. Elle a d’ailleurs interprété un titre sur l’album tribute Parade III ~Respective Tracks of Buck-Tick~, tout comme Sheena (j’en parlais dans un billet précédent). En écoutant, souvent en différé sur Radiko, ces émissions radio de la semaine, une question est récurrente portant sur le titre de l’album. Miu Sakamoto nous dit qu’un titre pareil peut nous faire penser qu’il s’agit du premier ou du dernier album du groupe, mais Sheena nous rassure en confirmant qu’ils étaient plutôt contraints à utiliser un nom de chaîne télévisée, pour rester dans l’esprit des noms des albums précédents. Il se trouve que le titre le plus évident pour un album, Music, n’avait pas encore été utilisé.

Les émissions que j’ai vu ou écouté sont plus ou moins intéressantes et s’adressaient à des publics parfois très différents. L’émission du soir School of Lock de Tokyo FM, diffusée le jour de la sortie de l’album s’adresse plutôt à un public de mois de vingt ans. Quelques auditeurs de l’émission avait l’opportunité de poser des questions à Sheena et Izawa, qui étaient les seuls présents dans les studios de radio. J’étais assez surpris d’entendre des fans du groupe ayant moins de vingt ans montrant autant d’émotion dans la voix au moment de parler à Sheena. Ceci me rappelle qu’Izawa a le même âge que moi, tout comme Hata Toshiki, tandis que Sheena et Ukigumo ont deux ans de moins. Une des jeunes auditrices évoquait que la musique du groupe était comme une compagne pour l’oreille (お耳の恋人), expression tirée des paroles du dernier morceau de l’album. Je trouve cette image très jolie.

惑星のベンチ

En passant devant la porte obstruée par des arbres et des plantes sur la deuxième photographie, l’envie d’y entrer devient irrésistible. Frapper deux fois à la porte ne donne pas de réponse. Cette porte n’est pourtant pas fermée à clé et il suffit de tourner doucement la poignée ronde et de pousser un peu vers l’intérieur pour l’ouvrir. Les plantes qui semblaient gêner l’entrée se révèlent être beaucoup plus accommodantes qu’elles en avaient l’air. On ne peut pas ouvrir la porte complètement mais suffisamment pour entrer à l’intérieur. Un jardin dense nous y attend. Un étroit chemin de terre nous laisse à peine assez de place pour nous faufiler. Il faut avancer doucement de côté pour éviter de se blesser car les branches qui dépassent ressemblent à de minuscules pointes. Un passage semble avoir été creusé dans la densité végétale à priori impénétrable. On avance dans ce tunnel végétal sombre, guidé par des éclats de lumière s’échappant devant nous et donnant une direction à suivre. La lumière se fait petit à petit plus forte. Elle finit par nous éblouir lorsqu’on approche de la sortie du tunnel, comme si on se trouvait face à face avec un immeuble de verre exposé en plein soleil. Le passage s’ouvre sur une clairière de forme ronde parfaite comme si les arbres qui la délimitaient avaient été taillés récemment. L’herbe haute laisse pourtant présager que l’endroit n’a pas été visité depuis très longtemps. Une petite table de métal couverte d’une mosaïque aux couleurs délavées est placée au milieu de l’espace ouvert entre les arbres. Il n’y a personne, pas d’oiseaux, pas de moustiques, pas âme qui vive. À proximité de la table ronde, un banc de deux places est planté dans les herbes hautes. Il me semble d’abord penché en arrière dans une position déséquilibrée, mais il s’agit plutôt du dossier qui est incliné ce qui doit donner une assise quasiment allongée, les yeux vers le ciel. Il n’y a aucun nuage dans le ciel au dessus de moi. Pour être plus précis, il semble que les nuages évitent volontairement de passer au dessus de la clairière. On dirait même que la surface des nuages a été découpée dans une forme ronde reflétant celle de l’espace où je me trouve. On a le sentiment, en regardant en l’air, d’avoir un accès direct aux espaces célestes. Un papier un peu jauni est posé sur la table de jardin, dans une pochette plastique transparente. On peut y lire les inscriptions suivantes tapées à la machine à écrire « 惑星のベンチ・望遠鏡の中の景色: ベンチに座って空を見てください ». Je me répète à voix basse cette inscription mystérieuse pour essayer d’en comprendre la signification. « Banc des planètes / vue à l’intérieur du télescope : Asseyez-vous sur le banc et regardez le ciel ». Le papier porte une signature, pareillement écrite à la machine, en bas de page. Il est écrit « パラレル東京観測委員会 », le Comité d’observation du Tokyo parallèle. Mais je remarque avant tout un petit message écrit à la main au feutre noir sur la pochette plastique, qui donne un conseil à ceux qui le lisent: « don’t loose yourself forever だょ ». Je n’ai aucune intention de me perdre pour toujours, surtout dans une petite clairière dont on a vite fait de faire le tour. Le message du comité d’observation indique qu’il faut s’asseoir sur le banc incliné. S’asseoir quelques instants semble être la seule chose à faire ici. Le banc à la surface irrégulière n’est pas très confortable. Dès qu’on s’y assoit, on bascule rapidement le dos vers l’arrière sans pouvoir se retenir. J’observe d’abord le ciel mais il est vide, toujours entouré de nuages qui semblent plus épais qu’auparavant. Mon regard redescend doucement vers l’intérieur de la clairière, partant de la cime des arbres pour revenir sur la table de jardin posée en son milieu. Il n’y a pas de télescope, ni de planètes. Seulement ce banc au dossier incliné sur lequel je suis assis. Un monde parallèle va peut être apparaître soudainement devant mes yeux et comme l’indique le message écrit à la main, il faudra éviter de s’y perdre. Le ciel s’assombrit petit à petit. Je n’ai plus de notions claires du temps qui passe et il ne me vient pas à l’idée de regarder mon téléphone portable, perdu dans le fond de mon sac. Il est certainement l’heure de rentrer mais je ne peux m’empêcher de vouloir passer quelques minutes supplémentaires assis sur ce banc. On n’entend pas les bruits de la ville pourtant proche, ni ne voit les lumières des immeubles. Il se dégage de ce lieu une sérénité dont je n’avais jamais fait l’expérience jusqu’à maintenant. Il fera très bientôt nuit noire. Il me vient en tête une évidence. Je suis à l’intérieur du télescope. En levant les yeux au ciel une nouvelle fois, des formes vaporeuses prennent consistance. Une première forme ronde grise s’approche de moi, mais je l’évite du regard quand elle devient dangereusement trop proche. Mon regard fixe ensuite une couleur orangée dont la forme se fait de plus en plus précise au fur et à mesure que je m’en approche. J’ai le sentiment de m’éloigner et il faut tout de même que je pense au retour. Je peux quand même m’approcher un peu plus de cette planète rouge, la frôler gentiment de la main. Un objet beaucoup plus imposant attire ensuite mon regard. Je voudrais me plonger dans son œil mais un autre astre céleste me pousse à continuer encore un peu plus loin dans la noirceur de l’espace. Juste un peu plus loin. Des formes d’anneaux tournent à l’infini sur eux même. On a envie de faire partie de cette boucle inarrêtable. L’attraction est tellement forte qu’on pourrait s’y perdre à l’infini. On pourrait s’y perdre pour toujours, comme indiquait le message écrit à la main sur la pochette plastique de la table de jardin. C’est un avertissement. Reprenons conscience, redescendons sur terre. Est ce que j’ai perdu conscience? Je ne crois pas, la réalité de ce voyage est très claire dans ma mémoire. On distingue à peine la table de jardin dans la nuit ténébreuse qui a envahi la clairière. Il faut maintenant sortir. Le tunnel dans les arbres est toujours là donnant sur la porte de sortie. Je tourne délicatement la poignée pour sortir de cet espace parallèle de Tokyo. La densité de Tokyo cache de nombreux endroits étranges ouvrant leurs portes sur un univers parallèle. Il suffit juste d’y croire un peu.

Le nouvel EP intitulé Setsuzoku (接続) du super-groupe Ajico est vraiment excellent. Je ne m’attendais pas à ce qu’ils décident finalement à se réunir. Leur premier et unique album Fukamidori (深緑) était sorti en Février 2001, il y a donc plus de 20 ans. Le EP ne comprenant que 4 morceaux, il est forcément beaucoup trop court vu la qualité de la musique qu’on y écoute. La voix de UA est exceptionnelle, à l’accentuation et la particularité très marquées. C’est ce qui fait tout l’intérêt de son chant. L’ensemble est plus pop que ce qu’on connaissait sur leur premier album. Le deuxième morceau intitulé Wakusei no Bench (惑星のベンチ) démarre sur des accords de guitare de Kenichi Asai qui rappellent dans leurs sons mélancoliques des morceaux du premier album. On peut regretter un peu que Kenichi Asai ne chante pas un peu plus car on n’entend sa voix que sur les deux morceaux les plus importants de l’album, le premier Chiheisen MA (地平線 MA) et le quatrième L.L.M.S.D. Ce sont les morceaux les plus rythmés du EP et très certainement les meilleurs (quoique j’aime beaucoup Wakusei no Bench car il m’incite à écrire des choses). Les deux morceaux sont d’ailleurs dans le classement des meilleures ventes de l’émission Hot 100 de la radio J-Wave. L.L.M.S.D. étant le morceau le mieux classé des deux alors que seul le premier morceau Chiheisen MA a une vidéo pour l’instant. UA était l’invitée de Chris Peppler dans cette émission et l’entendre parler de l’album et de sa collaboration avec Kenichi « Benji » Asai m’avait donné une grande envie d’écouter ce EP le soir même. Petit détail qui m’a amusé, UA nous dit que Benji est plus bavard qu’avant. Sur ce nouvel EP, comme sur Fukamodori d’ailleurs, j’aime beaucoup quand les voix de UA et de Asai se mélangent, ou se répondent sur le ton de la comédie sur la toute fin du quatrième morceau. La voix de UA est pleine de puissance et d’aisance, comme celle d’un rocker qui viendrait jouer sur le terrain de Benji. J’aime aussi quand elle change complètement de voix et se permet parfois des petits sons de voix inattendus comme des miaulements. Les deux autres membres du groupe Ajico, déjà présents sur le premier album, sont Kyōichi Shiino à la batterie et Tokie à la basse. Je ne connaissais pas la guitariste Tokie, mais je l’ai découverte il y a plusieurs semaines à travers un retweet de Toshiki Hata, qui partageait une petite vidéo d’une installation artistique dans un temple de la préfecture de Shimane (Hata est originaire de Shimane). La scène représente un dragon en mouvement accompagné par un danseur et par les sons de guitare de TOKIE. Cette performance se déroulait à l’intérieur du temple Umikurasan Ryuun-Ji. Et en parlant au passage de Tokyo Jihen, le nouvel album sortant la semaine prochaine, ils nous feront le plaisir de passer tous les cinq dans une émission spéciale sur YouTube ce Vendredi 4 Juin à 21h. En attendant, je me remets à écouter Blankey Jet City à la suite de l’album de AJICO, les deux énormes compilations 1997-2000 puis 1991-1995.