閏年エンディング ~其ノ四~

Je reste à Jingumae pour quelques autres photographies qui ne sont pourtant pas toutes prises la même journée. On commence par Ura-Harajuku, une des petites rues à l’arrière de Harajuku, où s’aligne une série d’affiches pour Beams à l’arrière d’un building. Cette couleur rouge avec des personnes en chutes libre s’accorde bien avec le mouvement du cycliste qui passait à ce moment là. J’aime beaucoup cette photographie car je suis toujours attiré par les couleurs rouges dans le décor urbain, qui sont en général assez rares. Je continue ensuite vers la petite rue Cat Street, attiré par un nouveau petit bâtiment monolithique de béton. ll s’agit d’une annexe à la galerie The Mass située juste à côté et qui s’appelle StandBy. Le bâtiment est ouvert sur la rue, sans fenêtres. On y montrait deux installations étranges contenant chacune un bonsai en croissance controlée, chaque réceptacle conservant une température et une humidité adéquates. Il s’agit d’une installation visible jusqu’à fin Janvier 2021 intitulée “Paludarium Tachiko & Yasutoshi” par le collectif artistique AMKK créé par l’artiste floral Makoto Azuma. A noter que les blocs hermétiques de conservation des deux bonsai nommés Yasutoshi et Tachiko possèdent également un petit module stéréo pour y diffuser de la musique. J’aime beaucoup cette idée d’intégrer la musique comme un élément indispensable de la conservation de ces plantes. Comme l’artiste nous l’explique sur son site web, ce concept de conservation n’est pas nouveau, mais sa mise en place dans un bunker de béton ouvert sur l’extérieur a quelque chose de futuriste. Quant à ce petit bâtiment en béton sur l’avant dernière photo, il est bien mystérieux avec sa forme de flèche semblant nous indiquer une direction.

Je suis abonné à NetFlix depuis quelques années, mais je ne l’utilise très certainement pas autant que je devrais. Je suis souvent face à une multitude de choses à voir que je mets dans mes favoris mais je peine toujours à trouver le temps de regarder ce que j’ai sélectionné. Je me laisse quand même attiré par la série japonaise en 8 épisodes Alice in Borderland (今際の国のアリス) tirée du manga du même nom par Haro Aso, que je ne connaissais pas. La série exclusive à NetFlix est réalisée par Shinsuke Sato, dont j’avais déjà vu le film de science fiction Gantz avec Kazunari Ninomiya, Kenichi Matsuyama et Natsuna entre autres. En fait, dès le premier épisode de Alice in Borderland, j’avais tout de suite noté quelques ressemblances avec l’univers de Gantz. On se trouve dans une sorte de monde parallèle où les protagonistes doivent accomplir des missions pour survivre. Certains épisodes me rappellent aussi par moment Battle Royale. La série est assez violente, mais visuellement très belle. La totalité des scènes de la série est prise dans un Tokyo vidé de sa population, par des effets spéciaux. Je connaissais déjà Tokyo vide dans les livres photographiques de Masataka Nakano, mais ces scènes notamment dans des quartiers de Shibuya que je connais bien ont de quoi surprendre. Je m’arrêterais là sur mon émerveillement à voir en images un Tokyo vide. Les acteurs principaux, Kenta Yamazaki dans le rôle de Ryōhei Arisu et Tao Tsuchiya dans le rôle de Yuzuha Usagi, sont plutôt convaincants et l’histoire est très accrocheuse, même si elle n’est pas forcément très originale. Chaque mission est dirigée par un groupe mystérieux dont on ne sait que peu de choses et qui identifie chacune des missions par les signes d’un jeu de cartes. Le titre de la série ainsi que ces symboles de cartes à jouer nous font bien entendu penser au monde d’Alice au pays des Merveilles, d’autant plus que les personnages principaux s’appellent Arisu (pour Alice) et Usagi (évoquant le lapin d’Alice). Je me demande s’il y aura des liens qui vont s’établir entre l’intrigue de cette série et le monde d’Alice in Wonderland.

閏年エンディング ~其ノ壱~

J’ai encore beaucoup de photographies à montrer avant la fin de l’année, même si elles ne sont pas toutes très intéressantes. Celles de ce billet sont plutôt dans la catégorie des photographies moyennement intéressantes, bien qu’elles aient tout de même un intérêt architectural pour la plupart d’entre elles. Je suis en fait déjà passé plusieurs fois à ces endroits et j’ai déjà montré ces bâtiments en photo auparavant, à part peut être la dernière maison appelée Sin Den, conçue par les architectes Klein Dytham. Ce dernier petit bâtiment était en fait la raison de mon déplacement car je le connaissais depuis très longtemps sans l’avoir vu et pris en photo. De mes souvenirs de photos vues sur Internet ou dans un magazine, la couleur noire des murs était beaucoup plus prononcée que dans son état actuel, ce qui fait un peu perdre au bâtiment un certain impact visuel. Alors que je regardais mon chemin sur la carte de mon smartphone, un homme qui devait avoir à peu près le même âge que moi, me demande, en anglais, si je cherche mon chemin. C’est assez rare à Tokyo qu’une personne prenne volontairement un peu de son temps pour essayer d’aider quelqu’un de perdu. Sauf que je n’étais pas perdu et je soupçonne que la personne voulait pratiquer son anglais. Il m’avait l’air ceci-dit tout à fait sympathique, mais j’étais un peu embêté pour lui fournir une explication claire sur ce que je recherchais. La scène se passant devant le bâtiment Sin Den, j’étais déjà arrivé à mon but. J’aurais dû lui dire que je recherchais de l’architecture remarquable, mais ce que j’avais devant moi n’était pas aussi remarquable que je le pensais.

Mes promenades architecturales m’amènent régulièrement dans des zones résidentielles où très peu de personnes circulent. J’ai toujours une petite appréhension lorsque je marche dans ce genre de quartiers purement résidentiels en dehors du centre de Tokyo, car je me dis que les résidents qui me voient peuvent se demander ce que je viens faire ici avec un appareil photo en bandoulière, d’autant plus que je regarde dans tous les sens, notamment les maisons individuelles pour y déceler leurs particularités (si elles en ont). Je ne suis pas certain qu’il y ait beaucoup de personnes marchant dans ces quartiers pour prendre des murs de béton en photo. C’est peut-être aussi pour éviter un éventuel questionnement sur ma démarche que je mets des écouteurs et de la musique lorsque je marche dans ces rues.

Et parce qu’il faut bien faire une petit pause de temps, je n’écoute pas Sheena Ringo ou Tokyo Jihen mais je reviens vers Burial, qui nous fait le plaisir immense de sortir un nouveau morceau de 12 minutes intitulé Chemz. Le morceau n’est pas ambient comme certains des précédents, mais il est tout autant polymorphe. On ne s’éloigne pas de l’ambiance typique de burial, avec atmosphère brumeuse et sample de voix qui se répète. Les sons de Burial me donne l’impression de rentrer dans un club underground londonien au troisième sous-sol (c’est mon imagination pure car je ne connais pas les clubs londoniens, d’autant plus ceux au troisième sous-sol) et ils fonctionnent toujours excellemment bien. Je pense que c’est un des morceaux que je préfère depuis le EP Rival Dealer de 2013, qui reste quand même son meilleur EP après l’album Untrue. La longueur bienvenue du morceau nous aide à accepter le fait qu’il ne sorte qu’un ou deux nouveaux titres par an. En fait, il y a bien un autre morceau annoncé avec Chemz, Dolphinz disponible en pré-commande, mais il ne sortira que le 28 Février 2021. Et comme une bonne surprise ne vient jamais seule, j’en ai aussi profité pour écouter les deux très beaux titres Her Revolution et His Rope nés de l’association de Burial, Four Tet et Thom Yorke. L’ambiance y est plus calme et méditative, avec des samples tournant doucement en boucle et la voix de Thom Yorke que je n’avais pas entendu depuis son album solo Anima. En ces temps relativement anxiogènes, il y a pour moi quelques chose de rassurant dans la voix de Thom Yorke, peut être parce que je l’écoute depuis plus de vingt cinq ans, avec l’album The Bends et surtout le morceau Creep de l’album d’avant que j’avais découvert dans le film Cyclo de Tran Anh Hung sorti également en 1995. Je n’ai pourtant pas suivi assidûment Radiohead car j’ai eu une période de décrochage après Hail to the Thief. Un peu comme pour Sheena Ringo et Tokyo Jihen, j’y suis revenu un peu plus tard pour rattraper les quelques albums que j’avais manqué et qui m’avaient paru à ce moment là comme étant des évidences. J’avais d’ailleurs parlé de Radiohead et SR dans un billet groupé, bien qu’ils n’aient pourtant pas grand chose en commun à part le fait que Sheena a repris Creep sur ses tous premiers concerts et qu’elle a une certaine admiration pour Radiohead.

dèss

Il y a quelques semaines de cela, la rubrique culture du Japan Times publiait un article avec une liste des dix meilleurs albums japonais. Cet article venait répondre à une liste des 500 meilleurs albums de tous les temps publiée par le magazine Rolling Stone, qui manquait apparemment d’albums en langue non-anglophone (j’y ai quand même vu Manu Chao). L’auteur de l’article entendait donc pallier à ce manque en proposant une liste assez discutable de dix albums qui auraient dû se trouver dans la liste du Rolling Stone. Je dis ‘discutable’ car tout un chacun peut créer une liste des meilleurs albums de tous les temps, mais ça sera toujours à travers le prisme de ses propres connaissances et de ses goûts personnels, ne pouvant à priori pas être exhaustifs à moins d’avoir une culture musicale d’exception. A mon avis, ce genre de listes doit plutôt être écrite à plusieurs mains par des personnes de sensibilités musicales différentes pour présenter un intérêt tangible. Dans cette liste, on peut comprendre l’inclusion de Solid State Survivor du Yellow Magic Orchestra (YMO) pour leur rôle de pionnier sur la scène électronique japonaise ou la présence de X JAPAN, comme groupe légendaire du rock japonais, car ces groupes ont une importance certaine dans le paysage musical japonais, mais un certain nombre de choix sont plutôt mystérieux pour moi, dans le sens où la raison de leur sélection n’est pas très clairement exprimée. Plusieurs choix d’albums sont par exemple liés à l’apparition de certains morceaux dans des films d’animation japonais, et je me demande donc s’il s’agit de l’attrait envers l’anime qui a suscité ce choix plutôt que l’intérêt intrinsèque de la musique du groupe. Et si l’on mentionne de la musique japonaise associée à un film d’animation, c’est à mon avis difficile de ne pas évoquer Geinō Yamashirogumi pour Symphonic Suite Akira. L’auteur ayant passé du temps à Kobe, un groupe rock de Kobe est donc cité dans la liste. Ces quelques points me font donc plutôt penser à une liste personnelle qu’on trouverait sur un blog, ce qui en soit est tout à fait respectable. J’ai par contre un peu de mal à comprendre son inclusion dans un article du Japan Times, qui laisse penser que le journal valide à travers cet article ce qui est le meilleur de la musique japonaise. Un des critères de cette sélection se base sur le fait que ces artistes ou groupes, comme Ayumi Hamasaki ou Perfume, soient connus à l’étranger, mais j’ai du mal à concevoir ce critère comme un label de qualité, plutôt comme une preuve que cette musique est d’accessibilité immédiate. Il n’empêche que j’aime certains groupes mentionnés comme Asian Kung-Fu Generation, notamment cet album Sol-Fa de 2004, Boom Boom Satellites bien que je ne possède qu’un seul album qui n’est pas celui mentionné. Quand à X JAPAN, je n’apprécie vraiment que leur album Art of Life composé d’un seul morceau d’environ 30 minutes, mais que je trouve exceptionnel. C’est également l’oeuvre obsessionnelle de Yoshiki.

Je suis en train de me ‘plaindre’ pour une liste, mais d’une manière générale, j’aime beaucoup les consulter, d’un œil critique, car elles me permettent de construire ma propre culture musicale japonaise. L’article du Japan Times a eu le mérite de me donner envie de consulter d’autres listes similaires, notamment une liste des trente meilleurs albums japonais sur le site Beehype. Je trouve ici un peu plus d’accroche, que dans la liste précédente. J’y retrouve un certain nombre d’albums que j’apprécie: School Girl Distortional Addict de Number Girl, Meshi Kuuna! de INU, Shoso Strip de Sheena Ringo, Deep River de Utada Hikaru, Kūdō desu (Hollow Me) de Yura Yura Teikoku. On n’évitera pas Kazemachi Roman de Happy End en première place et je me demande à chaque fois si c’est simplement dû au fait que le morceau le plus connu de cet album Kaze wo Atsumete soit présent dans le film Lost in translation (c’est d’ailleurs le seul morceau japonais de la bande originale du film), qui fait que cet album apparaisse souvent dans le haut des tops anglophones. De ce top 30, je me dis qu’il faut que j’essaie d’écouter la musique noise de Hijōkaidan, mais je vais plutôt me diriger vers Fushitusha (不失者) qui est aussi souvent cité dans les top similaires au rayon noise. Le groupe Fishmans est aussi souvent cité soit pour Kuuchuu Camp (空中キャンプ) ou pour le long morceau en cinq parties Long Season. J’écoute les deux et j’aime cette ambiance, mais c’est le concept du morceau unique de 35 minutes sur Long Season qui me plait le plus. On y trouve même une intervention de UA sur la dernière partie du morceau (ce qui me fait penser qu’il faut que je réécoute Ajico un de ces jours).

Mais la surprise pour moi dans cette liste là est l’album Dreams du Otomo Yoshihide’s New Jazz Ensemble. Je n’avais aucune idée que Jun Togawa intervenait, avec Phew, sur cet album et je ne connaissais pas particulièrement le musicien influencé par le mouvement du Free Jazz, Yoshihide Otomo. A la première écoute, je n’ai pas beaucoup aimé. Jun Togawa, à cette époque, a déjà perdu une partie de sa voix exceptionnelle, et la manière rugueuse de chanter de Phew m’a d’abord rebuté. Sur Dreams, Phew réinterprète le morceau Teinen Pushiganga de Jun Togawa sur son premier album Tamahime Sama (chef d’oeuvre qu’on devrait voir plus souvent dans une de ces listes), mais elle n’a pas la voix de Togawa. Je trouve donc la version de cet album Dreams bien en deçà de ce que je connaissais en version originale. Mais j’écoute quand même tout l’album jusqu’au dernier morceau intitulé Hahen Fukei, et je reçois comme une claque finale. C’est un morceau extrêmement étrange et difficile où Jun Togawa et Phew scandent des morceaux de phrases sur une bande musicale complètement folle menée par un saxophone. C’est un espèce de tourbillon musical qui ressemble à un accident de voiture. Je pense aussi à Lost Highway de David Lynch, en écoutant ce morceau. Quand le morceau se termine et que le silence reprend soudainement le dessus, je me demande ce qui vient de se passer. Ce dernier morceau me donne une nouvelle perspective à l’ensemble et je décide de le réécouter en entier une nouvelle fois. L’interprétation de Jun Togawa sur le premier morceau Preach se révèle pleine de fragilité. Le deuxième morceau Yume démarrant sur le son du saxophone s’avère être un des plus beaux morceaux de l’album. Le contraste entre les voix et la partition musicale prend du sens. On reste dans un style avant-garde qui ne conviendra certainement pas à toutes les oreilles, l’album n’ayant rien d’immédiat. Toujours est-il que je suis soudainement saisi par la beauté de certains morceaux, notamment quand le saxophone commence un solo sur le morceau Toi Hibiki ou quand le long morceau Eureka fait soudainement une pause pour nous laisser écouter le son de l’océan.

En décembre 2019, Tokyo Weekender donnait aussi un top 10 couvrant la décennie 2010, plus récent donc. On y trouve par exemple Seiko Omori, dont j’avais beaucoup aimé son album Tokyo Black Hole, mais que je n’ai pas approfondi car j’ai développé ensuite une sorte de répulsion pour ce style. Je n’aime pas beaucoup sa voix et on y trouve une sorte d’hystérie qui me fatigue un peu. Le groupe rock Tricot peut sembler intéressant mais le math rock a une technicité qui enlève pour moi une partie de l’émotion musicale. L’album Fetch de Melt-Banana revient aussi souvent dans ce genre de liste, mais la voix très haut perchée de la chanteuse Yasuko Onuki dépasse mon niveau de tolérance (qui est pourtant relativement élevé). Il y a Ichiko Aoba qu’il faudrait que j’écoute plus attentivement un de ces jours. La liste des vingt meilleurs albums de tous les temps dressée par le site anglais Overblown contient aussi un certain nombre d’albums que j’apprécie, et reste relativement classique dans le sens où Kazemachi Roman de Happy End se trouve encore en première place. Il y a bien aussi Long Season de Fishmans, Solid State Survivors du YMO. Il y a un album de Boris, mais pas Pink bizarrement, Highvision de Supercar, KSK de Sheena Ringo, un peu de City Pop avec Sunshower de Taeko Ohnuki. Je n’ai pas beaucoup d’attirance pour le style City Pop, qui connaît une sorte de revival en ce moment, à part quelques morceaux spécifiques de temps en temps, et encore moins pour le style Shibuya-Kei. J’ai tenté l’écoute de Fantasma de Cornelius, que je vois assez souvent systématiquement cité comme un album exceptionnel, mais après plusieurs écoutes cette musique ne me procure absolument aucune émotion. Je n’aime en général pas trop parler de la musique que je n’apprécie pas donc cet article sera une sorte d’exception.

Et pour le titre du billet, je me permets d’utiliser un texte mystérieux car j’écoute SIGN d’Autechre en boucle en ce moment.

幽霊たちがやって来たらどうしょう

Je n’avais pas construit de compositions photographiques depuis un petit moment mais je me suis laissé inspirer sur ce billet par la musique qui va suivre. J’écoute cette musique en concevant ces images et je construis ces images en écoutant cette musique. Une relation invisible se crée. Si cette relation ne se manifeste pas directement dans ces images, je la vois et la mémorise dans l’acte de création de telle sorte que ces images deviennent indissociables de cette musique. Ces compositions sont principalement des superpositions d’images venant donner une nouvelle dimension fantastique à des décors urbains maintes fois fréquentés. Nous sommes ici dans les rues de Shibuya, Aoyama et Ebisu, mais la plupart des compositions se basent sur des photographies prises à l’arrière des buildings, là où on ne va pas toujours et où se produisent pourtant des choses fantastiques, à l’abri des regards des passants. Quand je publie des billets comme celui-ci, l’utilisation du noir et blanc me paraît tellement être une évidence qu’il me vient toujours l’envie de ne publier mes prochains billets que dans ce format. Je me ravise toujours plus tard car Made in Tokyo ne devrait pas se renfermer dans la rigidité des formes.

Toujours dans la liste des meilleurs albums japonais de la décennie passée, que je mentionnais dans un billet précédent, je découvre maintenant une autre pépite musicale, l’album Yūrei Tachi (幽霊たち) de Moe and Ghosts. C’est un album de hip hop expérimental vraiment excellent. Je n’ai pas l’habitude d’écouter beaucoup de hip hop, mais l’ambiance de cet album est exceptionnelle. La voix de Moe est par moment tellement rapide qu’on a du mal à distinguer ses mots. Elle change aussi souvent de tons de voix. L’ambiance sonore plutôt sombre introduisant parfois des sons mécaniques post-industriels apporte beaucoup à la qualité de l’album, mais c’est cette voix, et sa dynamique, qui impressionne tout de suite dès la première écoute. L’album est disponible sur iTunes mais je l’ai écouté en entier sur YouTube avant de l’acheter. Ça vaut le coup de jeter une oreille à cette musique car elle est vraiment différente. L’album a une grande unité de style et s’écoute donc d’un bloc. Il fait un peu plus d’une heure pour 21 morceaux, mais certains sont des interludes très courts mais toujours avec de belles ambiances comme le dixième Yuki Ga Furu Maeni (雪が降るまえに – avant que la neige tombe). Chaque morceau a sa petite particularité et son point d’accroche mais fait partie d’un tout. Certains morceaux sortent tout de même du lot comme Ginga, qui commence par une voix nue avant que la dynamique tranchante du morceau se mette en place, ou la reprise de Scarborough Fair de Simon and Garfunkel. Cette version est très particulière, fantomatique comme le reste de l’album. Je n’aime en général pas beaucoup les reprises, mais là, le morceau prend une toute nouvelle forme, très bizarre et inspirée. Le titre de l’album et de certains morceaux nous parlent de fantômes (yūrei) et l’imagerie qui accompagne le groupe, dont on ne sait que peu de choses, est également pleine de mystères. Il s’agit d’un album conceptuel immersif. En écoutant cette musique en marchant dans les rues de Tokyo en noir et blanc, j’ai l’impression de voir apparaître des formes fantomatiques derrière les buildings. L’album n’est pas récent car il date du mois d’août 2012, ce qui me fait d’ailleurs penser qu’il y a encore beaucoup de pierres précieuses dans la musique indépendante japonaise dont je suis loin de soupçonner l’existence. Il ne faut jamais abandonner ses recherches dans les méandres musicales loin d’un mainstream.

black is beautiful さ

Je reviens assez régulièrement vers ce type de composition photographique où la beauté du noir prend le dessus sur les motifs de l’image. Pour créer ces images, je superpose plusieurs photographies de ciels nuageux jusqu’à noircir et cacher complètement la photographie d’origine. Je gomme ensuite les couches de nuages les unes après les autres, par petites touches sélectives, pour révéler certains éléments de l’image originale. Je fais en général des essais sur plusieurs photographies, pour ne retenir finalement que quelques unes que je publierais dans un billet du blog. J’aime quand des couleurs vives se dégagent du magma obscur, comme un rayon de soleil se frayant difficilement un chemin entre d’épais nuages. Je perçois dans ce type de constructions (ou plutôt de dé-construction) de l’image une notion de ‘combat’, comme dans la musique rock entre la voix humaine et la puissance écrasante de la partition musicale. L’album Double Negative du groupe Low est un très bon exemple de cette dualité que j’essaie souvent de représenter en photographies. C’est un de ces albums vers lequel je reviens régulièrement pour me rappeler la direction que doit prendre ce site.

Image extraite de la vidéo sur YouTube du morceau OTNK du groupe BiSH sur l’album FAKE METAL JACKET sorti en Janvier 2016.

Je continue doucement mais sûrement à écouter la discographie du groupe BiSH de l’agence d’idoles alternatives WACK, avec un album plus ancien intitulé FAKE METAL JACKET, sorti en Janvier 2016. Le titre est bien entendu inspiré du nom du film de Stanley Kubrick et on trouve d’ailleurs un personnage qui ressemble au sergent sadique de Full Metal Jacket dans le clip d’un des morceaux appelé MONSTERS. L’ensemble de l’album s’apparente plus au registre pop rock que leur dernier album CARROTS and STiCKS qui partait parfois dans des extrêmes punk sur quelques morceaux. Il y a beaucoup plus de consistance sur FAKE METAL JACKET, malgré les déchaînements de guitares par moments, comme sur le morceau MONSTERS, pour le citer encore. Les morceaux sont tous très accrocheurs et ne laissent pas une seconde d’ennui. Certains des morceaux de cet album sont des nouvelles versions, très similaires d’ailleurs, de leur premier opus, Brand-New Idol Shit. Rappelons, qu’avec toute la délicatesse du producteur Junnosuke Watanabe, BiSH ビッシュ tire son nom de Brand-new idol SHit (en japonais Shinsei Kuso Idol, 新生クソアイドル). Il s’agit en fait, initialement du moins, d’une réflexion sur les travers de cette industrie, sur l’attitude ‘Marche ou crève’ que doivent subir les membres de ce genre de groupes pour espérer y subsister. Je ne suis pas sûr que la réflexion de Watanabe soit très poussée ceci dit, mais la vidéo du deuxième morceau de l’album BiSH -Hoshi ga Matataku Yoru ni (BiSH -星が瞬く夜に) reflète cette idée. Ce morceau ressemble d’ailleurs à un hymne, tout comme un autre morceau Beautiful さ, qui est un des morceaux emblématiques du groupe (et qui m’inspire le titre de ce billet). Le sixième morceau OTNK, dont la vidéo assez fantaisiste voit le groupe attaqué par un crabe géant, est le premier single du groupe sorti en 2015 et fait partie des morceaux remarquables de l’album. Le rythme se tasse un peu vers la fin de l’album mais se rattrape avec l’avant dernier morceau intitulé Dear…, qui a une composition différente du reste de l’album avec des moments parlés. On ne trouvera malheureusement pas sur cet album des grands morceaux symphoniques comme My Landscape, DiSTANCE ou Stereo Future, style qui apparaîtra sur les albums et EPs qui suivent.