もうその話聞いた

Depuis quelques billets, J’ai de nouveau une attirance pour le noir et blanc, bien qu’il soit numérique, en attendant de terminer un jour ou l’autre cette pellicule argentique monochrome que j’ai commencé il y a plusieurs mois déjà. Les photographies de ce billet ont été prises dans divers lieux de Tokyo et sur plusieurs mois. Une fois n’est pas coutume, je me montre en réfection multiple sur une installation faite de miroirs devant la batterie d’immeubles de Shinagawa Intercity. Sur la première photographie de ce billet, on retrouve le building NOA de Seiichi Shirai pour lequel le noir et blanc vient accentuer le sentiment de mystère qui entoure ce lieu. Il ne s’agit que d’un immeuble de bureaux, mais on a l’impression depuis l’extérieur qu’il cache autre chose. On retrouve cette sensation de mystère sur un autre large bâtiment tout proche, un temple sombre qui mélange une architecture plutôt traditionnelle avec l’immensité et les lignes générales d’un vaisseau spatial. Il faudra que je m’en approche un peu plus pour en faire le tour. Le temple devrait être ouvert aux visiteurs mais je ne suis pas certain de vouloir m’y aventurer. J’essaierais peut être bientôt. Nous sommes ici à quelques pas seulement de la tour de Tokyo, qui subissait quelques rénovations au moment où nous y sommes passés. Le titre du billet laisse entendre que les mots qu’on peut lire sur ce blog se répètent infiniment. J’écris toujours des billets similaires, qui se ressemblent et se répètent pour créer comme une sorte d’auto-hypnose. Pour se réveiller de ce flot perpétuel, il faudrait une onde de choc. L’idée me vient de revenir vers le punk kyotoïte de Otoboke Beaver. Le titre de ce billet est en fait un des titres de l’album que j’écoute en ce moment.

Leur nouvel album Itekoma Hits est déjà sorti depuis plusieurs semaines mais je n’y avais pas prêté trop attention jusqu’à maintenant car je connaissais déjà une bonne partie des morceaux, déjà sortis sur des EPs ou en morceaux individuels sur iTunes. En écoutant l’album en entier sur Bandcamp, je me rends compte qu’il y a tout de même, sur les 14 morceaux, un certain nombre de très bons morceaux que je ne connaissais pas. En fait, j’avais aussi un peu peur de fatiguer à la longue dans l’écoute successive de 14 morceaux de punk. Mais il n’en est rien, car l’album avec un total de 27 minutes est très condensé, ce qui est de toute façon est des caractéristiques typiques du style. Otoboke Beaver ne manque pas d’énergie et c’est assez impressionnant. Comme je le disais dans des billets précédents au sujet de EPs du groupe, cette énergie brute souvent ponctuée de cris et de pics verbaux aigus n’est pas du tout pesante à l’écoute, et même assez communicative par moment. Il faut bien sûr être réceptif à ce style de musique pour apprécier ces morceaux, car il n’y a pas une seule seconde de répit jusqu’au morceau final Mean de 18 secondes venant conclure l’album comme une coup de poing. En ce qui me concerne, cette musique fonctionne assez bien pour me libérer du stress de la fin de journée. C’est intéressant de constater que bien que tous les morceaux soient chantés en japonais, les titres des morceaux de l’album sont presque tous traduits en anglais (à part ce morceau avec les quelques mots en français S’il vous plaît). Ce n’était pas le cas quand les morceaux étaient sortis initialement en EPs où les titres étaient en japonais. Il faut dire que depuis quelques années, le groupe commence à être reconnu à l’international notamment grâce aux participations au festival SXSW à Austin au Texas et l’année dernière à Coachella en Californie. L’agence du groupe est d’ailleurs anglaise, Damnably Records, et couvre également le groupe rock coréen un peu plus calme, Say Sue Me, dont je parlais également auparavant.

a sea inside buildings

On devine parfois des océans derrière les vitrages des buildings. Les océans dans les photographies ci-dessus sont bien entendu sortis de mon imagination. Ces buildings et maison individuelle me donnent l’impression de renfermer un contenu liquide, comme si l’espace habitable n’était en fait qu’un aquarium à l’intérieur duquel on n’entend que des bruits sourds et lointains. On y entend peut être de la musique électronique, comme celle de Shinichi Atobe, par exemple le EP Ship-Scope que j’écoute justement en ce moment précis. Le dub-techno minimaliste de Shinichi Atobe intrigue et hante l’esprit par son ambiance sombre et répétitive ponctuée de subtils parasitages sonores. Cette musique est belle comme de l’architecture de béton, froide mais en même temps pleine d’aspérités qu’on a envie d’effleurer de la main. En touchant doucement ce béton, on ressent une chaleur diffuse que l’on décèle également dans les sons électroniques mécaniques qui s’assimilent petit à petit à des mouvements organiques. Je me dis que tout bon morceau électronique devrait être systématiquement accompagné d’un morceau d’architecture.

the streets #3

Nous sommes entrés dans l’ère Reiwa depuis ce matin mais je continue à montrer des photographies prises pendant l’ère précédente Heisei. Vous me pardonnerez ce mélange d’époques, car il me reste encore beaucoup de photographies de l’époque Heisei à montrer sur ce site et les photographies que j’ai pris aujourd’hui pendant les longs congés de la Golden Week sont loin d’être développées. Quand je parle de développement, il s’agit bien entendu de développement numérique. Je retouche assez peu mes photographies mais passe par une phase d’ajustement systématique de la balance des couleurs et de la saturation, du contraste, du renforcement des noirs tout essayant de récupérer certains détails effacés par une éventuelle sur-exposition. Je fais cette phase d’ajustement, que j’appelle développement numérique, d’une manière presque mécanique photo après photo. Les ajustements pour chaque photographie sont bien entendu différents mais l’habitude que j’ai gagné avec les années me permet de développer mes photographies assez rapidement. Un de mes soucis est de ne pas exagérer le trait, ne pas trop forcer sur les ajustements pour garder une photographie naturelle. C’est assez facile de tomber dans le piège de l’excès.

Je n’ai pas beaucoup de commentaires à écrire sur la série de photographies ci-dessus, à part de préciser qu’elles sont prises à des périodes différentes. Je les réunis sur ce billet pour faire jouer le contraste entre béton et verdure. Tadao Ando nous l’a appris, le béton brut s’accorde bien avec le vert des jardins, il doit même être un facteur mettant en valeur le vert. Dans ma série, j’intercale volontairement le béton d’un bâtiment au bord de la rivière de Meguro et celui d’un petit building couvert d’un rideau métallique à Aoyama, avec les plantes à l’abandon derrière une vieille baraque ou sur un terrain vague et celles beaucoup plus organisées dans des petits pots de fleurs. Il n’est pas rare de voir ce genre de petits pots de fleurs soigneusement alignés le long d’une maison ou d’une balustrade de rue de quartier résidentiel.

Ce matin, premier jour de Reiwa, je me réveille en écoutant un nouveau morceau du futur album de Sheena Ringo, 三毒史 (Sandokushi) qui sortira le 27 mai. Il s’agit du premier morceau de l’album et il s’intitule 鶏と蛇と豚 (Niwatori to Hebi to Buta – Gate of Living). Le morceau est malheureusement assez court et j’aurais préféré la voix de Sheena Ringo sans auto-tune, mais l’ambiance musicale y est très intéressante. C’est le premier morceau de l’album donc il ressemble à une introduction à ce qui va suivre. Ce matin, on achète le journal du jour pour le garder en souvenir et parce que Zoa a comme devoir d’école de résumer un article de journal qu’il aura choisit. En feuilletant le journal Asahi du premier jour de Reiwa, je découvre par surprise une annonce en pleine page du nouvel album de Sheena Ringo. La couverture de l’album, où elle se transforme en centaure ailé guitare à la main, est vraiment surprenante et, pour sûr, ne passe pas inaperçue. J’apprécie la prise de risque alors qu’elle aurait pu se contenter d’une imagerie plus traditionnelle, preuve que Sheena Ringo n’est pas une artiste comme les autres. J’espère que les nouveaux morceaux de l’album qu’on découvrira à la fin du mois provoqueront le même effet de surprise. L’affiche donne également la liste des titres et on retrouve avec plaisir les effets de symétrie de la playlist que j’avais déjà constaté sur des albums précédents, notamment de Tokyo Jihen. Par exemple, la playlist de 13 morceaux est centrée autour du septième morceau TOKYO, le seul en Romangi. Ou encore: tous les titres des morceaux font exactement la même longueur, les premier et dernier morceaux ont des compositions similaires et les deux seuls morceaux en katakana sont à des emplacements symétriques en 3ème et 11ème places. J’aime beaucoup ce genre de petits jeux de présentation, qui laisse penser que rien n’est laissé au hasard.

스크린 샷 사진

Je tente une nouvelle approche photographique en mélangeant des photographies prises récemment. Je les place directement sur le plan de travail, comme un patchwork. Il y a des images prises dans les rues de Aoyama et des photographies d’une exposition à la galerie Spiral que je visite d’ailleurs très souvent. L’exposition du moment, Oketa Collection: Love @ First Sight, présente quelques œuvres majeures d’artistes japonais comme Takashi Murakami, Hajime Sorayama, Tomoo Gokita et bien sûr Kusama Yayoi dont on peut admirer, dès l’entrée de l’exposition, une des ses emblématiques citrouilles à poids. Pour compléter les photographies de l’exposition, j’ajoute en toile de fond d’autres images prises la même journée dans les rues tout autour du Spiral. J’aime bien cet arrangement mélangeant les images, comme sur un bloc-note. J’ai toujours eu cette envie de concevoir les billets de ce blog sur un carnet papier et de scanner ensuite les pages pour les montrer ici comme un carnet de voyage un peu brouillon et bien rempli. Cela ne donnerait peut être pas un résultat très lisible ou agréable à voir au final, mais l’idée de recréer cela digitalement me traverse parfois l’esprit.

J’ai perdu l’habitude de partir à la recherche de nouvelles musiques sur iTunes et je ne souscris à aucun service de streaming musical qui pourrait pourtant me faire découvrir de nouvelles choses à travers les nombreuses playlists. En fait, je n’utilise aucun service de Streaming comme Apple Music ou Spotify, car je ne supporte pas l’idée d’être déposséder de toute la musique que j’écoute ou écoutais une fois l’arrêt éventuelle de ma souscription. Je ne ressens pas cette même contrainte forte avec les films et le cinéma en général. Je souscris actuellement à Netflix mais je n’aurais aucun problème à annuler la souscription et ainsi perdre accès à tout ce que j’ai pu y voir. En quelque sorte, la musique a pour moi une valeur plus forte que le cinéma. Cela a certainement à voir avec la force d’évocation que la musique procure, comme un stimulant pour l’esprit dont je ne voudrais me séparer pour rien au monde. Un peu comme mon appareil photo, je ne me déplace jamais sans mon iPod dans le sac, même si je sais que je n’aurais pas d’occasion d’écouter de la musique. Si j’exagérais juste un peu le trait, je dirais que c’est pratiquement vital. Le problème que j’ai maintenant est que mon iPod est presque plein avec plus de 62 Giga de musique et que je ne veux et peux rien effacer. Il faudrait que je le remplace bientôt par un iPod 128 Giga.

Quand je marche seul dans les rues de Tokyo, je me rends compte que je loupe peut être quelque chose en écoutant systématiquement de la musique aux écouteurs. C’est mon seul moyen d’écoute musicale, à part écouter de la musique en famille en voiture. En écoutant la musique aux écouteurs en marchant dans les rues tokyoïtes, je dois certainement perdre une partie des sensations de la ville en effaçant tous les bruits extérieurs. Je me suis fais cette réflexion personnelle le week-end dernier alors que je faisais un long jogging dans les rues près du cimetière d’Aoyama. Je devrais peut être courir en écoutant les bruits de la rue, les brins de voix s’échappant d’une conversation mais aussi le brouhaha de la circulation automobile. J’ai fait la moitié du parcours oreilles nues. Mais j’avais aussi envie d’écouter un morceau particulier de Tortoise intitulé I set my face to the hillside sur l’album TNT, car je voulais l’associer dans mon esprit aux lieux que je parcourais à ce moment là, le soir du dimanche alors que les lumières commençaient à s’amenuiser sur le décor urbain. Je ne sais pas pourquoi ce morceau sonne pour moi comme une fin de week-end, lorsqu’il fait doux, que les gens sont dehors, arrosent les plantes ou promènent le chien et que le soleil se couche doucement, sans précipitation. On n’a pas envie que le dimanche se termine alors on le fait s’éterniser. Il y a un parc pas très loin du cimetière de Aoyama. On ne sait pas si c’est un vrai parc ou un terrain vague où l’herbe a poussé, car il n’est pas organisé comme un parc, un peu laissé à lui même sans bornes bien délimitées. Il se mélange assez vite avec les maisons alentours. Lorsque je passe à cet endroit, l’envie de réécouter ce morceau de Tortoise me revient toujours. Je chéris ce moment car je suis sûr que je m’en souviendrais encore dans plusieurs dizaines d’années.

Je parlais d’iTunes car, une fois n’est pas coutume ces derniers temps, j’y découvre une nouvelle artiste électronique que je ne connaissais pas du tout. Il s’agit de Syndasizung (신다사이정) avec le EP de 7 titres intitulé Instant of Kalpa. Je ne sais que peu de choses sur cette artiste, si elle est compositrice et interprète ou bien assistée d’un groupe. L’instagram de Syndasizung semble indiquer qu’elle est seule aux commandes. Les paroles posées sur cette musique électronique sont chantées en coréen. La musique est extrêmement bien ficelée avec de nombreuses montées en rythme et des sonorités un peu plus lentes à certains moments. La voix est légèrement auto-tunée à la limite de la saturation (comme peut l’être l’image de couverture du EP d’ailleurs), mais c’est bien géré et pas trop forcé. Les sons de néons ne sont pas forcément très neufs, mais il y a une grande évidence dans cette musique. Un des morceaux me rappelle par moment l’électronique du japonais Kaito. Il faut cependant quelques écoutes pour bien apprécier le trésor qui s’y cache. Des morceaux comme Blue eye, Human error ou le morceau titre du EP se révèlent assez vite mais chacune des écoutes successives les rend plus évident et accrocheurs.

like surging waves

Je plonge Tokyo dans les ténèbres dans cette série de compositions photographiques, mais ces vagues de noirceur se laissent submerger elles-mêmes par des éclats de lumière. Je mets en scène ici les buildings de verre de divers lieux à Tokyo, que ça soit à Shinagawa, Ebisu, Aoyama, Shinjuku ou ailleurs. J’aime mettre ces formes lisses à la symétrie parfaite à l’épreuve des intempéries que j’invente virtuellement. Cet environnement sombre n’est pas accueillant, mais derrière la froideur de ces lieux des lumières chaudes transpercent l’image.

Je n’écoute pas très souvent de musique datant d’avant 1991 (« The Year Punk Broke »), année charnière, celle de mes quinze ans où j’ai commencé à écouter et apprécier les musiques indépendantes et alternatives. J’ai toujours un peu de mal à apprécier les musiques de la génération avant la mienne, mais je fais de temps en temps quelques exceptions quand les musiques plus anciennes sont en avance sur leur temps, ou sont des charnières importantes vers des mouvements musicaux que j’apprécierais plus tard (par exemple, les premiers albums de Sonic Youth ou ceux de The Cure). Je fais une autre exception en écoutant depuis quelques temps le premier album de Jun Togawa 戸川純, Tama Hime Sama 玉姫様, sorti en 1984. Cet un objet musical d’avant-garde vraiment bizarre mais complètement fascinant. Dès le premier morceau Doto no Renai 怒濤の恋愛, on sent tout de suite qu’il ne s’agira pas d’une musique qui laisse indifférent. On peut être tout de suite rebuté par ce premier morceau, auquel cas il faut mieux arrêter tout de suite. Mais c’est loin d’être mon cas. Le deuxième morceau Teinen Pushiganga 諦念プシガンガ est plus facilement abordable. Il commence par des coups puissants de tambours dans une ambiance folk. La voix de Togawa est tout aussi puissante et pénétrante que les percussions. C’est certainement un des meilleurs morceaux de l’album. La voix de Togawa est sûre et transperçante et même parfois excessive. A vrai dire, j’ai du mal à écrire ce texte tout en écoutant ces morceaux car la voix de Togawa est tellement absorbante, qu’on a du mal à faire autre chose en écoutant ces morceaux. On ne peut pas dire qu’elle chante d’une manière conventionnelle, et même assez hystérique sur certains morceaux comme le difficilement écoutable avant-dernier morceau Odorenai 踊れない. C’est le morceau qui me pose le plus de problèmes à l’écoute. L’album n’est pas facile d’approche car on peut être très facilement rebuter par certains sons et effets marqués des années 80 sur certains des morceaux, comme le troisième morceau Konchugun 昆虫軍. Mais cette voix au phrasé militaire sur ce morceau est fascinante au point que je ne cesse d’y revenir. J’écoute en fait cet album tous les jours depuis deux semaines. Le quatrième morceau Yuumon no Giga 憂悶の戯画 me fait penser à une scène de film inquiétant, ou plutôt une scène théâtrale car il y a une dimension scénique à cette musique. Togawa porte toutes sortes de costumes sur scène comme celui d’un insecte qu’on retrouve sur la pochette de Tamahimesama. Il y beaucoup d’excellents morceaux qui accrochent tout de suite l’oreille comme Tonari no Indojin 隣りの印度人 ou le sublime dernier morceau Mushi no Onna 蛹化の女 où Togawa chante sur le canon de Pachelbel. Le morceau donne des frissons. L’album ne dure que trente minutes mais couvre beaucoup de sensations différentes, par notamment la palette vocale entendue de Jun Togawa, la multiplicité des émotions qui s’en dégagent et cette musique parfois étrange et envoûtante. Jun Togawa a un statut de légende musicale avant-garde et je comprends un peu mieux pourquoi avec cet album. Je continuerai bientôt avec l’album suivant sorti en 1985.