the streets #9

Ma série the streets poursuit tranquillement son chemin avec un neuvième épisode qui continue à cumuler des photographies désordonnées sans aucuns liens apparents les unes avec les autres. Une Mercedes Benz vintage qui pourrait bien être un modèle 250SE de 1967 est suivie par un papillon docile se laissant prendre en photo sur sa grande baie vitrée. Des autocollants de rue pris au piège par un filet semblent menacés par une plante peut-être carnivore sur la photographie qui suit. Ça faisait longtemps que je n’avais pas marché de la maison jusqu’à Shinjuku, mais ça me redonne l’occasion de passer près de la gare de Yoyogi, notamment devant la petite sortie arrière en forme d’arche métallique d’une autre époque. J’aime beaucoup cette entrée et sortie de gare car elle apparaît tellement basse depuis la rue qu’on aurait l’impression d’une porte dérobée. Et le poster qui conclut cette série hétéroclite provient du magasin Tower Records de Shinjuku. Il s’agit du groupe Band-Maid que je n’ai pourtant jamais écouté. Il me semble avoir déjà jeté une oreille sur un ou deux morceaux du groupe sans pourtant avoir vraiment accroché. Il faudra peut-être que j’écoute à nouveau si elles ont sorti un nouvel album comme le laisse présager ce grand affichage publicitaire à l’intérieur même du Tower Records. J’étais en fait venu au Tower Records de Shinjuku pour acheter le Blu-Ray du dernier live de Sheena Ringo, Sheena Ringo to Aitsura to Shiru Shogyōmujō (椎名林檎と彼奴等と知る諸行無常), auquel j’avais assisté en Mai 2023 mais que je n’avais pas encore acheté et qui manquait donc à ma chère collection. J’avais en fait un enregistrement de ce concert lorsqu’il était passé sur la chaîne payante WowWow à laquelle je m’étais abonné exprès pendant une période d’essai pour voir ce concert. Cet enregistrement avait rendu l’achat du Blu-ray moins immédiatement nécessaire, mais un problème technique inattendu ou une mauvaise manipulation (ce qui est plus probable) a fait disparaître l’enregistrement du concert du petit disque dur attaché à la télévision. Le prochain concert Ringo Expo’24 au Saitama Super Arena approchant à grands pas, l’envie de revoir le concert précédent devint presque irrésistible ou du moins nécessaire. Le Tower Records de Shinjuku est le vendeur de disques où j’étais pratiquement sûr de trouver l’édition première presse avec boîtier et livret grands formats. Il faudra un jour que je reprenne en photo ma collection complète sur Sheena Ringo mais l’ensemble ne tient plus depuis longtemps dans le cadre étroit d’un objectif photo.

Les deux photos ci-dessus sont également prises au Tower Records, mais à celui de Shibuya qui est beaucoup plus grand que sa version de Shinjuku. À l’étage des vinyls, on peut trouver deux guitares encadrées comme des œuvres d’art dans des caissons de verre. Ce sons deux guitares de Ryōsuke Nagaoka (長岡亮介) alias Ukigumo (浮雲), une Phantom vert menthe customisée au nom d’Ukigumo et prenant à priori la base du modèle Phantele et une RS Guitarworks Explorer Junior dont la forme me fait penser à une Flying-V qui se rêverait être une Flying Star X. La Phantom est emblématique de Tokyo Jihen et Ukigumo en a utilisé de nombreuses dans différents coloris comme le montre la couverture du magazine japonais Guitar Magazine de Juillet 2021. Je pense qu’il réserve plutôt la RS Guitarworks Exp Jr pour son groupe Petrolz, mais je n’en suis pas certain. Nicolas que j’ai rencontré avec beaucoup de plaisir cette semaine lors de son passage à Tokyo, et à Shibuya en particulier, m’a rappelé qu’il fallait vraiment que j’entame la découverte du groupe, en commençant par le live album Capture 419 enregistré le 19 Avril 2012 à Shimokitazawa Garage et l’album Renaissance sorti en 2015. C’est bien noté. Ma difficulté a été de les trouver en version CD aux magasins Disk Union à un prix abordable, mais je ne désespère pas. Notre rencontre a été l’occasion de lui transmettre en mains propres l’artbook signé de Nakaki Pantz, que je gardais précieusement (comme un trésor enfoui) à la maison pendant environ deux ans. Cela a également été l’occasion de parler de vives voix de mille choses et bien entendu des musiques japonaises qu’on aime tant.

Et dans ces musiques japonaises que j’aime tant, je mettrais cet album de la compositrice et interprète originaire d’Osaka, Asuka Kuroiwa (黒岩あすか) que je découvre soudainement et sans m’y être préparé par son dernier album Kaibutsu (怪物) sorti le 2 Octobre 2024. Cette musique rock, avec à la fois des éléments de folk et de post-rock dans l’esprit, est tout à fait fascinante et unique. La voix d’Asuka Kuroiwa y est pour beaucoup, à la frontière entre les murmures et les cris intérieurs désespérés. Le rythme lent et la beauté pénétrante de la musique du groupe accompagnant la voix d’Asuka Kuroiwa nous donnent envie de nous arrêter au calme pour apprécier ce moment d’une sensibilité rare. L’album de sept morceaux pour 38 minutes forme un ensemble dont il est difficile d’extraire et de dissocier des morceaux en particulier, qui font partie d’une expérience d’écoute démarrant par un morceau instrumental et continuant avec certains morceaux prenant le temps de se développer sur presque huit minutes. On trouve quand même une sorte d’aboutissement de la démarche sur le sublime morceau Kaibutsu (怪物) reprenant le titre de l’album. En écrivant ce billet, mes mots sont influencés par les ceux d’introduction d’une interview de l’artiste datant de 2017. L’interviewer y exprime un désir profond que l’oeuvre musicale secrète et rare d’Asuka Kuroiwa parviennent jusqu’à ceux qui en ont besoin ou qui peuvent en apprécier la valeur (この密やかにして稀有なる名作が、届くべき人のところに届いて欲しいと切に願う). Je trouve ces mots très juste car cette musique ne parviendra pas à tout le monde mais fera beaucoup de bien à ceux qui y sont réceptifs et qui l’attendait sans le savoir.