the streets #11

Je complémente mon court passage à Ginza dans le billet précédent avec les quelques photographies supplémentaires ci-dessus, qui nous font passer devant certains landmarks du quartier comme l’immeuble Hermès de Renzo Piano avec ses surfaces en blocs de verre. Juste à côté, le nouveau building de béton Ginza Sony Park n’a pas encore ouvert ses portes. On peut voir une partie du rez-de-chaussée ouvert sur l’extérieur mais l’entrée n’est pas possible. L’ouverture officielle sera en fait en Janvier 2025, mais une exposition dédiée au groupe Yoasobi avait tout de même eu lieu pendant dix jours dans le building encore en construction. Il s’agissait d’une galerie temporaire nommée Yoasobi Keep Out Gallery commémorant l’anniversaire des cinq ans de carrière du duo. Les accès étaient apparemment limités. Vu dans les couloirs du métro de Ginza, le visage de Jisoo de BLACKPINK se répète à l’infini sur des écrans digitaux pour une campagne de publicité de Dior.

Karina du groupe de K-POP aespa sur le toit de la BMW qu’elle vient de démolir en tombant comme une météorite de l’immeuble M. Thai Tower à Bangkok sur la vidéo du single Supernova.

J’écoute par curiosité le morceau Flower de Jisoo qui n’est pas désagréable mais qui me parait tout de même plutôt conçu comme un défilé de mode. Je généralise certainement mais la K-Pop ne sort pas beaucoup de schémas prédéfinis et de formules qui ont déjà fait leurs preuves. Il m’arrive régulièrement d’être attiré par un morceau de K-Pop, mais je m’en fatigue dès la deuxième ou troisième écoute, surtout quand l’accroche du refrain est basée sur des onomatopées. Il y a des “DDU-DU DDU-DU” sur le morceau 뚜두뚜두 (DDU-DU DDU-DU) de BLACKPINK, des “YAH YAH YAH” sur 붐바야 (BOOMBAYAH) toujours de BLACKPINK, des WA-DA-DA sur le morceau WA DA DA de Kep1er (케플러), des “U U U U U U U U” sur Magnetic de ILLIT (아일릿), des “Da da da da da da da da da da da da” sur Crazy de LE SSERAFIM, des “Trauma-ma-ma” sur Drama de aespa (에스파) ou des “su-su-supernova” sur Supernova des même aespa. Le principe est qu’il est relativement facile de se laisser piéger car les morceaux sont immédiatement très accrocheurs. Et je me fais justement piégé par le morceau Supernova que j’évoque dans ma petite liste, car je ne m’en lasse toujours pas après quatre ou cinq écoutes à la suite. Je pense que la vidéo particulièrement bien conçue joue son rôle. Alors bon, il s’agit encore là d’un défilé de mode déguisé, mais j’y trouve un côté punk (avec des gros guillemets) qui me plait en fait beaucoup. Je ne dis pas cela car Karina, leader du groupe aespa, porte des boots Vivienne Westwood dans la video. Ce long paragraphe me permet de conclure que je ne suis pas hermétique à la K-Pop et je garde même une oreille curieuse au cas où j’y trouverais une petite pépite d’or cachée dans une montagne de roches quelconques, comme c’est le cas de ce Supernova d’aespa, des morceaux Y2K de NewJeans ou, il y a plus de dix ans, du morceau 내가 제일 잘 나가 (I AM THE BEST) de 2NE1, qui à mon avis avait également ce coté punk (toujours avec des gros guillemets).

Graphisme accompagnant le single KIZAO de Millennium Parade avec Rauw Alejandro et Tainy.

Revenons un peu vers la musique japonaise avec le nouveau single de Millennium Parade intitulé KIZAO. Le single est clairement conçu pour accrocher immédiatement aux oreilles, avec un refrain qui nous reste en tête, et la vidéo animée est en tous points excellente. Elle est réalisée par Shu Sasaki sous la direction artistique de Cota Mori et le support d’Osrin, tous les trois membres à part entière du collectif Millennium Parade. Le single est en fait une collaboration de Millennium Parade avec le chanteur et rappeur Rauw Alejandro et le producteur Tainy, tous les deux portoricains. On peut saluer la capacité de Daiki Tsuneta à réunir autour de lui des artistes internationaux. Je ne suis pas familier de Rauw Alejandro, mais il a apparemment une grande notoriété. C’est certainement dû à sa présence mais le morceau prend du coup des consonances latines, qui ne sont pas déplaisantes, mais qui ne sont pas non plus ma tasse de thé (vert). En fait, le morceau est tellement internationalisé qu’on en perd ce qui faisait les spécificités de Millennium Parade, c’est à dire le Tokyo Chaotic. La globalisation a tendance à tendre vers une unité stylistique, alors que les spécificités locales sont tellement intéressantes. On ne ressent à mon avis plus vraiment l’esprit de Millennium Parade, et ça me gêne un peu tout en pensant que le morceau tient parfaitement la route et qu’il se déroule avec une aisance assez épatante, comme la voiture de la vidéo se joue des obstacles sur son chemin. Là est le talent artistique incontestable de Daiki Tsuneta mais j’aurais préféré qu’il y laisse un peu de « japonitude ». J’ai du coup tendance à préférer le nouveau single de King Gnu, Mascara, sorti le 4 Octobre 2024, car il est plus en adéquation avec ce que j’attends du groupe.

Photographie extraite de la vidéo du single Coming-of-age Story du groupe Brandy Senki (ブランデー戦記).

Et en parlant d’influence extérieure sur la musique japonaise, on ne peut pas ignorer celle du rock alternatif américain des années 90s sur un certain nombre de groupe rock indé japonais. Le dernier single Coming-of-age Story (青春の物語) du groupe Brandy Senki (ブランデー戦記), dont j’avais déjà parlé dans un billet précédent, me fait par exemple beaucoup penser dans ses premiers accords au morceau 1979 des Smashing Pumpkins. La vidéo de 1979 suivant quatre jeunes en passe de devenir adultes évoquent des thèmes très similaires à la vidéo du morceau de Brandy Senki. Cela n’enlève vraiment rien à la qualité du morceau Coming-of-age Story, qui joue sur la nostalgie d’une jeunesse insouciante qu’on aurait tous voulu avoir mais qui s’est forcément avérée très différente. J’aime beaucoup l’émotion qui se dégage du morceau et de la voix d’Hazuki (蓮月). Etonnement, malgré cette influence du rock alternatif américain, le morceau garde une atmosphère très japonaise. Peut être s’agit il seulement de la langue japonaise utilisée qui me donne cette impression, ou peut être le ton de voix qui n’est pas aussi agressif ou sûr de lui. Il reste une certaine candeur dans le rock japonais, qu’on ne trouvait à mon avis pas dans le rock alternatif américain de l’époque. C’est certainement pour cela que les morceaux évoquant le Seishun (le passage à l’âge adulte) fonctionnent si bien.

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Au carrefour de Jingūmae à l’opposé du Tokyo Plaza, un autre immeuble fait de plaques de verre est en construction. J’ai déjà parlé de ce nouveau bâtiment commercial par Akihisa Hirata. Ce nouvel espace également développé par Tokyu verra le jour au printemps 2024. Les plaques géométriques et angulaires de verre feront en quelque sorte écho à celle du Tokyo Plaza situé dans sa diagonale. La photo de cet immeuble partiellement en verre entre en parallèle et en contraste avec la photographie suivante montrant une autre surface d’immeuble beaucoup plus simple car dessiné de nuages. En regardant une nouvelle fois l’immeuble en construction à Jingūmae, il me fait maintenant penser que les terrasses ouvertes sur l’extérieur sont comme posées sur des nuages matérialisés par des polygones de verre. Ce billet de quatre photographies est en fait symétrique car la première et la dernière photo se font à la fois écho et opposition.

Après Glitch Princess sorti en Février 2022, Yeule sortira son troisième album intitulé softscars le 22 Septembre 2023. On peut déjà en écouter trois morceaux, sulky baby, dazies et fish in the pool, qui sont tous les trois très bons et nous laisse imaginer un autre excellent album. Par rapport à l’album précédent, les deux morceaux sulky baby et dazies sont plutôt axés rock et moins expérimentaux que les morceaux du premier album. Plus facilement abordable, mais on y trouve cependant l’empreinte artistique particulière de Yeule. Le troisième morceau disponible à l’écoute fish in the pool est instrumental au piano. La mélodie est simple et belle, comme si elle avait été enregistrée dans l’intimité de l’artiste dans un moment personnel plein de mélancolie. Yeule est un personnage très particulier qu’on dirait éloigner de la réalité. Sa musique a pourtant une consistance bien réelle. Son style de composition musicale et de chant poussant aux frontières du rêve me parlent beaucoup.

Je découvre au hasard des recommandations YouTube un jeune groupe trio de rock indé japonais appelé Brandy Senki (ブランデー戦記). Le groupe originaire d’Osaka se compose de Hazuki (蓮月) au chant et à la guitare, Minori (みのり) à la basse et aux chœurs et de Bori (ボリ) à la batterie. Le groupe doit être tout jeune car seulement deux morceaux sont disponibles sur iTunes, ceux que j’écoute en ce moment. J’aime beaucoup ce style de rock alternatif rappelant celui des années 90, mais l’empreinte japonaise est tout de même très forte dans ke ton de voix d’Hazuki. Musica est leur premier morceau sorti le 31 Décembre 2022 et il a un certain succès sur YouTube si on en croit le nombre de vues. Le deuxième morceau intitulé Kids est plus récent, sorti il y a quelques jours seulement, le 8 Juillet 2023. C’est par ce deuxième morceau que j’ai découvert le groupe et j’ai tout de suite été attiré par le son de guitare très présent dès les premières cordes. Le morceau et le chant sont bien maîtrisés et il s’agit encore une fois d’un groupe à suivre de près, ne serait-ce que pour voir la direction qu’ils vont prendre. Ces deux premiers morceaux sont en tout cas excellents et très prometteurs pour la suite. J’ai parfois l’impression que le rock indé au Japon est en pleine renaissance. Mais, à force d’explorer la musique rock de ces 20-30 dernières années, je me rends compte qu’il n’a de toute façon jamais été mourant ou en voie de disparition. Quel plaisir de découvrir de nouveaux groupes et de nouvelles musiques. Comme l’écrivait Jane Birkin avec Yōsui Inoue (井上陽水) sur une affiche de Tower Records: « Pas de musique pas de vie ». J’y rajouterais bien: « Pas de musique, pas de blog ».