les fluctuations du vide qui nous entoure

L’exposition Interface of Being – Shinkū no yuragi (真空のゆらぎ, Fluctuations du vide) de l’artiste japonais Shinji Ohmaki (大巻伸嗣) se déroule du 1er Novembre au 25 Décembre 2023 au National Art Center Tokyo (NACT), près de Nogizaka. Je suis très surpris de voir que l’entrée à l’exposition est entièrement gratuite, ce qui est plutôt rare surtout pour des œuvres artistiques de cette envergure. On peut y voir deux installations de très grande taille: Jūryoku to Onchō (重力と恩寵, Gravité et Grâce) qui a déjà été présentée à la Triennale d’Aichi (あいちトリエンナーレ) en 2016 et Sonzai no Zawameki (存在のざわめき, Liminal Air Space-Time) déjà montrée en 2020. Ces deux installations très différentes ont une très grande force d’évocation. La première grande salle de la galerie est longue et relativement étroite. Un énorme objet en forme de vase de métal couvert de motifs divers est posé au milieu de cette salle. Il s’agit de l’installation nommée Jūryoku to Onchō (Gravité et Grâce). Un robot placé à l’intérieur du vase fait circuler dans un mouvement vertical un bloc composé de plusieurs lampes et miroirs produisant une lumière dont l’intensité varie. Les lampes descendent pratiquement jusqu’à la base du vase puis remontent dans un mouvement régulier lent. La longue pièce est relativement sombre mais son éclairage varie en fonction des mouvements du robot portant les lampes. Les motifs s’impriment sur les murs aux alentours comme des formes mouvantes. Des textes sont écrits sur le sol peint en noir. Ils sont écrits d’une même couleur noire et apparaissent puis disparaissent à nos pieds selon l’intensité des lumières. Une ambiance sonore accompagne notre admiration devant ce spectacle fascinant. Nos yeux sont d’abord attirés par la lumière puis on s’attache à observer les moindres détails du dispositif. Cette installation en forme de vase ressemble en fait à un haut fourneau et entend évoquer le grand tremblement de terre de 2011 et la catastrophe nucléaire des centrales de Fukushima qui en suivit. Les motifs éclairés depuis l’intérieur du haut fourneau représentent toutes sortes de signes de vie sur terre. Leurs projections sur les murs de la salle sont fragiles comme peuvent l’être les vies face à ce genre de cataclysme. Cette lumière nous attire, mais en même temps nous effraie. L’art de Shinji Ohmaki joue avec les sens du visiteur, tantôt immergé dans des espaces très sombres où il est difficile de se déplacer, tantôt envahi par des lumières fortes et pénétrantes. La deuxième salle contenant une longue installation nommée Liminal Air Space-Time joue avec cet univers sombre. Une grande surface de tissu pratiquement transparent flotte doucement dans la salle, poussée par un vent régulier et légèrement éclairée par quatre lampes placées au plafond. Le mouvement imprévisible des vagues dans la pénombre est hypnotisant. On oublierait presque la densité urbaine de notre quotidien en regardant ce paysage abstrait nous poussant inconsciemment à une forme de méditation. On peut s’asseoir dans le noir sur des bancs placés le long du mur ou se tenir début, droit devant ses vagues pour en saisir les embruns. Je préfère me tenir débout devant ces vagues, immobile pendant de longues minutes à regarder devant moi. Mon regard tente de capter les moindres irrégularités des mouvements du voile, pour ensuite suivre leur évolution et les voir disparaître d’une manière naturelle. Plus on regarde ces vagues, plus on a l’impression que tout notre corps fait partie intégrante de ce décor. Cet environnement crée en quelque sorte les conditions d’une intégration organique.

J’ai beaucoup de mal à détacher mon regard de ces vagues. Il faudra bien partir bientôt mais je préfère en profiter un peu plus en m’asseyant sur un des bancs alignés dans les zones les plus sombres de la pièce. On oublierait presque sa propre présence dans un espace aussi sombre. Regarder le voile mouvant depuis le fond de la pièce donne une impression différente car les perspectives sont modifiées. D’autres personnes sont également présentes dans la salle mais elles sont peu nombreuses. Il doit être à peu près 17h et la galerie fermera ses portes dans environ une heure, si je ne me trompe pas. Encore quelques minutes supplémentaires, une ou deux minutes, voire trois minutes à se perdre le regard dans ces marées sombres. Ce mouvement perpétuel a dû me bercer sans que je m’en rende compte, car le sommeil a eu raison de moi. Je me suis déjà endormi plusieurs fois dans des salles de cinéma mais c’est bien la première fois que je m’endors dans un musée. Je me réveille en sursaut en me demandant d’abord où je suis et quelle heure il est. Mon iPhone n’a malheureusement plus de batterie donc je ne peux même pas confirmer quelle heure il est. Je savais bien que les dix pour cents de batterie restante ne tiendraient pas toute une après-midi et j’ai comme très souvent oublié ma batterie portable. Je suis désormais seul dans la grande salle qui me semble beaucoup plus sombre qu’avant. Le mouvement des vagues de l’installation continue devant moi, mais sans aucune surveillante dans la salle. Dans le noir profond de cette salle, il est fort probable que personne n’ait remarqué ma présence. Il me semble que la sortie est au bout de la salle. J’avance timidement car cette sortie n’est pas éclairée et il n’y a aucun signe lumineux pour l’indiquer. Tout ceci est bien étrange. Mais quelle heure peut il bien être? En marchant lentement en direction d’une hypothétique porte de sortie, je finis par distinguer une faible lueur qui me laisse deviner qu’une des salles voisines est éclairée et, je l’espère, occupée par d’autres visiteurs de l’exposition. Mais il n’y a personne dans cette autre salle. Il s’agit d’ailleurs plutôt d’un couloir. Les murs de ce couloir affichent quelques œuvres de Shinji Ohmaki représentant des êtres de lumière entourés d’une noirceur profonde. J’ai perdu l’envie de les regarder en détails, étant plutôt préoccupé par ma sortie au plus vite de cette galerie, mais je me fais tout de même la réflexion que ces images accrochées au mur me ressemblent. A cet instant précis, je suis comme ces êtres dessinés, perdu au milieu d’une noirceur profonde. Plus que de l’angoisse, j’ai plutôt la crainte qu’on me cherche des ennuis pour être resté dans cette galerie après l’heure de fermeture. Le problème est que je ne trouve personne sur mon chemin pour me confondre en excuses. La sortie de la galerie 2E que j’atteins maintenant me donne finalement accès au grand hall du NACT. Ses longues et ondulantes parois vitrées me font vite comprendre qu’il doit déjà être tard car il fait très sombre dehors. Il n’y a aucune lumière à l’intérieur du musée sauf des veilleuses de sécurité placées au sol qui me permettent quand même de me déplacer sans avoir peur de trébucher. Le musée est entièrement désert. Quelle histoire, me voilà bel et bien enfermé dans ce musée. J’espère quand même pouvoir sortir par la porte principale au rez-de-chaussée. Je cours presque dans les escalators arrêtés. Il n’y a bien sûr personne au comptoir de réception et je ne devine aucun garde de nuit. Le silence omniprésent est pesant. J’ai l’impression de naviguer dans du vide. Pour me redonner un peu le moral, je me dis que j’aurais au moins eu l’occasion de voir ce chef-d’œuvre de l’architecte Kisho Kurokawa dans des conditions tout à fait atypiques. Mais là n’était bien sûr pas mon intention. Je voulais quitter les lieux à 17h mais mon intégration organique dans l’oeuvre de Shinji Ohmaki semble avoir trop bien fonctionné. La porte d’entrée en verre est malheureusement fermée à clé. Je m’y attendais fortement. Que faire maintenant? M’allonger sur un des bancs du grand hall du musée et attendre qu’un garde de sécurité vienne me réveiller? Je n’ai plus du tout sommeil et assez peu envie de passer de longues heures à attendre dans le noir. A l’intérieur du grand hall, il n’y a aucune lumière qui pourrait me donner une piste sur une possible sortie de secours. Seuls les deux immenses cônes reversés sont devant moi, immuables. Enfin, j’ai maintenant l’étrange impression qu’ils tournent doucement sur eux-mêmes. Je n’arrive pas à clairement distinguer si ces cônes tournent ou si c’est moi qui perd l’équilibre, désorienté par cette situation étrange. Je m’approche de l’un des cônes et une stupeur soudaine me saisit. Une personne est là debout. Je ne l’avais pas vu jusqu’à maintenant, certainement à cause de la pénombre. C’est une femme à laquelle je donnerais une trentaine d’années. Elle a les cheveux longs très noirs mais un teint de visage excessivement pâle. On croirait un fantôme ou un esprit. Elle est filiforme dans un costume noir près du corps et une chemise à la blancheur lumineuse. Elle n’ouvre pas la bouche, ne sourit pas mais me regarde fixement. J’hésite à partir en courant mais où m’enfuir. Ce regard me glace et je me rends compte maintenant qu’il fait froid à l’intérieur du NACT. Est-ce cette présence fantomatique qui refroidit les lieux? Cette situation me semble maintenant irréelle. Suis-je une nouvelle fois embarqué dans un monde parallèle? Mais cette femme est peut-être tout simplement la surveillante de nuit du musée. Son teint pâle s’explique peut-être par le fait qu’elle ne voit pas beaucoup la lumière du jour en travaillant de nuit. J’essaie tant bien que mal de trouver des explications rationnelles, mais ces réflexions fusant dans mon cerveau sont vite interrompues par un mouvement brusque et silencieux de cette femme. Elle pointe la main vers le haut du cône de béton tournant désormais à une vitesse accrue. J’ai l’impression que la vitesse des deux cônes s’emballe. Il faut que je trouve un moyen rapide de quitter cet endroit. Ce sentiment de danger qui approche m’envahit. Le sol commence à trembler à un rythme irrégulier et un bruit d’acier broyé se fait entendre. Il reste lointain mais je sens qu’il s’approche inexorablement. Un nuage tournoyant entoure désormais les deux cônes qui me font maintenant penser à des hauts fourneaux de réacteurs nucléaires prêts à exploser. Les vitrages ondulés du musée se teintent d’une obscurité profonde. Ils tremblent à leur tour, intensément dans un bruit sourd, comme si des vagues puissantes emportant tout sur leur passage venaient s’y jeter. Le bruit de ces vagues noires et celui du tournoiement des réacteurs deviennent de plus en plus puissants et irréguliers, proches du point de rupture. Conscient du danger imminent, mon regard suppliant se tourne de nouveau vers celui de la femme pour essayer d’y trouver une réponse. Elle pointe toujours sa main vers le haut du cône de béton. Elle ne semble pas être affectée par les tremblements qui secouent le building. Je n’avais pas remarqué jusqu’à maintenant que le haut du cône qu’elle me montre de la main est éclairé d’une lumière qui jaillit des nuages tournoyant. C’est un faisceau lumineux qui éblouit mais qui attire. Elle me crie soudainement des mots que je ne peux entendre en raison du bruit assourdissant, mais que je devine: « 早く逃げて » (Vite, Sauves toi!). Je n’ai plus le temps de la réflexion et je suis maintenant persuadé que c’est le seul endroit où je dois aller. Je cours vers les escalators et grimpent les deux étages péniblement en me tenant aux rambardes car les tremblements répétés rendent tout équilibre difficile. Le faisceau de lumière est proche, il sort du centre du cône. Les passerelles lui donnant accès sont en partie endommagées par son mouvement accéléré mais on peut toujours atteindre la surface supérieure du cône en prenant son élan et en sautant. Les bruits qui s’intensifient deviennent insupportables. J’entends des poutres d’acier craquer mais la structure du musée ne semble pourtant pas être endommagée. Le faisceau de lumière est devant moi, émanant d’une porte en acier blanc ouverte placée au centre du cône. Je m’y engouffre. Un escalier en colimaçon descend dans le noir. Je n’en vois pas le bout mais commence rapidement ma descente. Au fur et à mesure que je m’enfonce descendant marche après marche, le bruit et les tremblements s’amenuisent. Mes mouvements sont rapides mais il ne faut pas faire de mauvais pas. Cet escalier semble sans fin. Le silence règne désormais et je n’entends plus que les bruits de mes pas sur les marches en acier et celui de mon souffle qui trahit ma fatigue. Après quelques minutes, je semble enfin être arrivé au bout de l’escalier débouchant sur un étroit couloir. Une petite lampe éclaire une autre porte d’acier. Du côté intérieur, une inscription noire indique:「パラレル東京観測委員会」, le Comité d’observation du Tokyo parallèle, suivi du mot en anglais EXIT. La porte de sortie n’est pas fermée à clé. Je l’ouvre doucement par crainte de découvrir ce qu’il y a de l’autre côté. Cette porte donne sur un couloir. Des passants y marchent d’un pas rapide, vers les portes automatiques d’une gare. Je suis dans un couloir de métro, celui de la ligne Chiyoda dans la station de Nogizaka près de la sortie 6. Un profond soulagement se mélange à mon étonnement. Pourquoi un tel accès au musée existe il dans la gare de Nogizaka. Est ce un accès spécial pour le personnel. J’en doute mais peu importe maintenant, je suis sorti avec plus de peur que de mal, même si mes jambes sont encore tremblotantes. Je ne suis pas vraiment surpris de découvrir un nouveau lieu d’observation du Tokyo parallèle, mais les effets que procurent sur moi ces découvertes sont à chaque fois inattendus et profondément éprouvants. En marchant d’un pas lent vers l’intérieur de la station, je me rends compte que mon expérience était peut-être une sorte d’extension des émotions que j’ai pu ressentir en voyant les installations artistiques de Shinji Ohmaki. Mais je reprendrais ces réflexions à tête reposée. Les horloges numériques sur les quais de la gare indique 23:35. Il est grand temps de rentrer chez soi en évitant bien sûr de s’endormir dans le wagon du métro.

乃木坂0510

A chaque fois que je prends une journée de congé en semaine, la dite journée est pluvieuse. Je ne vérifie jamais la météo avant de me décider à prendre mes journée de congé mais je soupçonne très fortement que la météo soit influencée par mes choix. Enfin, c’est le sentiment que j’ai depuis quelques temps. Il ne pleuvait pas encore le matin et j’en ai donc profité pour me lancer dans une promenade dans les rues de Roppongi, Akasaka et Nogizaka. En fait mon objectif était d’aller voir la structure d’acier Hineri Utsuri Nagare (ひねり うつり ながれ) située à l’entrée du parc Nogi (乃木公園). Je la montre sur la première photographie du billet. Prise en contre-plongée, elle semble rivaliser en hauteur avec les buildings aux alentours. Il s’agit d’une oeuvre de Toshiaki Tsukui (津久井利彰) datant de 1996. Le parc se trouve à proximité immédiate de l’élégant sanctuaire de Nogizaka que je visite pour la première fois. Ce mercredi matin avant 10h, le personnel du sanctuaire s’active à nettoyer au balais les allées et places devant chacune des dépendances du sanctuaire. Juste en face du sanctuaire de Nogizaka, on ne peut pas manquer la très haute tour résidentielle de 44 étages, Park Court Akasaka Hinokichō The Tower, que je montre en partie sur la troisième photographie. Je ne savais pas que cette luxueuse tour construite en 2018 était conçue par Kengo Kuma, mais les lamelles latérales auraient dû tout de suite m’y faire penser. J’aime en fait beaucoup le petit jardin quasiment laissé à l’état sauvage au pied de la tour. Enfin, j’imagine que ce jardin est en fait très bien entretenu pour justement conserver cette apparence sauvage. Derrière la tour, sur la quatrième photographie du billet, on ne peut pas non plus manquer les impressionnants volumes de béton de la résidence Parkside 6 conçue par Sakakura Associates. Je me souviens avoir été impressionné par les arbres d’une vingtaine de mètres de haut placés à l’entrée de cette résidence. L’architecte Junzo Sakakura implanta apparemment à cet endroit ses bureaux en 1940 et les arbres ont été conservés de cette époque. C’est une bonne chose car béton et végétation s’accordent si bien. Lorsque je marche dans les rues de Nogizaka, j’ai à chaque fois l’idée presqu’inconsciente d’y trouver des posters et autres références au groupe d’idoles Nogizaka46 (乃木坂46), mais je trouverais seulement à la sortie de la station de métro une série d’autocollants posés sur un coin de mur montrant un groupe sœur de Nogizaka46, Keyakizaka46 (欅坂46). Cette série d’autocollants répétés à l’identique fait référence au premier single du groupe intitulé Silent Majority (サイレントマジョリティー) sorti en 2016. Les images montrent la figure principale du groupe, Yurina Hirate(平手友梨奈). Ce groupe n’existe plus maintenant, ayant changé de nom pour devenir Sakurazaka46 (桜坂46), bien qu’il avait à cette époque une popularité certaine. Je ne sais par contre pas qui est la personne sur l’autocollant de l’avant-dernière photographie, mais ce n’est de toute façon pas très grave. J’ai fait le curieux en écoutant sur YouTube ce morceau Silent Majority, mais je n’y accroche malheureusement pas.

J’accroche beaucoup plus au dernier single du groupe ExWHYZ (ex-EMPiRE) intitulé Obsession qui vient juste de sortir, il y a quelques jours. Tout comme pour Wanna Dance, le premier morceau du groupe (sous ce nouveau nom), composé par Shinichi Osawa (大沢伸一) de Mondo Grosso, ce nouveau morceau est également composé par des artistes électroniques extérieurs au groupe. Cette fois-ci, on doit la composition et la production à Maika Loubté et 80KIDZ. J’ai souvent vu le nom de 80KIDZ associé à des artistes que j’aime beaucoup, comme ce morceau intitulé Magic écrit et chanté par AAAMYYY sur l’album Angle de 80KIDZ mais je n’ai jamais vraiment creusé plus en avant la découverte. J’avais par contre déjà parlé de la compositrice et interprète franco-japonaise Maika Loubté (マイカ・ルブテ) pour le sublime morceau Hakumei (薄明) sur l’album Crepuscular de Kirinji (un point commun entre Hakumei et Obsession est que les vidéos sont toutes les deux tournées à Yokohama). J’aime beaucoup l’univers électronique du morceau Obsession, les basses notamment et le son distordant qui accompagne l’ensemble du morceau. C’est en tout cas une excellente idée de faire intervenir des musiciens électroniques talentueux, qui viennent ajouter une personnalité supplémentaire au naturel pop du groupe. Le chant en alternance entre les membres du groupe n’est jamais complètement parfait, mais c’est ce qui permet de conserver une certaine fraîcheur et une dose d’imprévu dans les compositions musicales parfaitement exécutées. Le premier album de ExWHYZ, xYZ qui sortira le 2 Novembre 2022, fera intervenir d’autres artistes comme Shin Sakiura, qu’on voit présent un peu partout ces dernières années: à la composition sur certains morceaux du premier album d’AiNA The End, par exemple, ou en collaboration avec AAAMYYY (décidément) sur le morceau Kono Mama Yume de (このまま夢で). Dans les crédits de ce futur album, je vois également d’autres noms comme Shingo Sekiguchi, Kento Yamada ou Miru Shinoda, que je ne connais pas du tout, mais que je devrais certainement explorer un peu plus: un morceau comme Tender Rose de Shingo Sekiguchi par exemple, ou la production disruptive de Miru Shinoda sur le morceau 突破/T.P.A. de RinSaga. Si le changement de nom de EMPiRE en ExWHYZ tout en gardant exactement les mêmes membres reste pour moi assez mystérieux, j’imagine que c’est lié au changement de major de Avex à EMI Universal. J’imagine aussi que ça doit faciliter certaines collaborations.

J’attendais une tournée ou un nouvel album de compositions originales, mais c’est un nouvel album de remixes de morceaux de Sheena Ringo qu’on aura cette année. L’album intitulé Hyakuyakunochō (百薬の長) sortira le 30 Novembre 2022 et sera composé de 12 morceaux tirés des albums solo de Sheena Ringo. Il n’y aura malheureusement pas de morceaux inédits. Je pense que cet album de remixes est de l’initiative d’Universal car on ne l’avait pas du tout vu venir. Ma première réaction était plutôt mitigé mais voir la liste des musiciens invités a grandement attisé mon intérêt. Voyons un peu la liste des morceaux et des musiciens invités ci-dessous.

1. Ito wo Kashi (いとをかし| toogood), Ajino Namero (鯵野滑郎) Bon Voyage Remix
2. Chichinpuipui (ちちんぷいぷい l Manipulate the time), Gilles Peterson’s Dark Jazz Remix
3. Yokushitsu (浴室 | la salle de bain), Takkyu Ishino (石野卓球) Remix
4. Niwatori to hebi to buta (鶏と蛇と豚 | Gate of Living, Kid Fresino Remix
5. Marunouchi Sadistic (丸ノ内サディスティック), Miso Remix)
6. Otona no Okite (おとなの掟 | Adult Code), object blue Pleasure Principle Remix
7. Nagaku Mijikai Matsuri (長く短い祭 | In Summer, Night, Yasuyuki Okamura (岡村靖幸)一寸 Remix
8. Carnation (カーネーション | L’œillet), Ovall Remix
9. Ishiki (意識 | Consciously), Shinichi Osawa (大沢伸一) Remix feat. Daoko
10. Onnanoko ha Daredemo (女の子は誰でも| Fly Me To Heaven), STUTS Remix
11. JL005 Bin de (JL005便で | Flight JL005), B747-246 Mix by Yoshinori Sunahara (砂原良徳)
12. Anoyo no Mon (あの世の門 | Gate of Hades), Telefon Tel Aviv Version

Je parlais juste avant de Shinichi Osawa de Mondo Grosso, et c’est une bonne surprise de le voir une fois encore ici, surtout que le morceau Ishiki qu’il remixera fait intervenir Daoko. Tous les artistes que j’aime finissent pas se rejoindre un jour où l’autre, c’est assez fascinant. On sait que Daoko est fan de Sheena Ringo, mais c’est la première fois que je vois Shinichi Osawa associé à Sheena Ringo. L’autre bonne surprise est de voir Kid Fresino dans cette liste pour le morceau Niwatori to hebi to buta. J’ai déjà évoqué le nom de ce rappeur japonais sur ce blog car j’avais beaucoup aimé son album de 2018, ai qing (qui faisait intervenir au Steel Pan sur un morceau, Utena Kobayashi, que j’aime aussi beaucoup). On y trouve quelques noms très renommés comme Takkyu Ishino (石野卓球) et d’autres émergeants comme STUTS. Yoshinori Sunahara (砂原良徳) avait déjà remixé deux morceaux de Tokyo Jihen, Karada (体) et Zettaizetsumei (絶体絶命), sur une mixtape sortie avec le coffret Prime Time à la fin de l’année dernière. Les remixers sont principalement japonais, mais il y a quelques étrangers comme l’anglais Gilles Peterson ou l’américain Telefon Tel Aviv. Je ne connaissais pas la compositrice et interprète sud-coréenne Miso que je découvre soudainement. J’aime déjà beaucoup ses morceaux, par exemple son single Slow Running. J’y reviendrais très vite. Bref, cet album s’annonce beaucoup plus intéressant que ce que j’imaginais initialement, ce qui fera peut être oublier les polémiques qui émergent subitement sur l’utilisation d’une croix rouge sur les ‘goods‘ fournis par Universal sur la version deluxe de l’album. Et si c’était simplement une marque de reconnaissance envers une profession particulièrement sollicitée ces deux dernières années? Il semble que l’utilisation de cette croix que l’on trouvait déjà sur le live Gekokujō Xstasy (下剋上エクスタシー) soit maintenant problématique, car à usage réservé. Ça sera interessant de voir si Universal va faire marche arrière sur ce sujet.

Et en attendant de pouvoir écouter le nouveau morceau d’Ado, AiNA The End nous faisait la surprise d’interpréter Marunouchi Sadistic dans l’édition spéciale de l’émission Music Station, le Vendredi 7 Octobre 2022. Ce n’est pas la première fois qu’AiNA reprend des morceaux solo de Sheena Ringo et elle avait déjà chanté avec le groupe eLopers créé par Sheena Ringo, le morceau Gunjō Biyori (群青日和) de Tokyo Jihen. Elle s’en est bien sortie, accompagnée par Tokyo Ska Paradise Orchestra. Le groupe avait déjà participé il y a très longtemps au single Mayonaka wa Junketsu (真夜中は純潔) de Sheena Ringo. Bref, je le répète mais tout finit par se rejoindre. J’adore voir ces liens se créer car ils permettent d’imaginer les directions ou collaborations futures d’un ou d’une artiste. Ça me parait maintenant évident que Sheena écrira ou composera un jour ou l’autre un morceau pour AiNA. Elle fait du moins un très fort appel du pied, dans ses chaussons jaunes sur Music Station qui me rappellent un peu les chaussons bleus de Fuji Kaze à Kōhaku l’année dernière. Fuji Kaze est un autre exemple de musicien faisant de nombreux appels à Sheena Ringo en reprenant au piano nombre de ses morceaux. 愛が溢れるんですね。

東京の天気は晴れ、雨、雨

Pluie tous les jours et quand il ne pleut pas, on a l’impression qu’il va pleuvoir tellement les nuages sont menaçants en se noircissant soudainement par moments et par endroits. J’aime les nuages car ils sont photogéniques mais on ne sait jamais quand une averse va nous tomber dessus. Dans mon cas, elles ont tendances à se déclencher dès que je mets un pied dehors. Heureusement, ces averses ne durent pas très longtemps. Je n’avais pas fait de jogging dans les rues de Tokyo depuis plusieurs mois, car j’hésitais a courir avec un masque. Je me suis habitué à courir avec, mais je je l’enlève quand même par moment lorsque je suis au bord de l’asphyxie. Je cours avec l’iPhone et l’iPod accrochés au bras pour pouvoir écouter de la musique en courant et pour pouvoir prendre des photos en cours de route, au cas où je tomberais par hasard sur des endroits intéressants que je n’ai jamais parcouru. Cette fois-ci, je retourne vers des terrains connus autour et à l’intérieur du cimetière d’Aoyama. Je ne prendrais pas de photos à l’iPhone pendant cette course, ce qui est pourtant pour moi une bonne occasion de faire une pause en chemin. Plutôt que des images, je retiendrais de cette course des odeurs, celle de l’encens à l’intérieur du cimetière et à l’entrée du temple Chōkoku-ji un peu plus loin. Je m’y arrête quelques instants car je trouve une certaine correspondance entre cette odeur diffuse d’encens et la musique flottante que j’écoute sur mon iPod. Les quelques compositions photographiques de ce billet n’ont aucun lien avec le texte ci-dessus, elles sont un peu plus anciennes. Sur la première photographie parasitée visuellement, le train rouge et blanc de la ligne Keikyu qui semble se frayer un chemin parmi les nuages noirs est pris en photo aux environ de Kita Shinagawa. La baleine effectuant un saut hors de l’eau se trouve dessinée sur un mur de bain public sentō au bord de la rue Meiji dans le quartier de Higashi. Les deux dernières photographies composites sont prises à Nogizaka, à l’intérieur du musée NACT lorsque j’ai été voir l’exposition MANGA ⇔ TOKYO, et dans une rue quelconque à proximité où les poteaux électriques dépassent du sol. Je reparlerais sans doute bientôt dans un prochain billet de cette exposition au NACT.

Dans ma playlist de rock indé japonais commencée sur le billet précédent, je continue avec le morceau Ningen Datta (人間だった) du groupe Hitsujibungaku (羊文学) dont j’avais parlé de quelques morceaux sélectionnés dans un billet précédent. La composition du morceau est très intéressante avec des passages où Moeka se met à parler plutôt que chanter. J’aime beaucoup sa manière changeante de chanter, tout en ondulations et en puissance par moment. Il s’agit du premier morceau du EP Zawameki (ざわめき) sorti en février 2020, que je devrais découvrir un peu plus. Je tire souvent les titres de mes billets des paroles de morceaux que j’écoute. Le titre de ce billet provient de ce morceau sauf que j’y ai rajouté un peu plus de pluie que de beau temps, pour se mettre en accord avec la situation météorologique actuelle. Quand SPOOL commence son interprétation du morceau Ghost sorti en Octobre 2019, j’entre juste dans l’enceinte du temple dont je parlais ci-dessus où l’encens se diffuse légèrement dans l’espace. La voix d’Ayumi Kobayashi se dégageant à peine du flot mélancolique de guitares a quelque chose d’envoûtant. Ce morceau reste dans l’esprit de celui dont je parlais avant, et il faut donc être également dans des bonnes conditions. Le temps pluvieux et l’encens des temples sont pour moi des bonnes conditions pour apprécier cette musique. La répétition des guitares et les chœurs flottants nous invitent à partir dans des réflexions rêveuses. Le morceau suivant voit les voix se noyer un peu plus dans l’océan des guitares. Il se rapproche un peu plus du style shoegazing. Il s’agit du morceau Someone by the Sea (誰かがいた海) du groupe Seventeen Years Old and Berlin Wall (17歳とベルリンの壁), dont j’ai également déjà parlé auparavant. Les morceaux de 17Years ne cherchent pas à s’imposer. Ce morceau est le cinquième du EP intitulé Abstract sorti au mois de Mai 2020. Il n’y a pas d’exubérance dans le son ni d’originalité particulière dans la composition de ce morceau, mais il s’inscrit très bien dans ma petite playlist. C’est une musique pour aller à la mer, du côté d’Enoshima par exemple, à la fin de l’été. Cette mise en scène que l’on retrouve dans la vidéo du morceau me plait beaucoup et me donne un brin de nostalgie prématurée. J’ai l’impression que cette plage Shichirigahama (七里ヶ浜) à kamakura près d’Enoshima est assez populaire pour les vidéos de rock indé, comme pour le morceau Goodbye Train (グッバイトレイ) par Ryukku To Soine Gohan (リュックと添い寝ごはん) dont je parlais il y a quelques mois. Peut être y trouve t’on une certaine nostalgie adolescente.

Après avoir parlé de morceaux plutôt récents de rock indé, je remonte le temps jusqu’au mois de Mai 1998 avec le premier single de Sheena Ringo, Kōfukuron (幸福論). La raison que je trouve d’en parler maintenant est le fait que j’ai acheté le single en version 8cm il y a quelques jours au Disk Union d’Ochanomizu. Pas qu’il soit très difficile à trouver, car je l’ai déjà vu une ou deux fois dans des Disk Union à Tokyo, mais j’avais toujours hésité à l’acheter vu la taille du disque. En fait, en réécoutant Muzai Moratorium, je me suis rappelé que la version de Kōfukuron y était complètement différente du single. Je pensais à tord que la version originale de Kōfukuron se trouvait avec Suberidai (すべりだい) sur la compilation de B-sides Watashi to Hōden (私と放電), mais ce n’est pas le cas. Je ne connaissais en fait cette version qu’à travers la vidéo que j’ai regardé maintes fois, mais je n’avais pas le morceau dans ma librairie iTunes. Du coup, je me remets à écouter les deux morceaux du single en boucle. A l’époque où le single est sorti, je préparais mon voyage au Japon, deux mois après, à Nagasaki. Je n’ai malheureusement pas le souvenir d’avoir entendu ce morceau à la radio ou à la télévision. J’ai plutôt découvert Sheena Ringo avec Muzai Moratorium sorti en Février 1999, le mois de mon arrivée à Tokyo. A cette époque, c’était surtout Koko de kiss Shite (ここでキスして。) qu’on entendait beaucoup.

Depuis que j’ai vu le dernier concert de Tokyo Jihen en Live streaming, je me suis mis en tête de regarder petit à petit tous les Live de Sheena Ringo et de Tokyo Jihen. Comme il y en a beaucoup, qu’ils soient sortis en DVDs et Blu-Ray, cela va me prendre un certain temps, ne serait ce que pour trouver des versions d’occasion dans les Disk Union tokyoïtes. C’était en fait la raison de mon passage récent au Disk Union d’Ochanomizu, bien que je n’y ai finalement acheté que le single Kōfukuron. Je ressors de mon tiroir le DVD du Live Baishō Ecstasy (賣笑エクスタシー) sorti en Mai 2003, quelques mois après son troisième album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花) dont il fait principalement la promotion. Le concert en lui même est assez court et ne couvre que des morceaux de KSK, à part Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王) de Muzai Moratorium et une reprise des Feuilles Mortes de Jacques Prévert chantée en français. Il a été filmé dans le hall Kudan Kaikan (actuellement en cours de rénovation) à Chiyoda et retransmis dans diverses salles au Japon. Les morceaux sont interprétés avec un orchestre appelé Noraneko Orchestra (ノラネコオーケストラ) dirigé par Neko Saito, qu’on retrouvera quelques années plus tard en Février 2007 sur l’album Heisei Fūzoku (平成風俗). En plus de cette orchestration des morceaux, un des intérêts de ce concert est sa mise en scène avant et après le début des morceaux. Le concert est en lien direct avec le court métrage Hyaku Iro Megane (百色眼鏡) sorti un peu plus tôt en Janvier 2003, car on y voit sur scène l’acteur Kentarō Kobayashi, qui interprétait le personnage du détective Amagi. Il intervient au début du concert en regardant à travers le trou d’une palissade similaire à celle du film. De l’autre côté de cette palissade, on voit des images de Sheena Ringo arrivant dans le hall de la salle de concert et se préparant dans les coulisses jusqu’à son arrivée sur scène. La fin du concert est également mise en scène, mais d’une manière tragique car on la voit tomber à terre mystérieusement dans les couloirs des coulisses. On l’emmènera ensuite en toute précipitation dans une vieille BMW blanche, et ainsi se termine le concert. Je revois ce concert avec un oeil neuf car je ne l’avais pas revu après avoir vu Hyaku Iro Megane, et donc ces détails assez élémentaires m’avaient échappé. En fouillant un peu le DVD, on peut y trouver des vidéos de publicités pour l’album KSK, dont j’avais un vague souvenir, et pour le film Hyaku Iro Megane. Il y également une courte vidéo de Koko de kiss Shite qu’elle interprète seule au piano.

Mais il y a aussi un autre clip vidéo qui n’est accessible qu’après avoir entré un code. L’interface graphique du DVD (un peu désuète si on le compare aux standards actuels) nous montre un panneau dessiné avec quelques kanji chinois inscrits. Il faut en choisir 5 dans l’ordre pour espérer accéder à cette vidéo. Je suis certain de n’avoir jamais vu cette vidéo, étant à l’époque dans l’incapacité de déchiffrer ce mot de passe. J’en suis pas plus capable maintenant et une petite recherche sur internet m’indique que les symboles à entrer dans l’ordre sont「壱肆玖 捌漆」(je les inscris ici pour m’en souvenir à l’avenir), ce qui correspondrait à 149-87 soit en japonais いちじくのはな (Ichijiku no Hana). Ce morceau Ichijiku no Hana (映日紅の花) est également disponible avec le DVD sur un CD additionnel, mais aussi présent sur la compilation Watashi to Hōden (私と放電). La vidéo du morceau à laquelle on peut ensuite accéder montre un mélange d’images et de plans vidéo courts comme sur les deux images ci-dessus, dont certaines se déroulent à Londres et à Paris. Comme il s’agit, en 2003, des cinq ans de la carrière de Sheena Ringo, elle nous montre une sorte de mini-retrospective en images. Elle avait 19 ans au début de sa carrière et on voit une photo de ses vingt ans dans la petite vidéo.

Pour référence ultérieure, je note ci-dessous la liste des morceaux interprétés lors de Baishō Ecstasy (賣笑エクスタシー):

1. Kareha (枯葉), reprise du morceau Les feuilles mortes écrit par Jacques Prévert et composé par Joseph Kosma, présent sur l’album Utaite Myōri: Sono Ichi (唄ひ手冥利 ~其ノ壱~)
2. Torikoshi Kurō (とりこし苦労), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
3. STEM (茎), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
4. Ishiki (意識), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
5. Poltergeist (ポルターガイスト), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
6. Okonomi de (おこのみで), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
7. Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
8. Meisai (迷彩), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)