the mountain and the sea

Les quelques scènes prises au bord de l’océan près de Numazu dans la préfecture de Shizuoka datent déjà de plusieurs mois. Le ciel est couvert mais on aperçoit tout de même le Mont Fuji au loin depuis le Mont Kanuki (香貫山). La plage bordée par une forêt de mille pins (千本松原) est toujours synonyme pour moi de vents forts. Le temps était pourtant calme et reposant aujourd’hui. Il y a quelques pêcheurs au bord de l’océan qui ne semble pas être destinée à la baignade car personne ne s’y aventure. La plage n’est pas nettoyée, couverte de toutes sortes d’objets rejetés par la mer qu’ils soient naturels ou non. J’envie les cyclistes qui roulent sur le terre-plein bordant la plage dont on ne voit pas la limite. On doit pouvoir se vider de tout lorsqu’on parcourt cette longue ligne droite accompagnant l’océan. Tout paraît infime devant cette immensité. Le midi, nous voulions déjeuner dans un des restaurants de la chaîne Sawayaka (炭焼きレストランさわやか) spécialisée dans les Hamburgers et présente seulement dans la préfecture de Shizuoka. Nous savions que cette chaîne de restaurants était très populaire mais on ne s’attendait pas aux 300 minutes d’attente que nous annonçait le ticket de réservation à l’entrée. On a même pris la peine de confirmer qu’il ne s’agissait pas d’une erreur, 30 minutes peut-être, mais non, l’attente est bien de 5 heures. Nous viendrons donc y dîner plutôt que déjeuner. Le principe semble être que l’on prend son ticket pour revenir ensuite plus tard. Le repas était certes très bon mais ne justifie en rien cinq heures d’attente.

L’email du fan club Ringohan du Lundi 27 Mai 2024 a été une vraie surprise. Sheena Ringo aime les dates anniversaire et elle a choisi les 26 ans de la sortie de son premier single Kōfukuron (幸福論) pour annoncer un nouvel album et une tournée nationale cette année. On pouvait s’attendre à la sortie d’un nouvel album solo, car Tokyo Jihen est malheureusement au point mort depuis quelques temps, mais pas aussi tôt, la sortie étant prévue deux jours plus tard le 29 Mai 2024. Ce type d’annonce soudaine est plutôt inhabituelle mais pour être très honnête, j’avais cette date en tête depuis plus d’un mois car une rumeur avait annoncé la sortie d’un nouvel album ce jour là suite à une mauvaise manipulation d’un site de vente en ligne l’ayant annoncé avant l’heure. Ce nouvel album s’intitule Hōjōya (放生会), faisant référence directe à un festival organisé chaque année du 12 au 18 Septembre dans un sanctuaire nommé Hakozaki à Hakata dans la ville de Fukuoka, d’où Sheena Ringo est originaire. On dit que le morceau plus ancien Omatsuri Sawagi (御祭騒ぎ) de Tokyo Jihen sur l’album Kyōiku (教育) faisait aussi référence à ce festival. Outre l’album, l’autre bonne nouvelle est l’annonce d’une tournée nationale de type Ringo Expo, c’est à dire dans des grandes salles de type Arena, du 5 Octobre au 15 Décembre 2024, avec des dates à Aomori, Niigata, Osaka (2), Shizuoka, Saitama Super Arena (3), Fukui et un final à Fukuoka. La tournée prendra le nom de Ringo Expo’ 24 – Keiki no kaifuku – ((生)林檎博’24-景気の回復-). J’avais un peu hésité à renouveler ma souscription au fan club Ringohan vu le peu de sortie et de nouveautés ces derniers mois, mais je vois que j’ai bien fait de mettre à jour ma souscription.

Après l’annonce de l’album Hōjōya le Lundi 27 Mai, je suis parti l’acheter le jour d’avant la sortie officielle, le Mardi 28 Mai au Tower Records de Shibuya. L’autre surprise de cet album est qu’il contient beaucoup de duo avec certaines artistes que j’apprécie depuis plus ou moins longtemps. Sur un total de 13 morceaux, 7 sont des duos avec Ikkyu Nakajima (中嶋イッキュウ) de Tricot, la rappeuse mainstream AI, Nocchi (のっち) échappée de Perfume, Utada Hikaru (宇多田ヒカル), Suzuka d’Atarashii Gakko! (新しい学校のリーダーズ), DAOKO et Momo (もも) de Charan Po Rantan (チャラン・ポ・ランタン). A part le morceau avec Utada Hikaru que l’on connaît déjà, ce sont tous des morceaux inédits qui sont d’ailleurs très clairement les plus intéressants de l’album. Par rapport à Sandokushi (三毒史) où les duos étaient tous avec des interprètes masculins, ils sont ici uniquement avec des voix féminines. Sur Sandokushi, les duos étaient alloués aux numéros pairs des morceaux, contrairement à ce nouvel album où les duos sont les titres impairs, comme si ces deux albums venait se compléter. Autres détails tout à fait Ringoesques, les deux albums font 13 morceaux contenant un nombre fixe de 5 caractères (Kanji, Hiragana ou Alphabet) et possèdent tous les deux une inscription en écriture Sanskrit sur la couverture. Les voix sur Sandokushi étaient de chanteurs plus âgés que Ringo, tandis que les chanteuses sur Hōjōya sont plus jeunes qu’elle, comme s’il s’agissait sur ce nouvel album d’une sorte de passage de relais. Outre les duos, les autres morceaux sont pour la grande majorité déjà sortis en single mais apparaîssent sur ce nouvel album dans des versions complètement réorchestrées, souvent pour le meilleur. Comme je le disais plus haut, les duos sont très clairement les morceaux les plus intéressants de l’album et ceux que j’aime réécouter. Depuis le Mardi 28 Mai à minuit, on peut d’ailleurs voir les vidéos de six de ces morceaux en duo. Ces vidéos sont toutes réalisées par Yuichi Kodama dans un décor unique de grand cabaret. C’est d’ailleurs l’ambiance générale de l’album. Une des grandes surprises est d’entendre Nocchi de Perfume chanter sans aucun effet vocoder. De Perfume, j’ai toujours eu une préférence pour la personnalité de Nocchi par rapport aux deux autres membres du groupe, mais je n’ai jamais vraiment écouté ni apprécié la musique de Perfume. Cela a pris apparemment 20 ans à Ringo pour convaincre Nocchi de chanter en solo sur un morceau avec elle. 1RKO (初KO勝ち) est un des meilleurs morceaux de cet album. La vidéo avec gants et match de boxe est particulièrement réussie. Je suis également très agréablement surpris par l’intensité du morceau A procession of the living (生者の行進) avec la rappeuse AI. On ne peut pas dire que j’aime la musique de AI, mais sa voix est puissante et percutante sur ce morceau, de quoi venir défier Ringo qui ne s’efface pourtant pas. On éprouve une jubilation certaine à écouter ce morceau dans une ambiance jazz assurée entre autres par Shun Ishiwaka (石若駿) et Keisuke Torigoe (鳥越 啓介). Ses deux musiciens déjà présents sur la tournée de 2023 jouent sur tous les morceaux. On également le plaisir d’attendre Ichiyō Izawa (伊澤 一葉) de Tokyo Jihen intervenir sur certains morceaux. Je ne cache pas mon plaisir d’entendre Ikkyu Nakajima chanter avec Ringo sur le morceau d’ouverture de l’album Offering sake (ちりぬるを). Ce n’est pas le morceau le plus marquant de l’album à la première écoute mais il est vraiment très beau. La encore, la vidéo est très intéressante pour le mimétisme d’Ikkyu ressemblant volontairement à Ringo. Le petit détail amusant de la vidéo est de montrer côte à côte sur un panneau du grand cabaret les chiffre 193 (pour I・kyu・san) et 417 (pour Shi ・i ・na). Je ne cache pas non plus mon plaisir d’écouter le morceau A grand triumphant return (余裕の凱旋) avec DAOKO. J’avoue que j’aurais préféré la voix rap de Daoko comme sur le remix de Ishiki (意識), mais c’est sa voix kawaii qu’elle utilise sur ce morceau. J’étais de ce fait assez circonspect à la première écoute du morceau en regardant la vidéo sur YouTube, mais il s’avère être un des morceaux que je préfère de l’album. Ringo utilise une voix assez similaire à DAOKO et on a même un peu de mal à les distinguer l’une de l’autre. DAOKO a certaines expressions de voix que j’adore. C’est amusant car j’avais tout récemment parlé de cette similarité entre DAOKO et Ringo dans leur capacité à changer complètement le ton de leurs voix, sans savoir qu’un duo avait déjà été enregistré. Tout comme pour Ikkyu, je pense que j’avais déjà imaginé depuis longtemps un duo de DAOKO avec Ringo. Dans la vidéo du morceau, l’inscription Y-Y World fait référence au thème d’ouverture de la série animée Dr Slump d’Akira Toriyama. Les esprits attentifs ont remarqué que Daiki Tsuneta affiche une image de la petite Arale de Dr Slump sur son entête Twitter. J’imagine que cette correspondance est volontaire et indiquerait peut-être de futurs projets communs. Ce n’est que pure supposition. Toujours est-il que les nouvelles vidéos de Sheena Ringo sont pleine de correspondances avec d’autres vidéos ou émissions passées. On ne peut pas tout citer, mais je reconnais par exemple la robe de la vidéo du morceau avec AI car elle l’avait déjà porté lors de l’émission radio School of Lock avec Ichiyō Izawa. On retrouve aussi les sacs NASA et les gants de boxe déjà vus auparavant. Dans les très bons moments de l’album, on trouve également ce duo presque inattendu avec Suzuka d’Atarashii Gakko! (新しい学校のリーダーズ). Encore une fois, c’est amusant car je parlais du groupe dans un billet récent. Seule Suzuka chante sur ce morceau intitulé FRDP (ドラ 1 独走) mais le reste du groupe est présent et danse autour sur la vidéo. Suzuka s’en sort vraiment très bien car elle a une voix puissante, roulant même légèrement les « r » par moment. Je me souviens très bien d’une scène du dernier Kōhaku où Ringo regardait d’un air amusé mais un peu détaché le groupe chanter et danser sur la scène des studios de la NHK. Ça a peut-être été le déclencheur de ce duo. Le dernier morceau de l’album est un duo de Momo (もも) du groupe Charan Po Rantan (チャラン・ポ・ランタン) intitulé cheers beers (ほぼ水の泡). Ce morceau éloge de la boisson alcoolisée est le plus festif et démesuré de l’album, mais cette atmosphère est communicative. Sur la vidéo, on voit d’ailleurs que Ringo apprécie clairement le duo car elle est tout sourire par moments. Le single The moon and the sun (浪漫と算盤) avec Utada Hikaru est au centre de l’album, comme pour montrer la relation privilégiée entre les deux artistes qui ont déjà chanté plusieurs fois ensemble sur leurs albums respectifs. C’est d’ailleurs le duo Nijikan Dake no Vacances (二時間だけのバカンス) sur l’album Fantôme de 2016 qui m’a fait revenir vers la musique d’Utada Hikaru. La version TYO de The moon and the sun sur le nouvel album est différente de celle originale (la version LDN) présente sur la compilation Newton no Ringo (ニュートンの林檎) sortie en 2019. J’ai une préférence pour cette version basée sur la guitare, qui a tout à fait sa place en position centrale de l’album.

Les autres morceaux sont en comparaison moins intéressants car on les connaît déjà, même si l’orchestration est très différente. Le single Watashi ha Neko no Me (私は猫の目) accueille une orchestration particulièrement dense, qui rend la version originale assez fade mais qui tourne malheureusement à l’excès. C’est une critique que je peux faire régulièrement sur certains morceaux de Sheena Ringo qui tendent vers une certaine forme de maximalisme musical. Quelques cuivres en moins auraient rendu le morceau beaucoup plus équilibré et moins fatiguant. On trouve également As a human (人間として) sorti récemment, qui est un morceau assez beau mais qui peine à m’intéresser. On retrouve l’excès instrumental sur le morceau Open Secret (公然の秘密) déjà sorti sur l’album de compilation Newton no Ringo (ニュートンの林檎). On voudrait lui dire de lâcher un peu les rênes pour alléger le morceau. Ecouté indépendamment, le morceau est tout à fait appréciable, mais je trouve qu’il vient alourdir l’album. Le morceau closed truth (茫然も自失), chanté en espagnol argentin, est en comparaison beaucoup plus apaisé mais peine également à accrocher mon oreille. Et pourtant, la manière atypique de chanter de Ringo est vraiment intéressante, ce qui me fait dire que ce morceau devrait se révéler après plusieurs autres écoutes. La réorchestration du morceau Bye Purity (さらば純情) déjà présent en face B du single Watashi ha Neko no Me est par contre une excellente surprise, tout comme toogood (いとをかし) vers la fin de l’album. J’ai toujours trouvé ce morceau insignifiant mais il prend ici une toute autre forme, moins minimaliste et plus engageante. Il reste un petit moment apaisant avant le final de Ringo et Momo. Je trouve au final l’album assez irrégulier avec d’excellents duos, et d’autres morceaux que je n’écouterais à priori pas très souvent. On peut saluer la grande unité stylistique de l’album, par rapport à Sandokushi qui était beaucoup plus hasardeux, mais l’ensemble est très dense parfois dans des styles un peu similaire à Hi Izuru Tokoro (Sunny). Le premier morceau avec Ikkyu se nomme par exemple Chirinuruwo (ちりぬるを) qui est tiré du poème Iroha (いろは) de Kūkai (空海) tout comme le titre du morceau Irohanihoheto (いろはにほへと) de l’album Hi Izuru Tokoro. La flûte de paon de Chirinuruwo nous rappelle tout de suite certains morceaux de Hi Izuru Tokoro. Cela donne à l’album Hōjōya une atmosphère familière qui n’est en contre partie pas vraiment novatrice. On a souvent le sentiment d’avoir déjà écouté un morceau similaire de Sheena Ringo, mais il faut avouer que la qualité des compositions est bien là. La plupart de ces morceaux n’ont rien de standard. Leur complexité et sophistication nous saisissent à la première écoute. Tout comme sur Sandokushi, les transitions sont impeccables, au centième de millimètres. Je pense que j’apprécie beaucoup toogood pour la manière dont il démarre soudainement juste à la fin du morceau avec DAOKO. Je ne pense pas que ce nouvel album fera changer d’avis ceux qui ont arrêté en cours de route l’écoute des albums de Sheena Ringo, mais il y a suffisamment de pépites pour ne pas laisser indifférent.

Bien que j’ai acheté l’album à Shibuya, je n’ai pu m’empêcher d’aller faire un petit tour rapide au Tower Records de Shinjuku car on pouvait y trouver une installation pour l’album. Un peu plus loin dans les couloirs de la gare de Shinjuku, je savais que plusieurs affiches la montrait pour une publicité pour le whisky AO de la marque Suntory. Sur la vidéo de cette publicité, Ringo chante le morceau en espagnol 茫然も自失 (closed truth) en portant un verre de whisky à la main dans l’ambiance sombre d’un cabaret. Et tout d’un coup, avoir des images accompagnant ce morceau lui donne plus de consistance.

Pour revenir à l’album, il reste encore beaucoup de “mystères” à résoudre. Dans les vidéos des six morceaux avec invitées, le cabaret prend le nom étrange de Turritopsis. Wikipedia m’apprend qu’il s’agit d’une espèce de méduse ayant la ‘particularité d’avoir une capacité d’immortalité biologique, en revenant de façon cyclique, du stade de méduse au stade de polype, par inversion de processus de vieillissement’. J’imagine qu’elle a choisi ce nom en référence au fait qu’elle a choisi des invitées pour les duos qui sont plus jeunes qu’elle et avec qui elle a une certaine correspondance, indiquant d’une certaine manière ce processus de relais aux générations plus jeunes. Dans les titres de ses concerts, je trouve aussi qu’il a régulièrement une référence à la prise d’âge sur laquelle on ne doit pas se résigner. Le sous-titre de Ringo Expo’14 est par exemple 年女の逆襲 qui donne une idée de contre-attaque et celui de Ringo Expo’18 不惑の余裕 donne une idée qu’il reste encore beaucoup de marge, sous-entendu de temps pour faire les choses. Un autre “mystère” est la présence de 7 chats sur la couverture du nouvel album. On reconnait bien sûr Sheena Ringo au centre en chat noir avec une guitare et la coiffe de son dernier concert. On reconnait aussi les quatre chats en haut à droite représentant les quatre filles d’Atarashii Gakko! avec notamment le chat à lunettes pour Suzuka. C’est par contre beaucoup plus difficile de reconnaitre les six autres chats. Où sont Nocchi, Ikkyu, AI, Momo, DAOKO et Hikaru?

Pour référence ultérieure, ci-dessous est la liste des morceaux de l’album Hōjōya (放生会) de Sheena Ringo (椎名林檎):

01. ちりぬるを (offering sake) feat. Ikkyu Nakajima (中嶋イッキュウ) de Tricot et Genie High (ジェニーハイ)
02. 私は猫の目 album ver. (I’m free, Watashi ha Neko no Me)
03. 生者の行進 (a procession of the living) feat. AI
04. 人間として (as a human)
05. 初KO勝ち (1RKO) feat. Nocchi (のっち) de Perfume
06. 公然の秘密 album ver. (open secret)
07. 浪漫と算盤 TYO album ver. (the moon and the sun) feat. Utada Hikaru (宇多田ヒカル)
08. 茫然も自失 (closed truth)
09. ドラ 1 独走 (FRDP) feat. Atarashii Gakko! (新しい学校のリーダーズ)
10. さらば純情 album ver. (bye purity) 
11. 余裕の凱旋 (a triumphant return) feat. DAOKO
12. いとをかし album ver. (toogood) 
13. ほぼ水の泡 (cheers beer) feat. Momo (もも) de Charan Po Rantan (チャラン・ポ・ランタン)

人類最後の少女元年

Je me promène autour du S de Shibuya dans lequel on ne peut pas encore entrer. Le complexe Shibuya Sakura Stage ne semble pas complètement ouvert mais il s’y déroule déjà quelques événements comme celui de la marque de cosmétique Essential de Kao Corporation présentant ses nouveaux produits et la publicité qui va avec. Le groupe NewJeans fait la promotion de cette marque et sort par la même occasion un nouveau single lié à sa publicité. Une file d’attente s’était formée dans le large couloir du building pour entrer à l’intérieur de l’espace d’exposition, mais les membres du groupe ne semblaient pas avoir fait le déplacement. J’imagine la cohue si elles avaient été là dans les couloirs du Sakura Stage. Les jeunes fans se prenaient plutôt en photo devant une grande affiche publicitaire prévue à cette effet. La dernière photographie du billet n’est pas prise au même endroit. Il s’agit d’une vue en contre-plongée du building Octagon Ebisu (オクタゴン恵比寿) par l’architecte Shin Takamatsu (高松伸). Elle a été construite en 1992 mais n’a pas pris une ride. Son maquillage coule par contre un peu autour de ses gros yeux noirs globuleux. Le tour se tient fièrement comme au premier jour au pied d’un croisement de cinq rues.

Le weekend dernier était la deuxième édition du festival Coachella 2024 qui m’a donné l’occasion de voir certains des artistes que j’avais manqué lors du premier week-end. J’ai donc pu voir la prestation du groupe électronique L’Impératrice dont je parlais dans un billet précédent et qui a confirmé tout le bien que je pense de la musique de cette formation. La jubilation de jouer sur la scène de Coachella se lisait très clairement sur leurs visages et ça faisait plaisir à voir. Je n’en avais pas parlé dans mon billet précédent mais j’avais vu lors du premier week-end une partie du live du groupe new-yorkais Vampire Weekend, dont je n’ai pas écouté la musique depuis plus de dix ans. Sans être un amateur inconditionnel du groupe, je trouve leur single Classical sur leur nouvel album Only God Was Above Us vraiment excellent. Il est même très étonnement numéro 1 du classement Tokio Hop 100 de la radio J-Wave pour le week-end dernier. Ce morceau me replonge une nouvelle fois dans cette musique alternative du tout début des années 2010 et de la toute fin 2000, que je trouvais particulièrement imaginative. Merriweather Post Pavillon d’Animal Collective et Veckatimest de Grizzly Bear sont deux monuments sortis en 2009 qui symbolisent pour moi cette période. De ces deux albums, les morceaux Ready, Able et No More Runnin’ sont d’une grande sensibilité et tout simplement beaux à en pleurer. J’ai pu voir lors du deuxième week-end une partie du set de Grimes qui n’a pas rencontré cette fois-ci de problèmes techniques majeurs mais qui n’en restait pas moins assez fade. Ce ne sont pas les grandes images synthétiques en fond d’écran qui ont rattrapé le coup. Une bonne partie de ces images de personnages animés étaient certainement générées par intelligence artificielle car elles avaient ce côté lisse et déjà vu, qui me mettent personnellement mal à l’aise. Les images générées par AI ont tendance à tendre vers une même imagerie standard qui essaie à mon avis de rétrécir les angles de la perception humaine. Côté musique électronique, le set des français de Justice était par contre tout à fait exceptionnel en ayant une approche scénique plus traditionnelle. Gaspard Augé et de Xavier de Rosnay étaient débout imperturbables en costumes blancs devant leurs claviers et consoles électroniques, et la puissance des faisceaux de lumières autour d’eux étaient impressionnantes. Accompagnant des morceaux instrumentaux au son puissant comme Generator, cela créait un espace conceptuel futuriste froid de toute beauté. Du coup, je me suis mis à écouter plusieurs morceaux de leur nouvel album Hyperdrama, comme Generator, Incognito, Saturnine et surtout One Night/All Night interprété en collaboration avec les australiens de Tame Impala. J’ai développé une sorte d’obsession pour ce morceau et ce refrain qui se répète (And I can be your woman ‘Cause if that’s the only answer Then we could be together) que j’ai écouté plusieurs dizaines de fois. J’ai toujours aimé la voix de Kevin Parker, mais elle s’accorde particulièrement bien avec le son électronique de Justice. De Tame Impala, il faut écouter le morceau Let it Happen de l’album Currents de 2015, qui atteint à mon avis un des sommets de la musique du groupe, notamment pour son décrochage conceptuel à mi-morceau tout simplement génial.

Dans les groupes japonais à Coachella, j’étais particulièrement curieux de voir la performance d’Atarashii Gakko! (新しい学校のリーダーズ) qui concluait le festival sur la scène Gobi. Leur set valait clairement le détour car elles sont de véritables furies inarrêtables sur scène. Je ne suis particulièrement amateur de leurs morceaux récents comme Otona Blue (大人ブルー) qui mettait beaucoup en avant leur chorégraphie facilement imitable sur TikTok, au profit de la qualité de leur musique. Mais ce morceau leur a donné une grande popularité et une assurance sur scène qui est assez impressionnante. Elles ont certes l’habitude de la scène américaine et étaient même populaires là bas avant de l’être au Japon, mais je trouve qu’elles se sont transformées et maîtrisent parfaitement les techniques pour faire bouillir un public qui ne demande que ça, beaucoup mieux que la politesse timide de Yoasobi. Suzuka est par exemple hyper active, s’activant au plus près du public, se faisant tenir en l’air par les personnes du public au pied de la scène. Elles étaient très clairement électrisées par le public et heureuses d’être sur scène. Le problème tout de même est qu’elles ont tendance à surjouer la carte du crazy Japanese, c’est à dire les japonais qui vont des choses folles qu’on arrive pas à comprendre mais qui font bien rire. Elles arrivent bien sûr à jouer de cela. Visuellement, leur set était impressionnant et extrêmement ludique mais musicalement, je reste quand même un peu sur ma faim. Si j’avais l’occasion de les voir en concert, j’irais tout de même très volontiers même si je n’aime pas beaucoup voir Suzuka tirer la langue sans arrêt, car ce n’est pas très poli.

En fait, j’aime beaucoup certains morceaux plus anciens d’Atarashii Gakko! comme Saishū Jinrui (最終人類) sorti en 2018 sur leur tout premier album Maenarawanai (マエナラワナイ). Elles ont en fait interprété ce morceau avec beaucoup d’énergie sur la scène de Coachella, ainsi qu’un autre intitulé NAINAINAI, dont j’avais déjà parlé sur ce blog, pour le final mouvementé et plein de rebondissements. Les musiques de Saishū Jinrui, et de tout leur premier album d’ailleurs, ont été composées par H ZETT M, aka Masayuki Hiizumi (ヒイズミマサユ機). Il joue d’ailleurs du piano sur ce morceau et rien que le fait de savoir que c’est lui qui joue me procure un sentiment de grande satisfaction. Je ne suis pas sûr d’en avoir déjà parlé sur ce blog, mais j’aime aussi réécouter de temps en temps le morceau ShōJo Gannen (少女元年) du groupe pop électronique Urbangarde (アーバンギャルド) sur lequel Atarashii Gakko! danse et chante dans les chœurs. Urbangarde est un groupe actif depuis 2002 avec actuellement trois membres permanents à savoir Yōko Hamasaki (浜崎容子) au chant, Temma Matsunaga (松永天馬) également au chant et Kei Ohkubo (おおくぼけい) aux claviers. La présence de Yōko Hamasaki est tout a fait remarquable avec un look mélangeant underground SM et kawaii pop, mais c’est la figure théâtrale du deuxième chanteur Temma Matsunaga qui m’intrigue beaucoup car on a d’abord un peu de mal à comprendre son rôle exact dans le groupe. Il accompagne bien Yōko au chant mais on ne remarque vraiment sa voix que si on écoute le morceau au casque. Son look étrange avec une coupe de cheveux au carré et des lunettes de professeur apporte un certain décalage à l’image générale du groupe. Le pianiste Kei Ohkubo est brillant et il a même collaboré il y a quelques années avec Jun Togawa pour un album collaboratif, que je n’ai pas écouté car Jun a malheureusement beaucoup perdue de sa voix tellement unique. Shōjo Gannen a une dynamique et une accroche assez immédiate et cette association avec Atarashii Gakko! est très bien vue. Du coup, j’ai une grande envie d’aller piocher dans la discographie très étoffée d’Urbangarde et dans le premier album d’Atarashii Gakko!.

今すぐ笑って

Les visiteurs les plus attentifs remarqueront peut-être les légers changements dans le traitement de l’image sur les photographies ci-dessus prises à Shibuya. Comme sur une série précédente prise à Ginza, je joue cette fois-ci un peu plus sur les niveaux de vibrance et de saturation des couleurs, en essayant de neutraliser l’effet de l’un sur l’autre. L’apparence très sombre des rebords bétonnés de la rivière de Shibuya à l’approche du building Stream n’est pourtant pas vraiment accentuée par le traitement de l’image. Je ne me souvenais pas que le béton était aussi sombre. Ces formes fuyantes s’accordent bien avec celles de la photographie suivante montrant les lignes de la voix ferrée nouvellement recouverte et la passerelle reliant le building Shibuya Scramble Square lié à la gare de Shibuya au building Hikarie de l’autre côté de l’avenue Meiji. Au grand carrefour de Shibuya, les grands écrans digitaux se multiplient. Celui légèrement incurvé au dessus d’un vieux building, qui diffuse régulièrement des publicités pour Yakult, est un des plus impressionnants car il montre souvent des visages en gros plan. Sur cette photographie, MISIA nous regarde de loin avec un air grave. On préfère quand même la voir sourire même de manière forcée. Ce visage m’inspire le titre du billet. En réalité, ce titre m’est également vaguement inspiré par la phrase 無理やり笑って お願い笑って (Forces toi à rire, s’il te plaît, ries) extraite des paroles d’un morceau du groupe rock japonais Quruli.

Après avoir écouté deux albums de Quruli (くるり), Zukan (図鑑) et Team Rock, sortis respectivement en Janvier 2000 et en Février 2001, j’avais bien l’intention de continuer mon écoute de la musique du groupe. Je continue donc avec l’album Sayonara Stranger (さよならストレンジャー) sorti en Avril 1999. C’est clairement un album que j’aurais aimé découvrir à mon arrivée à Tokyo en Février de cette même année 1999. J’y repense soudainement maintenant en écoutant une des émissions Etsuraku Patrol de Sheena Ringo de l’année 1999. Dans une des rubriques de son émission, elle mentionne cet album de Quruli en nous disant qu’elle l’aime tellement que Quruli vient même remplacer Blankey Jet City dans ses obsessions musicales actuelles. Il faut dire qu’elle expliquait juste avant dans cette même émission qu’elle essayait de mettre une halte à son obsession, jusqu’à la rendre malade, de Kenichi Asai et Blankey Jet City. Quruli semblait être un remède. Dans l’émission, elle n’explique pas vraiment clairement les raisons pour lesquelles elle aime tant cet album et dit même aux auditeurs que ce serait plus simple et rapide qu’ils écoutent eux-mêmes l’album pour se faire une idée. Elle passe pourtant à l’antenne deux morceaux, Kasa (傘) qui est le morceau le plus expérimental de l’album (et dont est tiré mon titre de billet) et le single Tokyo (東京) sorti l’année d’avant en 1998 mais intégré dans cet album Sayonara Stranger. Elle nous dit même qu’elle pleure à chaque fois qu’elle écoute ce morceau Tokyo, à un moment particulier vers la fin quand Shigeru Kishida chante でもすごくつらくなるんだろうな (mais ça va devenir extrêmement pénible). Quruli étant originaire de Kyoto et le titre de ce morceau étant Tokyo, je pense que les paroles écrites par Kishida abordent sa “montée” vers Tokyo (上京) pour y vivre, en laissant derrière lui une petite amie qu’il oubliera petit à petit, dont le souvenir réapparaîtra soudainement après quelques verres, mais avec qui il finira par avoir du mal à parler lorsqu’il l’appellera au téléphone. Je pense que ces paroles de Kishida parlaient à Sheena à cette époque car elle était pareillement “montée” vers Tokyo depuis sa ville de Fukuoka en laissant son petit ami de l’époque. Tokyo est certainement un des plus beaux morceaux de l’album mais ce n’est pas le seul.

L’ensemble de l’album est résolument rock avec une forte influence, dans le son des guitares, du rock alternatif américain du début des années 1990, celui qui a bercé une bonne partie de mon adolescence. Par exemple, sur le morceau Sayonara Stranger, qui donne son titre à l’album, une des sonorités de guitare me rappelle celle pleine d’écho qu’on peut trouver sur un morceau du premier album Gish des Smashing Pumpkins. Il n’y a par contre aucune ressemblance avec la musique des Smashing Pumpkins en tant que telle, car la voix de Kishida est beaucoup moins typée et forte que celle de Billy Corgan. Il y a une relative simplicité dans les paroles des morceaux, accentuées par la prononciation très distincte de Kishida, qui leur donnent une approche poétique. Il y a beaucoup de morceaux qui accrochent immédiatement par leur énergie rock comme le deuxième morceau Niji (虹) ou le suivant Old Timer (オールドタイマー). Sur ce dernier morceau, la manière de chanter plus agressive de Kishida me rappelle un peu celle Mukai Shutoku sur les morceaux de Number Girl. Le refrain se distingue ensuite assez vite du style de Number Girl, mais on remarque sur ce premier album majeur de Quruli, différentes influences rock. Sur des commentaires que j’ai pu lire au sujet de cet album, certains lui reprochaient un manque d’originalité. Moi, je trouve qu’il présage bien des albums qui vont suivre en mélangeant des passages plus folk, d’autres plus expérimentaux avec une atmosphère rock rapidement accrocheuse. Cet album est proche de l’ambiance rock que j’aimais tant avant mon arrivée à Tokyo et c’est par conséquent l’album que j’écoute le plus souvent parmi les trois que je connais de Quruli et celui vers lequel j’ai envie de revenir régulièrement. Au final, je ne regrette pas d’avoir écouté les conseils de Sheena sur son émission et son avis influence certainement un peu mon appréciation. La sortie de cette album l’année de ma « montée » personnelle vers Tokyo et le fait que j’ai le même âge que Kishida doivent également jouer sur le lien que je tisse avec cet album. J’aurais aimé le découvrir cette année là, plutôt que 22 ans plus tard.

Dans ses recommandations musicales, Sheena Ringo diffuse également dans son émission Etsuraku Patrol, des morceaux de Radiohead et de Beck. De Radiohead, elle nous dit beaucoup aimé le morceau Creep qu’elle a d’ailleurs déjà repris sur scène en concert (Kyoei Buranko 虚栄ブランコ le 30 Novembre 1999), mais elle diffuse plutôt un autre morceau, Anyone can play guitar, également sur le premier album du groupe, Pablo Honey, sorti en 1993. Elle évoque aussi l’album Odelay de Beck, en diffusant dans l’émission le morceau Where it’s at. Elle décrit Odelay comme étant l’album avec un gros chien poilu sautant sur la pochette. C’est vrai que ce chien était tout à fait remarquable et représente bien toute la bizarrerie de la musique de Beck de cette époque. Je me suis remis à écouter Beck. Je connaissais depuis de nombreuses années son album Mellow Gold, avec le single immanquable Loser, mais j’avais fait beaucoup plus récemment (il y a quelques années) une fixation sur sa musique en écoutant presque tous ses albums les uns après les autres. Mellow Gold et Odelay sont certainement les meilleurs albums de Beck, mais j’apprécie également énormément l’album Sea Change sorti en 2002 qui marquait un tournant folk dans sa carrière. Le folk a toujours été présent dans la musique de Beck mais trituré par des samples, tandis que sur Sea Change, l’approche est beaucoup plus apaisée et contemplative. J’avais trouvé dans cet album un compagnon idéal à mes promenades urbaines. Je me souviens d’ailleurs très bien des lieux près de Shinagawa que je parcourais dans le froid en écoutant cette musique. Le morceau Round the Bend reste par exemple gravé dans ma mémoire comme étant associé à ces lieux. J’hésiterais même à l’écouter dans d’autres circonstances pour éviter d’altérer ce souvenir. Mais je l’écoute quand même récemment dans la voiture, jusqu’à ce que Mari me conseille de changer de disques car je risquerais de m’endormir au volant. Le morceau Round the Bend passait justement à ce moment. J’étais très loin de m’endormir au volant, mais c’est vrai que cette musique est tellement apaisée qu’elle pourrait nous accompagner jusqu’au sommeil (Il ne s’agit pas là d’une critique). Beck cite la rupture avec sa compagne comme étant l’influence principale de cet album et il en ressort une plénitude réparatrice plutôt qu’une agressivité vaine.

J’écoute aussi de nouveau l’album Guero, sorti à la suite de Sea Change mais 3 années plus tard en 2005. Guero reprend un style plus proche de celui d’Odelay sans pour autant être aussi percutant. En réécoutant cet album, je remarque maintenant le morceau Hell Yes, qui était un des singles de l’album. Il y a une voix féminine accompagnant Beck que je crois d’abord être japonaise. Cette voix parle en anglais sans accent particulier mais avec un petit air juvénile et prononce ensuite les mots d’approbation japonais « Hai » qui sonnent vraiment japonais dans le ton et la manière d’aspirer les « h ». Il fallait donc que je fasse des recherches pour savoir qu’elle était cette voix japonaise. A ma grande surprise, il s’agit en fait de la voix de l’actrice américaine Christina Ricci, qui a connu la célébrité mondiale suite à son rôle dans le film The Addams Family en 1991. Il s’avère en fait que mon intuition n’était pas tout à fait incorrecte car Beck a d’abord cherché une voix de fille japonaise pour l’accompagner sur ce morceau. Alors qu’il était en tournée au Japon, Beck s’était mis en tête de trouver une voix de serveuse (les paroles disent des choses comme « please enjoy ») en allant dans divers restaurants japonais, mais sans trouver une voix qui lui convenait. Christina Ricci prit finalement ce rôle et est créditée en tant que “Kurisuti-na” pour garder à peu près des consonances japonaises. Mais, il faut noter que Beck a bien collaboré avec une voix japonaise quelques albums plus tard. C’était une collaboration improbable avec Daoko sur le morceau Up All Night. On ne trouve pas la version avec Daoko sur l’album Colors de 2017, mais en single séparé. Elle a également interprété ce morceau sur scène avec Beck lors du festival Summer Sonic de 2018.

Et en écoutant Beck, je pense maintenant aux Beastie Boys. Le style est différent mais Beck et les Beastie Boys partagent l’utilisation intensive des samples et des mélanges musicaux hétéroclites. Ils ont cette même folie créative et je trouve que certains sons se rejoignent, bien que les tonalités des voix soient très différentes. En fait, je me remets à écouter l’album Hello Nasty des Beastie Boys, sorti en 1998, car je découvre une reprise du morceau Intergalactic de cet album par le groupe de filles Atarashii Gakko! (新しい学校のリーダーズ) dont j’ai parlé récemment. Atarashii Gakko! pousse le mimétisme jusqu’à reprendre le même uniforme que les trois Beastie Boys. Les scènes sont également tournées dans des lieux similaires, comme devant la mairie de Tokyo à Nishi-Shinjuku. J’avais acheté l’album Hello Nasty au moment de sa sortie, peu de temps avant de venir à Tokyo, mais je ne me souviens pas l’avoir autant apprécié que maintenant. Je pense que j’avais eu à l’époque la déception que la version du morceau de Body Movin présente sur l’album était différente de celle du single mixée par Fatboy Slim. Il s’avère que je préfère maintenant la version originale sur l’album. Hello Nasty, dans son ensemble, est percutant. L’urgence et la puissance de leurs voix et l’humour omniprésent qui se dégage de l’album me plait beaucoup. Je n’écoute pas beaucoup de hip-hop, mais j’ai l’impression que le son des Beastie Boys venait à l’époque casser les codes du genre. Je ne me souvenais plus que l’album contenait autant de titres (22) et qu’il était aussi varié. Le quinzième morceau intitulé I Don’t Know semble par exemple avoir été inscrit sur la playlist par erreur. Il vient en quelque sorte apporter une petite bouffée d’air dans l’album, comme une petite promenade en campagne Upstate (si on associe le hip-hop des Beastie Boys à l’univers urbain new-yorkais). Ce morceau assez court est d’ailleurs accompagné par Miho Hatori (羽鳥 美保) du groupe rock alternatif new-yorkais Cibo Matto. Cibo Matto Comme les Beastie Boys ne sont plus actuellement en activité (depuis la mort d’Adam « MCA » Yauch d’un cancer en 2012). Miho Hatori compose toujours et j’aimais d’ailleurs beaucoup son morceau Tokyo Story sur son album sorti au début de l’année Between Isekai and Slice of Life 〜異世界と日常の間に〜.

ネタバレしてる人生

Ce billet est un mélange de photographies sans grandes relations les unes avec les autres, prises dans le centre de Shibuya, à Chidorichō dans l’arrondissement de Ōta et à Higashi Azabu. Lorsque j’entre dans le centre de Shibuya, je passe la plupart du temps par le magasin Disk Union situé tout près du petit poste de police Koban aux formes futuristes dessinées par Edward Suzuki. C’est presque devenu une routine. Je suis pourtant loin d’acheter un album à chaque fois que je m’y rends. J’y vais beaucoup pour l’ambiance. Je tiens certainement cela de mon adolescence et au souvenir d’avoir acheter mes premiers CDs. J’ai toujours conservé cet intérêt pour les magasins de disques et c’est dommage qu’ils disparaissent ou se rétrécissent petit à petit. En chemin, je fais souvent un détour par l’arrière du grand magasin PARCO car on y trouve en général une affiche géante posée de manière très éphémères, qui correspond souvent à une exposition en cours ou à un événement particulier (par exemple, un événement de l’agence Wack). Cette fois-ci, on pouvait y voir une affiche façon manga semblant représenter la marque Nissin de nouilles en boîte Cup Noodles. Je passe également souvent devant le parc en hauteur de Miyashita, histoire de voir si les plantes grimpantes ont avancées dans leur conquête des lieux. J’imagine qu’il faudra bien des années avant que ces plantes forment un toit végétal au dessus du parc.

A Chidorichō dans l’arrondissement de Ōta, des bouteilles d’eau méthodiquement posées autour d’un poteau électrique relance mes interrogations sur l’objectif de ce genre d’installation. On en avait déjà discuté dans un billet précédent. On trouve en général ce genre de bouteilles le long des murs d’une maison pour soit-disant éviter que les chats ou plutôt les chiens viennent y faire leurs besoins. Mais dans le cas ci-dessus, les bouteilles sont posées autour de poteaux électriques étant à priori une propriété de la ville ou de l’arrondissement plutôt que de l’habitant. La disposition parfaite sans laisser un espace libre est également très intriguante. Sans aucunes explications supplémentaires, on pense qu’une douce folie a poussé un des habitants de ce quartier à mettre en place cette installation. En regardant bien, ce n’est pas le seul poteau électrique du quartier à être entouré des mêmes bouteilles d’eau dépourvues d’étiquettes et fermées d’un même bouchon vert pomme. On ne peut pas dénier une certaine esthétique de la chose et ça en deviendrait presque de l’art. Comme on l’évoquait sur le blog de mahl, il y a beaucoup de détails étranges de ce genre dans le décor urbain des villes japonaises, comme l’agencement inattendu de pots de fleurs. On s’ennuierait s’ils n’existaient pas.

Les deux dernières photographies du billet montrent deux hôtels juxtaposés dans le quartier de Higashi Azabu. J’avais déjà montré le deuxième bâtiment, privé de fenêtres sur les façades, dans un billet récent. J’ai déjà montré les deux sur mon compte Instagram. Je publie en fait mes photos d’architecture beaucoup plus rapidement sur ce Instagram que sur ce blog mais les commentaires que j’apporte sur Instagram sont volontairement très limités. Ces deux hôtels s’appellent respectivement Hotel azabu ten et 2269 Azavu.

Je ne sais pas par quel ’miracle’ Kirinji arrive à construire des singles aussi différents et aussi bons les uns que les autres. Son dernier morceau intitulé Hakumei (薄明) en collaboration avec la compositrice et interprète franco-japonaise Maika Loubté (マイカ・ルブテ) est une pure merveille. Ce morceau est très différent de son précédent avec Awich qui était également excellent. Ce nouveau morceau a une ambiance de vieux films que j’aurais du mal à vraiment définir. Takaki Horigome (堀込 高樹), désormais seul aux commandes de Kirinji, chante en japonais et Maika Loubté alterne entre le japonais et le français. Je trouve que leurs voix se conjuguent très bien et l’alternance entre le français et le japonais est très fluide. La composition musicale est parfaite, et également d’une grande fluidité qui nous accroche dès la première écoute sans pourtant qu’on se fatigue du morceau après plusieurs écoutes. Je l’ai écouté au moins une vingtaine de fois et ce n’est pourtant pas mon style musical privilégié. Ce morceau apparaîtra sur le prochain album de Kirinji intitulé Crepuscular. Je ne connais pas beaucoup Kirinji à part trois morceaux dont j’ai déjà parlé ici, notamment Killer Tune Kills Me avec YonYon, mais il m’intéresse beaucoup pour ses collaborations. J’avais déjà repéré le nom de Maika Loubté en pensant écouter un jour ou l’autre la musique qu’elle compose. Ce morceau me motive à aller écouter d’un peu plus prés sa musique électronique, en commençant par Zenbu Dreaming sur son album Lucid Dreaming sorti le 20 Octobre 2021. Elle était d’ailleurs invitée de Chris Peppler sur l’émission Tokio Hot 100, il y a quelques semaines. Il nous expliquait lors de l’émission de Dimanche dernier que Takaki Horigome avait remarqué Maika Loubté lors de son passage dans cette émission.

Je suis toujours très attentif aux nouvelles compositions de Samayuzame et ce nouveau morceau intitulé Chronic Clinic est très bon, dans le style de ce qu’elle a composé sur son album précédent mais avec un rythme électronique un peu plus présent lors des refrains. Je trouve qu’introduire ces pointes un peu plus pop est une très bonne direction. Samayuzame a un don pour créer des sons qui nous enveloppent. Ils s’accordent bien à sa voix et nous pousse au rêve. La vidéo, graphiquement simple et belle, évoque l’univers d’une clinique qu’on retrouve dans le titre du morceau et une douleur qu’on ne voit pas chanté dans les paroles du morceau.

Le style change complètement avec le morceau suivant d’un groupe de quatre filles de 20 ans, ou à peine, appelé Atarashii Gakkō no Leaders (新しい学校のリーダーズ), souvent raccourci en Atarashii Gakko! Leur style musical se rapproche du hip-hop mais avec une bonne dose d’humour dans leur manière de chanter et dans les paroles. Les vidéos sont amusantes à regarder car pleine de folie. Il y a un dynamisme contagieux dans cette musique très bien retransmis par les mouvements hyper expressifs des quatre filles, Mizyu, Rin, Suzuka et Kanon, toujours habillées en tenue d’écolière. J’écoute pour le moment deux morceaux NaiNaiNai et Free Your Mind. Ce dernier morceau a été tourné près de la rivière à Naka Meguro, et j’aime beaucoup les voir exagérer leurs mouvements, accompagnées de skaters, dans des lieux qui me sont très familiers. Il y a quelque chose de très spontané dans cette musique et ça me plaît beaucoup.

On change encore de style avec un nouveau morceau du groupe rock Boris. Cette sélection de morceaux musicaux est très éclectiques mais correspond à ce que j’écoute en boucle en ce moment. On passe donc aux guitares de Boris avec un nouveau morceau intitulé Reincarnation Rose, qui n‘apparaîtra pas sur leur prochain album W. Le groupe a sorti beaucoup d’albums, parfois très sombres et lourds en guitares, et on ne sait jamais trop à quoi s’attendre. Je ne connais que deux albums du groupe, Pink et Dear, mais je les suis depuis longtemps sur Twitter et Bandcamp pour guetter les morceaux qui vont me plaire. Celui-ci est excellent, toujours très pointu musicalement et mettant en avant la voix de Wata. Enfin, les guitares sont tellement présentes que la voix de Wata intervient plutôt comme un accompagnement. La surprise est de voir TOKIE accompagner le groupe à la basse. TOKIE est bassiste sur le groupe Ajico avec Kenichi Asai et UA. Elle sera apparemment présente sur le futur album. J’aime aussi beaucoup la vidéo car le groupe est habillé à la mode Visual Kei des années 90. Vont ils relancer une mode? J’ai en fait l’impression que seules Wata et TOKIE sont présentes dans la vidéo, sans Atsuo et Takeshi qui ont pourtant des éclats de voix dans le morceau. suGar Yoshinaga et Yuka Yoshimura sont plutôt créditées à la fin de la vidéo. C’est un mystère à résoudre. Boris vient d’ailleurs de sortir un autre tout nouveau morceau il y a quelques jours, intitulé Drowning by Numbers. Il est beaucoup plus expérimental et profond dans son approche, très différent de Reincarnation Rose, mais quelle ambiance!