Je m’enfonce une nouvelle fois dans la foule de Shibuya sans objectif particulier sauf celui de traverser le grand carrefour encombré mais fluide. Je pourrais très bien emprunter des rues plus calmes, mais j’aime traverser ce carrefour sans entendre son brouhaha car je me protège les oreilles en écoutant une musique plus saine pour mes neurones. Je remonte souvent Center-gai jusqu’au magasin Disk Union, mais cette fois-ci je me décide plutôt pour Shinjuku en longeant la longue avenue Meiji. L’axe Shibuya-Shinjuku est un parcours que je connais bien et qui ne me lasse pourtant pas, pour une raison qui m’échappe. Il faut dire que j’emprunte à chaque fois un itinéraire légèrement différent.
Quelle surprise de trouver le CD de l’album éponyme de Goddess in the Morning posé sur les étagères du Disk Union de Shimo Kitazawa. Mes battements de cœur se sont accélérés pendant quelques secondes lorsque je l’ai vu dans le lot des albums non classés par ordre alphabétique que je scrute toujours par curiosité au cas où il y aurait quelque chose d’intéressant. De cet album, je ne connaissais en fait que le morceau Flower Crown (花かんむり) car il était inclus dans une compilation française intitulée Ici Tokyo (こちら東京), composée d’une sélection de morceaux japonais de styles divers (allant du rock punk à l’électronique en passant par la pop). Cette compilation sortie en 1996 a été un des premiers contacts que j’ai eu avec la musique contemporaine japonaise, à cette époque où j’étais en France. La compilation est d’une qualité et d’un intérêt très variable, mais ce morceau Flower Crown en particulier a toujours été un de mes préférés. C’est un morceau que j’ai beaucoup écouté au fur et à mesure des années, qui m’a en quelque sorte accompagné pendant presque 30 ans. Ci-dessous est un extrait de la page consacrée au groupe, tirée du livret de la compilation Ici Tokyo, du label Bond Age L’indépendant, vendue au prix conseillé à l’époque de 125 Frs.
Goddess in the morning (ゴッデス・イン・ザ・モーニング) est un duo composé d’Akino Arai (新居昭乃) et de Yula Yayoi (柚楽弥衣). Cet album éponyme est le seul qu’elles ont sorti en 1996, sous le label Biosphere Records (バイオスフィア・レコード). Il est assez court, 32 minutes pour 7 morceaux principalement chantés en japonais. Le duo utilise parfois un langage étrange qui ressemble au français comme sur le deuxième morceau intitulé Ucraine (ウクライナ). Ce langage étrange et cette manière de chanter particulière de Yula Yayoi sur certains morceaux proches du folklore celtique, sur le sixième morceau Saga (サーガ) notamment, n’est pas sans me rappeler la voix de Liz Fraser sur les albums de Cocteau Twins. Les percussions assez typiques des années 90 ont pour moi un charme nostalgique certain, mais ce sont les nombreuses envolées vocales et instrumentales que j’apprécie par dessus tout sur cet album. Le final de Flower Crown est par exemple particulièrement poignant lorsque les voix des deux chanteuses se mélangent. Le premier morceau de l’album, Reincarnation (リインカーネイション), est également l’un des plus beaux de l’album. Il y a quelque chose de divin dans la voix limpide d’Akino accompagnée de la voix mystique de Yula dans les chœurs, et l’instrumentation composée de sonorités parasites étranges ajoute un brin de mystère qui contribue à celui qui entoure ce duo.