Hôtel Meguro Gajoen, le 2 Janvier 2025
Les années qui passent peuvent parfois donner le vertige. Je savais que nous n’avions pas visité la partie ancienne de l’hôtel Meguro Gajoen (目黒雅叙園) depuis très longtemps, mais une vérification sur les anciens billets de Made in Tokyo me confirme que notre première et dernière visite des lieux s’est passé il y a tout juste vingt ans. Nous avions reçu il y a quelques semaines trois billets par une amie et avons donc profité de la journée très calme du 2 Janvier pour y retourner cette année. Cette partie ancienne de l’hôtel a été établie en 1931 par Rikizo Hosokawa (細川力蔵). Avant cela, Hosokawa opérait un restaurant traditionnel japonais ryōtei (料亭) nommé Shibaura Gajoen (芝浦雅叙園) dans le quartier des divertissements de Shibaura, mais décida de le déplacer à Shimomeguro, l’emplacement actuel de Meguro Gajoen, après avoir acheté une ancienne maison et ses dépendances d’un domaine datant de l’ère Meiji, propriété de l’homme d’affaire Shoichi Iwanaga (岩永 省一). La structure en bois de Meguro Gajoen a été construite par le maître charpentier Kyugorō Sakai (酒井久五郎), qui a également construit l’ancien Kyodo Kaikan en 1936, que j’avais visité en Août 2022. Une partie de l’ancien hôtel a été malheureusement détruite depuis longtemps et le jardin n’a plus la splendeur d’autrefois, mais la partie restante organisée le long d’un escalier de 100 marches en bois de zelkova appelé Hyakudan Kaidan (百段階段) vaut clairement la visite. L’hôtel est placé sur une longue pente et l’escalier remonte en direction de la gare de Meguro. On peut visiter plusieurs salles de banquets richement décorées, installées le long de cet escalier qui ne se compose en fait que de 99 marches (la visite nous en explique la raison supposée).
Le romancier Osamu Dazai (太宰治) y trouva inspiration pour son roman Kajitsu (佳日) publié en 1944, car un de ses amis s’y était marié l’année précédente et il avait pris grande part aux préparatifs. En lisant la fiche Wikipedia du romancier, je suis tout de suite intrigué par un nom et une photographie d’époque de Tomie Yamazaki (山崎富栄), esthéticienne et veuve d’un mari mort à la guerre dix jours après leur mariage. C’est certainement dû à son prénom, mais je trouve dans cette photographie une beauté qui me rappelle celle de Tomie (富江) du manga de Junji Ito (伊藤潤二). Tomie Yamazaki était la dernière compagne d’Osamu Dazai. Il a quitté femme et enfants pour emménager avec elle. Ils mourront tragiquement tous les deux le 13 juin 1948, noyés dans l’aqueduc de Tamagawa alors que la rivière était en crue. Osamu Dazai a fait de nombreuses tentatives de suicides, et c’est la raison officielle de leur mort, mais une rumeur persistante affirme que c’est Tomie qui a tué Osamu Dazai et a ensuite jeté son corps dans le canal avant de se donner la mort. Lire cette histoire me fait très fortement penser que Junji Ito a dû s’inspirer de Tomie Yamazaki pour écrire son histoire de Tomie. Il n’y a rien qui le confirme mais je vois que d’autres ont également pensé à la même chose que moi. Dans un court message sur X Twitter, je lis par exemple le commentaire d’une personne se demandant s’il n’y aurait pas un lien dans le nom de Tomie Kawakami (川上富江) du manga de Junji Ito, avec le fait que Tomie Yamazaki se soit noyé dans le canal Tamagawa (avec une même référence à la rivière). Dans le premier épisode du manga Tomie, il faut également noté que le petit ami de Tomie s’appelle Yamazaki. Tout ceci est tellement troublant que j’aimerais y trouver une confirmation. Sur les sept salles de banquets de l’ancien Meguro Gajoen, quatre ont été désignées comme bien culturel matériel par le Gouvernement Métropolitain de Tokyo. On dit que ces salles ont servi de modèle pour les scènes de bains publics dans le film d’animation Le Voyage de Chihiro (千と千尋の神隠し) d’Hayao Miyazaki. Il faudrait que je revois le film pour confirmer cela car ça ne m’a pas sauté aux yeux lors de notre visite. La partie récente de l’hôtel construite en 1991 est assez impressionnante par sa démesure typique de la bulle économique. L’intérieur m’a rappelé la richesse intérieure qu’on avait pu voir dans l’hôtel Kawakyu à Wakayama.
Temple Ikegami Honmonji, le 3 janvier 2025.
Pendant les deuxième et troisième journées de la nouvelle année, nous regardons attentivement, comme tous les ans, la course aller-retour Hakone Ekiden (箱根駅伝). Nous allons même supporter les coureurs près de la gare de Shinagawa lors de la deuxième journée lorsqu’ils reviennent vers Tokyo. La fin de journée nous amène ensuite tranquillement vers Ikegami dans l’arrondissement d’Ota. Nous passons un peu avant 17h au grand temple Ikegami Honmonji (池上本門寺), éclairé par les dernière lumières du jour. Ces quelques journées du début d’année se déroulent lentement mais passent en fait plus vite qu’on le pense.