Mesh / Earth House, que je montre sur les trois premières photographies de ce billet, est un bâtiment résidentiel conçu par Kengo Kuma, dont la construction fut achevée en Février 2011. Cette maison de 182.82m2 contient un rez-de-chaussée, deux étages et une terrasse sur le toit. Son emplacement au milieu du parc Shiba (芝公園), à proximité de la tour de Tokyo et du temple Zojoji, est assez exceptionnel. Ce bâtiment n’est apparemment pas entièrement résidentiel car on y trouve également un restaurant japonais appelé Niku Kappō Rei (肉割烹 礼). Il est possible que le restaurant soit situé seulement au rez-de-chaussée avec les deux étages au dessus occupés par des espaces privés. On peut d’ailleurs accéder à ces deux étages par un escalier indépendant accessible depuis l’extérieur. Le volume en forme de L du bâtiment est en partie recouvert de tiges métalliques formant une maille qui vient cacher une partie des grandes baies vitrées entourant la totalité des deux étages. Cette texture posée sur la surface contribue en quelque sorte à faire fondre le bâtiment avec la végétation du parc aux alentours. Le petit détail poétique de cette résidence était de voir un groupe de petits oiseaux discutant joyeusement sur les tiges des branchages métalliques, comme s’il s’agissait des branches d’un arbre. Il s’agissait en quelque sorte d’un petit concert de chants d’oiseaux sur du métal. Je suis passé plusieurs fois devant ce parc mais je ne me doutais pas que cette maison se trouvait à cet endroit. On l’aperçoit à peine derrière les arbres pourtant parsemés du parc.
La deuxième étape de la marche, toujours dans l’arrondissement de Minato, est d’aller voir un immeuble construit en Novembre 2020 aux formes très particulière. Le Prime Terrace KAMIYACHO (プライムテラス神谷町) conçu par Mitsubishi Jisho Sekkei Inc. (株式会社三菱地所設計) que je montre sur la quatrième photographie a cette particularité d’avoir des balcons aux formes désordonnées, comme des pièces de Tetris posées par erreur les unes au dessus des autres. Il y a quelque chose de très ludique dans ces formes, surtout quand ces parties de balcons ouverts sur l’extérieur viennent s’échapper loin depuis la façade, comme des perchoirs. Sur les photographies qui suivent, je pars vers Yūtenji en empruntant par moments la longue rue Komazawa. Nous passions souvent par cette rue en voiture, il y a quelques années de cela, pour rejoindre l’autoroute Daisan Keihin qui nous amenait près de Kamakura. Ces années là me manquent et nous ressentons régulièrement l’envie d’y retourner pour une journée de week-end. J’aimerais encore une fois m’assoir au bord de l’océan à Inamuragasaki pour observer le soleil qui se couche tranquillement derrière le Mont Fuji et l’île Enoshima.
Mutyumu (夢中夢), qu’on traduirait par un rêve dans le rêve ou un cauchemar, est un groupe formé en 2002 et l’album intitulé イリヤ -Il Y A- que j’écoute avec une passion certaine en ce moment est sorti en 2008. Difficile de classer la musique de cet album dans un style car ils se mélangent, parfois post-rock, par moments approchant le rock progressif avec des pointes heavy metal, mais toujours en mélangeant les instruments de musique classique. Les violons qui nous enveloppent dès le morceau d’introduction sont vite pris dans la tourmente des guitares lorsque le deuxième morceau prend le relai. On sait à ce moment-là que tout peut arriver, même le mélange à priori improbable de la voix d’opéra de la chanteuse et parolière Hatis Noit avec celle masculine dans l’esprit du Death Metal qui la suit comme un démon. La musique de cet album est pour le moins tourmentée, passant de mélodies tout simplement somptueuses à la brutalité lourde des guitares et des cris. Je pense parfois au long morceau-album Art of Life de X JAPAN, mais c’est encore autre chose ici même si on trouve le même aspect épique. Ce qui est très étonnant, c’est que l’album atteint une unité et même une harmonie malgré ce maillage hétéroclite de styles musicaux. On y ressent une poésie sombre, une mélancolie profonde parfois, des souffrances qui semblent atroces et des moments de plénitude, et le tout parfois inclut dans un même morceau. Les images sont fortes et la partition musicale est parfaitement exécutée avec une dextérité au piano qui nous entraîne dans des tourbillons. On se noierait volontairement dans ces morceaux en gardant un œil vers le ciel, vers l’éclaircie qui soudainement nous faire revenir sur la terre ferme. Les morceaux de cet album jouent avec ces sentiments contradictoires. Il y a une dualité quasi schizophrénique dans ces styles qui s’opposent. On a parfois l’impression d’une bataille entre les formes célestes et les monstres d’en bas. Les images se bousculent en écoutant cet album. Il ne faut pas l’interrompre ou le prendre en cours de route sous peine de casser l’histoire qu’il raconte, celle d’une descente en enfer jusqu’aux moments les plus sombres du morceau central de l’album. De ce cauchemar, on se réveille ensuite sous des nouvelles lumières qui nous attirent vers une lente résurrection. Cette musique nous hante par sa puissance dès la première écoute et ne laisse pas indifférent, qu’on aime ou qu’on déteste. En ce qui me concerne, je trouve cet album tout simplement grandiose. C’est une expérience musicale d’avantgarde.