tokyo stack overflow

Je ne sais pas si c’est une coïncidence mais au moment même où je passe devant la maison en cours de destruction sur la dernière photographie du billet, le morceau Nostalgia de Kumi Takahara (sur le label Flau) démarre ses premières notes de piano. Le morceau est vraiment très beau mais j’ai du mal à encaisser cette tristesse là. Elle tend trop vers l’introspection. Je n’ai pas pu m’empêcher de rester immobile devant cette maison quasi détruite. Il était trop tard pour essayer d’imaginer la vie de ses habitants. Je reste donc la tête vide devant cette démonstration du renouvellement urbain. Le bâtiment de l’avant-dernière photographie a lui aussi disparu. Je ne l’avais pas remarqué auparavant et je ne sais donc pas si les dessins de sa façade étaient présents à l’origine ou s’ils ont été dessinés après la décision de détruire le bâtiment. On voit de temps en temps ce genre de grands graphs éphémères dessinés sur des immeubles voués à disparaître. Un des meilleurs exemples que je connaisse était l’ancienne Ambassade de France à Tokyo, prise d’assaut volontaire par un groupe d’artistes. Ça avait donné une exposition intitulée No Man’s Land en Février 2010.

アルキミュージック

Les photographies orientées Architecture de ce billet ont été prises dans des lieux divers et n’ont pas vraiment de liens entre elles. Enfin si, on peut les grouper par deux. Les deux premières photographies prises à Aoyama se concentrent sur le motif et la forme des vitrages. Les deux suivantes ont été prises à Funamachi, quartier proche d’Arakichō dont je parlais récemment. Je suis persuadé d’avoir déjà vu cette maison individuelle blanche dans un magazine d’architecture mais je n’en retrouve malheureusement pas la trace. J’enverrais peut être une bouteille à la mer sur Instagram au cas où quelqu’un reconnaîtrait ce bâtiment, mais il arrive souvent que je retrouve moi-même l’architecte avant qu’on ne me l’indique ou que mes bouteilles se perde en pleine mer pour aboutir au point Nemo. Les deux maisons se trouvant derrière ont également des formes intéressantes, mais la légèreté blanche de la première m’intrigue et m’intéresse beaucoup plus. Sur les deux dernières photographies, je reviens à vélo de Yotsuya vers Shinanomachi. Dans la courbe de l’autoroute intra-muros, un temple s’est installé à l’abris des regards. On ne le devine pas de l’avenue principale et sa découverte était inattendue. La dernière photographie montre la gare JR de Shinanomachi conçue par l’architecte Shinichi Okada. La gigantesque colonne donnant sur l’avenue au coin du building est impressionnante. Je n’ai pas pu la prendre en entier au format horizontal, car je n’avais malheureusement pas assez de recul. Je n’ai pas insisté car ça me donnera l’occasion d’y revenir un peu plus tard.

Tokyo Jihen nous annonce par un petit email envoyé à 4h du matin par l’intermédiaire du fan club Ringohan que le nouvel album que l’on attend impatiemment arrivera plus vite que prévu. Je pensais qu’il sortirait pendant l’été 2021, mais on apprend avec joie qu’il est déjà terminé et qu’il sortira le 9 Juin 2021. Le nouvel et premier album complet depuis la reformation du groupe le 1er Janvier 2020 s’intitulera tout simplement Music (ミュージック) mais s’écrira en kanji 音楽 (Ongaku, c’est à dire musique). Ce n’est pas inhabituel qu’un album de Tokyo Jihen ait un titre en kanji et en anglais écrit en katakana. C’était le cas notamment de Adult (大人) et de Variety (娯楽). On sait que chaque album prend pour nom un type de chaine de télévision: Discovery, News, Education, Adult, Sports, Variety et Color Bars reprenant l’image de la mire de télévision. Le nouvel album prend donc le nom d’une hypothétique chaine télévisée musicale. Si on ne tient pas compte des mini-albums News et Color Bars, c’est le premier album complet de Tokyo Jihen depuis Daihakken sorti il y a exactement 10 ans en Juin 2011. On sait que l’album comprendra 13 morceaux et qu’on en connait déjà 5 sortis en singles (Inochi no Tobari, Ao no ID, Yaminaru Shiro et Ryokushu) ou maxi-single (Aka no Dōmei). Il y a donc 8 nouveaux morceaux qui nous attendent. On apprend aussi que le groupe travaille sur cet album depuis deux ans, c’est à dire qu’ils ont commencé à écrire les morceaux avant la reformation du groupe. Alors que toutes les paroles des morceaux sont écrites par Sheena Ringo, la composition est par contre distribuée entre les membres du groupe, sauf Toshiki Hata sans surprise. Sans surprise non plus, Ichiyō Izawa est la force créative de cet album car il en compose exactement la moitié, c’est à dire 6.5 morceaux, suivi par Sheena qui compose 2.5 morceaux puis Ukigumo et Kameda avec 2 morceaux chacun. Je ne suis pas surpris de cette distribution car la quasi totalité des singles déjà sortis sont composés par Izawa. Sans surprise également, on retrouve une symétrie parfaite dans les titres et leurs emplacements dans la playlist. C’est le cas par exemple des titres composés de plusieurs mots reliés avec un “no” (の). Il y aura une version limitée première presse qui contiendra en plus du CD, le maxi-single Aka no Dōmei (赤の同盟) déjà sorti l’année dernière seulement en digital et un livret de 40 pages intitulé Shigotochū (仕事中) qui devrait montrer des photos du groupe en plein travail. La photo utilisée pour la couverture de l’album, montrant une table de mixage, le laisse en tout cas penser. C’est cette version limitée que je viens de commander sur Tower Records. J’étais également très surpris par la photographie promotionnelle montrant le groupe sur le toit du Sky Building No. 3 (ou New Sky Building). On l’appelle également encore GUNKAN Higashi Shinjuku car il ressemble à un cuirassé. Ce building brutaliste de béton fut conçu par Yōji Watanabe en 1970 en suivant l’inspiration du mouvement architectural des Métabolistes. Je suis allé le voir de près il y a 14 ans en Juin 2007, et il était en mauvais état. Ça avait été une expérience assez marquante car l’immeuble est tout simplement unique. Il a été rénové depuis et les peintures verdâtres recouvrant les blocs d’habitation sur les façades ne sont pas du meilleur goût. Je me souviens avoir vu des photos de l’intérieur, qui semblait lugubre, mais les appartements ont apparemment été complètement rénovés. Le toit sur lequel la photographie de Tokyo Jihen a été prise n’est pas accessible au public (du moins c’était le cas à l’époque où j’y suis allé). En regardant cette photo, j’apprécie le contraste entre la massivité de la tête du building et légèreté apparente du groupe. Je parle de la légèreté des tenues et une certaine légèreté humoristique dans le fait qu’ils sont tous affublés d’un instrument à vent n’ayant pas grand chose à voir avec leurs instruments de prédilection. Le sens de tout ça m’échappe, mais j’y vois quand même une image de paix où la musique vient envahir les vieux navires. En tout cas, je garde en tête que cette photo vient faire un lien bienvenu entre deux des sujets principaux de Made in Tokyo, l’architecture tokyoïte et la musique de Sheena Ringo et Tokyo Jihen.

La liste des morceaux annoncés pour le nouvel album Music (音楽) est la suivante:

1. 孔雀 (Kujaku) (Paroles: Sheena Ringo, Composition: Ukigumo, Sheena Ringo)

2. 毒味 (Dokumi) (Paroles: Sheena Ringo, Composition: Kameda Seiji)

3. 紫電 (Shiden) (Paroles: Sheena Ringo, Composition: Izawa Ichiyō)

4. 命の帳 (Inochi no Tobari) (Paroles: Sheena Ringo, Composition: Izawa Ichiyō)
5. 黄金比 (Kōgonhi) (Paroles: Sheena Ringo, Composition: Ukigumo)

6. 青のID (Ao no ID) (Paroles & Composition: Sheena Ringo)
7. 闇なる白 (Yaminaru Shiro) (Paroles: Sheena Ringo, Composition: Izawa Ichiyō)
8. 赤の同盟 (Aka no Dōmei) (Paroles: Sheena Ringo, Composition: Izawa Ichiyō)
9. 銀河民 (Gingamin) (Paroles: Sheena Ringo, Composition: Ukigumo, Izawa Ichiyō)
10. 獣の理 (Kemono no Kotowari) (Paroles: Sheena Ringo, Composition: Kameda Seiji)
11. 緑酒 (Ryokushu) (Paroles: Sheena Ringo, Composition: Izawa Ichiyō)
12. 薬漬 (Kusurizuke) (Paroles: Sheena Ringo, Composition: Izawa Ichiyō)

13. 一服 (Ippuku) (Paroles & Composition: Sheena Ringo)

Les formes du bâtiment de la gare JR Shinanomachi sur la dernière photographie me rappellent l’image ci-dessus présente dans la bibliothèque Radiohead Public Library. Cette image d’architecture de l’époque de l’album In Rainbows attire tout de suite mon attention pour sa symétrie et son traitement en noir et blanc, et j’ai envie de l’associer aux blocs ascendants de la gare de Shinanomachi. Je connais cette librairie d’archives du groupe Radiohead depuis un petit moment, mais ne sachant pas par où commencer, je ne l’avais jamais vraiment exploré. Je me rends compte maintenant que l’on peut y voir des concerts entiers comme celui de Coachella le 14 Avril 2012 que je me suis mis à regarder en le choisissant au hasard. Ce concert se place chronologiquement après la sortie de The King of Limbs et de son album de remixes TKOL RMX 1234567 sortis respectivement en Février et en Septembre 2011. Je ne suis pas certain d’avoir déjà vu en vidéo un concert entier de Radiohead, seulement des extraits. Voir ce concert me rappelle à certains morceaux du groupe que j’avais un peu oublié mais qui me reviennent immédiatement dès les premières secondes d’écoute. Les interprétations sur scène sont plutôt fidèles aux versions des albums, mais c’est surtout la présence de Thom Yorke qui impressionne. Il se laisse complètement emporté dans son interprétation et envahit la scène avec des danses qui semblent improvisées. Sa manière de danser atypique ressemble même à un combat. Entre les morceaux, Thom laisse s’échapper quelques petites phrases et commentaires pince sans rire. Par exemple, en réponse à quelques personnes dans la foule qui lui crient leur amour, il nous dit « I love you then… Possibly not quite as you hope ». Au sujet d’un nouveau morceau que le groupe interprète pendant ce concert, il nous dit « We play new songs to be sure we are still alive… We are in fact still alive ». Il me semble qu’il y a de nombreux concerts disponibles en streaming gratuit dans la librairie d’archives web du groupe. Je vais piocher par ci par là, pour me replonger dans l’univers de Radiohead, ce qui est pour moi un exercice récurrent. Et puis, je prends un malin plaisir à parler volontairement de Radiohead sur un billet évoquant Tokyo Jihen, car Sheena Ringo a déjà fait des reprises de Radiohead en particulier Creep dans un des ses premiers concerts, puis elle était signée chez EMI tout comme Radiohead, et également parce que j’avais déjà parlé auparavant des deux groupes dans un seul billet abordant le souci donné au livret et au packaging accompagnant le CD d’un album. J’adore tout particulièrement la direction artistique des albums de Radiohead et en particulier celle de l’album The King of Limbs.

Aoyama & Spa

Sur les deux premières photographies du billet, on aperçoit en partie l’immeuble Prada dessiné par Herzog & De Meuron. C’est un landmark distingué du quartier et il n’a pas pris une ride même s’il a maintenant presque 20 ans. Il a été construit en 2003, pour être précis. Je passe assez régulièrement devant, sans le prendre en photo car il représente tellement l’évidence photographique que j’ai l’impression que ça ne m’apportera rien de le photographier une nouvelle fois. En passant devant le building voisin désormais occupé par Audi, l’envie me vient tout de même de le saisir en composition avec cet autre building. L’immeuble Prada a, en lui-même, tellement d’attrait qu’on ne pense pas forcément à l’inscrire, en photo, dans son environnement urbain. Un peu plus loin dans la même rue, je passe ensuite devant la boutique Comme des Garçons de Kawakubo Rei. J’aime beaucoup sa devanture en verre, courbe et oblique. L’intérieur m’intrigue toujours, pas particulièrement pour les vêtements qu’on y vend mais plutôt pour les tenues vestimentaires des vendeuses et vendeurs qui y travaillent. Ils et elles suivent tous à la lettre le style et le design à base de noir et blanc de Rei Kawakubo. Je ne pense pas qu’on les oblige, mais qu’ils et elles admirent profondément ce style vestimentaire. Ce style qui refuse les couleurs n’est pas chose rare à Tokyo et m’intéresse visuellement car il y a quelque chose d’assez fort qui s’en dégage. Personnellement, j’aurais par contre du mal à le suivre religieusement tous les jours. J’admire cette dedication à un genre sans en dévier. Je vois aussi un style un peu similaire chez Yohji Yamamoto, bien que plus masculin. J’aime personnellement beaucoup Y3, le croisement de la marque avec Adidas, mais les prix me font attendre les soldes, tout en hésitant encore. Un peu plus loin dans le quartier d’Aoyama, dans les rues à l’arrière où personne ne va, je découvre un autre endroit qui m‘intrigue. Je me laisse facilement intriguer dans les rues de Tokyo, ce qui fait que je ne me lasse pas encore de photographier cette ville. Il s’agit d’un étroit building de quelques étages, en béton sans ouvertures à part une porte d’acier accessible grâce à un petit escalier. Ce building à Minami Aoyama se nomme CAP, du nom du collectif artistique qui l’occupe. Une galerie appelée Rocket se trouve au sous-sol. Elle est surnommée « Gallery of the Night » en raison de son manque d’ouverture vers l’extérieur. Je ne sais pas si elle était ouverte à mon passage mais si la porte reste en permanence fermée, il doit être très difficile d’y pénétrer sans avoir l’impression désagréable de gêner. Toujours est-il que ce genre d’architecture de béton sans compromis attire mon œil photographique. Ce petit immeuble était par contre difficile à saisir dans son intégralité depuis la petite rue qui le dessert.

J’essaie de passer le moins de temps possible sur Twitter car je trouve ce réseau social en grande partie nocif, mais j’y trouve parfois des petites choses interessantes qui me font sourire et qui me donnent tout de même envie d’y revenir de temps en temps. A vrai dire, je ne tombe pas directement sur le tweet ci-dessous d’Utada Hikaru datant d’il y a plus de dix ans, mais à travers d’autres liens internet qui m’y amènent. L’anecdote et réflexion d’Utada sur son nom est assez amusante.

Le passe-temps de ma mère était apparemment de me trouver des prénoms qui auraient pu être « Ichigo » (fraise) ou « Melon » ou « Suika » (pastèque). Je suis bien contente qu’elle m’ait choisi le prénom « Hikaru ». Pourquoi est ce que Sheena Ringo sonne cool alors que Utada Suika sonnerait vraiment très ringard?

Tout est question d’habitude et on aurait très bien pu s’habituer à Utada Suika, sans que ça impacte vraiment sa carrière. Ce côté décalé aurait d’ailleurs plutôt bien collé à sa personnalité plutôt atypique. Il suffit de voir à ce propos son compte Instagram qui montre principalement une collection d’objets trouvés dans les rues de Londres (où elle habite toujours à ma connaissance) ou ailleurs. C’est plutôt inhabituel pour une star de sa renommée mais ça me rassure aussi de voir qu’elle suive ainsi ses passions les plus inattendues et anecdotiques sans vraiment se soucier de ce qu’on peut en penser. Elle avait d’ailleurs participé à l’émission Matsuko no Shiranai Sekai (マツコの知らない世界) pour présenter cette passion sous les yeux particulièrement étonnés de Matsuko Deluxe, qui a pourtant vu passer beaucoup de personnes particulières dans son émission. Nous regardons d’ailleurs cette émission très régulièrement et j’aurais très certainement l’occasion d’en reparler plus tard.

Pour revenir à ce commentaire d’Utada Hikaru évoquant Sheena Ringo, la vidéo de leur dernier morceau en duo, Roman to Soroban (浪漫と算盤) me revient en tête. C’est intéressant comme les crédits à la fin de cette vidéo viennent justement brouiller les pistes sur l’appellation de Sheena Ringo. On sait que son nom réel est Shiina Yumiko, Shiina étant son nom de famille et Yumiko étant son prénom changé dès le début de sa carrière en Ringo. La transformation de son nom de Shiina en Sheena (il y a eu une étape intermédiaire en Shéna) vient faire ressembler son nom de famille à un prénom (le prénom Sheena serait d’origine écossaise apparemment). La disposition des noms à la fin de la vidéo de Roman to Soroban, avec le prénom en premier pour Utada Hikaru laisse penser que le prénom de Sheena Ringo est Sheena plutôt que Ringo. C’est d’autant plus mis en évidence que le nom entier de Utada Hikaru se dit en général avec le nom de famille en premier, ce qui n’est très bizarrement pas le cas ici. Tout ceci reste tout à fait anecdotique, mais m’intrigue depuis très longtemps. Je suis donc assez content de trouver ce genre de pistes, même si je ne sais pas dans quelle mesure c’est volontaire. Enfin, j’ai bien appris que rien n’était jamais vraiment laissé au hasard chez Sheena Ringo.

Sur un thème similaire, un autre tweet m’interpelle. Il est plus récent et écrit par la compositrice interprète Ako (a子), que je suis sur Twitter depuis la sortie de son premier EP Misty Existence (潜在的MISTY), que j’avais d’ailleurs beaucoup aimé. Elle répondait par le commentaire ci-dessous sur la présence d’un de ses morceaux sur une playlist Spotify sur laquelle se trouvait également des morceaux de Sheena Ringo et Tokyo Jihen.

Quand la vie devient difficile, ça va mieux en regardant un live de Ringo san ou de Jihen.

J’ai eu exactement la même réflexion il y a quelques temps en me posant la question du pourquoi je ressentais le besoin de regarder en DVD ou Blu-ray tous ces concerts de Sheena Ringo et de Tokyo Jihen. Je pense qu’il y a un lien avec cette crise sanitaire qui nous épuise le cerveau à petit feu. J’éprouve en quelque sorte ce besoin de laisser s’échapper mon esprit dans quelque chose qui me réchauffe le cœur et le cerveau. Il n’y a bien sûr pas que des choses négatives dans cette crise, et même de nombreuses choses positives, mais l’accumulation de news anxiogènes finit par peser sur notre moral. Je pense que cette crise nous a tous obligé à trouver des échappatoires, qu’on peut poursuivre en général sans sortir de chez soi. Mais voir ces concerts en vidéo me donne énormément l’envie de refaire l’experience du live. Il faudra juste prendre son mal en patience pour une période indéterminée pour l’instant.

Je n’avais d’ailleurs pas parlé ici des concerts de Sheena Ringo et Tokyo Jihen depuis ma revue de Ringo Expo 18, peut être parce que cette dernière revue détaillée m’avait demandé beaucoup de temps et d’efforts, et que c’est forcément difficile de continuer sur ce rythme. Une petite pause était nécessaire mais l’envie de revenir vers ces concerts se faisait trop forte. La sortie du Blu-ray de la dernière tournée News Flash, que je viens d’acheter après réservation au Tower Records de Shibuya, me donne envie de revoir un nouveau concert. Je ne vais pas revoir tout de suite News Flash, mais me tourne plutôt vers un concert plus ancien de Tokyo Jihen, Spa & Treatment (スパ・アンド・トリートメント). Ce DVD couvre la tournée Tokyo Jihen live tour 2007 Spa & Treatment qui se déroulait en 14 dates dans tout le Japon du 18 Octobre au 21 Novembre 2007, juste après la sortie le 26 Septembre 2007 de Variety, le troisième album du groupe. La tournée commença à Yokohama, pour ensuite aller à Nagoya, Osaka, Fukuoka, puis Tokyo, Sendai, Sapporo et reviendra une dernière fois pour deux dates à Tokyo. La particularité de cette tournée est qu’elle se déroule dans des Live House, des salles de concerts plus petites plutôt orientées rock dans leur ambiance intérieure sombre et épurée. Il s’agissait, dans chacune des villes, des salles de concert Zepp opérées par Sony Music Entertainment Japan, sauf à Yokohama où il s’agissait du Blitz. Le Blitz de Yokohama a fermé ses portes en Octobre 2013. Il y avait également une salle Blitz à Akasaka tenue par les studios de télévision TBS juste à côté, mais elle a également fermé, en Septembre 2020. J’avais vu Sonic Youth dans cette salle de concert le 20 Février 2001, à l’époque de la sortie de A thousand Leaves que je ne connaissais pourtant qu’assez peu à ce moment là. Ou peut-être était-ce le concert du 17 Février 2003, ma mémoire me fait défaut.

Le DVD Spa & Treatment est une captation vidéo du dernier concert de la tournée, le 21 Novembre 2007, au Zepp Tokyo, mais il est sorti beaucoup plus tard le 26 Mars 2010, date qui correspond au début de la tournée suivante Ultra C couvrant le quatrième album Sports. Le DVD Spa & Treatment n’était en fait pas vendu dans le commerce mais seulement pendant la tournée Ultra C du 26 Mars au 25 Août 2010 et sur le site du fan club Ringohan. Ceci explique que ce DVD est un peu plus difficile à trouver que les autres concerts vendus dans le commerce en version neuve. Spa & Treatment est seulement disponible d’occasion à des prix parfois élevés. Je le vois régulièrement sur Mercari à 14,000 Yens. J’ai eu la chance de le trouver à un prix raisonnable de 4,500 Yens au Disk Union de Shinjuku dans une version quasi-neuve. Le prix raisonnable typique de ce DVD est plutôt aux alentours de 6,500 Yens, ce qui est plus élevé que le prix de vente de l’époque (3,800 Yens). Shinjuku est décidément le meilleur endroit pour trouver des CD/DVD ou Blu-ray de SR/TJ.

Tous les titres de l’album Variety (娯楽) sont interprétés sur Spa & Treatment, ainsi que quelques B-sides des singles de cet album et quelques morceaux seulement des deux premiers albums de Tokyo Jihen à savoir Kyōiku (教育) et Adult (大人). Il n’y a pas de reprise de morceaux sur cette tournée à part Marunouchi Sadistic de la carrière solo de Sheena Ringo. La tournée est vraiment concentrée sur l’album Variety, qui reste l’album le moins populaire du groupe. Sur le dernier sondage du fan club Ringohan, l’album Variety se trouvait en dernière position des albums préférés du groupe (sans compter les mini-albums comme Color Bars ou News, et les compilations). En ce qui me concerne, j’aime cet album même s’il n’est pas très consistant, notamment parce qu’il contient des morceaux qui sont clés dans la discographie du groupe comme OSCA ou Killer Tune, que j’avais beaucoup apprécié à sa sortie notamment pour sa vidéo. Il y a bien entendu sur ce DVD de nombreux morceaux qui ne sont présents sur aucun autre DVD ou Blu-ray de concerts, ce qui le rend forcément indispensable.

Le concert commence par le morceau Fukushū à l’ambiance très rock. Sheena y chante en anglais en poussant et exagérant sa voix, jusqu’à l’excellente partie solo à la guitare de Ukigumo qui termine le morceau en larsen. Le morceau s’enchaîne directement avec Sake to Geko dans une ambiance rouge sur scène, mais les couleurs sont changeantes. Sur ce morceau, c’est plutôt le piano d’Ichiyō Izawa qui est mis en avant. La voix de Sheena se fait aussi changeante en prenant parfois cet air ressemblant au kabuki. L’ambiance générale est très sombre comme dans un concert de rock underground, mais les tenues de scène en satin beige contrastent assez franchement avec cette ambiance. Le morceau finit aussi en larsen et dans un brouhaha de batterie qui nous amène très rapidement sur l’excellent Kabuki où chaque membre du groupe fait une petite démonstration de son instrument. Sheena prend le mégaphone sur ce morceau et le gardera pour OSCA qui s’enchaîne également directement et sans aucun arrêt. Le set n’a pour le moment fait aucune pause. C’est chronologiquement le premier concert, à ma connaissance, où OSCA est interprété. Sheena défile sur scène avec son mégaphone devant un public qui semble très proche. Elle prend un air volontairement hautain comme pour narguer les spectateurs, mais tout en leur faisant un signe de la main. On retrouve dès ce concert la scène habituelle de OSCA où elle retourne le mégaphone vers le public pour obtenir que leur voix soit amplifiée vers la scène. Le solo de basse de Seiji Kameda est également un classique, qui marque un petit répit avant la reprise rapide finale du morceau où chaque membre du groupe se donne à fond. Ce n’est pas la version la plus agressive que je connaisse de OSCA, mais elle n’en est pas moins très bonne.

Le rythme non-stop des premiers morceaux fait une pause avec un premier message de Sheena vers le public. Comme on pouvait s’en douter, le message se contente de remerciements et est très court. Elle semble chercher ses mots et conclut rapidement en demandant au public de faire attention à ne pas se blesser car la salle est bien remplie. On sait que la spontanéité lorsqu’elle s’adresse verbalement au public n’est pas son fort, et cette configuration de salle ne fait pas exception. Je le dis certainement à chaque fois mais je suis toujours énormément intrigué par ce contraste entre ces messages qui s’embrouillent et l’extrême aisance avec laquelle elle interprète les morceaux sur scène. Je pense que quand elle interprète ses morceaux, elle devient un personnage et est très préparée pour être sûre de ne pas décevoir. Tandis que les messages au public demandent à ce qu’on se dévoile beaucoup plus, au delà du personnage sur scène. Il s’agit là seulement de mon interprétation en tant qu’observateur très lointain, mais le contraste est également très frappant lors des scènes de préparation ou d’enregistrement de morceaux qui sont parfois incluses sur les DVDs de concerts. Ces scènes en comité restreint (les membres du groupe et les ingénieurs du son) montrent Sheena d’une manière assez différente, plaisantant et rigolant sans arrêt, attitude très éloignée de celle sur scène lors des messages. Encore une fois, devant un public aussi important, elle est peut être seulement prise par l’émotion et a, à chaque fois, du mal à trouver ses mots pour traduire cette émotion. Le morceau Ramp poursuit le set. Hata est hilare et Sheena sourie également en réponse, car le public apprécie le morceau en réagissant lorsque Sheena fait des pauses dans son chant. Tous ces sourires sont assez charmants, tout comme la coupe de cheveux très courte de Sheena. Ça contraste d’ailleurs beaucoup avec la coupe hirsute de Ukigumo. Ramp s’enchaîne directement avec Mirrorball. La mise en scène du concert est relativement simple avec une caméra qui bouge beaucoup et s’approche souvent au plus près du groupe. On s’immerge aussi souvent dans la foule, ce qui nous fait parfois voir le groupe derrière les mains tendues du public. Mirrorball a un son que je trouve très typique de Variety. Comme je le disais plus haut et comme son nom l’indique, l’album Variety part dans plusieurs directions et c’est aussi ce que j’aime.

Sheena prend ensuite sa guitare fétiche sur Kingyo no Hako, mais seulement pour quelques riffs. Ukigumo a également en mains sa guitare fétiche Vox Phantom. J’aime beaucoup observer Ukigumo sur scène, car il a parfois des mouvements brusques de la main comme s’il loupait une corde. Il n’en est rien, bien entendu, car son jeu est parfait voire même meilleur que sur l’album, mais ses mouvements semblent parfois peu naturels. Pendant Kingyo no Hako par exemple, il avance soudainement vers le devant de la scène d’une manière directe, un peu maladroite, que je trouve assez caractéristique. Il joue ensuite à côté de Sheena en la regardant jouer par dessus l’épaule, presque comme un professeur qui vérifie les progrès de son élève. Sheena n’a clairement pas le même niveau en guitare que Ukigumo et elle dit elle-même qu’elle s’est progressivement perfectionnée à la guitare grâce aux leads guitaristes de ses groupes (et de son ex-mari également, j’imagine). Le morceau Kingyo no Hako se termine sur un regard perçant de Sheena sur les dernières paroles, puis ce regard semble ensuite se perdre au loin. Elle garde la guitare pour Gunjō Biyori, qui est tout de suite acclamé par la foule, ce qui fait plaisir à Kameda. Ukigumo change de guitare pour une autre Vox Phantom verte pomme. Le morceau est superbe, mais les morceaux rock vont de toute façon si bien au chant de Sheena. Ukigumo reste stoïque en toute circonstance, Izawa est polyvalent et le rejoint à la guitare, Kameda est tout sourire, Sheena est sérieuse et théâtrale avec sa guitare et Hata se déchaîne encore une fois à la batterie. Il semble infatigable et c’est lui qui donne tout le rythme au morceau. Pinocchio, une B-side du single OSCA, ralentit ensuite un peu la cadence. La foule est un peu dissipée pendant ce morceau car on entend des personnes parlées dans la salle, ce qui reste rare sur les DVD/Blu-ray du groupe. J’aime beaucoup ce morceau dont le chant fait des vagues. Il aurait très bien pu être sur l’album. On sent l’émotion monter lorsque Sheena pousse sa voix parfois très haut. Ceux qui aiment la voix de Sheena Ringo pourront trouver une certaine addiction dans ce morceau. J’aime énormément quand elle pousse sa voix à la limite.

Toshiki Hata prend maintenant la parole et demande à chaque membre du groupe de donner un petit message improvisé aux fans de tout le pays, sous un petit air de batterie. Mais Ukigumo se défile avec une excuse (« Gomen nasai ») et Izawa s’en tire avec un mot qui ne veut rien dire. Seul Kameda (bien sûr) fait un remerciement en bonne et due forme. Sheena échappe à ce petit exercice assez peu concluant en arrivant sur scène un peu après. Je ne doute pas que c’était volontaire. Nous sommes maintenant à la moitié du concert et Bōtomin démarre avec Izawa et Ukigumo assurant d’abord les voix. Sheena complète ensuite la formation sur ce morceau qui me semble un peu plus lent et tranquille qu’à l’habitude. Sheena a revêtu une nouvelle tenue jaune comme une chemise trop grande pour elle. Elle laissera tomber cette chemise sur le morceau suivant, Tsukigime Hime, pour ne garder sur scène qu’une tenue plus légère de couleur violette. Le violet a l’air d’être la couleur de la tournée car tout le groupe porte au moins un vêtement de cette couleur. Souvenons-nous que le vert était la couleur de la tournée Dynamite. J’ai toujours beaucoup aimé ce morceau sur l’album, notamment quand Ukigumo chante en français les mots « la princesse ». Sur ce morceau, Sheena reprend par intermittence cette voix de kabuki qu’elle complète même avec un petit mouvement de tête. L’ambiance est plus cool sur le morceau qui suit, Metro, chanté à plusieurs voix. On est là dans un moment plus calme du concert, peut être un peu trop calme d’ailleurs et le morceau Kaban no Nakami qui démarre ensuite reste également assez détendu. Ce ne sont pas forcément les morceaux qui fonctionnent le mieux en concert. Ce sont plutôt les sourires du groupe que je remarque dans ces morceaux, notamment Sheena lorsqu’elle joue du tambourin en regardant Hata à la batterie pendant que Ukigumo fait son solo sur sa guitare Vox. Kameda lui gardera toujours sa même vieille basse qui a certainement beaucoup vécu.

Marunouchi Sadistic est la partie obligée de chaque concert et la version ici est proche de celle qu’on connaît sur Sanmon Gossip, qui sortira deux années plus tard en 2009. On commence à bien connaître cette version et il n’a plus vraiment maintenant l’effet de surprise qu’il pouvait y avoir à l’époque. Mais le morceau est souvent l’occasion pour les membres du groupe de se connecter avec le public, ce qu’ils font bien ici. Sheena fait des mouvements de bras pendant pratiquement tout le morceau en défilant. Comme je le disais un peu plus haut, je trouve qu’elle est de manière générale beaucoup plus souriante sur ce concert. Le concert s’interrompt ensuite très brièvement comme si un morceau avait été coupé. Sheena reprend sa chemise jaune trop grande, ce qui est assez bizarre et qui ressemble à une coupure au montage. Mais on regardant la liste des titres joués pendant le concert, il n’y pourtant aucune omission sur le DVD. Le morceau suivant Senkō Shōjo est excellent, notamment pour le solo de guitare final. C’est un grand classique des concerts de Tokyo Jihen et il s’agit en fait d’un morceau inédit en concert à l’époque car il sortira plus tard sur l’album Sports. Sur Shiseikatsu, Sheena chante dans des rayons de lumière comme si elle était seule sur scène. C’est un morceau qu’on ne retrouvera pas sur d’autres concerts mais qui fonctionne pourtant très bien en live pour l’émotion qui se dégage de sa voix et l’imprégnation qu’elle y met. Le public applaudit. Suit un autre grand classique, Shuraba de l’album Adult, en version très rythmée car je trouve la batterie de Hata très présente sans pour autant être aggressive. J’aime beaucoup le petit passage au piano de Izawa sur ce morceau comme une deuxième voix quand il vient se conjuguer avec celle de Sheena. Kuronekodō démarre par un long passage de batterie sous les applaudissements. Le morceau est court mais au chant très rapide comme un chat qui s’échappe lorsqu’on l’a aperçu. Le fond d’écran derrière le groupe montre d’ailleurs un petit chat qui court. Sheena crie même « Nya » à un moment des paroles comme pour imiter le cri d’un chat. Ce morceau a une construction bizarre et atypique comme peut l’être Variety.

Toshiki Hata reprend une dernière fois la parole pour le dernier morceau du set, Killer Tune. L’interprétation de ce morceau apprécié du public est bonne mais pas forcément la meilleure que j’ai pu entendre. Les mouvements de mains sont nombreux et Sheena conclut le morceau par un message vers le public avant de sortir de scène en premier. Mais il y a quand même les rappels. Hata revient sur scène en premier en courant et vient se prendre en photo en selfie avec le public. Il n’est décidément jamais à court d’énergie. Tout le monde s’est changé pour une tenue plus relax. Le morceau B-side du single Killer Tune, Karada, chanté en anglais démarre les rappels dans une ambiance posée et tamisée et me donnerait envie de l’écouter en buvant un verre de whisky (en consommant bien sûr avec modération). L’accent est mis sur le clavier de Izawa, qui accompagne aussi à la voix avec Ukigumo par moments. Le maquillage de Sheena est joli avec des petites pastilles argentées au coin des yeux ce qui lui changent beaucoup le visage. Pendant une pause entre deux morceaux, des personnes dans le public lui crie des félicitations mais je ne comprends malheureusement pas à quoi ils font référence. Sheena répond « thanks » en anglais d’une manière presque inaudible, mais qui n’échappe pas à la capture du DVD. SSAW est ensuite chanté à deux voix avec Izawa. Ce morceau ressemble à une ancienne chanson japonaise Kayōkyoku et il est très beau morceau. Sheena sort ensuite de scène pour la vraie fin du concert. En fait non. Ils reviennent tous une dernière fois, Hata courant toujours sur scène devant les autres. C’est Tōmei Ningen, également un classique, qui conclura le set. Sheena chante en position de côté avec le petit drapeau rouge qui n’avait pas fait encore fait son apparition jusqu’à maintenant. Elle accentue le chant un peu enfantin sous le regard satisfait de Kameda. Il est souriant car c’est un morceau qu’il a composé. On le voit même s’empresser à venir sur le devant de la scène avec Ukigumo dans la deuxième partie du morceau. A la fin de ce dernier morceau du concert, Sheena sort en sautillant mais le reste du groupe prend son temps. Izawa reste volontairement le dernier sur scène pour imiter l’air de rien le comique Dandy Sakano (ダンディ坂野) avec son mouvement un peu ringard « Gets » (ゲッツ), mais les autres membres du groupe ne sont déjà plus là pour le voir. Le concert se termine sur ce petit geste comique presque dissimulé, comme si Izawa avait insisté pour le faire contre l’avis général.

Deux morceaux supplémentaires sont inclus en bonus sur le DVD. Ils proviennent du concert Countdown Japan 09/10 à Makuhari Messe. Il s’agit de Nōdōteki Sanpunkan (能動的三分間) de l’album Sports, qui est en fait un montage vidéo de ce live. Sheena a les cheveux très courts, ce qui lui va très bien, et porte une robe rayée horizontalement noire et blanche avec les épaules découvertes. Toshiki Hata a les cheveux rouges à cette époque et les membres du groupe ont des tenues de scène originales. Le deuxième morceau est encore une fois Tōmei Ningen. La salle de Makuhari Messe est gigantesque, ce qui donne une impression très différente du concert à Zepp Tokyo sur Spa & Treatment. Je me demande si ce concert est visible en entier car il me semble avoir également vu Killer Tune sur YouTube, ou peut être est-il disponible sur le DVD de compilation live de 2012, Chin Play Kō Play (珍プレー好プレー que je n’ai pas encore regardé.

Une autre partie bonus intitulée Nude: X-2 (ヌード:X-2) est présente sur le DVD. Il s’agit d’un enregistrement vidéo et d’un montage de photos créés par Toshiki Hata. Les photos sont tirées principalement des photographies de promotion de Sports avec Ikiru (le premier morceau de Sports) en fond sonore. Rappelons que le DVD était vendu pendant la tournée de Sports. On y voit aussi des photos prises pendant des sessions d’enregistrement. La vidéo amateur prise par Hata montre des scènes au Studio TERRA à Shinagawa, opéré par une filiale de Toshiba EMI. Ce studio a fermé ses portes le 30 Juin 2010, pendant la tournée Sports. Peut être que cette petite vidéo a été prise en souvenir avant la fermeture des lieux. Je me souviens avoir entendu ce studio mentionné dans d’autres vidéos de concerts de SR/TJ. La vidéo montre principalement Ichiyō Izawa préparant les paroles de FOUL. Sheena est à côté, cigarette à la main et rigole beaucoup avec lui, sur apparemment une histoire d’ovni, entre autres. La vidéo étant centrée sur Izawa, on le voit du coup sous un autre jour car il est en général plutôt réservé sur scène. L’ambiance est détendue et ça fait plaisir à voir. J’aime beaucoup ce genre de scènes, qui me paraissent même indispensable pour saisir l’atmosphère dans laquelle se trouve le groupe.

Pour référence ultérieure, je note ci-dessous les morceaux interprétés sur Spa & Treatment:

1. Fukushū (復讐), du 3ème album Variety (娯楽)
2. Sake to Geko (酒と下戸), du 3ème album Variety (娯楽)
3. Kabuki (歌舞伎), du 2ème album Adult (大人)
4. OSCA, du 3ème album Variety (娯楽)
5. Ramp (ランプ), du 3ème album Variety (娯楽)
6. Mirrorball (ミラーボール), du 3ème album Variety (娯楽)
7. Kingyo no Hako (金魚の箱), du 3ème album Variety (娯楽)
8. Gunjō Biyori (群青日和), du 1er album Kyōiku (教育)
9. Pinocchio (ピノキオ), présent en B-side du single OSCA
10. Bōtomin (某都民), du 3ème album Variety (娯楽)
11. Tsukigime Hime (月極姫), du 3ème album Variety (娯楽)
12. Metro (メトロ), du 3ème album Variety (娯楽)
13. Kaban no Nakami (鞄の中身), présent en B-side du single OSCA
14. Marunouchi Sadistic (丸の内サディスティック), du 1er album de Sheena Ringo Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
15. Senkō Shōjo (閃光少女), du 4ème album Sports (スポーツ)
16. Shiseikatsu (私生活), du 3ème album Variety (娯楽)
17. Shuraba (修羅場), du 2ème album Adult (大人)
18. Kuronekodō (黒猫道), du 3ème album Variety (娯楽)
19. Killer Tune (キラーチューン), du 3ème album Variety (娯楽)
20. (rappel) Karada (体), présent en B-side du single Killer Tune (キラーチューン)
21. (rappel) SSAW, du 3ème album Variety (娯楽)
22. (rappel 2)Tōmei Ningen (透明人間), du 2ème album Adult (大人)

definitely ongoing

Ces photographies datent déjà d’il y a plusieurs semaines ou mois. Je ne me souviens plus exactement du jour où elles ont été prises mais ça devait certainement être quelques jours avant la Golden Week car je vois des carpes de couleurs accrochées à la vieille maison en bois sur la deuxième photographie. Le contraste entre la structure moderne de la première photographie et la maison à l’architecture traditionnelle de la deuxième photographie est volontaire. Cette maison à Ikegami est en fait un café mais il ne proposait que des plats à emporter. La partie café est peut être ouverte maintenant mais elle ne l’était pas à notre passage. L’intérieur est extrêmement bien conservé et nous a donné envie d’y revenir, une fois que cette crise sanitaire sera passée. La structure étrange de la première photographie est celle d’un pachinko, également fermé depuis la déclaration de l’état d’urgence. Un peu plus loin alors que nous marchons vers la gare d’Ikegami, je remarque une surface de béton dans une petite rue perpendiculaire à la rue de la gare où nous nous trouvons. Même de loin, on peut apprécier la qualité de ce béton laissé à l’état brut. Je fais immédiatement un petit écart pour aller voir cette maison de plus près, et prendre les troisième et quatrième photographies de ce billet. Il s’agit d’une maison basse placée sur un terrain relativement vaste. Derrière le garage en béton brut, deux blocs blancs aux toits biseautés se font face et sont reliés pour former une sorte de long tunnel. Derrière la porte d’entrée, une cour intérieure avec un petit jardin se cache entre ces deux blocs blancs, mais je n’irais pas voir de près car il s’agit bien entendu d’une résidence privée. Une recherche rapide m’apprendra que cette maison s’appelle Lik House et qu’elle a été conçue par Satoru Hirota Architects. De nombreuses photos sur le site de l’architecte ou sur d’autres sites specialisés en architecture et design donnent une bonne idée de la configuration intérieure et extérieure. Lik House a été construite il y a dix ans, en 2010, mais a bien conservé sa blancheur d’origine. Ce type de configuration très distribué sur l’espace est assez rare dans le centre de Tokyo pour une maison individuelle.

Pour revenir rapidement à l’enquête que j’avais publié il y a environ 3 semaines, comme je m’en doutais un peu, je n’ai reçu que peu de réponses, 5 ou 6 réponses en tout correspondant je pense aux quelques visiteurs réguliers que je reconnais (je crois du moins). Pas facile d’en sortir une quelconque analyse malheureusement. Je vais certainement retirer l’enquête car attendre quelques semaines de plus n’apportera certainement pas plus de réponses (j’avoue que je pensais que les visiteurs discrets ou non réguliers y répondraient). Je remercie ceux qui ont pris quelques minutes pour répondre à l’enquête et y mettre parfois quelques commentaires. Je voulais également voir s’il y avait des suggestions de changements, mais continuer de la même manière est la conclusion qui en ressort. Indirectement, j’ai compris la raison pour laquelle je mélange les sujets dans un billet plutôt que de me spécialiser sur certains sujets comme l’architecture ou la musique japonaise dans des sections différentes du blog par exemple. Se spécialiser dans un sujet force involontairement à l’exhaustivité, se sentir obliger de parler et de donner un avis sur telle nouvelle création architecturale de tel ou telle architecte, ou d’évoquer le nouvel album de tel ou telle artiste. Se sentir obliger de le faire enlèverait pour moi tout le plaisir d’écrire ce blog, et je pense que ça peut également devenir une raison d’un arrêt de blog quand on n’arrive plus à suivre le rythme de l’actualité. Deux principes que j’essaies plus ou moins de suivre et qui sont peut être les raisons pour lesquelles je continue à écrire sans interruptions pendant plus de 17 ans: ne pas trop contraindre son écriture à l’actualité et parler de ce qu’on aime plutôt que de ce qu’on n’apprécie pas. Les déviations sont certainement nombreuses mais c’est la ligne directrice générale que j’ai en tête depuis le début.

La réouverture récente des musées et galeries est bienvenue. Après plusieurs mois sans avoir vu d’expositions, je ressentais comme un manque indescriptible. On peut bien sûr voir l’art sur Internet, mais le ressentir en grand format dans une salle minimaliste (et presque vide) a tout de même une force toute autre. Le musée de la photographie à Yebisu Garden Place propose justement une exposition de photographies de Daido Moriyama 森山大道. L’exposition a démarré le 2 Juin pour presque quatre mois. Il ne s’agit pas d’une rétrospective complète de l’oeuvre de Moriyama, ce qui serait très certainement impossible vue la quantité de photographies qu’il a pu prendre en 55 ans de carrière (il a 82 ans cette année). L’exposition nous accueille bien avec la fameuse photographie noir et blanc du Stray dog prise à Aomori en 1971, mais le contenu de cette exposition intitulée Ongoing montre principalement des photographies récentes en noir et blanc et en couleur de Tokyo exclusivement. Il s’agit d’une sélection de photographies de plusieurs de ses séries datant de 2017 et 2018, à savoir Pretty Woman (2017), K (2017) et Tokyo Boogie-woogie (2018) ainsi que des photographies de sa série continue Record démarrée en 1972 et qu’il continue à publier en petits livrets jusqu’à maintenant (avec des interruptions). Dans ces séries, on retrouve bien sûr le style immédiatement reconnaissable de Daido Moriyama, à savoir des photographies de rue prises à la volée avec un fort contraste et du grain pour le noir et blanc. Les visages et les enseignes de Kabukicho ou d’ailleurs se mélangent dans une densité visuelle qui peut donner le tournis. Les photographies sont imprimées en grand format et sont placées les unes à côté des autres sur deux longues rangées couvrant la totalité des murs de la galerie au 3ème étage du musée. Les photographies de Moriyama se regardent comme un tout, plutôt qu’indépendamment. C’est un flot d’images et je suis assez sensible à cet aspect là. Mais malgré tout, je suis frappé cette fois-ci par la qualité individuelle de chaque photographie, et j’entrevois Moriyama d’une manière un peu différente d’avant. Alors qu’auparavant, j’avais le sentiment qu’on pouvait ‘survoler’ une exposition de Moriyama pour en saisir la substance, je me suis laissé attirer cette fois-ci par les détails. Je connaissais déjà certaines photographies pour les avoir vu l’année dernière dans les couloirs souterrains sous le grand carrefour de Shibuya pour l’exposition SHIBUYA / 森山大道 / NEXT GEN, notamment une photographie devenue emblématique d’un mannequin féminin de vitrine avec des lunettes de soleil dans lesquelles le photographe et une passante se reflètent (la passante qui regarde au même moment les lunettes de soleil est un de ces détails). Les photographies en noir et blanc ont beaucoup de force et sont celles que je préfère, par rapport à celles en couleur que je trouve plus inégales. Dans une des salles de l’exposition, une photographie de lèvre rouge de la série Lips! Lips! Lips!, comme sur l’affiche de l’exposition, est répétée des dizaines de fois sur plusieurs rangées, ce qui peut rappeler Warhol. Une petite salle dans le noir montre quelques photographies rétro-éclairées de sa série Tights in Shimotakaido de jambes féminines couvertes de bas résille. Ces photographies sont maintenant devenues emblématiques, et c’est un aspect que je n’avais pas vraiment perçu jusqu’à maintenant.

A mon arrivée au musée au moment de payer mon billet, je demande un flyer de l’exposition car je n’en vois pas positionné aux endroits habituels. La réceptionniste, un peu embêtée, veut bien me donner un flyer mais me demande lequel car il y a 16 versions différentes. Je demande deux versions prises au hasard, pour me rendre compte un peu plus tard que d’autres exemplaires sont disponibles sur des reposoirs aux étages. Je ne peux m’empêcher d’en prendre d’autres, car chacun montre une photographie différente de Daido Moriyama. C’est assez rare de voir plusieurs versions de flyer pour une seule et même exposition. Sur les 16 au total, j’en collectionne 8 que je montre en photo ci-dessus regroupés les uns à côté des autres. J’aime beaucoup le design graphique avec cette couleur jaune très marquée. A chaque exposition que je vais voir, je collectionne systématiquement le flyer que je garde ensuite précieusement dans un classeur rempli à raz bord. J’en suis déjà à mon troisième classeur et j’aime les réouvrir de temps en temps. J’ai commencé à collectionner les flyers des expositions que j’ai été voir au même moment où j’ai commencé ce blog, c’est à dire en Mai 2003. Le premier flyer de ma collection est celui d’une exposition de Nobuyoshi Araki intitulée Hana-Jinsei dans ce même musée de la photographie à Yebisu Garden Place.

aoyama orange

Le bloc orange qui se distingue sur la première photographie est un élément architectural de l’école maternelle Harajuku Kindergarten conçue par l’atelier d’architecture Franco-japonais Ciel Rouge Création (Henri Gueydan et Fumiko Kaneko). Cette école se trouve juste à côté de l’église protestante Harajuku Church sur la troisième photographie, par le même groupe d’architectes. Nous sommes ici à proximité de la rue Killer Street juste devant le musée d’art contemporain Watari-um, par l’architecte suisse Mario Botta, sur la deuxième photographie. La petite maison de style brutaliste Tower House de l’architecte Takamitsu Azuma se trouve aussi pas loin de là. Elle est tellement emblématique qu’il y a même une petite plaque indiquant son nom et l’architecte sur une des façades de béton brut. Je montre une vue de l’arrière de la maison sur la dernière photographie ci-dessus. Le parking de taille très réduite donne à la fois sur Killer Street et sur la petite rue arrière où je me trouve. Tower House fut construite en 1966 sur un petit espace triangulaire de 20.5m2 pour une surface habitable totale de 65m2. Cette maison est tout aussi radicale maintenant qu’elle l’était à l’époque de sa construction, où elle se distinguait pour sa hauteur par rapport aux habitations ‘traditionnelles’ qui composaient le quartier au milieu des années 1960. Elle ressemble maintenant beaucoup plus à une maison miniature dans un quartier qui a bien changé ces soixante dernières années. L’intérieur de la maison se compose principalement d’un espace vertical continu et ouvert où les pièces sans portes sont posées comme des strates sur 6 niveaux. L’escalier est omniprésent et se compose de plaques de béton ancrées directement sur les murs. Cette maison, désormais habitée par la fille de l’architecte, a une apparence intérieure des plus austères, mais donnait à l’époque une image symbolisant la vie tokyoïte moderne. Malgré sa petite taille, elle reste une des pièces architecturales les plus intéressantes du paysage tokyoïte, pour les amateurs d’architecture de béton sans compromis.

Le musée Watari-um est également placé sur un espace triangulaire réduit faisant un angle droit sur 160m2. La façade principale est un écran carré divisé en deux parties symétriques et l’escalier extérieur est placé à côté dans un espace arrondi. Cette façade donnant sur Killer Street est également iconique, mais elle apparaît un peu sale sur cette photographie prise au Février cette année. Ce sont les restes d’une immense affiche avec de multiples visages d’enfants et d’adultes qui avait été posée en 2013. Le musée a laissé volontairement cette affiche se dégrader avec les années et il n’en reste presque plus rien maintenant. La première photographie est prise depuis une allée fermée aux visiteurs longeant l’église protestante. Elle donne accès à l’ecole maternelle. J’aime beaucoup faire ce genre de compositions montrant la densité urbaine. On y voit une série de plans aux orientations variées se terminant sur la surface immense d’un immeuble bouchant la vue sur le ciel. L’urbanisme hétéroclite de Tokyo permet ce genre de compositions.


Je n’écoute que maintenant Blackstar ★ le dernier album de David Bowie, alors qu’il est sorti il y a un peu plus de quatre ans, deux jours après sa mort. Je suis persuadé depuis un petit moment déjà que je dois aimer la musique de David Bowie, mais je l’approche doucement. Mon premier contact volontaire (je veux dire en dehors des fois où j’aurais entendu des morceaux à la radio) était le morceau I’m deranged dans le film Lost Highway (dont je parle assez souvent ici, sans avoir revu le film depuis des années). Ce morceau me donne à chaque fois des frissons dans le dos, car je revois en même temps les images du film et sa composition est très particulière comme un épilogue qui se prolonge. Je garde aussi toujours en tête la photographie ci-dessus prise au moment de son concert d’anniversaire pour ses 50 ans au Madison Square Garden de New York en 1997. Parmi les invités au concert, je vois les visages de la plupart des groupes que j’appréciais pendant les années 90 et après: Franck Black de Pixies, Sonic Youth, Brian Molko et Placebo, Dave Grohl et Pat Smear de ex-Nirvana et Foo Fighters, Robert Smith de The Cure, Billy Corgan de Smashing Pumpkins. Il doit forcément y avoir des influences mutuelles entre ces groupes et Bowie, me persuadant un peu plus du fait qu’il faut que j’explore son immense discographie. La difficulté est de savoir par où commencer. J’ai d’abord découvert, il y a plusieurs années de cela, l’album de 1980, Scary Monsters (and Super Creeps), acheté un peu par hasard au Disk Union de Ochanomizu ou de Shimokitazawa. Mon attirance inconsciente tenait peut être au fait que le premier morceau de l’album It’s No Game (No 1) contient des mots japonais (parlés par Michi Hirota) qui m’ont intrigués. Je n’apprécie pas forcément tous les morceaux mais j’y reconnais la grande inventivité d’un précurseur. Plus tard, j’écouterais Low (1977) de sa trilogie créée à Berlin avec Brian Eno à la production, attiré par la couverture de l’album et sa réputation. On y trouve de très beaux morceaux, hantés, comme Warszawa. En fait, je suis beaucoup plus sensible à la dernière partie de l’album, à partir de Warszawa, où les morceaux quasi-instrumentaux se succèdent jusqu’au sublime dernier morceau Subterraneans. Les morceaux rock de la première partie de l’album m’attirent par contre moins et me rappelle que j’ai toujours un peu de mal à m’approprier la musique qui n’est pas de ma génération. Le fait de ne pas avoir vécu cette musique à l’époque où elle a été créée me donne le sentiment que je ne peux pas l’apprécier à sa juste valeur et qu’il me manque un contexte.

Je n’ai pas ce sentiment de distance temporelle avec l’album Blackstar ★ mais j’ai par contre beaucoup de difficulté à en exprimer une critique. Le morceau titre de presque 10 minutes est beau, saisissant et chargé en émotions surtout quand le saxophone commence son intervention. Et j’aime ces percussions qui partent librement dans des rythmes compliqués aux apparences incontrôlables, comme également sur le dernier morceau I can’t give everything away mais avec des accents plus électroniques. Il s’agit d’un morceau aux multiples facettes, polymorphe et l’émotion qui s’en dégage en l’écoutant me reste difficile à exprimer. Lazarus, aux paroles prémonitoires, est l’autre très beau morceau de ce court album de 7 titres, mais apparaît comme beaucoup plus classique par rapport au morceau titre de Blackstar. J’adore le cinquième morceau Girl Loves Me pour la voix et manière de chanter particulière de Bowie. Cet album de sortie est peut être pour moi le meilleur album d’entrée dans l’univers de Bowie. L’écouter me donne une autre perspective sur les deux autres albums que j’ai écouté auparavant. Le saxophone de Blackstar semble maintenant rentrer en dialogue avec celui de Subterraneans sur Low.