La routine du confinement à Tokyo se met en place assez rapidement. Le matin, je marche une vingtaine de minutes dans le quartier, parfois pour acheter du pain, je passe ensuite la journée entière à travailler à la maison et je marche encore le soir une quarantaine de minutes tout en faisant les quelques courses que l’on m’a commandé. C’est un rythme très particulier que je n’ai jamais eu l’expérience de pratiquer auparavant mais auquel j’ai l’impression de m’habituer assez vite, circonstances obligent. Zoa commence tout juste l’école à distance en utilisant l’application Zoom sur l’iPad de la maison. J’ai l’impression qu’il est content d’avoir tout le monde en permanence à la maison. Les marches le matin tôt et le soir tard sont mes seules sorties de la journée et elles sont plus que nécessaires. Mais comme je reste dans le quartier, je ne prends pas de photos et mon stock de photographies à montrer sur le blog n’augmente naturellement pas. Je fouille donc dans mes archives récentes des dernières semaines et mois et il me reste en fait encore beaucoup de choses à montrer, comme je le mentionnais dans les billets précédents. Mais plus les journées passent et plus les textes que je vais écrire vont se trouver déconnecté des images que je montre. Ça tombe bien car il y a peu de commentaires à faire sur cette série ci-dessus à part de dire que ces lumières de la nuit ont un côté fantomatique, peut être inspiré par la musique que va suivre.
Je ne suis les créations musicales de Nine Inch Nails que de très loin, mais je sais que Trent Reznor est capable d’alterner les musiques post-industrielles avec celles plus contemplatives dans le registre instrumental ambient. Je m’étais intéressé un peu au groupe lorsque Reznor avait produit les bandes originales de deux films des années 90 que j’avais beaucoup aimé: Natural Born Killers d’Oliver Stone avec Woody Harrelson et Juliette Lewis, et Lost Highway de David Lynch. En plus de produire, il interprétait également quelques morceaux mélangeant le chaud et le froid, des morceaux calmes avec d’autres beaucoup plus énervés. Je n’ai en fait jamais écouté d’album entier de Nine Inch Nails, mais un morceau comme March of the pigs sur The Downward Spiral (1994) m’avait assez marqué à l’époque en voyant la vidéo sur MTV, toujours pour cette instabilité émotionnelle qu’il dégage dans son interprétation. Avec la série Ghosts, dont j’écoute l’épisode V, on se trouve clairement dans le deuxième domaine, avec des morceaux instrumentaux longs, souvent d’une dizaine de minutes dans lesquels on vient volontairement se perdre jusqu’à oublier toute notion temporelle. Il y a quelque chose de simple et de primaire dans ces nappes musicales plutôt sombres voire même inquiétantes mais en même temps quelques chose d’essentiel qui touche à l’émotion. Il y a beaucoup d’espace dans ces morceaux qui pourraient être utilisés comme bande sonore d’un film. Le morceau Together donnant le titre à l’album est peut être un des plus beaux morceaux de l’album. Assis devant la table de la salle à manger, après une journée de travail à la maison, je me dis qu’écouter cette musique va me donner de l’inspiration pour écrire, mais je me mets plutôt à rêver en écoutant cette musique les yeux fermés. J’écoute ces nappes musicales envoûtantes. Elles évoluent lentement comme un navire dans le cosmos, au point où je finis par m’endormir. Ce n’est pas que cette musique soit ennuyeuse, loin de là, mais elle accompagne tranquillement l’esprit pour qu’il s’apaise. Trent Reznor et Ross Atticus ont volontairement sortis ces deux albums pendant cette période tourmentée et ils sont même disponible gratuitement sur le site du groupe. Il y a une forme de plénitude dans ces partitions de piano légèrement voilée se déroulant continuellement, qui nous aide à prendre un peu de recul pour la réflexion intérieure. Tout comme j’associe dans ma mémoire l’album Before The Dawn Heals Us de M83 à la période post Mars 2011, je pense que cette musique restera pour moi attachée aux événements actuels.