Je repars vers les ombres gagnant le paysage urbain jusqu’à l’effacer presqu’en totalité. J’aime beaucoup travailler l’image jusqu’à la limite où l’on ne peut presque plus identifier ce qu’elle représente. Je joue là encore sur les nuages mais d’une manière beaucoup plus sombre et donc moins lumineuse que la série précédente de compositions photographiques avec d’étranges nuages blancs qui nous entourent. Je suis sans cesse tenté de prendre les nuages en photo et je passe donc en ce moment plus de temps la tête en l’air, que planté à regarder mes chaussures, comme les groupes de shoegazing qui m’inspirent pourtant ce type d’altérations photographiques. Les compositions photographiques de ce billet se promènent du côté d’Odaiba avec le gigantesque robot Gundam qui impressionne par sa taille bien sûr mais également pour son sens du détail. Enfin le sens du détail est ici caché en grande partie par ces nuages envahissants. La première photographie montre un immeuble quelconque sur la rue Meiji en direction de Shibuya. J’aime bien le prendre en photo car il se détache du reste des autres buildings de la rue. Il m’avait inspiré des images maritimes il y a longtemps lorsque je l’avais pris en version floue et légèrement oblique. La deuxième composition photographique nous amène au croisement de Nishi Azabu. Un coursier Uber traverse le carrefour à toute vitesse et je me presse également à le prendre en photo avant qu’il ne s’enfonce dans les nappes de nuages noirs. Mais il y a tellement de coursiers Uber que j’aurais pu prendre en photo le suivant si j’avais loupé celui-ci.
Du haut vers le bas et de gauche vers la droite: Les morceaux エイプリルブル (AprilBlue) du groupe AprilBlue, スーサイド・ガール (Sucide Girl) du groupe SPOOL, デリート (Delete) par ano et 浪漫 (Roman) par le groupe PEDRO.
Il y a quelques points communs entre les quatre pochettes d’albums ou de singles que je montre ci-dessus, que ça soit un focus sur des cheveux plutôt que sur des visages, le cadrage carré, l’emploi de formes rondes ou les coloris dans les tons verts et bleus. J’aime beaucoup ces quatre morceaux et je les écoute très souvent à la suite. Ils ont la particularité d’avoir tous une voix féminine au chant, en général au sein d’un groupe qui peut être mixte. J’ai toujours aimé les groupes mixtes, notamment lorsqu’il y a un duo masculin/féminin au chant, mais je me rends compte que j’écoute principalement de la musique écrite et chantée par des artistes féminines, ces derniers temps. Autant en musique rock occidentale, j’ai plutôt tendance à écouter des groupes avec voix et sensibilité masculines, autant j’éprouve beaucoup plus d’accroche dans la sensibilité féminine du rock japonais. Il y a bien entendu de nombreuses exceptions, mais c’est une tendance que je ressens ces derniers temps. Il y a beaucoup d’exceptions car j’ai énormément d’estime et d’attirance pour des groupes comme Number Girl ou Luna Sea, dans des styles rocks complètement différents et même à l’opposé l’un de l’autre. Quoique Number Girl est bien mixte avec Hisako Tabuchi à la guitare, bien que Shutoku Mukai soit la figure emblématique du groupe. Luna Sea, dans sa période Visual Kei, brouillait les genres en prenant des attitudes androgynes. Le premier morceau en haut à gauche s’intitule エイプリルブル (AprilBlue) et est tiré de l’album Blue Peter du groupe AprilBlue créé par Azusa Suga. Pour ceux qui suivent un peu ce blog, Azusa Suga est également fondateur du groupe For Tracy Hyde dont j’ai évoqué les deux derniers albums New Young City et he(r)art dans des articles précédents. Il écrit aussi des morceaux pour le groupe Ray, sur leur premier album Pink dont je parlais également auparavant. Ce rock indé aux allures pop est écrit et chanté par Haruki Funasoko. Comme souvent sur les morceaux de Suga, j’y trouve une certaine évidence auquel on ne peut échapper. C’est difficile de ne pas se laisser accrocher par cette guitare et par le refrain du morceau. Petit détail qui m’intéresse: le fait que Funasoko chante devant un poster de la pochette de l’album Within and Without de Washed Out sur une série de vidéos faites maison. Voir ce poster me rappelle le sublime morceau Far Away de cet album. Je retrouve ensuite les quatre filles de SPOOL pour leur nouveau morceau intitulé スーサイド・ガール (Sucide Girl). La faute d’orthographe dans la traduction anglaise du titre semble volontaire, ainsi que l’utilisation du mot anglicisé en katakana plutôt que le mot japonais. Les paroles n’ont en fait rien de réjouissant mais ce morceau est superbe, dans l’esprit de ce que je connaissais du groupe sur leur album éponyme. SPOOL est un des groupes de rock indé japonais que je préfère en ce moment. Dans un style différent mais toujours très rock, j’écoute le premier single d’ano, échappée de son groupe d’idoles alternatives au drôle de nom ゆるめるモ! (You’ll melt more!). J’ai déjà un petit peu parlé d’ano sur ce blog, notamment pour sa collaboration avec Towa Tei sur le morceau électronique REM de son album EMO. C’est une personnalité excentrique, voire complètement décalée, comme si elle vivait dans un autre monde. Ceci étant dit, je lui trouve une certaine authenticité que je remarque notamment avec quelques indices: le fait de la voir en photo avec Shutoku Mukai de Number Girl dont je parlais avant, le fait qu’elle accroche les albums Loveless de My Bloody Valentine et Amnesty (I) de Crystal Castles sur le mur de sa chambre, et le fait d’afficher volontairement un album de P-Model dans la vidéo de son premier morceau en tant qu’artiste solo. Je ne connais pas spécialement P-Model, à part de réputation, mais j’adore l’album Technique of Relief de Susumu Hirasawa, fondateur de P-Model. Ce premier morceau intitulé デリート (Delete) bouillonne d’énergie rock, comme si ano avait besoin de dégager un trop plein émotionnel. Le trop-plein se ressent aussi dans la vidéo qui la montre enfoncée dans une chambre remplie d’un bazar à faire pâlir Marie Kondo. Je trouve ce morceau d’ano très beau et prometteur pour la suite si elle continue sur cette même puissance orchestrée de guitares. Le ton est toujours résolument rock mais un peu moins énervé sur le morceau 浪漫 (Roman) de PEDRO. J’en ai déjà parlé sur un billet précédent même j’aime beaucoup écouter ce morceau à la suite de celui d’ano, peut-être parce que comme pour ano, Ayuni semble s’être échappée de son groupe d’idoles (BiSH pour Ayuni, donc) pour aller goûter les joies du rock alternatif avec Hisako Tabuchi de Number Girl à la guitare. J’aurais beaucoup mentionné Number Girl dans ce billet, ce qui veut dire qu’il faudra certainement que je me remette très bientôt à écouter leurs albums.