Ces photographies datent déjà de plusieurs mois mais je ne les avais pas encore montré car je voulais faire quelques recherches sur l’histoire du lieu avant d’en parler ici. Je suis une nouvelle fois dans une situation où le rythme des prises de photos est plus rapide que ma capacité à écrire des billets correspondants. Je dois avoir plus d’une dizaine de billets en brouillon en attente d’écriture. C’est un problème de moindre importance que d’avoir trop de photographies à montrer, mais je préfère parfois n’avoir rien à montrer car ça me permet de réfléchir à des compositions photographiques ou à des nouvelles idées de représentation d’images.
Je parcours cette fois-ci les rues d’Arakichō (荒木町), à proximité de Yotsuya-Sanchōme. Le quartier est animé le soir car on y trouve de nombreux bars et restaurants, mais il était quasiment vide le matin où j’y suis allé. L’intérêt du lieu vient de sa topographie, formant une cuvette avec de nombreuses rues étroites sinueuses et des escaliers de pierre, dont on ne devine pas la présence depuis les grandes avenues Gaien-Higashi-Dōri et Shinjuku-Dōri passant par le carrefour de Yotsuya-Sanchōme. Mari m’avait indiqué l’existence de cet endroit lorsqu’on était passé en voiture à proximité et j’avais vu mentionné Arakichō dans un des guides intitulé Tokyo Suribachi no Tatsujin (東京スリバチの達人) du groupe Suribachi Gakkai (スリバチ学会) qui répertorie des quartiers particuliers de Tokyo en fonction de leur topographie, en particulier ce type de reliefs en vallées et en pentes. Tokyo étant une ville très vallonnée, il y a de nombreux endroits de ce type, mais les pentes sont ici particulièrement accentuées.
En images ci-dessus: 1) un plan de l’époque Edo montrant la résidence du clan Matsudaira avec le vaste étang Muchinoike couvrant une bonne partie du domaine à l’emplacement actuel d’Arakichō, 2) un plan actuel sur Google Maps du quartier d’Arakichō avec en point rouge, ce qui reste de l’étang Muchinoike, 3) une représentation de l’étang du quartier d’Arakichō à l’époque Meiji en 1872.
Arakichō, qui a pris son nom actuel en 1872, était autrefois, à l’époque d’Edo, la résidence d’un seigneur féodal du clan Matsudaira, affilié au shogun Tokugawa leyasu. Une grande partie du quartier était occupée par un vaste jardin avec un étang appelé Muchinoike (策の池) à côté du petit sanctuaire Tsunokami Benzaiten (津の神弁財天). L’étang est toujours présent au fond de la cuvette mais est désormais beaucoup plus petit que celui de l’époque du daimyo Matsudaira. Après la fin du système féodal au Japon en 1868, cette résidence ne fut plus occupée par le daimyo et le jardin fut ouvert au public, pour devenir un lieu pittoresque à l’époque Meiji. De nombreuses maisons de thé avec geisha s’installèrent autour de l’étang, à partir de la seconde moitié de l’ère Meiji. On dit que 200 geisha travaillaient dans ce quartier appelé Arakichō Hanamachi (新木町花街). Ces établissements ont ensuite été progressivement remplacés au milieu du 20ème siècle par les bars et restaurants que l’on peut voir actuellement. L’histoire de Arakichō Hanamachi se termina en 1983 et il ne reste désormais aucune geisha dans le quartier d’Arakichō. On dit que le quartier actuel conserve tout de même un peu de l’atmosphère du Hanamachi.