ゲリラWACK

On dirait bien que l’agence WACK a pris pour habitude d’investir les rues de Shibuya chaque année dans la deuxième partie du mois de Juin. L’année dernière, le visage de AiNA marqué du logo de l’agence était affiché en très grand format en noir et blanc sur la façade du Department Store Tokyu de la gare de Shibuya. A l’époque, je ne connaissais pas la musique des groupes de cette agence d’idoles alternatives, ce qui m’avait inspiré quelques commentaires critiques non informés. Cette campagne publicitaire avait eu le mérite de m’intriguer et de m’inciter en quelque sorte à écouter le dernier album de BiSH qui était sorti à peu près à ce moment là. Bien qu’inégale, j’avais trouvé la musique du groupe très intéressante et les interprétations vocales certes un peu bancales m’avaient convaincu, notamment car le registre musical y est plutôt tourné vers le rock alternatif avec des tendances parfois à la limite du punk rock. J’avais trouvé la musique du groupe très éloignée de l’image que je me faisais des groupes d’idoles. Je n’ignorais pas l’existence de ces groupes d’idoles alternatives, car BiSH n’est pas le premier groupe du genre (BiS de la même agence lui est antérieur) mais la qualité générale des morceaux de BiSH dépassait nettement la moyenne. BiSH est le groupe phare de l’agence WACK dirigée par Junnosuke Watanabe, mais une myriade d’autres groupes s’est petit à petit développée autour de BiSH. A part quelques morceaux piochés par-ci par-là chez BiS ou EMPiRE, je ne connais pas les morceaux des autres groupes.

Je découvre d’abord le panneau de la première photographie derrière la rangée d’immeubles bordant l’avenue Meiji et au dessus de la rivière bétonnée de Shibuya au dessus d’un petit garage à vélo grillagé. Je reconnais le visage d’Atsuko Hashiyasume de BiSH, ce qui me fait comprendre qu’il s’agit d’une campagne publicitaire pour l’agence plutôt que pour le groupe car je ne reconnais pas les autres personnes sur les photographies entourées de noir. Chacune des photos est d’ailleurs marquée du logo de l’agence (un étrange signe McDonald barré deux fois comme pour indiquer une correction), d’un hiragana à chaque fois différent, et d’un trait courbe de couleur fluorescente. Tout ceci est très intriguant. L’emplacement, à l’abri des regards, ne m’étonne pas beaucoup car j’avais déjà vu ici une photographie d’un champ de tournesols en noir et blanc de Daido Moriyama pour l’exposition temporaire intitulée SHIBUYA / 森山大道 / NEXT GEN. Il y a d’ailleurs assez régulièrement des expositions de rue organisées dans les rues de Shibuya et j’aime partir à leur découverte, quand je suis au courant qu’une exposition se déroule. C’est d’ailleurs rarement le cas, car je ne pense pas que ces expositions soient annoncées à l’avance, ce qui fait d’ailleurs tout l’interêt de la chose et une des raisons pour lesquelles j’aime me promener dans Shibuya, dans les rues en dehors du centre. Je connais par contre à peu près les endroits où sont en général affichées les photographies de ce genre d’exposition de rue. Je marche ensuite vers le sanctuaire Konnō Hachiman-gū où j’y découvre, sans grande surprise mais avec une pointe de satisfaction, d’autres photographies affichées les unes à côté des autres (sur la troisième photographie du billet). Un peu plus haut dans la même rue, deux autres photos sont accompagnées d’un court texte. Une des photos montre Junnosuke Watanabe. Il semblerait donc que certaines photos soient accompagnées de textes ce qui me fait penser au jeu japonais traditionnel Karuta basé sur les poèmes hyakunin isshu, auquel on joue à la maison pendant les fêtes du début d’année (je perds d’ailleurs à chaque fois). Les figures historiques seraient ici remplacées par les visages de l’agence WACK et les poèmes par d’autres phrases courtes comme des poèmes urbains. Cette découverte éveille quelque peu ma curiosité et réveille l’otaku latent qui sommeille en moi, mais que j’essaie de laisser endormi le plus possible. J’envie parfois la dédication sans failles des otakus, qui vivent pleinement leur passion, même si le bonheur qu’elle procure n’est qu’artificiel. Mais je n’ai pas le temps nécessaire ni le désir suffisant de ‘complétisme’ (construire une collection complète de choses) pour devenir otaku. Il me démange tout de même de découvrir s’il existe d’autres photos Karuta et je retourne donc le soir dans le centre de Shibuya voir si d’autres photos sont affichées aux endroits prédéfinis que je connais. Je trouve comme prévu d’autres séries dans les allées souterraines dessous le grand carrefour de Shibuya, notamment dans les escaliers près de la tour Q-Front. A ce même endroit, j’avais découvert il y a quelques mois l’exposition temporaire du photographe Tomokazu Yamada appelée Beyond City, où on apercevait notamment Kom_I au milieu d’un Shibuya en destruction/construction. Dans les allées souterraines qui mènent vers la gare, on peut voir cette fois-ci les visages de AiNA la tête en arrière et de AYUNi D faisant une grimace. J’aurais envie de partir à la recherche des autres affiches dans les rues de Shibuya mais le temps manque déjà et j’en resterais donc là.

De retour à la maison, quelques recherches sur internet me confirment que ces affiches font bien référence au jeu traditionnel Karuta. Il y a en tout 46 cartes comprenant tous les membres de l’agence avec le CEO de WACK Junnosuke Watanabe mais sans le musicien et compositeur Kenta Matsukuma. Chaque carte montre une photo et un message écrit par chaque membre au dos de la carte. Le jeu entier était même proposé à la vente pour 2750 Yens en quantité limitée depuis le 30 Juin mais était aussitôt en rupture de stock dès le premier jour de vente. Cette série mise en scène dans les rues de Shibuya du 15 au 30 Juin 2020 prend pour titre「それでも、音楽は、死ねない。」qu’on pourrait traduire par « Malgré cela, la musique ne peut pas mourir « . Je ne connais pas le sens exact du « Malgré cela », mais il s’agit peut être d’ironie de la part de Watanabe essayant de nous dire que malgré la moindre qualité de la musique qu’il produit (c’est le sens du mot wack), la ‘musique’, elle, ne meurt toujours pas, en sous-entendant que l’on peut donc continuer sur cette voie. Ceci étant dit, je ne pense pas que Watanabe ait des doutes sur la qualité de ses productions mais je pense plutôt qu’il cultive volontairement cette ambiguïté, qui rend d’ailleurs cette agence plutôt atypique. Le message que Watanabe publie sur un site web construit exprès pour l’occasion donne également une idée de son approche en dehors de ce qui est communément établi au Japon, en célébrant les individualités plutôt que de faire l’éloge du groupe. Il l’écrit assez clairement sur cette page web, mais prévient qu’il peut se tromper. Il n’y a rien de choquant dans ces affirmations car l’exercice artistique qu’il nous livre sous forme de guérilla publicitaire dans les rues de Shibuya n’est au final qu’une somme d’individualités, même s’il entend casser cette somme. Les messages sur les cartes sont apparemment écrits par chaque membre des groupes mais je ne me suis pas amusé à essayer de tous les déchiffrer car certains sont plutôt obscurs. En voici quelques exemples: 生きてて良かったって初めて思えたのは必死になることを覚えたから (La première fois que j’ai ressenti la joie d’être en vie est quand je me suis souvenu du moment où j’étais désespérée), 愛がないやつは何をやってもダメ (Une personne sans amour ne peut rien faire de bon) ou encore le message plus anticonformiste 右ならえ、前ならえ、うるさい!僕は後ろ向く(Suivre à droite, suivre devant, insupportable ! Moi, je me tourne vers l’arrière). Difficile de dire si ces phrases correspondent à une vraie manière de penser ou à une attitude. J’ai tendance à penser qui s’agit d’une méthode de penser gentiment transgressive que Junnosuke Watanabe insuffle à ses équipes pour fonder l’esprit de l’agence. On peut ensuite s’amuser à imaginer à quoi ressemblent les formes aux couleurs fluorescentes, superposées sur les photos des Karuta, quand le puzzle est reconstitué pour avoir une meilleure idée du personnage. Toujours est-il que j’aime beaucoup découvrir ce genre d’expositions urbaines au hasard des rues. Celle-ci m’a d’ailleurs donné envie de réécouter la discographie de BiSH en ordre antichronologique.

Les photographies de ce billet ont été prises le 29 Juin. Le 2 Juillet, tout avait déjà disparu comme on peut le constater sur cette dernière photographie des escaliers du Q-Front près du grand carrefour de Shibuya.

black is beautiful さ

Je reviens assez régulièrement vers ce type de composition photographique où la beauté du noir prend le dessus sur les motifs de l’image. Pour créer ces images, je superpose plusieurs photographies de ciels nuageux jusqu’à noircir et cacher complètement la photographie d’origine. Je gomme ensuite les couches de nuages les unes après les autres, par petites touches sélectives, pour révéler certains éléments de l’image originale. Je fais en général des essais sur plusieurs photographies, pour ne retenir finalement que quelques unes que je publierais dans un billet du blog. J’aime quand des couleurs vives se dégagent du magma obscur, comme un rayon de soleil se frayant difficilement un chemin entre d’épais nuages. Je perçois dans ce type de constructions (ou plutôt de dé-construction) de l’image une notion de ‘combat’, comme dans la musique rock entre la voix humaine et la puissance écrasante de la partition musicale. L’album Double Negative du groupe Low est un très bon exemple de cette dualité que j’essaie souvent de représenter en photographies. C’est un de ces albums vers lequel je reviens régulièrement pour me rappeler la direction que doit prendre ce site.

Image extraite de la vidéo sur YouTube du morceau OTNK du groupe BiSH sur l’album FAKE METAL JACKET sorti en Janvier 2016.

Je continue doucement mais sûrement à écouter la discographie du groupe BiSH de l’agence d’idoles alternatives WACK, avec un album plus ancien intitulé FAKE METAL JACKET, sorti en Janvier 2016. Le titre est bien entendu inspiré du nom du film de Stanley Kubrick et on trouve d’ailleurs un personnage qui ressemble au sergent sadique de Full Metal Jacket dans le clip d’un des morceaux appelé MONSTERS. L’ensemble de l’album s’apparente plus au registre pop rock que leur dernier album CARROTS and STiCKS qui partait parfois dans des extrêmes punk sur quelques morceaux. Il y a beaucoup plus de consistance sur FAKE METAL JACKET, malgré les déchaînements de guitares par moments, comme sur le morceau MONSTERS, pour le citer encore. Les morceaux sont tous très accrocheurs et ne laissent pas une seconde d’ennui. Certains des morceaux de cet album sont des nouvelles versions, très similaires d’ailleurs, de leur premier opus, Brand-New Idol Shit. Rappelons, qu’avec toute la délicatesse du producteur Junnosuke Watanabe, BiSH ビッシュ tire son nom de Brand-new idol SHit (en japonais Shinsei Kuso Idol, 新生クソアイドル). Il s’agit en fait, initialement du moins, d’une réflexion sur les travers de cette industrie, sur l’attitude ‘Marche ou crève’ que doivent subir les membres de ce genre de groupes pour espérer y subsister. Je ne suis pas sûr que la réflexion de Watanabe soit très poussée ceci dit, mais la vidéo du deuxième morceau de l’album BiSH -Hoshi ga Matataku Yoru ni (BiSH -星が瞬く夜に) reflète cette idée. Ce morceau ressemble d’ailleurs à un hymne, tout comme un autre morceau Beautiful さ, qui est un des morceaux emblématiques du groupe (et qui m’inspire le titre de ce billet). Le sixième morceau OTNK, dont la vidéo assez fantaisiste voit le groupe attaqué par un crabe géant, est le premier single du groupe sorti en 2015 et fait partie des morceaux remarquables de l’album. Le rythme se tasse un peu vers la fin de l’album mais se rattrape avec l’avant dernier morceau intitulé Dear…, qui a une composition différente du reste de l’album avec des moments parlés. On ne trouvera malheureusement pas sur cet album des grands morceaux symphoniques comme My Landscape, DiSTANCE ou Stereo Future, style qui apparaîtra sur les albums et EPs qui suivent.

ステレオフォニック•フューチャー

J’aime beaucoup l’immeuble aux ouvertures courbes de tailles variables que l’on voit sur la première photographie. Ce building posé sur la grande avenue d’Aoyama a des formes organiques. Nous sommes, sur cette série, la même journée que sur le billet précédent mais un peu plus tard alors que la lumière du soleil commence à baisser un peu. Il n’est pourtant pas très tard dans d’après-midi, mais les ombres s’étendent déjà pour prendre des tailles surhumaines. Nous sommes au mois de novembre et c’est un des mois les plus agréables pour se promener dans les rues de Tokyo. On aimerait pourtant sortir de Tokyo mais les occasions se présentent peu en ce moment à part notre dernier passage à Kamakura. Nous n’avons pas encore apprécié les feuilles rougeâtres d’automne, à part celle que j’ai pu voir de manière parsemée sur le building blanc Omotesando Branches de Sou Fujimoto. Je me demande d’ailleurs s’il s’agit véritables branches plantées sur cet immeuble.

Extraits des vidéos sur YouTube des morceaux stereo future et KiND PEOPLE du groupe BiSH sur deux EPs sortis à une année d’intervalle, respectivement en novembre 2018 et novembre 2019.

Le morceau Stereo Future sorti l’année dernière est de la même trempe qu’un morceau comme My Landscape dans le sens où il s’agit d’un pop-rock très orchestré sur laquelle les voix du groupe s’additionnent et grimpent en intensité à mesure que le morceau avance. J’aime beaucoup cette succession rapide des voix même si elles sont inégales en puissance. AiNA pousse à chaque fois les morceaux dans leurs derniers retranchements tandis que Ayuni apporte un contraste aiguë qui transperce l’espace. C’est un morceau encore une fois très spatial. Cette notion d’espace est d’ailleurs toujours très présente dans les morceaux de BiSH. Après le désert de Mojave et son cimetière d’avions sur My Landscape, la vidéo de Stereo Future se déroule dans une ancienne mine de pierres dans la province de Tochigi près d’Utsunomiya. On y découpait la pierre de Ohya à l’aide de machines mécaniques dont les premières dans les années 50 étaient d’origine française. Mais l’utilisation de la pierre de Ohya est plus ancienne. Elle fut à l’origine utilisée pour les tombes, pour être ensuite utilisée comme matériau architectural à l’ère Edo. La pierre était réputée comme étant résistante aux effets des tremblements de terre et aux incendies. Cette pierre fut même utilisée en 1922 par l’architecte Frank Lloyd Wright pour l’ancien Imperial Hotel, dont quelques restes ont été déplacé au parc Meiji-Mura 博物館明治村 dans la province de Aichi, près de Nagoya. Les mines de Ohya ne sont plus actives et sont désormais une propriété privée, mais on peut visiter ses tunnels à travers le projet OHYA UNDERGROUND qui propose des visites, et loue également ces espaces pour des événements, films ou vidéos musicales comme celle de BiSH ci-dessus. En regardant cette vidéo pour la première fois, j’ai d’abord pensé qu’elle avait été tournée dans les mines de pierres Awa de Nokogiri Yama à Chiba, un endroit très particulier que l’on avait parcouru dans la chaleur du mois d’août, il y a trois ans. Tout comme les plus récents morceaux DiSTANCE sur leur dernier album, NON TiE-UP auparavant, ou My Landscape, cette vidéo de Stereo Future a une ambiance très cinématographique et panoramique, qui se marie bien avec l’atmosphère et la tension du morceau. Je vois ces quelques morceaux comme une marque de fabrique de la musique et de l’imagerie du groupe, et c’est là où BiSH (et son producteur Junnosuke Watanabe) est remarquable et ne s’assimile pas à un simple groupe d’idoles (ou anti-idoles) japonaises lambda. Le dernier single de BiSH est en fait un EP de deux titres, KiND PEOPLE et RHYTHM (リズム). Je n’écoute pour l’instant que le premier morceau, accompagné également d’une belle vidéo aux contrastes de couleur très poussés. Plus que cinématographique, cette vidéo est axée sur la chorégraphie de groupe (très populaire au Japon en ce moment dans les écoles). Le morceau est musicalement moins percutant que ceux dont je parlais avant et le style de la vidéo, sur un toit d’immeuble à Tokyo peut être (je ne reconnais pas le pont derrière), n’est pas spécialement novateur, mais j’aime tout de même beaucoup ce morceau au fur et à mesure qu’il se développe.

戦え

Tous ces événements ne me donnent pas trop envie d’écrire, et j’ai assez peu de nouvelles photographies car nous avons passé une bonne partie du week-end dernier, le temps du passage du typhon, à l’abris à la maison. Pas de dégâts autour de nous à part un ou deux panneaux retournés par le vent. La situation est bien différente dans le Nord du Japon avec de nombreuses inondations, qu’on montre beaucoup à la télévision. La victoire exceptionnelle de l’équipe japonaise au Rugby contre l’Ecosse a du mal à faire oublier ces événements. Les joueurs en parlent tous en interview à la fin du match. Je montre plutôt des photographies prises il y a déjà un mois au parc olympique de Komazawa. C’est un endroit que j’aime beaucoup même quand il pleut, notamment pour l’architecture du stade, du gymnase et de la tour en paliers sur un côté de la vaste place centrale. Je m’aventure un peu autour du parc pour y découvrir quelques maisons intéressantes et un jardin public avec des jeux pour enfants très colorés, contrastant avec la grisaille de cette journée là.

Extraits des vidéos sur YouTube des morceaux My Landscape et GiANT KiLLERS du groupe BiSH sur leur album THE GUERiLLA BiSH sorti en 2017.

Une nouvelle opération marketing de Wack propose chaque album du groupe d’idoles alternatives BiSH au prix de 300¥ sur iTunes pendant une journée seulement le 11 Octobre, alors je me laisse tenter par l’avant dernier album du groupe intitulé THE GUERiLLA BiSH. Je n’écoute pour l’instant que deux morceaux de l’album, car je ne sais pour quelle raison, j’ai envie d’y revenir sans cesse. Le premier morceau My Landscape est un morceau pop alternant moments de calme à la fois symphonique et panoramique avec des moments de tensions vocales, comme BiSH sait si bien le faire. On se laisse facilement prendre par le rythme et les accélérations de ce morceau. Le deuxième morceau que j’écoute en boucle est GiANT KiLLERS. Ce morceau ressemble à un hymne, ce qui me paraissait tout d’abord un peu rebutant, la première fois que j’ai entendu ce morceau il y a plusieurs mois. Je ne sais pourquoi il prend une autre dimension pour moi maintenant. J’aime le rythme effréné et l’alternance des voix, qui font de ce morceau une sorte de bulldozer sonore inarrêtable. Cette tension devient vite contagieuse, surtout quand on regarde le groupe en Live dans la grande salle de Makuhari Messe alors que les mouvements de foule tournent comme un tourbillon de typhon. Écouter ce morceau me libère d’un certain stress que j’ai du mal à expliquer mais qui doit être très lié aux événements de ce week-end en dehors de Tokyo, et à des réminiscences de mars 2011, même si les deux événements n’ont pas vraiment la même ampleur.

Et à propos, les plus attentifs et curieux visiteurs auront peut être remarqué un lien additionnel vers un site Tumblr dans la barre du menu. Je maintenais auparavant un site Tumblr contenant des liens vers une multitude de choses hétéroclites, parfois des images ou des vidéos, des choses que j’avais vu ou lu et que je gardais comme sur un bloc-notes car elles pouvaient m’inspirer un jour ou l’autre sur Made in Tokyo. J’ai effacé ce site Tumblr sur un coup de tête sans vraiment le regretter car il n’y avait pas de contenu qui m’était propre, seulement des re-publications d’autres articles sur Tumblr. C’est d’ailleurs le mode principal de fonctionnement de Tumblr. J’ouvre maintenant une autre page Tumblr intitulée, de manière énigmatique, Daydream Number 5. J’y re-publie des vidéos vues sur YouTube que je veux garder en mémoire, principalement de la musique japonaise. Je ne suis pas sûr de maintenir cette page pendant longtemps mais j’aime l’idée d’y réunir les morceaux que j’aime et dont je parle déjà, pour la plupart, dans des articles de Made in Tokyo.

stranger than BiSH

La saison des pluies était omniprésente au mois de juin car il pleuvait pratiquement tous les jours, mais continue malheureusement en ce début du mois de juillet, particulièrement froid (et agréable de ce point de vue) pour la saison. Quand il ne pleut pas, le ciel est tellement couvert qu’on peut craindre une averse à tout moment. Je ne me souviens pas qu’il y avait eu autant de jours de pluie l’année dernière pendant cette même saison. Lorsque je sors samedi matin un peu avant midi, un léger filet de pluie ne m’arrête pas. Il faut dire que depuis le week-end dernier avec mon cousin, j’ai pris une certaine habitude à marcher sous la pluie sans parapluie et je me sens comme immunisé. Je marche vers le centre de Shibuya en réfléchissant à quel pourrait être cette fois le sujet principal de mes photographies. J’avais en tête de prendre en photo une grande affiche que j’avais vu auparavant à l’intérieur de la gare. Je ne la prendrais finalement pas en photo car elle a déjà disparu, mais resterais sur mon idée de saisir en images ces grandes affiches qui changent souvent à Shibuya. Depuis que j’ai pris en photo la grande affiche de l’agence Wack sur la façade de la gare de Shibuya, celle qui montrait le visage de Aina The End du groupe BiSH, marqué du logo de l’agence, l’intérêt me revient de saisir ces grandes fresques commerciales dans leur environnement urbain.

En ce moment, la série Netflix Stranger Things 3 envahit les rues de Shibuya. Je n’ai pas eu besoin de me laisser convaincre par ses affiches pour commencer à regarder la série, car j’avais suivi cette histoire fantastique avec une ambiance des années 80 depuis la première saison. J’attendais cette troisième saison avec beaucoup d’impatience et j’ai dévoré les 8 épisodes pendant le week-end. L’effet de surprise de la première saison n’est bien sûr plus trop présent. La satisfaction de voir l’histoire se dérouler dans les années 80 s’est également beaucoup érodé et le scénario se répète un peu et devient même très prévisible. Mais, cette troisième saison est tout de même passionnante, et il faut bien dire assez effrayante. La série finit quand même par s’essouffler et je ne pense pas qu’une quatrième saison soit nécessaire, à moins de repartir sur d’autres personnages et d’autres lieux.

Mais revenons aux affiches de Shibuya. J’aime beaucoup la taille du visage sur l’affiche de la première photographie, notamment quand on mélange ce grand visage avec la silhouette des passants. Sur le bord de la photographie, une dame tout sourire semble poser pour ma photographie mais il s’agit plutôt d’une coïncidence heureuse.

Les photographies prennent une inspiration musicale quand j’aperçois une guitare Gibson SG seule au milieu d’une devanture d’une boutique de mode. Elle me rappelle ma Gibson noire que j’ai malheureusement vendu il y a très longtemps. Il faut dire que je ne savais jouer aucun air connu et mon approche « guitaristique » était plutôt expérimentale. Je l’avais acheté à l’époque avec un amplificateur Marshall et avec la ferme intention d’apprendre à jouer. Mais la difficulté de la tâche à dépasser mes illusions les plus optimistes. Une mauvaise chute sur le manche avait mis en miettes tous mes efforts et j’avais finalement vendu la guitare et l’ampli au Book Off pour un assez bon prix d’ailleurs. Cette guitare posée là me donne envie d’aller faire un tour vers le magasin de disques Tower Records de Shibuya. Je n’ai rien à acheter en tête mais j’aime aller me promener dans les rayons pour aiguiser ma curiosité musicale. Une des nombreuses grandes affiches couvrant l’entrée du magasin montre le groupe d’anti-idoles, ou idoles alternatives, BiSH en photo pour la sortie de leur troisième album intitulé CARROTS and STiCKS (toujours avec des « i » en minuscule). Je suis presque sûr que chacun des deux mots de ce titre assez énigmatique est en fait un acronyme inventé par l’esprit décalé du producteur Junnosuke Watanabe. J’avais fait quelques pics faciles dans un billet précédent sur l’agence Wack dont BiSH est le groupe principal, mais en voyant là sous mes yeux l’annonce de ce nouvel album, ma curiosité m’a poussé à aller écouter ce que ça donne. Je sais que le groupe et son producteur sont capables de concevoir des bons morceaux. Je sais également que l’esprit rock et décalé du groupe est bien présent, s’ils veulent se donner la peine de le laisser s’exprimer pleinement dans la musique qu’ils construisent. Je suis en fait curieux de savoir si la direction prise sera celle du morceau NON TiE-UP que j’avais apprécié à l’époque.

Sur les deux photographies ci-dessus prises à l’iPhone, l’affiche de l’album CARROTS and STiCKS du groupe BiSH à l’entrée du magasin de disques Tower Records de Shibuya et, à l’intérieur, des affichettes typiques complètement faites à la main (un des nombreux paradoxes très japonais pour un pays technologique utilisant encore beaucoup ce genre d’affichages faits à la main). Sur l’affiche, les six membres de gauche à droite: AiNA THE END (アイナ・ジ・エンド), LiNGLiNG (リンリン), CENT CHiHiRO CHiCCHi (セントチヒロ・チッチ), MOMOKO GUMi COMPANY (モモコグミカンパニー), AYUNi D (アユニ・D) et HASHiYASUME ATSUKO (ハシヤスメ・アツコ).

J’écoute les morceaux du nouvel album de BiSH sur iTunes en rentrant à la maison et je suis très agréablement surpris par la qualité générale de l’album. Le premier morceau DiSTANCE est d’ailleurs assez grandiose, avec une vidéo aux couleurs magnifiques et aux paysages fantastiques, un peu comme sur la vidéo de NON TiE-UP. Le morceau a tout de suite des allures de single. J’aime beaucoup les notes de guitare et la passion vocale que déploie le groupe. Cet album est résolument de style rock même s’il flirte avec la pop à de nombreuses occasions. Il y a quelques morceaux particulièrement agressifs musicalement comme le deuxième morceau Tsui ni Shi (遂に死) et le quatrième FREEZE DRY THE PASTS. Ce sont également quelques uns de mes morceaux préférés car le bruit et la fureur des guitares est sans compromis. C’est avec ce type de morceaux que BiSH se positionne clairement en groupe anti-idole, et ce sont ces morceaux qui m’accrochent à l’album. La vidéo accompagnant le morceau Tsui ni Shi (finally death) est également des plus agressives, jusque dans la typographie rouge utilisée. Ce deuxième morceau vient d’ailleurs contrasté avec le morceau juste après, comme un jeu de chaud et froid. Ce troisième morceau MORE THAN LiKE est beaucoup plus pop, mais toujours avec un rythme très accrocheur, qui me rappelle un peu ce qu’on peut entendre chez le groupe Radwimps. Ce n’est pas un morceau particulièrement original et c’est d’ailleurs le cas de quelques morceaux de cet album, qui n’ont pas un style résolument novateur, mais qui restent malgré tout très accrocheurs et très bien construits. Le quatrième morceau FREEZE DRY THE PASTS est certainement le plus décalé, alternant les moments calmes parlés et le bruit presqu’inaudible d’un magma de guitares qui démarre subitement sans prévenir. Il y a comme une harmonie dans cet océan de bruit où on entend à peine les voix mais où les flots subtils attirent nos oreilles. Ces passages bruyants où les voix se noient dans le bruit des guitares ont même un côté addictif. CHOP ensuite part sur un autre style musical plus électronique mais tout aussi agressif voire même poussif dans le rythme.

Images extraites de la vidéo sur YouTube du morceau DiSTANCE sur le troisième album CARROTS and STiCKS du groupe BiSH.

Dans presque tous les morceaux, la voix de Ayuni D, alias PEDRO lorsqu’elle est en solo, se fait remarquer par ses accents aigus et une façon de chanter un peu particulière qui ne plaira pas à tous, contrastant avec les voix du reste du groupe, beaucoup plus portantes. Je trouve que son chant apporte quelque chose d’interessant dans l’ensemble d’un morceau. Le sixième morceau I am me. ressemble également à un single, beaucoup plus posé comme morceau de pop rock dynamique avec des allures de rock indépendant. Dans cet album, il y a tout de même des morceaux que j’aime beaucoup moins comme NO SWEET, qui ressemble trop à ce qu’on peut attendre d’un groupe d’idoles classiques. Bien sûr, il y a des petits détails décalés comme le fait que l’on puisse entendre une des chanteuses, je pense AiNA, reprendre sa respiration à chaque paroles chantées. Disons qu’il y a quelques morceaux sans véritable personnalité, mais ils sont heureusement assez peu nombreux. J’ai toujours un faible pour les morceaux les plus puissants comme O・S ou FiNALLY où les paroles scandées façon rap de manière très rapide font leur effet. FiNALLY est un de mes morceaux préférés de l’album avec Yasashii PAIN (優しいPAiN), un morceau de rock indé assez différent du reste de l’album.

Toujours est-il que cet album est très consistant. J’avais un peu peur que certains morceaux soient mièvres ou kawaii (ce que je n’aime pas en musique, à part pour Kyary car le kawaii y est décalé), mais ce n’est pas le cas sur cet album. Il s’agit en fait d’un album résolument rock avec des passages puissants et désarçonnants et d’autres plus pop-rock. En fait, ce groupe brouille les pistes car on ne s’attend pas à ce qu’un groupe d’idoles, même alternatives, chantent ce style de musique de manière si convaincante et efficace. Tout doit être bien entendu très étudié par le producteur, mais au final, ce sont des morceaux qu’on a envie d’écouter en boucle.